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AMOURS (f.), AMOUR (m.). Passion d'un sexe | roi est entré dans Valenciennes comme un foudre.»> pour l'autre. BOIL. On fond sur son ennemi avec la rapidité de la foudre et comme un foudre. Que si pour l'ordinaire foudre féminin s'emploie avec l'article défini la, et foudre masculin avec l'article numérique un, cette affinité justifie pleinement la dis

masculin; car le, la, les indique le genre, et un l'espèce ou même l'individu la naïveté, une naïveté. Le foudre est aussi la foudre individualisée, figurée, représentée sous une image. Les poëtes anciens peignent Jupiter ayant un foudre à la main, et lui donnent pour attribut l'aigle tenant un foudre dans ses serres. De même, foudre est du masculin toutes les fois qu'on ôte à la foudre ce qu'elle a de vague, pour la rendre sensible, lui donner une forme, la personnifier: Un héros est un foudre de guerre; un grand orateur est un foudre d'éloquence. En général, foudre, au figuré, est masculin, parce que ce mot prend alors un sens bien déterminé. « Martin Luther est, dit-on, la trompette, ou plutôt c'est le tonnerre: c'est le foudre qui a tiré le monde de sa léthargie. » Boss. « Le foudre de la parole évangélique. » ID. « Etre à couvert de tous les arrêts de la justice divine et de tous les foudres du ciel. » BOURD. « Jules II se mêlait aussi d'excommunier:

Le mot amour, généralement masculin, prend quelquefois le genre féminin; mais cela n'arrive guère en prose, suivant l'Académie, si ce n'est quand le mot est au pluriel: nouvelles amours, ardentes amours, folles amours. Or, évidem-tinction établie par nous entre le féminin et le ment le pluriel est bien plus compréhensif et plus vague que le singulier revenir à ses premières amours, n'indique pas l'objet d'un premier sentiment, n'exprime pas qu'il ait été unique, avec autant de précision que, revenir à son premier amour. Ensuite, l'amour désigne un sentiment, et le sentiment seul; les amours présentent cette idée mêlée avec beaucoup d'autres; elles font songer aux assiduités, aux petits soins, aux doux propos, aux témoignages d'affection. Ce Lapon nous dit qu'il lui en avait bien coûté, pendant ses amours, deux livres de tabac et quatre ou cinq pintes de brandevin.» REGN. De plus, et c'est une autre condition dont l'Académie ne parle pas, le mot amour, au pluriel, n'est employé comme féminin que quand il est précédé et non pas suivi de son adjectif: de folles amours, et non des amours folles; comme de sottes gens, et non des gens sottes. L'adjectif étant mis après, amour, quoique au pluriel, resterait masculin: des amours brutaux (PASC. VOLT.); froids, hon-il lança son ridicule foudre contre Louis XII. » teux. déplacés, odieux, lascifs (VOLT.); particuliers (COND.) Il est des amours emportés aussi bien que des doucereux. » MoL. C'est qu'en général l'adjectif se place avant le substantif dans les locutions vagues, et après dans les locutions précises. (Voy. ci-après Synonymie des expressions qui ne diffèrent que par l'ordre des mots : savant homme, homme savant.) Si donc le mot amour n'est féminin qu'au pluriel et après l'adjectif, la raison en est qu'alors seulement il tient de ces deux circonstances le caractère décidé de vague et d'indétermination qui est propre au féminin. -Delice et orgue, masculins au singulier, sont aussi féminins au pluriel, même sans avoir besoin, comme amours, d'être précédés de l'adjectif: delices pernicieuses (Boss.), orgues portatives. (ACAD.)

FOUDRE (f.), FOUDRE (m.). Le feu du ciel, la matière électrique lorsqu'elle s'échappe de la nue en produisant une vive lumière et une violente détonation.

VOLT.

AIGLE (f.), AIGLE (m.). Oiseau de proie trèsfort et très grand, ou sa représentation.

