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Malheureux est subjectif, se rapporte entière-vais succès de ses armes infortunées, si on a pu ment au sujet, qu'il représente comme souffrant; le vaincre, on n'a pu le forcer. » Boss. << Darius, au lieu que misérable fait penser aux sentiments qui s'était vu, peu d'heures auparavant, une si de commisération, et quelquefois de pitié, de nombreuse et si florissante armée, et qui était mépris, que l'état du sujet inspire ou peut inspi- venu à la bataille élevé sur un char, plutôt en rer. L'unau et l'aï (deux pauvres animaux que appareil de triomphe qu'en équipage de guerre, la nature semble avoir traités en marâtre) parais- s'enfuyait à travers les campagnes. Cet infortuné sent très-mal ou très-peu sentir.... Ils sont mise- prince courut toute la nuit avec peu de suite. » rables sans être malheureux, » BUFF.

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Pour prendre de la main d'un avide imprimeur Celui de ridicule et misérable auteur. MOL. a Un philosophe dit à un financier, qui se plaignait que les pauvres riches ne fussent pas heureux malgré leur opulence: Bon! qui est-ce qui est heureux? Des misérables. » D'AL.

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ROLL.

MALINTENTIONNÉS, MÉCONTENTS. Les malintentionnés et les mécontents, sont dans un Etat, des ennemis du pouvoir.

Les malintentionnés ont de mauvaises inten

tions; les mécontents ne sont pas contents. L'un de ces mots regarde l'avenir, l'autre le passé. Il faut prendre garde à ce que les malintentionnés veulent faire, à leurs desseins; il faut, s'il est possible, faire droit aux griefs des mécontents.

α

Ensuite, comme les intentions sont quelque chose de caché et de vague, les malintentionnés agissent dans l'ombre, cabalent, et sont seulement Quelquefois malheureux et misérable signifient, disposés à mal. « Quel est le motif de la révocanon pas qui est, mais qui mérite d'être en proie tion des conseils? On s'effraye de l'ennemi, des au mal ou dans une situation fàcheuse. Dans ce malintentionnés, des cabales. » J. J. « Le frein sens ils se disent, par exemple, d'un homme qui du saint office retenait encore les malintentiona fait de mauvaises actions. nés, et les obligeait à se cacher. » S. S. « Le duc Le malheureux a eu le malheur de se rendre d'Orléans dit qu'il avait estimé devoir tenir le lit coupable, sa faute est légère, ce n'est qu'un de justice fort secret pour ne pas donner lieu accident auquel il a été entraîné. « S'il arrive aux cabales et aux malintentionnés d'y essayer qu'un maître livre son serviteur à la justice à continuer la désobéissance. » ID. « Mairan dit à pour un vol léger, et qu'on ôte la vie à ce Mme du Châtelet qu'elle n'a commencé sa rébelmalheureux.... » VOLT. Mais le nom de misé- lion qu'après avoir hanté les malintentionnés rables ne se donne qu'à de grands criminels, leibnitziens.» VOLT. Voltaire a écrit, au sujet de à des gens qui commettent le crime habituel- la prétendue conspiration d'Alexis Pétrowitch lement, par état, par penchant. « Pourquoi ap- contre son père et de ceux qu'on supposait y peler un maréchal de France et sa femme, dame avoir adhéré sous main : « Il était important de d'atour de la reine, ces deux misérables? Le ma- connaître les malintentionnés; et le czar menaça réchal d'Ancre qui avait levé une armée à ses frais son fils de mort, s'il lui cachait quelque chose. » contre les rebelles, mérite-t-il une épithète, qui Ailleurs, il assure que le czarowitch « ne fut coun'est convenable qu'à Ravaillac, à Cartouche, aux pable que d'une espérance chimérique dans quelvoleurs publics, aux calomniateurs publics?»ques mécontents secrets qui pouvaient éclater un VOLT. jour. Mais en général les mécontents ne sont pas secrets, ne se cachent pas; il se peut même qu'ils témoignent leur peu de satisfaction par la révolte, en se ralliant sous des chefs et en faisant actuellement une guerre ouverte. « On apprit les mouvements des mécontents de Hongrie. » S. S. « Le gouvernement (d'Espagne) étant si faible, les mécontents devinrent très-forts en Castille. >> VOLT. Richard II d'Angleterre fit enlever et exécuter le duc de Glocester, son oncle, qui ralliait tous les mécontents contre son souverain (FÉN.). « Les soldats que Démétrius avait cassés, et un grand nombre d'autres mécontents, se rangèrent en foule auprès du prétendant, et le proclamèrent roi. » ROLL.

