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en littérature naturaliste des œuvres remarquables, mais tout autant qu'elle ne prend pas l'imagination pour guide principal.

6° L'imagination, qui représente les objets à la pensée sous une forme sensible, a de très grandes affinités avec la fantaisie. C'est, en effet, cette faculté de la nature humaine qui consiste à la fois à recevoir des impressions des objets réels et à les combiner de manière à produire avec elles de nouvelles créations. C'est, surtout, en tant qu'elle reçoit les impressions des objets qu'elle est considérée en littérature naturaliste où ce qui est dans la nature seulement est admis;

7° Enfin la mémoire réveille en nous les images des choses. Cette faculté est

d'une grande importance. Elle conserve les impressions reçues et permet de les mettre en œuvre en les rappelant au moment voulu.

Nous n'avons parlé ni de la raison, ni du goût, parce que ces facultés, considérées à tort par l'autre littérature comme les plus propres à juger sainement des œuvres de l'esprit, sont très secondaires, pour ne pas dire inconnues, dans la littérature naturaliste où le tempérament est la seule règle critique qui soit admise. La raison et le goût se confondent d'ailleurs avec la fantaisie et la sensation.

L'étude de la littérature naturaliste, au point de vue moral, surtout, présente des avantages et des jouissances que n'ont point et ne sauraient avoir les autres

études et les autres littératures. Outre qu'elle nous met au niveau de la Nature, dont elle est l'expression, elle orne l'esprit, agrandit l'intelligence, féconde l'imagination, épure la nature humaine en la nourrissant des pensées les plus vraies et des sensations les plus réelles. En nous montrant les choses telles qu'elles sont, la vie dans sa froide réalité, elle nous débarrasse de toutes les rêveries idéalistes, véritable fléau, source plus, féconde qu'on ne l'a cru jusqu'ici de toutes ces écoles buissonnières du sentiment de ces débauches d'esprit, de ces adultères imaginaires, de ces crimes inouïs commis par la pensée et dont ne peuvent se défendre à la lecture des productions idéalistes, ces esprits maladifs ou égarés à qui la vie réelle offre tant d'ennuis, de déceptions et de dégoûts.

C'est ce qui, dans l'étude littéraire que nous citions plus haut, a fait dire au Maître avec cette vérité et cette profonde connaissance des moindres replis les plus cachés de la nature humaine : « Au lieu de << reprocher aux romanciers naturalistes « d'être immoraux on devrait leur dire : << De grâce ne soyez pas si rudes ni si vrais, << vous nous glacez, vous nous empêchez << de courir le guilledou des amours idéa<< les; quand on vous a lus, on est tout froid, on ne songe plus à baiser ses « rêves. Par pitié! rendez-nous l'immo<< ralité permise de nos orgies romanes<< ques » (1).

La science elle-même et la philosophie,

(1) Etude littéraire sur George Sand, voir le Voltaire, No 252, 14 mars 1879.

si elles veulent intéresser et se communiquer aux hommes, ne peuvent se passer d'une étude qui met à leur service cette justesse de conception, cette propriété de termes, cette fleur d'élocution qui embellit les préceptes les plus arides et qu'on ne trouve jamais chez ceux qui ont négligé l'étude de la littérature naturaliste.

Quant aux jouissances qu'elle procure, on peut dire qu'après celles résultant de la sensation physique elle-même, ce sont les plus intimes et les plus sûres.

Nous diviserons ce petit ouvrage en deux parties l'une traitant des règles générales, du style naturaliste et de ses ornements, l'autre comprenant les règles. particulières, les moyens de former son

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