L'exemple précédent fait voir une chose physique perdant le genre féminin pour le masculin en devenant figurée. Ici on voit le contraire. Aigle est du masculin, quand il signifie un être réel, un certain oiseau de proie très-fort et très-grand, et il devient féminin en termes d'armoiries et de devise: l'aigle impériale, l'aigle romaine; les armes de l'empire français étaient une aigle. Il n'y a pas là de contradiction. L'objet physique, appelé la foudre, est quelque chose de très-vague et de très-peu déterminé le mot qui l'exprime doit donc être du féminin; mais il doit prendre le genre masculin quand il désigne la foudre particularisée ou figurée, devenue sensible. Au contraire, l'objet physique, qui porte le nom d'aigle, jouit d'une parfaite individualité, et l'esprit s'en fait une idée très-nette, que la représentation, la figure ou le symbole ne peut qu'obscur

VOILE (f.), VOILE (m.). Pièce d'étoffe servant à différents usages.

La foudre est une expression vague et compré-cir en la généralisant. hensive, qui signifie à la fois le feu du ciel, la vive lumière et la détonation qu'il produit en s'échappant de la nue. Le foudre ou plutôt un foudre est la foudre particularisée, employée dans un cas spécial, à un usage déterminé; chaque carreau de la foudre est un foudre:

(Jupiter) lance un foudre à l'instant. LAF. Le même poëte dit de Louis XIV:

Je peindrais ce monarque étendant son empire:
Il lancerait la foudre.

Jupiter est le dieu qui tient dans ses mains la foudre. FEN. La foudre est comme la matière dont sont faits les divers foudres. « Les foudres de Dieu sont toujours prêts. » Boss. « J'ai vu Satan qui combait du ciel comme un foudre. » BOURD. « Le

α

La voile est généralement plus grande, de toile, c'est-à-dire de l'étoffe primitive dont toutes les autres sont comme les espèces; et l'usage auquel on l'emploie est simple, il exclut une particularité caractéristique et déterminative du voile, qui est de cacher.

OEUVRE (f.), OEUVRE (m.). Ouvrage, production, tout ce qui est fait par un agent et subsiste après son action.

OEuvre (f.) est l'expression mère, celle qui désigne le genre et qu'on emploie presque toujours. OEuvre (m.) est réservé pour certains cas où on veut signifier une espèce, et une espèce bien déterminée, remarquable, extraordinaire. Aussi

n'est-ce qu'au singulier et dans le style soutenu | pointe du jour. Vous partez au point du jour, à

cette époque, et vous marchez à la pointe du jour, ou à la clarté du jour naissant. Vous mesurez le temps par le point du jour : la pointe du jour vous fait distinguer les objets. » ROUB. Le point du jour est une division abstraite du temps. « Les conciles avaient réglé qu'on ne se battrait point le jeudi jusqu'au point du jour du lundi. » VOLT. « On ne pouvait entrer dans ce jardin que vers le point du jour.» LES. La pointe du jour est une partie de cette chose réelle et concrète qu'on appelle le jour. A la pointe du jour, nous vìmes, nous aperçûmes telle chose. (LES.) « La pointe du jour commençait à paraître. » SCARR. « Dans un poëme, on exprimera ainsi la pointe du jour : L'aurore cependant, etc. » COND. « M. le duc et

qu'on peut faire œuvre du masculin: au singulier, parce que le singulier est plus précis ou moins vague que le pluriel; dans le style soutenu, parce qu'en changeant le genre ordinaire du mot, on annonce nécessairement quelque chose qui se distingue comme une œuvre peut se distinguer des autres, c'est-à-dire en général par un caractère de grandeur ou d'excellence qui attire l'attention et qu'on admire. Un si grand œuvre, un œuvre de génie, ce saint œuvre. (ACAD.) « L'homme est le grand et dernier œuvre de la création. BUFFON. - OEuvre se prend aussi au masculin hors du langage commun, pour exprimer des espèces particulières, c'est-à-dire les œuvres spéciales de certains arts. Ainsi, en alchimie, le grand œuvre désigne la pierre philoso-Me la duchesse de Bourgogne tenaient alors ouphale; d'autre part, on dit, tout l'œuvre d'un graveur, et, en termes de musique, le premier, le second œuvre de tel maître, de Rossini, de Meyerbeer.

