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Les œuvres de M. E. Zola et de M. Huysmans sont celles où cette nouvelle figure se rencontre le plus fréquem

ment.

En voici un exemple tiré de l'Assommoir. L'auteur nous transporte dans le magasin où Gervaise exerce son état de repasseuse, et nous la fait voir au milieu des paquets de linge sale qu'elle compte avant de les remettre à Madame Bijard, sa laveuse.

Dans l'odeur forte qui battait son visage penché au-dessus des tas, une nonchalance la prenait. Elle s'était assise au bord d'un tabouret, se courbant en deux, allongeant les mains à droite, à gauche, avec des gestes ralentis, comme si elle se grisait de cette puanteur humaine, vaguement souriante, les yeux noyés. Et il semblait que ses premières paresses vinssent de là, de l'asphyxie des vieux linges empoisonnant l'air autour d'elle.

E. ZOLA, L'Assommoir, p. 178.

M. Huysmans, dans la peinture de l'atelier de brocheuses où travaillaient

les Sœurs Vatard, nous fournira un deuxième exemple d'odorographie.

Une insupportable odeur de houille et de gaz, de sueur de femmes dont les dessous sont sales, une senteur forte de chèvres qui auraient gigoté au soleil, se mêlaient aux émanations putrides de la charcuterie et du vin, à l'âcre pissat du chat, à la puanteur rude des latrines, à la fadeur des papiers mouillés et des baquets de colle.

J.-K. HUYSMANS, Les Sœurs Vatard, p. 9.

Parmi les descriptions les plus remarquables, nous citerons, pour mémoire, celle des Halles, dans le Ventre de Paris. Nous en donnons un extrait plus loin quand nous traitons du style fleuri. Il est fâcheux que les limites du cadre que nous nous sommes tracé ne nous permettent pas de citer en entier celle des

pavillons des fruits, du beurre et du fromage. Nous renvoyons nos lecteurs à l'ouvrage lui-même, en l'engageant à bien les méditer et à en faire son profit lorsqu'il aura à traiter des sujets analogues. La description du pavillon des fromages, surtout, est un des plus beaux modèles d'odorographie que nous ayons rencon

trés.

La comparaison rapproche deux objets qui se rencontrent par plusieurs côtés ou par un seul, dans le but d'orner le discours ou d'éclairer une pensée. Cette figure prend le nom de contraste lorsqu'elle rapproche les oppositions de deux objets ou du même objet dans des situations différentes. Le contraste oppose les tableaux aux tableaux, comme les pensées aux pensées. Il demande à être employé avec naturel et à propos.

Voici un exemple de contraste tiré de la chanson des Gueux, de M. Richepin.

Vous disiez: Ils seront

Menton rasé, ventre rond,
Notaires,

Notaires.

Mais pour bien vous punir

Un jour vous voyez venir

Au monde,

Au monde,

Des enfants non voulus

Qui deviennent chevelus
Poètes,

Poètes ;

Car toujours ils naîtront

Comme naissent d'un étron

Des roses,

Des roses.

J. RICHEPIN, chanson des Cloches de Baptême.

Une des comparaisons favorites de

M. E. Zola est celle-ci :

Ses étranges cheveux, fauve pâle, dont la couleur rappelait celle du beurre fin.

La Curée, p. 4 et 112.

Nous trouvons dans le récit du repas donné par Coupeau, le jour de la fête de Gervaise, l'exemple de comparaison suivant, une vraie perle! Nous regrettons de ne pouvoir mettre l'écrin tout entier sous les yeux du lecteur.

....La bouche ouverte, le menton barbouillé de graisse, ils avaient des faces pareilles à des derrières, et si rouges, qu'on aurait dit des derrières de gens riches, crevant de prospérité.

E. ZOLA, L'Assommoir, p. 276.

Et plus loin, en parlant de Coupeau :

Maintenant il n'était plus sur les toits, pareil à un moineau rigoleur et putassier; il était dessous, il avait bâti sa niche à l'hôpital, et il y venait crever, la couenne rapeuse.

Ibid. page 433.

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