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de sa généralité. L'insurrection est l'action de tout un peuple qui conspire et se lève (in surgere, se lever contre) pour détruire son gouvernement. La rébellion, la révolte, etc., ont d'ordinaire une portée beaucoup moindre, moins de gens y sont engagés, et elles peuvent être dirigées contre un chef ou un supérieur d'un degré peu élevé, comme un simple magistrat ou un simple commandant. D'ailleurs, le mot insurrection est nouveau et ne s'emploie guère qu'en bonne part. On a appelé d'abord insurgents certains corps de troupes hongroises levées extraor dinairement pour le service de l'Etat, puis les Américains du nord, qui, à la fin du xvir sië

tesquieu rapporte, d'après Aristote, un moyen singulier dont se servaient les Crétois pour tenir les premiers magistrats dans la dépendance des lois; il le nomme insurrection et le fait consister en ceci : « Une partie des citoyens se soulevait, mettait en fuite les magistrats, et les obligeait de rentrer dans la condition privée. » Aujourd'hui, insurgent ne se dit plus, si ce n'est, en termes d'histoire, dans les deux cas ci-dessus indiqués: mais insurrection est très-usité, et il emporte une idée de droit et de justice : l'insurrection de la

sique, de chirurgie, etc. Mais les gens qui exercent des métiers, des arts mécaniques, des arts où la main seule agit, qui ne demandent ni génie ni spéculation, ont des outils: les outils d'un menuisier, d'un charpentier, d'un charron, d'un serrurier, d'un maçon, d'un bûcheron, etc. « Les outils de tous les métiers sont déjà familiers à Emile.» J. J. Un pinceau est un instrument dans la main de Raphaël, un outil dans celle d'un barbouilleur. Il faut être savant ou artiste pour avoir des instruments; l'artisan et l'ouvrier n'ont que des outils. Par les instruments d'un peuple, vous connaissez quel est chez lui l'état des sciences et des arts proprement dits; par ses outils, vous connaissez son genre d'in-cle, s'affranchirent du joug de l'Angleterre. Mondustrie. La science invente des instruments, et ils sont plus ou moins ingénieux. « Que pensera Emile, en voyant que les arts ne se perfectionnent qu'en se subdivisant, en multipliant à l'infini les instruments des uns et des autres ? Il se dira: Tous ces gens-là sont sottement ingénieux; on dirait qu'ils ont peur que leurs bras et leurs doigts ne leurs servent à quelque chose, tant ils inventent d'instruments pour s'en passer. » J. J. La nécessité se fait des outils, et ils sont d'ordinaire simples et grossiers. « On n'a trouvé aux habitants de toutes les îles, entre l'Asie et l'Amé-Suisse, des Etats-Unis, des Pays-Bas, l'insurreerique, d'autres outils que des haches de pierre, des cailloux taillés en scalpel, et des omoplates d'animaux aiguisées pour couper l'herbe.» BUFF. Le cultivateur a des outils, l'agriculteur ou l'agriculture des instruments; ce que le paysan, qui laboure la terre, appelle ses outils, les autorités, les magistrats le nomment ses instruments. << Régulus demanda un successeur et son congé, sur les avis qu'on lui donna que son fermier était mort, et que son valet avait dérobé les outils nécessaires au labourage.... Le sénat ordonna que sa terre serait cultivée aux dépens du public, et qu'on achèterait de nouveaux instruments nécessaires pour le labourage. » Vert.

tion grecque. Lorsqu'une révolution est devenue nécessaire pour mettre fin à une domination réellement oppressive et tyrannique, l'insurrection. suivant certains publicistes, est le plus saint des devoirs.

Rébellion, révolte et soulèvement, de leur côté, different beaucoup d'émeute, d'émotion, de sédition et de mutinerie. Il peut y avoir rébellion s révolte de la part d'un seul homme : la rébellion, la révolte d'un enfant contre son père ou contre son maître; le péché est une rébellion et une révolte de l'homme contre Dieu; la rébellion où la révolte de la chair contre l'esprit. L'émeute et la sédition, toujours prises au propre, supposent toujours une multitude plus ou moins nombreuse; aussi dit-on particulièrement bien une émeute ou une sédition populaire. Outre cela, la rébellion et la révolte sont des attentats contre l'autorité, au lieu que l'émeute et la sédition portent atteinte à l'ordre. Le rebelle et le révolté ne sont point soumis, mais réfractaires et impatients du joug; le séditieux et le mutin ne sont point paisibles, mais turbulents et brouillons. L'esprit de rebellion et de révolte est indocile, indépendant: c'était celui que fit naître et répandit partout la réforme, en affaiblissant le respect de l'autorité et des puissances (Boss.). L'esprit de sédition est inquiet, remuant, cabaleur: c'est celui qui ré gna en France pendant la minorité de Louis XIV, celui qui animait en particulier le cardinal de Retz (VOLT.). La Bible rapporte les rébellions et les révoltes du peuple juif, qui, dans le désert, murmura tant de fois contre Dieu et Moïse, et voulut tant de fois un autre Dieu et un autre chef (Boss.). Pilate abandonna Jésus-Christ de peur de voir la tranquillité troublée par une émeute ou une sédition (BOURD.). « Charles-Quint mit au ban de l'empire l'électeur de Saxe et le Insurrection mérite une place à part à cause landgrave de Hesse comme rebelles, séditieuz,