COUPLE (f.), COUPLE (m.). Deux choses de la même espèce.

Un couple suppose une union fixe, étroite, établie par un acte particulier de volonté, une destination invariable. Une couple n'indique qu'une liaison indéterminée, vague, momentanée, qui est plutôt le fait de la nature ou du hasard. Un couple de pigeons se compose de deux pigeons, qui se sont unis volontairement pour se reproduire, qui vivent ensemble et ne sont plus libres d'entrer dans une nouvelle communauté. Une couple de pigeons signifie uniquement deux pigeons, comme une couple d'oeufs, deux œufs, une couple d'écus, deux écus,.une couple d'heures, deux heures, et ainsi du reste. Cette expression ne signifie aucune détermination, destination, ou délimitation spéciale. « Un couple de pigeons est suffisant pour peupler une volière; une couple de pigeons ne sont pas suffisants pour le dîner de six personnes.» BEAUZ. « Le distique est un couple de vers qui forment ensemble un sens complet. » MARM. Une couple d'excellents vers, même détachés l'un de l'autre, peuvent déjà faire reconnaître un grand poëte.

vertement la cour, et cette cour ressemblait à la première pointe de l'aurore. » S. S. « Ces trois qualités sont trois rayons qui ne font un plein jour qu'en J. C.; mais ils font en la sainte Vierge une pointe du jour agréable, qui commence à nous réjouir. » Boss.

TAXE, TAUX. L'idée commune est celle de la détermination de quelque valeur.

Le taux est cette valeur même déterminée, établie, fixée, réglée; la taxe exprime une idée étendue, vague, abstraite, compréhensive, celle du fait, de l'autorité et du règlement qui déterminent cette valeur. De sorte que le taux sort de la taxe; c'est uniquement et précisément la valeur, telle qu'elle résulte de la taxe. Le taux est tel, trop fort ou trop faible; la taxe se fait, elle atteint ceux-ci ou ceux-là, telles ou telles denrées; on s'y soumet, on y échappe. On ne dit que taux en parlant de l'intérêt de l'argent: taux légal, taux de cinq pour cent, parce qu'en pareil cas on considère presque toujours l'intérêt comme établi, en lui-même, comme s'élevant à tel degré, et rarement comme s'établissant, comme étant imposé par l'autorité. « On dit assez indifféremment taux et taxe, en parlant du prix établi pour la vente des denrées, ou de la somme fixée que doit payer un contribuable; mais ce n'est que dans le cas où il n'est pas plus nécessaire de faire attention à la valeur déterminée qu'à l'autorité déterminante: car un contribuable qui voudrait représenter qu'il ne peut Point présente l'idée d'une manière plus res- payer ce qu'on exige de lui, faute de proportreinte, plus délimitée, plus précise; il n'a rap- tion avec ses facultés, devrait dire que son taux port qu'au temps, et fait abstraction de tout le est trop haut; et s'il voulait dire que les imreste. Pointe donne l'idée d'une extrémité du positeurs ne l'ont pas traité dans la proportion jour, du jour commençant à poindre; c'est une des autres contribuables, il devrait dire que la expression, non pas simplement formelle, comme taxe est trop forte.» BEAUZ. Relativement aux la précédente, mais matérielle, concrète en frais de justice, taux indique plutôt une valeur quelque sorte, chargée d'accessoires tirés des déterminée, fixée une fois pour toutes, généracirconstances réelles. La pointe est au point, lement; et tare, un taux plus libre, plus arbidans cette acception, comme la journée au jour. traire, plus pour la circonstance. Les écritures Et, en effet, le point est en général la plus petite des avoués sont soumises à un taux; et il arrive division de l'étendue abstraite, et la pointe le quelquefois que le tribunal réduit la taxe de leurs plus petit bout de la chose. « Le point du jour écritures. On ne dit que taxe, s'il s'agit d'une imest le commencement de la durée, comme le midi position en deniers sur des personnes en ceren est le milieu : la pointe du jour est le com-tains cas; c'est qu'on a alors plus égard à l'automencement de la clarté, comme le grand jour en rité, qui met un impôt, et au fait de l'imposition, est la plénitude ou l'éclat. L'observateur se lève qu'à sa quotité fixe et précise. avant le point du jour, pour considérer la petite

POINTE DU JOUR, POINT DU JOUR. Le plus petit jour.

