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et que l'on nomme pour cela épithètes de circonstances. Elles ne sont plus l'attribut d'une même classe ou d'un même individu et ne leur conviennent que dans un cas particulier. Aussi varientelles à l'infini.

Cette main s'abandonnait molle et rêveuse.
E. ZOLA, La Curée, p. 175.

Une longue créature blondasse, larveuse, fluente, qui se terminait par une toute petite tête en boule. Le cheveu rare, les yeux bleu de faïence, entre des paupières humoreuses, un petit nez en as de pique, pareil au suçoir que les ivoiriers japonais donnent à la pieuvre, de gros bras martelés de rougeurs avec, au bout des mains, des doigts plats et carrés: telle était Mélie dite la Chenille, dont la peau mettait de suite, au linge qu'elle touchait, une crasse saumonée, et dont la parole, qu'on n'entendait pas plus qu'un souffle enrhumé, paraissait frapper la voûte sourde d'un palais artificiel.

E. de GONCOURT, La Fille Elisa, p. 134.

Dans cet exemple, chaque substantif est suivi d'une ou de plusieurs épithètes convenant parfaitement à la circonstance présente; elles produisent, on en conviendra, un merveilleux effet.

Il n'y a, pour l'emploi des épithètes, d'autre règle à suivre que celle-ci : qu'elles soient tirées de la nature même du sujet, c'est-à-dire qu'elles soient naturelles. Toutes les épithètes satisfaisant à cette condition unique sont également bonnes.

3° DES ALLIANCES DE MOTS

On entend par alliances de mots une combinaison, un rapprochement heureux de deux idées, de deux mots qui paraissent inconciliables.

Cet art est celui des grands écrivains. L'emploi de cet ornement demande beaucoup d'adresse, une connaissance approfondie de la force des expressions et de la langue, un tempérament ingénieux et une imagination vive.

J. Richepin dit, dans la poésie intitulée: Remède Féroce,

Ma gaîté tu as la colique

D'amour

Virginie, dans l'Assommoir, en parlant de sa sœur, s'exprime de la manière sui

vante :

Vous savez qu'Adèle ne vaut pas la corde pour la pendre. C'est ma sœur, mais ça ne m'empêche pas de dire qu'elle est dans la peau d'une fière salope.

E. ZOLA, L'Assommoir, p. 235.

Il connaissait les bons faiseurs de Paris, jugeait chacun d'eux d'un mot, parlait de la saveur des chapeaux d'un tel et de la logique des robes de telle autre.

Ibid. La Curée, p. 117.

... Elle leva la tête, regardant étrangement, de ses yeux gris, le jeune homme vautré en toute élégance.

La Curée, p. 15.

Il s'agit de Maxime, étendu nonchalamment dans une calèche, à côté de Renée, sa belle-mère.

4C DES TOURs.

On appelle tours les modifications diverses de la pensée, selon le tempérament de celui qui la conçoit. Ce caractère spécial de la pensée passe à l'expression qui la représente. De là, deux sortes de tours en littérature na

turaliste le tour d'esprit et le tour de

phrase.

1o Le tour d'esprit n'est autre chose que la manière originale qui chez l'homme de talent distingue la pensée et la sensation. Le même mot, insignifiant, sans relief dans un écrivain, devient, chez un autre, magnifique et plein d'expression. Cette manière distinguée et pourtant toujours naturelle de sentir et de s'exprimer s'appelle beauté du tour dans une composition littéraire.

2o Le tour de phrase est une combinaison de mots par laquelle, au moyen de certaines inversions, l'écrivain donne aux idées la véritable place qui leur convient. Il semble au premier abord que notre langue, où les mots suivent communément l'ordre des pensées, où

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