Des écrivains et des écrits, dont on fait peu de cas, sont traités de misérables; on ne les qualifie point de malheureux, parce que ce n'est point par malheur, fortuitement, qu'on écrit mal, et que d'ailleurs il s'agit d'exprimer, non l'état de peine d'un sujet, mais le sentiment de pitié qu'il inspire aux autres.

Infortuné, non fortuné, non favorisé de la fortune, ne s'emploie que dans le style soutenu, et presque toujours en parlant d'un malheur ou d'un malheureux illustre. Beaumarchais appelle heureux infortuné un paysan qui, ayant été blessé par un cerf d'un parc royal, fut comblé par la cour de présents et de soins. Piiam, le plus infortuné de tous les pères (FÉN.), l'infortuné vieillard (LAH.); Fouquet, l'infortuné surintendant (D'AL). « Infortune chevalier de la Manche, que la fortune seconde mal vos grandes entreprises! LES.« Alcyone, plaintive et solitaire, semblait encore redemander aux flots son infortuné Céyx que Neptune avait fait périr.» BUFF. « Poursuivi à toute outrance par l'implacable malignité de la fortune, trahi de tous les siens, Charles Ier ne s'est pas manqué à lui-même. Malgré les mau

«

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MANIE, TIC. Habitude bizarre et ridicule.

Manie, grec uavía, signifie une maladie de l'esprit. Tic, onomatopée, comme tac et toc, représente le bruit que font en touchant ou en frappant leur mangeoire les animaux qui ont quelque tic; car ce mot se dit primitivement des chevaux et des bêtes à cornes. Ainsi la manie regarde les travers de l'esprit, et le tic les mauvaises habitudes du corps; la manie est déraisonnable, le tic désagréable. On a la manie de juger de tout,

nière de le donner, dans un discours les choses dites et la manière dont on les dit; le prix d'un objet d'art dépend de sa matière et de sa façon. Il y a plusieurs manières ou méthodes pour culti ver un champ, et un champ reçoit plusieurs facons; ce sont des modifications qu'on lui fait subir. Un homme a une manière d'écrire lente ou rapide, et il est facile ou difficile de reconnaître sur le papier sa façon d'écrire. Dans les Ménechmes de Regnard, le chevalier dit en parlant d'une valise :

et le tic de ronger ses ongles. Une passion singu- | fait il faut distinguer l'objet donné et la malière, un goût immodéré, reçoivent le nom de manie; celui de tic convient pour représenter des mouvements convulsifs et fréquents, de mauvais gestes habituels, ou des grimaces qu'on fait et qu'on s'est accoutumé à faire sans s'en apercevoir ni le vouloir. « La duchesse de Châtillon avait acquis, en contrefaisant une religieuse, un tic tel que, à toutes minutes, son visage se démontait à effrayer, sans qu'elle-même s'en aperçût le plus souvent par la continuelle habitude. »> S. S. « Mme de Nemours avait une figure fort singulière, et un tic qui lui faisait toujours aller une épaule. » ID. (Voy. des exemples de manie à l'article Délire, égarement, etc.)