GRAINE, GRAIN. Girard a très-bien distingué

¿es deux mots, qui signifient également, un fruit [ ravines humides sont ceux que le cou-jaune hapropre à être semé et à produire une plante telle bite de préférence. » ID. que celle dont il est sorti.

MONTAGNE, MONT. Ces deux mots annoncent Graine se dit de toute sorte de semences, et également l'idée d'une masse considérable de terre grain seulement des graines qu'on sème pour ou de roche fort élevée au-dessus de la plaine. ne recueillir qu'elles, et qu'on fait servir à un L'Académie, Bouhours, Beauzée et Roubaud usage particulier, celui de nourrir l'homme ou conviennent que le mot de montagne ne forme les animaux. De sorte que la graine est le qu'une dénomination vague, désignant seulement genre, et le grain l'espèce, et que tout grain | l'espèce de corps ou de masse, sans aucune disest graine, sans que toute graine soit grain. On tinction individuelle, tandis que celui de mont exsème des graines pour avoir des melons, des prime une masse détachée de toute autre pareille, fleurs, des herbages, des arbres; on sème des soit physiquement, soit idéalement. La montagne, grains pour avoir de ces mêmes grains. Il y a de l'aveu de tous, est donc une suite continue des graines sauvages (BUFF.); il n'y a pas de d'élévations; et le mont, une élévation une, simgrains sauvages. « Les rolliers ramassent dans ple, isolée qui s'aperçoit ou est supposée s'aperles champs labourés les petites graines, les ra- cevoir d'un seul coup d'oeil, c'est une partie de cines et les vers, et même les grains nouvelle- la montagne, ou c'est une montagne, que l'esprit ment semés. » BUFF. D'ailleurs le grain a encore se représente comme arrondie, comme délimitée, cela de tout à fait spécial, qu'il se considère par comme ayant une étendue bornée ou quelque rapport à l'usage que nous en faisons plutôt que chose qui l'individualise et la distingue. « Bientôt comme semence; en sorte que le grain même a nous vîmes le sommet du mont Ida qui s'élève ausa graine. « Pour avoir de bon grain, de belles dessus des autres montagnes de la Crète. » FÉN. fleurs, etc., il faut en échanger les graines, et Un rocher, quelque mont pendant en précipices, ne jamais les semer dans le même terrain qui les C'est où ces dames (les chèvres) vont promener a produits.» BUFF. De toutes manières donc grain (leurs caprices. Laf. spécifie davantage. Ce qui le prouve encore, c'est qu'on dit, un grain de millet ou de moutarde, au lieu qu'on doit dire, de la graine de millet, de la graine de moutarde, comme on dit de la graine de pavots, de la graine de niais. Au figuré, on dit d'une manière générale : la bonne graine, qui tombe sur la pierre, y périt desséchée; mais on n'emploie grain que dans des locutions où il est parfaitement déterminé : un grain de bon sens, de jugement, de coquetterie, d'amour-propre, de folie, etc.

RAVINE, RAVIN. Excavations produites dans les campagnes par les eaux de pluie qui s'écoulent violemment.

