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Dans la Phrygie.

8 A la bataille, qui fut donnée dans les plaines d'Ipfus, & où tous les Rois de la terValeur de re combattirent, Pyrrhus, quoi qu'encore

Pyrrhus.

Il va en otage en Egypte.

fort jeune, accompagna toûjours Demetrius, renverfa tout ce qui fe trouva devant lui, & fe diftingua parmi les plus braves. Demetrius ayant été défait, il ne l'abandonna point, il lui conferva les villes Grecques, qui lui avoient été confiées, & après le Traité de paix, qu'il fit avec Ptolemée, il alla pour lui en ôtage en Egypte.

Pendant qu'il fut à la Cour de ce Prince,& dans les chaffes, & dans tous les exercices, il donna des preuves de fa force, de fon adresfe, & de fa grande patience dans tous les travaux. Et voyant que de toutes les femmes de Ptolemée, Berenice étoit celle qui avoit le plus de pouvoir, & qui furpaffoit toutes les autres en efprit & en fageffe, il s'attacha à elCarattere de le particulierement; car autant qu'il favoit

Pyrrhus.

méprifer ceux qui étoient au deffous de lui autant favoit-il faire fa cour à ceux qui étoient au deffus, & s'infinuer auprès de ceux qui pouvoient lui être utiles. Et comme il étoit fage & moderé dans fes mœurs & dans toute fa conduite, il fut préferé à beaucoup de jeunes Princes, qui poursuivoient en maIl époufe riage la Princeffe Antigone, que Berenice aAntigone, voit euë de fon premier mari Philippe, avant mier mari que d'être mariée à Prolemée.

fille de Phi

lippe, pre

de Berenice. Après fes nôces il brilla encore davantage

2

&

8. A la bataille, qui fut donnée dans les plaines d'Ipfus, où tous les Rois de la terre combattirent.] Il dit que tous les Rois de la terre y combattirent, parce que là étoient Lyfimachus, Seleucus, Ptolemée; Caflandre,

An

Il obtient

gyptc.

& fut encore plus eftimé, & par le fecours de fa femme Antigone, qui avoit beaucoup de vertu, il obtint des troupes & de l'argent pour des troupes aller fe rétablir dans fon Royaume d'Epire. Il du Roi d'Ey fut reçu avec joye, à caufe de la haine que l'on avoit pour Neoptoleme, qui gouvernoit avec beaucoup de violence & de dureté. Mais Pyrrhus, craignant que ce Prince n'allât fol- Pyrrhus asliciter le fecours de quelques autres Rois, ai-oleme ma mieux traiter avec lui & l'affocier à fon me. Royaume.

focie Neop

fon Royau

coûtume des

re.

Quelque temps après il fe trouva des gens qui les aigrirent l'un contre l'autre, & qui femerent entre eux des jaloufies & des foupçons. Ce qui anima & irrita davantage Pyrrhus, nâquit de cet accident: De toute ancienneté les Rois d'Epire avoient accoûtumé Ancienne de tenir une affemblée dans un lieu de la Mo-Rois d'Epiloffide, appellé Paffaron. Là après avoir fait TM un facrifice à Jupiter Martial, ils prêtoient ferment à leurs Sujets, & recevoient le ferment d'eux. Les Rois juroient de gouverner felon les Loix, & les Sujets juroient de main- qu'ils recetenir & de défendre felon les Loix leur Ro-leurs Sujets. yaume & leur Couronne. Les deux Rois étant donc affemblés avec leurs Sujets & leurs amis dans ce lieu pour cette ceremonie, & les fermens prêtés de part & d'autre, ils fe firent de grands prefens.

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11 fe trouva là un homme, nommé Gelon, qui étoit un des meilleurs & des plus fidelles

fer

Antigonus, Demetrius. Je croi que cette bataille fut donnée la troifieme année de l'Olymp. CXIX. 300. ans ayant N. S.

A S

Serment des

Rois d'Epi

re, & celui

voient de

deux paires de boeufs pour le laqurage.

9

10

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ferviteurs de Neoptoleme. Ce Gelon, en renGelon donne dant fes refpects à Pyrrhus, lui fit prefent de Pyrrhus deux paires de boeufs pour le labourage. Myrtile, un des échanfons de ce Prince, deman-da à fon maître ces boeufs. Pyrrhus les lui ayant refufés, & les ayant donnés à un autre, Myrtile en fut au defefpoir. Gelon, qui s'apperçut de fa douleur & de fon reffentiment le pria à fouper. Il y a même des Auteurs qui ajoûtent qu'échauffé par le vin, il eut avec lui un commerce infame car ce Myrtile étoit jeune, beau, & bien fait. Après le fouper il lui jetta quelques propos de confpirer contre Pyrrhus & le follicita d'embraffer le parti de Neoptoleme, & d'empoisonner Pyrrhus. Myrtile fit femblant de mordre à l'hameçon, & loua ce complot, comme s'il étoit veritablement gagné; mais il ne fut pas Myrtile le plûtôt forti, qu'il alla tout découvrir à fon maître. Pyrrhus lui ordonna de mener Alexicrate Chef des Echanfons, chez Gelon, comme un homme prêt à entrer dans la conspiration, car il vouloit avoir plus d'un témoin

Gelon follieite Myrtile

contre Pyrshus.

declare à

Pyrrhus.