Toutefois tic se dit bien aussi familièrement au figuré; auquel cas il exprime proprement une coutume, et non une habitude comme manie, la fréquente répétition d'un même acte, et non un penchant. « Les avares ont le tic de dépenser pour l'ostentation. » J. J. Ils n'en ont pas la manie, car ils répugnent à toute dépense. Vous vous portez par besoin, par attachement, avec attrait, à ce que votre manie vous fait faire. Tic n'annonce autre chose qu'un pli pris. « Cette manière sèche d'interroger les gens pour les connaître est un tic assez commun chez les femmes qui se piquent d'esprit. » J. J. On contracte des manies par engouement, et des tics par routine ou par imitation.

α

MANIÈRE, FAÇON. La synonymie est trèsétroite entre ces deux mots, mais difficile à exprimer. De cette manière ou de cette façon, c'est-à-dire ainsi; de quelle manière ou de quelle façon, c'est-à-dire comment et comme. Ils désignent le mode ou le comment.

De la mienne elle n'a ni l'air ni la façon.
Puis, regardant l'adresse :

Je ne reconnais point cette façon d'écrire.

Selon Labruyère, l'usage a préféré façons de faire à manières de faire, et manières d'agir à façons d'agir. Rien de plus raisonnable que ce choix. On dit plutôt façons de faire, parce qu'on ne fait pas sans faire quelque chose qui reste après l'action, qui peut être dit avoir une façon, une forme, une empreinte qu'il a reçue par le travail de faire. Mais manière d'agir convient mieux que façon d'agir par la raison contraire, c'est qu'en employant agir on songe seulement à la conduite, au procédé, et non point du tout aur modifications qui en résultent pour tel ou tel ob jet. On dira donc aussi de préférence la manière de traiter quelqu'un, et les manières d'un peuple pour ses mœurs. On dira également façon de penser, c'est-à-dire de produire telles ou telles pensées, des pensées qui présentent tels ou tels caractères, et manière de sentir ou de vivre. « A la cour, l'honneur, se mêlant partout, entre dans toutes les façons de penser et toutes les manières de sentir.» MONTESQ. « On prendrait nécessaireMais, à la rigueur, manière répond à comment, ment d'autres façons de penser en prenant des et façon à comme (voy. I partie, p. 291, 292). | manières de vivre absolument différentes. » J. J. Manière convient pour marquer comment on fait Périclès changea toutes ses façons de faire et une chose, et façon pour dire comme elle est sa manière de vivre. » ROLL. Toute action pu faite. Le premier de ces mots signifie un mode rement formelle, comme celle de vivre ou de se d'agir, et le second un mode d'être. Manière, de mouvoir, ou bien qui produit une destruction, manus, main, indique une opération, une mé- un anéantissement, se fait d'une certaine mathode; c'est un mot actif qui se rapporte à une nière: « On avait mis de la discipline dans la action et à l'agent: je n'aime pas sa manière. manière de piller. » MONTESQ. Mais toute action Façon, de facere, faire, forme d'une chose faite, d'où résulte quelque chose qui a certains carac annonce un effet, un résultat; c'est un mot pas-tères, qui est d'une certaine sorte, se fait d'une sif et tout relatif à l'état la façon d'un habit, la façon d'une terre. « La Molinière trouva quelque chose d'extraordinaire à la manière dont cette lettre lui était venue; elle trouva de la différence dans la façon dont elle était pliée. » DELAF.

D

certaine façon. Ainsi, on doit toujours dire, entendre une chose de telle ou telle façon. « Mots que l'un entend d'une façon, l'autre d'une autre. P. R. « Qui m'a dit que cet endroit obscur doit être entendu d'une façon et non pas d'une autre?> BOURD.