D

Dans le discours, les monts sont traités comme des individus; ils reçoivent des noms propres : le mont Sinai, le mont Parnasse. On donne bien aussi des noms propres aux montagnes; mais, afin de conserver à ce dernier mot son sens général, on le fait suivre de la préposition de la montagne du Parnasse, les montagnes des Alpes. D'ordinaire même on désigne les montagnes, non par des noms propres, mais par les noms des pays où elles se trouvent. « La montagne de Reims n'est pas de craie; il en est de même du mont Aimé, qui est isolé au milieu de ces plaines de craie. » BUFF. On considère même quelquefois la montagne comme une femelle (la montagne en travail enfante une souris), mais jamais le mont : Didon, reprochant à Enée sa dureté, lui dit, dans Scarron, qu'il est le fils d'un roc (elle aurait pu dire tout aussi bien d'un mont), et qu'une montagne est sa mère. Un mont serait plutôt pris pour un homme, ou un homme pour un mont. « A la vue de Polypheme,

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SCARR.

Le ravin est plus petit que la ravine: ce n'est guère qu'un sillon ou un fossé creusé par les eaux et qu'on peut sauter, tant il est peu large; c'est une espèce de rigole naturelle. Mais la ravine est toujours grande, profonde, difficile et dangereuse à traverser c'est un précipice. Ce n'est pas seulement (pour Condé) des hommes à combattre c'est des montagnes inaccessibles; Chacun de nous crut voir marcher c'est des ravines et des précipices, d'un côté; Quelque mont ou quelque rocher. c'est, de l'autre, un bois impénétrable. » Boss. La différence est analogue entre montagneux et Le ravín a été fait par un courant d'eau dans montueux. Un pays montagneux est élevé; on l'opune plaine qu'il sert quelquefois à embellir; la pose à un pays bas, voisin de la mer, aux côtes. rarine a été creusée par un torrent entre des « On ne trouve des nègres que sur les côtes et dans montagnes. On se fait mal en tombant dans un les pays bas, voisins de la mer; mais dans l'intérarin; on se tue quand on tombe dans une ra- rieur, où les terres sont élevées et montagneuses, tine. Les eaux d'une montagne coulent d'a- tous les hommes sont blancs. » BUFF. « Il y a des bord par des ravins et se précipitent toutes en- terres arides et montagneuses; et d'autres qui, suite dans une ravine par laquelle elles se ren- dans un terrain bas, sont arrosées de plusieurs dent dans une rivière ou dans un fleuve. Du ruisseaux. » MONTESQ. Un pays montueux est enreste, ravin est plus précis: il désigne unique-trecoupé d'élévations isolées, inégal; on l'oppose ment le lit ou le canal des eaux; au lieu que ra- à un pays de plaines. « On se sert peu de chevaux rine y ajoute l'idée de plusieurs objets acces- en Crète, à cause de la trop grande aspérité du soires, des rochers, des arbres, des broussailles qui se trouvent sur les bords. « La lave a coulé en grandes masses par les ravins l'espace de 7 ou 8 mille toises. » BUFF. « Les bords des ruisseaux, les lieux frais et retirés près des sources et des

terrain, qui est presque partout fort inégal et fort montueux. » BUFF. « Prenait-on le chemin de l'Arménie, on trouvait un pays montueux et difficile, où l'on ne pouvait mener de convois. » MONTESQ.

CÔTE, COTEAU. Penchant d'une grande éléva- | la mère des affligés et des malheureux; si on subtion de terre, ou cette élévation elle-même en tant qu'inclinée.

