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DU STYLE NATURALISTE

Le style est la forme extérieure qui rend sensible nos sensations, nos idées et nos sentiments. C'est la manière dont chacun exprime la sensation ressentie.

Dans la littérature naturaliste, le style c'est le tempérament, l'homme et la nature étroitement liés ensemble. Aussi varie-t-il selon les différents pays, qui ont chacun un genre de style particulier et analogue au caractère de leurs habitants.

La fantaisie, la sensibilité et l'observation, développées et cultivées avec soin, sont les sources les plus fécondes de ce qu'on appelle les ornements du style.

Nous avons à examiner :

1o Les qualités générales; 2o les qualités particulières du style naturaliste.

1° DES QUALITÉS GÉNÉRALES DU STYLE NATURALISTE

Les qualités générales du style naturaliste sont : 1° la clarté; 2o la pureté ; 3o le naturel; 4° l'harmonie; 5° la convenance; 6o les ornements. Cette dernière qualité du style naturaliste, la plus importante, exigeant de très-longs développements, nous lui consacrons un chapitre à part.

La clarté du style est une qualité qui fait saisir, sur le champ et sans effort, la pensée exprimée par la parole.

Elles souhaitèrent alors, très - enchantées, le bonsoir, firent un salut à derrière ouvert.

HUYSMAN, Les Sœurs Vatard, p. 16.

Est-il besoin de faire remarquer combien l'objet est représenté clairement? Voici un autre exemple du Maître qui fera mieux connaître encore ce qu'on entend par clarté du style naturaliste:

Les clartés du lustre, très délicatement fouillé, chantaient une symphonie en jaune mineur au milieu de toutes ces étoffes couleur de soleil.

E. ZOLA, La Curée, p. 41.

Comme l'on comprend bien ce que veulent dire ces clartés du lustre chantant une symphonie en jaune mineur! N'est-ce pas éblouissant ?

La clarté du style dépend: 1° de la propriété des termes; 2o de l'arrangement des

mots.

La propriété des termes n'est autre chose que leur parfaite convenance avec l'idée qu'on veut exprimer. Elle consiste à rendre la pensée par l'expression qui lui convient.

Cette qualité, fort précieuse, est souvent très difficile à obtenir, car il n'y a jamais

qu'un mot qui rende le mieux possible la pensée ou l'impression ressentie. C'est le sentiment de La Bruyère: « Parmi toutes « les différentes expressions qui peuvent << rendre une seule de nos pensées, il n'y « en a, »> dit-il, « qu'une qui soit la bonne : << on ne la rencontre pas toujours en par<< lant ou en écrivant. Il est vrai, néan<< moins, qu'elle existe, que tout ce qui ne « l'est point est faible, et ne satisfait point « un homme d'esprit qui veut se faire en<< tendre; mais, lorsque cette expression, << souvent si lente à se présenter, est enfin << venue à l'esprit, on remarque qu'elle « est celle qui était la plus simple, la plus << naturelle, et qui semblait devoir se pré«senter d'abord et sans effort. >>

Tous les écrivains de premier ordre ont toujours attaché une grande importance à la propriété des termes et quelques-uns d'entre eux n'ont obtenu cette qualité qu'au prix des sacrifices les plus extraordinaires. Boileau a dit :

J'appelle un chat un chat, et Rollet un fripon.

L'école naturaliste suit scrupuleusement ce précepte. C'est toujours le mot propre qu'elle emploie.

Je ne suis pas un spectre, un revenant, une âme;
Si tu veux regarder, tu seras convaincu

Que je suis un vivant qui se chauffe le cul.
J. RICHEPIN, La fin des Gueux.

Le même auteur, dans une autre poésie intitulée: Fleurs de Boisson, s'exprime encore ainsi :

Nous boirons du vin doux qui fait pisser la nuit.

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