Toutes les fois qu'on veut définir un adverbe, c'est-à-dire un mode d'agir, on se sert de ma- Manière de parler a rapport à la forme ou nière, et non pas de façon sagement, d'une ma- à l'énonciation, au style. : • Chilon était fort nière sage. C'est, au contraire, le mot façon qu'on court et fort serré dans tous ses discours; sa ma emploie quand il s'agit de signaler une personne nière de parler passa en proverbe. » FÉN. « Ces ou une chose par son mode d'être, et non d'agir, légères attaques regardent plutôt la manière de c'est-à-dire en la qualifiant, en disant ce qu'elle parler que le fond des choses. » Boss. Façon de est, et non ce qu'elle fait un homme de sa fa- parler se rapporte au fond même des choses. au çon, c'est-à-dire ainsi fait; un trait de sa façon. sens. « Il semble, de la façon que vous parlez, On se défend de toutes les manières en employant que la vérité dépende de notre volonté. » PASC des moyens de toutes les façons. La manière ca- Manière de parler et façon de parler désignent ractérise la main, l'industrie, l'esprit de l'ouvrier, aussi l'un et l'autre des locutions ou des phrases, et la façon l'ouvrage : chaque ouvrier a sa ma- Mais manière de parler convient mieux pour une nière et chaque ouvrage sa façon. Dans un bien-locution particulière, en rapport avec quelqu'un

qui s'en sert et dont elle exprime le procédé, la méthode, la manière propre d'agir. Façon de parler signifie, au contraire, une locution générale, établie, consacrée. « La dévotion et la géométrie ont leurs façons de parler, ou ce qu'on appelle les termes de l'art. » LABR. C'est pour quoi les façons, dans le sens où ce mot se prend pour marquer les procédés d'une personne, expriment quelque chose qui tient à un cérémonial établi, quelque chose d'emprunté, de peu naturel; au lieu que les manières sont de la personne même, et ne sentent pas autant l'étude et l'affec tation.

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en mouvement. Le corps est l'instrument des ma
nières et des façons; il n'est que le théâtre de !
l'air ou des airs. Les manières et les façons de-
mandent quelque temps pour se montrer, pour
se développer; au lieu que l'air frappe la vue
d'abord, au premier coup d'œil: tel plaît avec
Ensuite, les ma-
le temps par ses manières ou ses façons qui avait
déplu d'abord par son air.
nières et les façons sont toutes relatives aux au-
tres et expriment comment nous sommes pour:
eux, par suite de notre éducation et de notre
usage du monde; l'air n'a rapport qu'à nous, et,
manifeste ce que nous sommes intérieurement,
notre caractère, nos qualités, nos émotions, nos
pensées. On a des manières ou des façons rudes
ou insolentes; on a l'air résolu. Des manières

En second lieu, façon est plus familier ou plus
'bas. Cela doit être. Sa terminaison est celle d'un
grand nombre de mots français qui appartiennent
au langage commun ou même populaire. D'ail-polies ont été acquises par la fréquentation de la
leurs, façon est passif, significatif d'un résultat;
il se dit d'abord en termes d'art, et rappelle des
opérations purement mécaniques.

autres; l'air est en nous pour ou contre nous.. Un air mélancolique, des airs évaporés font, concevoir ce que nous sommes sans rapport aux au tres.