stitue espoir à espérance, on ôte à la pensée sa justesse; car ce qu'espèrent les affligés et les malheuCôte est le mot générique et marque quelque reux n'est ni certain, ni précis, ni prochain. Et chose de plus étendu; coteau est un terme spé- tel est le sens d'espoir. Ce mot est moins vague et cial, et il est diminutif, il exprime une petite plus particulier, plus déterminé, plus fixe que côte. La côte est le penchant d'une montagne, et celui d'espérance. D'ailleurs, et Roubaud l'a bien le coteau le penchant d'une colline. De la mer on senti, l'espérance désigne plutôt un long espoir, aperçoit la côte, la côte d'Espagne, la côte d'Afri- une disposition habituelle, un état ou une modique; une rivière passe au pied d'un coteau. Côte fication plus ou moins constante, et l'espoir, fait concevoir une pente longue et continue, une espérance particulière, un sentiment passacomme le mot montagne, et le coteau, comme leger, une disposition actuelle : c'est l'espérance, mont, est quelque chose de réduit, qu'on embrasse et non l'espoir, qu'on a personnifiée, qu'on a aisément d'un seul coup d'œil, parce que l'éten- mise au rang des vertus théologales. Enfin, due en est bornée. - D'ailleurs, la côte comprend comme l'espoir porte sur quelque chose de préquelquefois plusieurs coteaux, comme la forte-cis, il est plus ardent, et la privation du bien resse plusieurs forts: une côte paraît de loin nue sur lequel il fait compter doit causer un grand et décharnée; mais à mesure qu'on en approche, désappointement : « L'espoir, tout détruit, dit on y découvre des coteaux verdoyants et fertiles. Roubaud, mènerait au désespoir. L'espérance TOMBE, TOMBEAU. Lieux où l'on dépose les trompée ne nous laisse souvent dans le cœur morts. qu'un sentiment de peine. »

La tombe est proprement la table de pierre, de marbre ou de toute autre matière, placée audessus de la fosse qui a reçu les ossements ou qui contient les cendres des morts. Le tombeau est la tombe devenue un monument, particularisée par quelque chose d'élevé qui la distingue des autres tombes. La tombe est, au contraire, un tombeau plat et sans ornements. « La tombe plate du cardinal Portocarrero est sans nul ornement. » S. S. Tombeau dans cet exemple serait tout à fait déplacé. Ou bien encore la tombe est la partie basse du tombeau, la fosse. « Zadig alla au tombeau de son époux, et le trouva tout étendu dans la tombe.» VOLT. On prie ou on danse sur une tombe (VOLT.), et autour d'un tombeau (VOLT.). On dit être sur le bord de sa tombe (VOLT.) ou de sa fosse, avoir déjà un pied dans la tombe (LAH.) ou dans la fosse, creuser la tombe (MARM.) ou la fosse de quelqu'un. Tous les hommes doivent avoir une tombe ou descendre dans la tombe.

Aux plus infortunés la tombe sert d'asile. Laf. Tous les hommes n'auront pas un tombeau. Il n'y a que les grands et les riches qui puissent prétendre l'honneur du tombeau, si ce n'est en poésie, où l'on emploie d'une manière générale un mot particulier, uniquement parce qu'il exprime quelque chose de noble et de distingué. Si le terme tombeau n'était pas spécial et déterminé, pourquoi dirait-on plutôt, un tombeau qu'une tombe de fa mille, et, être enterré dans le tombeau, plutôt que dans la tombe de ses pères? - Tombeau désignant seul quelque chose d'élevé et de grand, se prend seul dans un sens tout figuré pour signifier fin, destruction. « Le tombeau du diacre Pâris fut le tombeau du jansénisme. » VOLT.

ESPÉRANCE, ESPOIR. Désir de quelque chose conçu comme possible.

L'espérance fait que l'on désire sans trop connaître l'objet de ses désirs et sans concevoir la possibilité de leur réalisation. Dans l'état le plus voisin du désespoir, on conserve encore quelque espérance. Mais l'espoir, au lieu d'indiquer ainsi un futur incertain et éloigné, exprime un désir qui porte sur un objet bien précis et doit se réaliser prochainement. Dans cette phrase: L'espérance est

DISCORDE, DISCORD. État où se trouvent des personnes indisposées, ou opposées les unes aux autres.

Discord a presque disparu de la langue. Voltaire, Marmontel et Roubaud le regrettent beaucoup, et c'est avec raison, car il exprime une idée étrangère au mot discorde, dont il diffère comme l'espoir de l'espérance. Ecoutons Roubaud : « Vous ne personnifierez pas le discord comme la discorde, parce que ce mot-là n'exprime pas, comme celui-ci, un caractère de force, de consistance, de durée, d'empire, qui semble constituer une puissance. La discorde est un grand et long discord. La pomme jetée devant les déesses rivales excite entre elles un discord, elles se la disputent. Adjugée à l'une des trois, elles brûlent du feu de la discorde. On voit souvent figurer la discorde dans les familles, les communautés, entre les peuples, parmi les nations. » Ainsi le discord est un fait particulier de discorde; il naît, s'élève la discorde est un état de discord, ou le discord devenu général, durable; elle règne. « L'amitié passe sur de petits discords. » MOL. « Ne devrait-on pas dire les discords qui troublent le monde? » MARM.

