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Nous ne cesserons de le répéter. Avec le programme que nous venons d'esquisser, plus de ces romans fabuleux, de ces récits extraordinaires, de ces caractères surnaturels et invraisemblables qui chez les romanciers idéalistes font sourire de dédain et de pitié; plus d'égarement possible, plus d'esprits, de sens, de cœurs faussés par le vide, l'insanité ou l'immoralité de choses imaginaires. Les œuvres du romancier naturaliste vivent de la vie réelle. Ce qu'il raconte, il l'a vu et, le plus souvent, il l'a éprouvé lui-même. Les personnages qu'il met sous les yeux du lecteur sont bien vivants; il les connaît à fond; il a étudié de visu les milieux où ils se meuvent; il a vécu au besoin avec eux; il a gravé dans sa mémoire leur langage, leurs gestes. Vous

les connaissez aussi, vous ne les avez pas observés comme lui, mais vous les avez vus et en le lisant vous dites : << comme c'est naturel, comme c'est ça, >> faisant ainsi le plus bel éloge de l'œuvre, le seul qu'ambitionne un auteur vraiment consciencieux.

Et maintenant que les « délicats »>, cette classe particulière d'êtres vivant d'abstractions, planant sur les hauteurs sereines dont ils interdisent l'accès aux profanes, reprochent au romancier naturaliste certaines expressions, certains tableaux dont la reproduction les choque, dérange, peut-être, l'équilibre de leurs fonctions digestives, en étalant des plaies dont la vue ou l'odeur soulève leur cœur de dégoût, trouble la douce quiétude dans laquelle ils sont plongés; qu'ils continuent

à le frapper d'une sorte d'ostracisme littéraire au nom d'un art incompris par eux, façonné à leur fantaisie, il répondra par le mépris à des prétentions aussi ridicules et, prenant la nature et le vrai pour seuls guides, il poursuivra, calme et digne, le but qu'il s'est proposé.

DU THÉATRE NATURALISTE,

LOR

OXFOR << Les romanciers qui sont les princes <«< littéraires de l'époque, honorent nos << scènes encanaillées, lorsqu'ils daignent << y mettre les pieds. » C'est M. E. Zola, l'inimitable auteur de l'Assommoir et de Nana qui, dans la préface des Héritiers Rabourdin, veut bien nous le déclarer avec autant de modestie que d'à-propos.

Nous ne pouvions mieux faire, après

ce que nous avons dit du roman et avant de parler du théâtre naturaliste, que de rappeler cet aphorisme.

Nous citerons, d'ailleurs, très souvent, le Maître, dans tout ce qui va suivre, car c'est dans la préface de Thérèse Raquin et dans celle des Héritiers Rabourdin, que nous trouvons déposés en germe les véritables principes du théâtre moderne, longuement développés, par la suite, dans les revues dramatiques écrites pour le Bien public (1).

Relisez avec nous ces préfaces. Vous y verrez comment M. E. Zola y fait bonne et prompte justice de tout ce bric-à-brac classique, de ces guenilles historiques, de ces vieilles ferrailles, depuis si long

Voir ce journal.

Années 1876, 1877 et 1878.

temps étalées sur la scène. Vous reconnaîtrez avec lui le besoin « d'aider au << théâtre ce large mouvement de vérité <<< et de science expérimentale qui depuis « le siècle dernier se propage et grandit <<< dans tous les actes de l'intelligence hu<< maine. >> Vous comprendrez qu'il y a mieux à faire aujourd'hui que de perpétuer des traditions stupides et de confiner l'art dramatique dans les limites étroites de « la comédie sentimentale, une larme <<<niaise entre deux couplets de vaudeville, « genre bâtard qui fait la joie des âmes <<< sensibles » ou dans le cadre restreint << de la comédie à idées, le sermon mis << au théâtre, l'art dramatique consacré « à l'amélioration de l'espèce. >> Vous sentirez, avec le Maître, la nécessité de trouver une formule nouvelle, une for

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