bonne société, et nous rendent aimables; un air poli donne à penser que nous avons de la politesse. Condillac présente cette différence d'une En conséquence, on dira plutôt une façon de façon un peu énigmatique : « Les manières, ditvivre étrange, singulière, extravagante, ridi-il, sont en nous pour les autres ou contre les cule, et une manière de vivre réglée, sage, éclairée, admirable; de petites façons de parler (LABR.), et des manières de parler distinguées. << On a en latin et en français des manières Quant à la différence de manières et de façons, de parler plus fortes et plus précises.... Je ne crois point nécessaire d'introduire dans la Pro-façons est moins noble que manières; il se dit fession de foi une façon de parler peu natu- plutôt dans le langage familier de la conversajuger à tion, et il est particulièrement propre pour rerelle à la langue. Boss. « Je laisse ceux qui se connaissent aux belles figures et présenter des manières petites ou peu distinguées.. La reine (rajeunissant tout à coup) reprenait un aux belles manières de parler, si celle-ci est a Barbésieux avait du nombre.... Il suffit que plusieurs des meil- bon teint frais et vermeil, elle se redressait avec leurs juges de la langue rejettent une façon mille petites façons. » FÉN.. de parler, pour nous obliger à ne nous en servir les manières d'un grand seigneur et les façons plus. » VAUG. Bossuet prend en mauvaise part la les plus polies. » S. S. « Harcourt mariait merlocution à sa façon dans les phrases suivantes. veilleusement l'air, le langage et les manières de a Chacun se représente Dieu à sa façon particu- la cour et du grand monde avec les propos, les M. de Cambrai restreint ces articles, ou façons et la liberté militaire. » ID. On dira plutôt les entend et les tourne à sa façon. » « Voyez avoir des manières douces, agréables, polies Adam; voyez-moi ce nouveau Dieu; il s'est fait (ACAD.), et avoir des façons bizarres, extravaganDieu à sa façon; voyez comme il est savant. » Il tes, hardies (ID.), grossières. « Elle a de petites emploie, au contraire, la locution à sa manière façons enfantines qui la rendent fort ridicule. » sans aucune idée accessoire défavorable. « Tous ACAD. les fidèles ont part aux grâces divines, chacun à sa manière. » « Saint Joseph était père de Jésus à sa manière par l'adoption, par le sentiment, par le soin, par la douleur.

lière. »>«<

MANIÈRES, FAÇONS; AIR. Ces mots signifient les formes du corps, l'extérieur d'une personne, par rapport aux impressions qui en résultent pour ceux qui les voient.

Les mêmes différences séparent les manières et les façons de l'air ou des airs.

Les manières et les façons indiquent comment on agit; et l'air ou les airs, comme on est. Avoir de bonnes manières ou de bonnes façons, c'est se bien présenter, se bien comporter, faire les choses à propos et comme il faut; en sorte que les manières et les façons consistent dans les procédés, les discours, les gestes, le ton, les compliments, les salutations. Mais l'idée d'action n'entre pas nécessairement dans l'idée d'air : l'air provient de l'apparence ou de la configuration du corps, et surtout du visage, sans que ni l'un ni l'autre soit

D'autre part, les façons ont moins de rapport au sentiment; elles sont plutôt l'effet de la civilité que de la politesse, elles marquent conformité à un cérémonial établi. C'est souvent une imitation imparfaite ou affectée des manières. « Les manières de la cour deviennent façons dans la province. » GIR.

MANQUE, DÉFAUT, PRIVATION. (MANQUEMENT, FAUTE.) Ces mots servent à exprimer qu'un sujet n'a pas une certaine chose, qu'il en est dépourvu.

Manque et défaut se ressemblent beaucoup, sans équivaloir pourtant l'un à l'autre. Le manavoir dans que regarde la quantité; il ne doit une chose rien de trop ni rien de manque (PASC.); on dit le manque d'une partie : « Les choses par ticulières étant partagées affligent plus leur possesseur par le manque de la partie qu'il n'a pris, » PASC. Le défaut est qu'elles ne le contentent par la jouissance de celle qui lui appartient. plutôt relatif à la qualité. Le défaut d'une seule de ces qualités rend un homme incapable d'ètre ce qu'il prétend.. » BOURD.

écrire, à danser. Il doit y avoir d'autres punitions pour des fautes où il ne paraît ni mauvaise disposition du cœur, ni envie de secouer le joug de l'autorité'. » ROLL.