Et nous verrons bientôt votre amour le plus fort
Par un heureux hymen étouffer ce discord.

(L'infante à Chimène dans le Cid.) CORN. COURSE, COURS. Mouvement de ce qui court. Course signifie l'action de celui qui court: à la course, c'est-à-dire en courant. Le cours est une course réglée, assignée. L'un n'est relatif qu'au mouvement et à sa vitesse, l'autre l'est aussi à sa direction et à sa régularité. Le soleil achève sa course en peu de temps, et il suit toujours un cours uniforme. On dit bien, course vagabonde, et non pas, cours vagabond. On peut attribuer une course aux nuages, aux torrents:

Mais qui peut dans sa course arrêter ce torrent ?

RAC.

Mais on dira, en parlant des astres, des fleuves, des saisons, qu'ils ont un cours; voyage au long cours, suivant le cours naturel des choses. « L'Euphrate était droit dans son cours, et jamais ne se débordait. » Boss. Il y a près des villes

aux prodes lieux particulièrement destinés menades à cheval ou en voiture; on les appelle des cours.

DÉPENSES, DÉPENS. Ce qu'on dépense, la quantité d'argent qu'on est obligé de donner.

Les dépenses comprennent tout l'argent dépensé les dépens sont l'argent qu'on doit dépenser conformément à la loi ou à la sentence qui en a déterminé le montant; c'est un argent qui reçoit une destination précise et réglée. Ou bien dépens sert à spécifier la personne à la charge de laquelle est une dépense. « Quand les souverains font beaucoup de dépense, c'est aux dépens de leurs sujets. » COND.

JUPE, JUPON. La partie de l'habillement des femmes qui descend depuis la ceinture jusqu'aux pieds.

Jupe exprime le genre, et jupon une espèce:
le jupon est une jupe courte; c'est le diminutif
et pour ainsi dire l'enfant de la jupe. « Les jeunes
filles de la campagne, en Égypte, vont presque
nues, ne portent qu'un petit jupon très-court. »
BUFF. « Les femmes qui savaient filer au fuseau
faisaient de cette façon des bandes en forme de
jupons fort courts. » LES. « La taille de Marthon
est leste, et son petit jupon laisse entrevoir sa
VOLT. Suivant l'usage
jambe blanche et fine.
actuel des deux mots, le jupon est effectivement
une espèce de jupe courte que les femmes mettent
sous l'autre ou sous les autres jupes. Dans la
Foire Saint-Germain de Regnard, le marchand,
que la coquette ne veut pas payer, lui prend l'é-
charpe, le manteau, la jupe, et elle demeure en
corset et en jupon de Marseille. - D'autre part,
jupon, apparemment parce qu'il est masculin,
signifie aussi un vêtement d'homme qui ressemble à
une jupe, qui est une sorte ou une espèce de jupe.
« Le chevalier don Alonze portait ce nœud de ru-
bans à son jupon en forme d'ordre. » LES.

Vous pourriez bien ici sur votre noir jupon,
Monsieur l'huissier à verge, attirer le bâton.