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9. Lui fit prefent de deux paires de bœufs pour le laboura ge.] C'étoit la coûtume. Ce jour-là les Sujets faifoient des presens à leur Roi; c'eft cette même coûtume qui amena d'Orient les Mages adorer Notre-Seigneur qui venoit de naître & reconnoître La Souveraineté, en lui faifant des prefens, comme au Maître du Monde, & comme au Roi des Rois. Ici dans ce prefent de deux paires de boeufs donnés à un Roi, on reconnoît la fimplicité de ces anciens temps. Le boeuf étoit très - confideré comme le principal inftrument de l'Agriculture. C'eft pourquoi Hefiode ne l'oublie pas dans les préceptes qu'il donne à Perfa. Il faut avoir d'abord, dit-il, une maison, ne femme & des bœufs pour le labourage.

10. Gelon qui s'apperçut de fa douleur & de fon reffentiment.] Ce même homme qui vient de donner à Pyrrhus

ces

moin d'une fi noire entreprise. Gelon étant trompé par ce moyen, Neoptoleme, qui étoit trompé comme lui, & qui penfoit que l'affaire alloit fon train, & qu'elle étoit fur le point d'être executée, ne put fe retenir, l'excès de fa joye le porta à découvrir cette trame à fes amis. Un foir étant allé faire collation chez fa fœur Cadmie, il en lâcha quelques mots, croyant n'être entendu de personne, car il n'y avoit ame vivante dans la chambre, que Phenarete, femme de Samon Inten- Samon Int dant des troupeaux de Neoptoleme. Cette troupeaux Phenarete étoit couchée fur un petit lit, le vi-leme. Ces fage tourné contre la muraille, & faifoit fem-étoient des blant de dormir. Ayant donc tout entendu confiderafans qu'on s'en doutât, dès le lendemain ma- on le voit tin elle alla chez Antigone, femme de Pyr- & dans l'frhus, & lui détailla tout ce que Neoptoleme criture Sain-avoit dit à fa foeur en fa presence.

tendant des

de Neopto

Intendans

hommes

bles, comme

dans Homere:

ce.

Pyrrhus en fut d'abord informé, & n'en fit rien paroître fur l'heure. Mais à un facrifice qu'il fit aux Dieux, il pria Neoptoleme de venir fouper chez lui, & le tua, fentant bien Pyrrhus cue

Neoptoleme que à à un feftin, auquel il l'a voit invite.

tes deux paires de bœufs, le voilà qui cherche à faire empoifonner ce Prince; & au contraire celui qui vient d'être refufé lui demeure fidelle.

11. Le pria à fouper.] Dans le manufcrit de S. Germaindes Prés on lit à la marge en cet endroit, Eié oo, Μύρτιλε, τῆς πίςεως, Mais ces paroles ne font nullement du texte de Plutarque, c'eft une exclamation d'un Lecteur, homme de bien, qui ravi de la fidelité de Myrtile, s'écrie & écrit à la marge, Ey ou, &c. Bien te fort, Myrtile, pour cette fidélité que tu as eue pour ton maitre. On a fouvent été trompé à ces fortes de notes marginales, & on les a requës dans le texte fort mal à propos, en ne diflinguant pas ce qui eft de l'Auteur de ce qui eft du Lecteur.

que les principaux d'Epire étoient pour lui; car de longue main ils le preffoient de fe défaire de Neoptoleme, de ne pas se contenter d'une partie du Royaume, qui lui appartenoit tout entier, & de fuivre fes hautes deftinées, qui l'appelloient à une plus grande gloire. Avec cette bonne volonté des principaux de fon Royaume, cet attentat venu encore par deffus, le détermina; il ne balança point, il prevint Neoptoleme, & s'en défit. Le fouvenir qu'il confervoit des obligations qu'il avoit à Berenice & à Ptolemée, fit qu'il Pyrrhus donna le nom de Ptolemée, au premier fils nom de Pro- qu'il eut de fa femme Antigone, & qu'il appelpremier als la Berenice la ville qu'il fit bâtir dans la CherAntigone. fonefe d'Epire. Depuis ce temps-là ne conce

donne le

lemée au

qu'il eut

Il entre en

guerre con

cedoniens.

vant que de grands & vaftes deffeins,, & devorant déja par fes efperances tout ce qui étoit autour de lui, il fe trouva d'abord engagé dans une guerre contre les Macedoniens te les Ma- dont voici le pretexte: Antipater, l'aîné des enfans de Caffandre, avoit tué fa mere Thesfalonique, & chaffé fon frere Alexandre. Celui-ci envoya vers Demetrius le prier de le fecourir, & implora auffi le secours de Pyrrhus. Demetrius remettant de jour à autre à cause des affaires qu'il avoit fur les bras, Pyrrhus fut plus diligent; il fe rendit auprès de lui, & lui demanda pour prix de fon affiftance, " la ville de Nymphea, toute la côte maritime de la

12. La ville de Nymphea.] Près d'Apollonie dans le pays des Taulantiens fur la côte de la mer Adriatique. On peut croire auffi que c'eft Apollonie même, qui étoit ainfi appellée à caufe de la célèbre roche, dite Nymphaum, qui étoit dans fon voifinage, & qui eft si bien décrite dans la Vie de Sylla & daus Dion, liv. 41.

Au

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