MARCHANDISE, DENRÉE. Ce qui se vend. Marchandise, la chose du marchand, se dit de tout ce qui se vend. Denrée, autrefois deniérée, ce qu'on vend pour un denier, indique primiti vement une chose de peu de prix. « Voilà ce qui chassa Law du royaume, ce qui sextupla toutes marchandises, toutes denrées jusqu'aux plus viles. » S. S. Il faut qu'il y ait quelque rapport

Le manque rend la chose incomplète, mais non | les enfants peuvent tomber en apprenant à lire, à pas peut être moins parfaite ou moins bonne. « Qu'on ne nous reproche plus le manque de clarté, puisque nous en faisons profession. PASC. Le manque d'oreilles extérieures est un des traits par lesquels les phoques se rapprochent des cétacés.» BUFF. L'usage de la main, le manque de queue, etc., ont fait donner au singe le nom d'homme sauvage. » ID. Avec un défaut, au contraire, le sujet est toujours défectueux. On a reproché à l'Esprit des lois le défaut de méthode (LAH.). — Le manque d'argent est sans inconvénients dans certaines situations, dans l'état religieux, dans l'état sauvage; mais en géné-entre la marchandise et l'impôt, et que, sur une ral le défaut d'argent fait échouer les plus belles entreprises. Le manque de mémoire, pour ce qui concerne les injures et les causes d'affliction, est un bien; mais le défaut de mémoire, pour les enfants qui ont tant à apprendre, est un vice des plus fâcheux. « Certaines vérités de géométrie ne se peuvent démontrer; et, comme ce n'est pas à cause de leur obscurité, mais à cause de leur extrême évidence, ce manque de preuve n'est pas un défaut, mais plutôt une perfection. >> PASC.

D'ailleurs, manque est objectif, c'est-à-dire tout relatif à ce qui ne se trouve pas ou à ce qui se trouve de moins dans le sujet ou à sa disposition; au lieu que défaut est subjectif, c'est-à-dire qu'il appelle toute l'attention sur le sujet luimême. Ce tigre fut enfermé dans une loge étroite où le manque d'espace et le défaut de mouvement ont abrégé sa vie.» BUFF. Quand nous n'avançons pas dans la voie du bien, nous nous plaignons d'un manque de secours de la part de Dieu (Boss.); nous ne devrions nous en prendre qu'à notre défaut de courage. Il nous suffit d'avoir vu que c'est par le seul défaut de leur volonté, et non pas manque des secours absolument nécessaires pour pouvoir éviter tous les péchés, que les plus justes pèchent quelquefois.

Boss.

Je veux bien avouer qu'un manque de couronne Est l'unique défaut qui soit en sa personne. REGN. Comme le défaut rend défectueux, imparfait, incorrect, la privation rend malheureux. C'est un manque auquel on est sensible, le manque de choses dont on a joui, dont on devait ou dont on pouvait jouir. La privation de la vue (ACAD.), des plaisirs (MONTESQ.); le séjour de cette ville paraît triste par la privation des spectacles (D'AL.). « Les seuls biens dont la privation coûte sont ceux auxquels on croit avoir droit. » J. J. « Athènes, délivrée du joug de la servitude, gottait en paix les avantages de la liberté, dont cette longue privation n'avait servi qu'à lui faire mieux sentir et le prix et la douceur. » ROLL. Alanquement et faute sont synonymes dans le sens d'action mauvaise ou répréhensible.

Mais le manquement n'est pas aussi grave, ce n'est qu'une faute légère; car manquement, com me manque, signifie seulement un déficit, au lieu que faute, comme défaut, annonce quelque chose d'essentiellement fautif, défectueux, imparfait. « Je ne crois pas qu'on doive employer le châtiment des verges pour les manquements où

-

denrée de peu de valeur, on ne mette pas un
droit excessif.» MONTESQ.
Au figuré, denrée
signifie quelque chose de vil et de méprisable.
Nos frères ont fait au pape des plaintes des
opinions probables, et d'autres denrées de cette
façon. » SÉv.

Mais ensuite denrée exprime, dans une accep tion moins étroite, ce qui se vend en détail ou se débite pour les besoins de la vie, ce qu'on se procure en petite quantité pour l'usage du mo ment, surtout et presque uniquement en fait de choses qui viennent des champs, en fait de subsistances, de fruits de la terre. « Les denrées sont chères en ce pays, parce qu'il en produit peu, et qu'il est fort peuple. » J. J. « Lorsque j'ai recueilli d'un champ que je cultive les denrées nécessaires à ma consommation, le surplus des productions m'est inutile, si je ne puis pas l'échanger. » COND.