(Damis à M. Loyal dans le Tartufe.)
Dans Lafontaine, le berger devenu le favori d'un
roi, et accusé d'avoir amassé des trésors, ouvre
un coffre et y montre

L'habit d'un gardeur de troupeau Pelit chapeau, jupon, houlette. LIMACE, LIMAÇON. Mollusque rampant. Le limaçon est une espèce de limace; c'est la limace renfermée dans une coquille qui la borne et la détermine. « Les uns disent que ce sont les limaces simples, que j'appelle incoques, qui reprennent une tête (quand on les a décapitées); les autres disent que ce sont les escargots, les limaçons à coquille. » VOLT.

la forteresse est grande, et le fort petit. La Hol-
lande ayant été inondée par la rupture des digues
en 1672, « Amsterdam fut comme une vaste forte-
resse au milieu des eaux. » VOLT. « L'île de Ca-
brera est une île déserte, où il y a un petit fort
gardé alors par cinq ou six soldats. >> LES. Une
ville a une forteresse, c'est-à-dire une citadelle
qui la domine et la protége, et plusieurs forts qui
l'entourent et sont propres à la défendre en détail.
«Tite tira tout autour de Jérusalem une muraille
munie de quantité de forts.» Boss.

CERVELLE, CERVEAU. Viscère qui a son siége
dans la tête.

Cervelle le fait considérer d'une manière vasa nature; gue, par rapport à sa masse et cerveau le présente toujours comme un organe particulier et qui remplit une fonction spéciale. « Le cerveau, qu'on a dit être le siége des sensations, n'est pas le centre du sentiment, puisqu'on peut au contraire le blesser, l'entamer, sans que la mort s'ensuive, et qu'on a l'expérience qu'après avoir enlevé une portion considérable de la cervelle, l'animal n'a pas cessé de vivre, de se mouvoir, et de sentir dans toutes ses parties.» Buff. Aussi, quand ce viscère est hors de son contenant et à l'état de désorganisation, on ne l'appelle plus que cervelle: les cuisiniers accommodent des cervelles et non des cerveaux. « Des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupés.» VOLT.« Regardez ces cervelles sanglantes, et tous ces membres épars. » ID. La chimie fait l'analyse de la cervelle; la physiologie et la psychologie étudient les fonctions du cerveau.

La même distinction se montre au figuré, c'està-dire quand les deux mots se disent de l'esprit. Cervelle signifie alors une matière qu'il faut avoir en certaine quantité et d'une certaine qualité pour bien penser: une tête sans cervelle, un homme de peu de cervelle, une cervelle légère, évaporée, etc. Cerveau exprime plutôt un organe renfermé dans un espace déterminé, un instrument qui travaille, produit des résultats plus ou moins bons et est susceptible de se déranger: son cerveau travaille; cerveau faible, débile; avoir le cerveau dérangé, être affaibli du cerveau; cerveau timbré, fêlé, etc.

ESCABELLE, ESCABEAU. Siége de bois sans bras ni dossier, et qu'on saisit par un trou pratiqué à la planche supérieure.

Escabelle signifie un escabeau à plusieurs personnes, une sorte de banc. Il paraîtrait même qu'autrefois on comprenait sous le mot d'escabelle tout ce qui sert de siége dans une maison, car on disait, remuer ses escabelles, pour déménager. Il semble aussi qu'escabelle désigne un siége plus élevé. Les chantres, devant le luFORTERESSE, FORT. Lieux où l'on est en sûreté trin, sont assis sur des escabelles, et les enfants contre les attaques de l'ennemi.

L'idée de la forteresse est beaucoup plus étendue que celle du fort; elle représente à l'esprit un édifice avec des tours garnies de soldats, de canons, de meurtrières, de bastions, et avec un fossé profond qui en défend l'approche; c'est un assemblage de forts. Le fort n'est qu'une tour élevée isolément Gu bien dans la forteresse, à l'égard de laquelle il est comme le mont à l'égard de la montagne, comme le roc à l'égard de la roche. De sa nature

de chœur sur des escabeaux. Dans les maisons pauvres des campagnes, tous les membres de la famille s'asseyent sur des escabelles, et les enfants ont des escabeaux. On peut encore appeler escabeau, mais non pas escabelle, cette sorte de carreau ou de petit banc, qui sert aux femmes à poser leurs pieds, et sur lequel aussi on fait asseoir les petits enfants. Cela est conforme au sens le plus général du mot. On s'assied sur l'escabelle c'est le meuble qui a précédé la chaise. « Il était

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