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tueuses qu'ils auraient employées et s'habitueront insensiblement à reproduire le genre et le ton de l'auteur qu'ils imi

tent.

Avant de passer à l'étude des divers genres de composition, nous croyons utile de faire remarquer que, dans la littérature naturaliste, ce que l'autre désigne sous le nom de poésie, est tout à fait inconnu.

Le mot poésie, dans le sens absolu, signifie création. Or, l'écrivain naturaliste constate, il ne crée pas. La faculté de créer est au-dessus des forces de la nature humaine; il n'y a d'ailleurs rien à créer dans la nature. On a donc improprement appelé création, dans l'autre littérature, le travail d'un écrivain qui

consiste à idéaliser la nature, c'est-à-dire à la dégager par l'imagination de ce mélange d'éléments, de types divers qui constitue son essence, pour en considérer un seul isolément, auquel on a donné toutes les qualités ou tous les défauts convenant à plusieurs. Nous avons vu que rien n'est plus faux, plus contraire à l'art, plus pernicieux, plus immoral que cette mutilation qu'on fait subir à la nature.

Si, parmi les exemples que nous avons cités, quelques-uns, pris chez M. J. Richepin, empruntent à l'autre littérature le style mesuré, employé par la langue poétique, on reconnaîtra, avec nous, que cette forme particulière, donnée à l'expression des idées et des sensations, ne constitue nullement une œuvre poé

tique, dans le vrai sens du mot. C'est un essai, louable, si l'on veut, tenté par un esprit supérieur, à qui une très grande facilité naturelle permettait ce genre d'exercice; mais nous ne conseillons pas aux jeunes littérateurs de l'avenir de chercher à imiter un pareil exemple.

Une tentative isolée, quel qu'en soit l'heureux résultat, ne peut justifier des essais de ce genre. En voulant subordonner l'expression de l'idée aux règles étroites imposées par un langage de convention, on risquerait fort de la dénaturer complètement et on s'écarterait insensiblement des véritables principes que nous avons exposés.

DES DIVERS GENRES DE COMPOSITION

EN LITTÉRATURE NATURALISTE.

On distingue, en littérature naturaliste, deux genres de composition seulement : le roman et le théâtre ou le drame, ce dernier, pris dans son acception la plus large, désignant toute œuvre composée pour la scène et représentant une action tragique ou comique.

Avant d'aborder l'étude particulière de chacun d'eux, nous insisterons sur cette particularité: qu'il existe entre le roman et le théâtre naturaliste des affinités tellement nombreuses qu'on peut appliquer à l'un tous les préceptes généraux qui conviennent à l'autre, le drame naturaliste n'étant le plus souvent qu'une variation du roman approprié à la scène.

DU ROMAN NATURALISTE.

Le mot roman, employé en littérature naturaliste, est tout à fait impropre. Suivant les idées généralement adoptées, le roman est une fiction, un poème fantastique en prose, un composé et une suite d'aventures presque toujours supposées où la réalité est tellement noyée dans la fiction, altérée par elle, qu'il devient impossible de la reconnaître.

Tel n'est point le roman naturaliste. Etude sociale et individuelle (1), avant tout, il doit peindre, d'une manière exacte et vraie, la vie réelle, c'est-à-dire les faits qu'on voit s'accomplir journellement, les mœurs, les caractères rencontrés dans

(1) Voir la préface de Thérèse Raquin, par M. E. Zola, Théâtre.

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