En général, les marchandises sont des objets de commerce, de spéculation; les denrées, des choses qu'on récolte et qu'on consomme. Les marchandises se considèrent en elles-mêmes, comme des richesses, dans les mains du marchand, pendant qu'il les transporte, les fait cir culer, les emmagasine ou les négocie; les denrées se considèrent avant ou après, quant à leur origine ou à leur usage: quant à leur origine, comme des productions de la terre, et quant leur usage, comme servant à l'entretien de la vie. On gagne plus ou moins sur des marchandises (ACAD.); une denrée croît dans tel ou tel pays (LAF.), et on se pourvoit des denrées néces saires à sa subsistance (J. J.). L'impôt sur les marchandises entrave le commerce; l'impôt sur les denrées gêne l'agriculture et empêche la vie à bon marché. « Les effets mobiliers, comme l'argent, les billets, les lettres de change, les vaisseaux, toutes les marchandises appartiennent au monde entier.... Quelques Etats en ont une immense quantité; ils les acquièrent chacun par leurs denrées, par leur industrie, par leurs découvertes.» MONTESQ. « Le cardinal Mazarin augmenta l'impôt sur le pied fourche et sur d'autres denrées.... La guerre civile qui déso

l'un et l'autre s'emploient en forme de prépositions. 4. Faute est aussi synonyme de manque, lorsque de l'objectif : on ne peut réussir faute de soin Leur différence alors revient à celle du subjectif et (LABR.), faute de caractère (MOL.), faute de pénétration (VAUV.); et manque de moyens (PASc.), d'instruction (ID.) ou de loisir.

lait alors l'Angleterre avait commencé par un impôt de deux schellings par tonneau de marchandise. » VOLT.

marche ou telle allure, on la reconnaît à sa démarche ou à son allure, on décrit, on caractérise, on signale sa démarche ou son allure. Durant notre marche. » SCARR. « Si le roi reçoit des ambassadeurs, cet homme voit leur

Toutes les choses utiles à la vie qui croissent dans un pays sont les denrées de ce pays, et souvent il les donne pour avoir en retour des mar-marche, il assiste à leur audience.... » LABR. chandises, c'est-à-dire d'autres choses utiles, venant d'ailleurs, et qui ne lui parviennent que par l'intermédiaire des marchands. « Les Portugais allèrent chercher des marchandises aux Indes orientales et au Japon.... Les Hollandais furent d'abord obligés de marcher sur la croix pour obtenir la permission de vendre leurs denrées. » VOLT. Si cette nation était située vers le nord, et qu'elle eût un grand nombre de denrées superflues, comme elle manquerait aussi d'un grand nombre de marchandises que son climat lui refuserait, elle ferait un commerce nécessaire, mais grand, avec les peuples du midi. MONTESQ. L'huile est la seule denrée que Solon ait permis d'échanger contre les marchandises étrangères.» BARTH.

La marchandise implique le marchand et l'exercice de son industrie; accessoire tout à fait étranger à denrée. Un propriétaire livre des denrées et non des marchandises, quand il paye ses contributions en nature, ou qu'il vend lui-même, directement, ses récoltes. Un marchand achète des denrées, et, quand il les revend, ce sont des marchandises. « Il vaut mieux avoir affaire à une nation qui, par l'étendue de ses vues ou de ses affaires, sait où placer toutes les marchandises superflues; qui est riche et peut se charger de beaucoup de denrées; qui les payera promptement. » MONTESQ.

