Page images
PDF
EPUB

chose d'utile aux progrès de la physique. Nos historiens modernes sont fort embarrassés de la masse des documens que renferment les feuilles quotidiennes et les mémoires particuliers: il en est de même pour les physiciens qui veulent constituer un ensemble de toutes les observations publiées depuis quelques années sur le magnétisme terrestre. On a d'abord songé à se procurer ces observations, il faut maintenant trouver un moyen de les utiliser. C'est là un beau sujet de prix pour les académies!

Il y a en Angleterre un district où les tremblemens de terre sont presque continuels. Il serait curieux de voir si l'aiguille aimantée en ressentirait l'influence. On sait qu'après une de ces crises de la nature, M. de Humboldt a trouvé en Amérique que la direction de la boussole avait été notablement changée, ce qui indiquait un changement dans la direction que suivaient les courans électriques. Or la dislocation des couches du sol doit probablement produire des effets du même genre.

Outre les pôles magnétiques, il y a d'autres points remarquables sur le globe: ce sont ceux où la force magnétique est plus grande ou plus petite que dans les régions environnantes. Ces points ont été appelés poles ou foyers d'intensité. Le mot de foyers semble une dénomination assez bizarre, car c'est en Sibérie et au Canada, c'est-àdire dans les deux localités les plus froides des deux continens, que sont situés deux de ces foyers d'intensité. Ils paraissent du reste agir énergiquement l'un et l'autre sur les aurores boréales, qui tantot ont leur milieu dirigé vers le foyer de l'est, tantôt vers le foyer d'intensité de l'ouest. C'est à ce dernier que sont coordonnées nos aurores boréales de France et d'Europe. Les cartes de Gauss donnent aussi des points de plus faible intensité. L'île de Sainte-Hélène occupe un de ces points. En général, la force magnétique du globe va croissant des régions tropicales vers les pôles, et elle varie plus que du simple au double entre les localités où l'intensité est la plus forte et celles où elle est à son minimum. Si l'on pouvait admettre que c'est aux endroits où la croûte solide du globe est la plus épaisse que se trouvent situés les points de moindre intensité, ces points acquerraient par là une importance très grande. C'est dans les régions polaires qu'on trouve les plus grandes intensités, et c'est en hiver que l'intensité est la plus forte, car la chaleur est contraire à la conductibilité électrique, et l'on a observé que quand un câble télégraphique sous-marin atteint une grande profondeur dans une eau par suite plus froide, la transmission électrique gagne sensiblement par l'augmentation d'énergie du courant qui parcourt le fil porteur des dépêches.

On a cherché, en s'élevant sur les montagnes et en ballon et en

descendant dans les mines profondes, à reconnaître quelles variations subit le magnétisme de la terre quand on se rapproche ou qu'on s'éloigne de son centre, mais on n'a rien obtenu de positif et de bien avéré sur ces questions, où cependant sont intervenus MM. Gay-Lussac, Biot, de Humboldt et Bravais.

La conclusion à laquelle nous ramènent ces diverses observations, c'est que notre globe est un vaste aimant sphérique qui doit son magnétisme à des courans électriques allant de l'est à l'ouest, et qui éprouvent des influences appréciables du soleil et de la lune, considérés eux-mêmes comme d'autres aimans. De plus, la chaleur du soleil tourmente de mille manières les élémens magnétiques de ce globe, lesquels subissent encore des changemens séculaires, dus sans doute aux modifications de la constitution intérieure de la terre, et qui pourront, dans un avenir lointain, nous fournir des lumières sur ce qui se passe dans ces invisibles et inaccessibles régions, et enfin, suivant le vers de Virgile,

Pandere res altà terrâ et caligine mersas.

« Révéler les secrets du monde souterrain! »

BABINET, de l'Institut.

TOME XI.

39

DES

ÉVÉNEMENS DE L'INDE

<<< Deux lois ennemies se contemplent en rugissant; elles pourraient se toucher pendant l'éternité, sans pouvoir jamais s'aimer. Entre elles, point de traités, point d'accommodement, point de transaction possible..... La guerre entre nous est naturelle, la paix forcée. Dès que le chrétien et le musulman viennent à se toucher, l'un des deux doit servir ou périr. » Ainsi disait l'homme inspiré qu'on a appelé le prophète du passé, Joseph de Maistre. Il s'est trouvé qu'il avait aussi prophétisé l'avenir, car les événemens dont l'Inde est aujourd'hui le théâtre ne sont que l'accomplissement de ses paroles. Il ne faut pas s'y tromper, et c'est ce qui doit rallier à la cause de l'Angleterre quiconque porte un cœur libre, la guerre de l'Inde n'est encore qu'une des phases de la lutte de la barbarie et de la civilisation; c'est encore le duel du Coran et de l'Évangile. La lutte que les Anglais soutiennent en ce moment dans l'Inde n'est qu'un des actes du drame de notre civilisation. Charles-Martel au champ de bataille de Poitiers, Godefroy de Bouillon et saint Louis aux croisades, l'Espagne à Grenade, Juan d'Autriche à Lépante, Sobieski à Vienne, Charles X à Alger, sont les acteurs et les héros de cette grande tragédie, aujourd'hui transportée dans le vieux monde asiatique. La révolte de l'Inde est tombée sur l'Angleterre comme la foudre; elle a fait jaillir un tourbillon de poussière, de ruines et de ténèbres dans lequel il est difficile de se reconnaître. Cependant la lumière commence à se faire dans ce chaos, et, à nos yeux, il en ressort clairement que c'est l'islamisme qui tente un suprême effort pour ressaisir dans l'Asie l'empire que pour jamais il a perdu en Europe.

