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à la main, notez ce qui vous aura frappé, ce que vous aurez rencontré de saillant, ce qui vous aura paru le plus conforme aux principes établis, le mieux en harmonie avec la nature. C'est alors, seulement, que la lecture des modèles vous sera profitable et vous permettra, votre tempérament s'y prête, d'arriver rapidement à rapprocher vos œuvres des plus beaux ouvrages des Maîtres, sinon à les égaler.

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Tous les grands écrivains naturalistes ont suivi cette méthode. C'est par l'étude approfondie de Gargantua et de Pantagruel, jointe à l'observation patiente et réfléchie des scènes de la vie réelle, prises sur le vif, que M. E. Zola est parvenu à cette richesse de tours, à cette propriété d'élocution, à ce style naturel et

facile qu'on admire chez lui. C'est par l'étude des chefs-d'œuvre de M. de Balzac, du Cousin Pons, de la Cousine Bette, du Père Goriot, par exemple, qu'il est arrivé à donner à ses tableaux cette puissance de coloris, cette hardiesse, cette véhémence dans l'idée et l'expression qui font de ses œuvres des productions si originales, si vivantes, capables d'exciter en nous au plus haut degré les émotions les plus vives et les plus naturelles.

Mais, où le talent du Maître est le plus admirable, c'est dans le choix intelligent et raisonné de ses modèles. Si dans les Contes à Ninon et même dans une Page d'Amour et dans la Faute de l'abbé Mouret, il est sorti quelquefois des vrais principes du naturalisme, il n'a garde aujourd'hui d'imiter, dans Bal

zac, ces conceptions bizarres comme le Lys dans la Vallée, Modeste Mignon, la Recherche de l'Absolu et d'autres encore, véritables divagations d'un génie égaré, où les reflets de l'idéalisme se retrouvent à chaque page, où l'étude de la nature, telle que nous la comprenons, presque absolument défaut.

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L'imitation des chefs-d'œuvre est, après l'étude des modèles, le second exercice à faire avant de passer à la composition.

<< Imiter un écrivain, ce n'est pas », d'après Marmontel, « le copier servilement; «< c'est, dans le sens le plus étroit, se << pénétrer de sa pensée et la rendre

<< avec liberté; c'est, dans le sens le plus << étendu, former son esprit, son langage, << ses habitudes de concevoir, de com«< poser sur un modèle avec lequel on << se sent quelque analogie; étudier ses << tours, ses images, ses mouvements, << son harmonie; et après s'être frappé << l'imagination, enrichi la mémoire, rem<< pli l'âme de ses beautés s'essayer dans « le même genre. »

Ces principes, quoique empruntés à l'autre littérature, conviennent parfaitement à la littérature naturaliste.

La hardiesse étant le caractère distinctif du génie, pour ressembler à celui qui a tout osé, il faut tout oser comme lui. Ce n'est donc pas une imitation servile que nous recommandons ici, car elle détruit le génie, ce n'est pas non

plus une sorte de décalque, une adaptation, à un autre sujet, des paroles, des scènes empruntées à un modèle; c'est, pour l'écrivain naturaliste qui étudie les Maîtres, assimiler à son propre tempérament les qualités et les beautés qu'il admire dans leurs œuvres.

Lire attentivement dans MM. E. Zola, de Goncourt, Huysmans, etc., le développement d'une idée, d'une sensation. et s'essayer à la développer ensuite à leur manière, tel est le meilleur conseil que nous puissions donner aux jeunes littérateurs de l'avenir. Ils compareront leur composition avec le travail de l'écrivain qu'ils ont choisi pour modèle, reconnaîtront par là-même les endroits faibles ou médiocres, corrigeront les termes impropres ou les tournures défec

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