Enfin, la marchandise peut être un produit de l'art, une chose manufacturée ou propre à l'être; la denrée est toujours un produit agricole. « Les arts multiplient les choses de seconde nécessité; et, à proportion de leurs progrès, ils mettent dans le commerce une plus grande quantité de marchandises et des marchandises d'un plus haut prix.... Les provinces manufacturières seront forcées de porter leur argent dans les provinces agricoles, pour se pourvoir des denrées qui manqueront à leur subsistance. COND. Sans le commerce, l'industrie languirait, parce que les marchandises n'auraient pas d'écoulement. Le seul encouragement des cultivateurs est le commerce des denrées. » VOLT. —- On oppose les marchandises à ce que rapporte la terre. « La comtesse de Fiesque ne comptait pour rien les petites terres où il ne vient que du blé, et croyait avoir fait une affaire admirable d'avoir vitement donné celle-ci, pour avoir des miroirs d'argent et autres marchandises.» Sév. On oppose les denrées aux ouvrages de l'industrie. < Liberté du commerce: grand commerce de denrées bonnes et abondantes en France, ou des ouvrages faits pas les bons ouvriers. » FÉN.

MARCHE, DÉMARCHE, ALLURE. Mouvement des animaux en tant qu'ils vont ou s'avancent. Marche signifie l'action; démarche et allure dépeignent la manière. On observe la marche d'une personne, c'est-à-dire cette personne pendant qu'elle marche; une personne a telle dé

<< Pendant l'incubation, la paonne évite le mâle, et tâche surtout de lui dérober sa marche lorsqu'elle retourne à ses œufs. » BUFF. « Il va assassiner sur le grand chemin un voyageur dont il avait épié la marche.» VOLT. Tout ce qu'on peut dire de la marche la représente comme un fait leur marche fut lente, rapide, longue, de plusieurs jours; ou bien en fait connaître seulement la direction. L'habesch est un oiseau de passage, mais M. Brue ignore sa marche, et il assure que, dans le cours de ses voyages, il ne l'a point vue ailleurs qu'à Tripoll en Syrie. » BUFF.

La démarche est la manière de marcher; et l'allure, la manière d'aller, ce qui est bien différent, quoi qu'en dise l'Académie au mot allure. La démarche est une allure qui consiste à avancer par le mouvement des pieds sur terre: elle est opposée, par exemple, à l'allure des oiseaux qui volent (BUFF.) et à celle des poissons qui nagent (ID.). Aller en litière (SĖV.), en bateau (ID.), à cheval (S. S.), sont encore différentes allures, et non différentes démarches. L'âne porté comme un lustre par le meunier et son fils (LAF.) goûte fort cette façon d'aller, c'est-à-dire cette allure, et non cette démarche. Tourner autour du soleil est l'allure de la terre (FONT.), et non pas sa démarche. - Mais si allure ne signifie pas seulement, comme démarche, la manière d'aller par laquelle on met tour à tour les pieds l'un devant l'autre, il signifie aussi cela, et dans cette acception il a besoin d'être distingué de son synonyme. Or, l'allure, sans doute à cause de la terminaison commune et peu noble de ce mot, ne regarde que le physique, la tour nure et l'habitude du corps; au lieu que démarche, qui désigne spécialement cette allure la plus relevée et la plus imposante, l'exprime en rapport avec les états et les sentiments de l'âme. De là vient qu'on dit une démarche, et non pas une allure, fière, noble, timide, affectée, contrainte, embarrassée. Avec telle allure on se montre tel à l'extérieur seulement, on a bonne ou mauvaise grâce; avec telle démarche on révèle ce qu'on est à l'intérieur ou ce qu'on éprouve. « La démarche gauche de l'oie et son allure de mauvaise grâce nous font appliquer ce nom aux gens sots et niais. » BUFF.

Il suit de là que la démarche est quelquefois variable comme les mouvements de l'âme qui la modifient; mais l'allure est constante, elle vient de la nature ou de l'habitude. « Prenant le premier chemin, je me mis à le suivre d'une démarche lente et mal assurée qui marquait la défaillance et l'abattement. » J. J.

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