Un des témoignages les plus visibles de la présence de l'islamisme au fond de cette révolte, ce sont précisément les cruautés abominables dont elle a été souillée. Jamais, livrés à eux-mêmes, à leurs instincts, à leur nature, à leurs traditions, jamais les Indiens n'auraient commis de pareils actes de barbarie. L'Indien est naturellement doux et passif, il est patient et tolérant. Au contraire le premier dogme de l'islamisme est l'extermination des infidèles; c'est la conquête par le fer et par le feu. Mahomet promet les félicités éternelles à tous ceux qui feront la guerre aux ennemis de sa religion, et le croyant acquiert autant de gages pour le paradis qu'il massacre de femmes et d'enfans. Dans cette série d'horribles outrages accomplis dans l'Inde sur les femmes prisonnières, il ne faut pas voir seulement la soif de sang et de luxure de bêtes sauvages; il y faut signaler aussi un plan systématique, un dessein religieux et politique, suivi avec une résolution et une constance infernales. Ce n'est pas sans raison qu'il a été dit que partout où il se commettait des excès sanglans, des actes extraordinaires de cruauté, on reconnaissait la trace du fanatisme religieux. En déshonorant les femmes des chrétiens, les musulmans voulaient déshonorer la religion chrétienne. On sait avec quel soin jaloux les femmes sont, chez eux, soustraites aux yeux des hommes; les regards étrangers sont pour les femmes des musulmans comme autant d'attouchemens profanes. Il y a quelques mois, on riait des précautions que prenait la reine d'Oude en débarquant en Angleterre pour se dérober à la vue du public, et du triple rempart de voiles dans lequel elle s'enveloppait; mais cela seul donne la mesure de l'outrage que dans leur pensée les révoltés mahométans faisaient subir aux malheureuses femmes tombées dans leurs mains. Il est hors de doute que ces atrocités faisaient partie d'un système, et un journal anglais a pu dire justement : « Il faut qu'on sache, quoi qu'il nous en coûte de le dire, que les femmes et les jeunes filles tombées aux mains de la populace de Delhi ont été promenées en procession pendant plusieurs heures dans la rue principale de la ville, avec toutes les horreurs qui pouvaient les dégrader aux yeux de la population, avant de subir les dernières brutalités et les dernières cruautés qui ensuite ont été accomplies sur elles aux yeux de milliers d'hommes. Tout cela a été fait avec le propos délibéré de déshonorer l'Angleterre, l'Europe, la domination chrétienne et une reine chrétienne. »>

Un autre signe encore de la prédominance des mahométans dans la révolte, c'est le concert remarquable avec lequel les insurgés se sont concentrés sur Delhi, et l'empressement qu'ils ont mis à rétablir sur le tròne le descendant des empereurs. Delhi est la capitale de l'islamisme dans l'Inde; il en est le siége traditionnel et monumental.

C'est la ville sainte vers laquelle les anciens dominateurs et tyrans du pays tournaient toujours leurs regards, et vers laquelle ils ont immédiatement dirigé leur marche. En ce moment encore, on dit que les Indiens restés fidèles à l'Angleterre ne pensent qu'avec douleur au châtiment réservé à leur cité religieuse, et qu'ils disent à leurs officiers: «< Épargnez Delhi! » A quoi les Anglais répondent avec rage: « Épargner Delhi! Oui, nous en épargnerons une pierre; nous la laisserons pour montrer la place où fut Delhi, et nous passerons la charrue sur les ruines de ses palais et de ses temples... » tandis que d'autres disent, plus altérés encore de vengeance: « Non, nous n'en garderons pas même une pierre; nous sèmerons du sel sur cette ville maudite, et, comme de Sodome et de Gomorrhe, on en cherchera vainement la trace. » Les Anglais auront à juger, quand ils auront repris Delhi, s'il sera de leur intérêt d'exécuter ces sévères menaces; peut-être trouveront-ils à la fois et plus politique et plus facile d'installer à Delhi même le siége de leur gouvernement, et après avoir supprimé cet ignoble fétiche d'empereur qu'ils y avaient conservé, de le remplacer par un préfet militaire, et de planter la croix avec le sabre sur toutes les mosquées.

Car il paraît qu'il y a encore un empereur de l'Inde, une espèce de mannequin que les Anglais laissent assis ou accroupi sur un simulacre de trône, et auquel ils paient encore, sans doute pour la dernière fois, une pension de 4 millions de francs. Les pensions que le gouvernement de l'Inde paie ainsi à des princes dépossédés se montent à environ 25 millions. Le triste héritier de l'empire des Mogols est actuellement dans la position d'un « empereur malgré lui, » et on raconte de lui et de sa cour des scènes qui figureraient convenablement dans l'Ours et le Pacha. A coup sûr, il aurait préféré la jouissance paisible et satisfaite de son palais, de sa pension et de ses femmes, aux dangereuses grandeurs qui lui ont été imposées; mais les révoltés avaient besoin de lui pour drapeau et se sont emparés sans cérémonie de son nom et de sa personne. Jamais sans doute le métier de roi ne lui avait été aussi dur; on le force de sortir au soleil, et on lui tire aux oreilles des coups de fusil qui le font sauter comme si on lui jetait des pétards dans les jambes. Un journal indien a publié une lettre fort curieuse d'un indigène renfermé dans Delhi, et qui dit : « On a pris les princes pour en faire des officiers, les pauvres malheureux! On les force quelquefois à sortir hors de la ville, et au soleil; ils tremblent de tous leurs membres quand ils entendent les canons et les fusils. Ils ne savent pas commander; leurs soldats se moquent d'eux... Le roi envoie des bonbons aux troupes qui tiennent la campagne... La cour, les femmes et les princes regrettent leurs bons jours perdus, et regardent comme

« PreviousContinue »