Au figurė, instrument est d'un fréquent usage, tandis que outil est condamné par son origine vulgaire à ne pas sortir des limites du sens propre. C'est adresse à l'ouvrier de savoir bien user et se servir de ses outils; aussi est-ce un grand avantage à l'homme de se savoir bien servir de son corps, et le rendre instrument propre à exercer la vertu. CHARR. « Les chefs de parti se rient et se moquent de ce grand nombre d'instruments dont ils font la même sorte de cas qu'un artisan et un ouvrier font de leurs outils.» S. S. « Cyrus disait qu'il trouvait bien étrange que les artisans sussent les noms de tous leurs outils, et qu'un général fût si indifferent que de ne savoir pas les noms de ses capitaines, qui sont autant d'instruments dont il se sert dans toutes sés entreprises. » ROLL.

1° 'INSURRECTION; 2o REBELLION, REVOLTE, SOULÈVEMENT; - 3o ÉMEUTE, EMOTION, SÉDITION, MUTINERIE; - 4° TROUBLES. Tous ces mots signifient des entreprises contre l'autorité ou l'ordre établi.

1 Insurrection.

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coupables de lèse-majesté, perturbateurs du re- personne de Siccius aigrit extrêmement les espos public. » COND. prits, et les préparait déjà au soulèvement. › Rebellion, révolte, soulèvement. Acte d'in- ROLL. « Ce serment fut comme le signal d'un subordination, acte par lequel on brave l'auto-soulèvement général. » ID. « L'Église va étouffer rité, on secoue le joug, on brise les liens de la dans le fond des cœurs, non-seulement les predépendance.

mières pensées de rébellion, mais encore les moindres murmures; et, pour ôter tout prétexte de soulèvement contre les puissances légitimes, elle a enseigné qu'il en faut tout souffrir. Boss. Il faut prévenir les soulèvements (VOLT.) pour n'avoir pas à combattre et à punir les rébellions et les révoltes.

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3o Émeute, émotion, sédition, mutinerie. Agitation désordonnée, emportement tumultueux et furieux d'un certain nombre d'hommes réunis pour faire éclater leur mécontentement ou pour obtenir quelque chose par la violence.

Rebellion, rebellio, de rebellare, répondre à la guerre par la guerre, marque résistance. Révolte, action de se tourner contre ou dans le sens opposé, exprime une attaque spontanée. Le rebelle est sur la défensive, il regimbe, il refuse le service; le révolté prend l'offensive, de luimême il se porte contre. L'objet de la rébellion, c'est d'échapper à une charge ou à un ordre; celui de la révolte, c'est de renverser, d'amener un changement ou une révolution. On fait rébellion à la justice en s'opposant à l'exécution de ses décrets; on est en révolte quand on s'insurge Émeute et émotion, du verbe français émoucontre une puissance. Envers Dieu, la rébellion voir, n'annoncent rien que de commun et de peu consiste à ne point garder ses commandements, important. Sédition, latin seditio, désigne, au et la révolte à l'outrager par des impiétés, des contraire, quelque chose de plus relevé et de blasphèmes, des sacriléges. Le refus de l'impôt plus sérieux. « S'il y eut sous Louis XIV quelques est une simple rébellion « L'impossibilité d'o- séditions dans les provinces, ce ne furent que de béir (à cause de l'enormité des charges) n'a plus faibles émeutes populaires aisément réprimées. » d'autre nom que la rébellion et la mauvaise VOLT. L'émeute se forme dans la rue, et comvolonté qui refuse. » MASS. Une prise d'armes est mence par un rassemblement sans dessein préaproprement une révolte : « Il y avait un grand lable, sans chef, et se dissipe comme un feu de nombre de huguenots qui trouvaient la réforme paille; elle se borne d'ordinaire à des cris, ou si on incompatible avec l'esprit de révolte qui les s'y bat, c'est à coups de poing, de pierres ou de faisait soulever contre leur roi. » Boss. La ré- bâtons. « Un capitaine autrichien ayant rudement forme excita les peuples à la rébellion et à la frappé un habitant (de Gênes), ce moment fut un révolte: à la rébellion, en les engageant à se signal auquel le peuple s'assembla, s'émut et soustraire à l'obéissance de l'Eglise; à la révolte, s'arma de tout ce qu'il put trouver pierres, bâen les armant contre leurs souverains. - D'un tons, épées, fusils, instruments de toute esautre côté, rébellion par sa désinence marque pèce.... Le marquis de Botta crut que cette l'action, l'éclat, la manifestation, quelque chose émeute du peuple se ralentirait d'elle-même. » d'effectif; au lieu que révolte, avec sa terminai- VOLT. « Dans une émeute populaire, un jeune son passive, exprime l'état, le fond ou l'esprit : homme creva un œil à Lycurgue d'un coup de on fait un acte de rébellion (J. J.), on est bâton. » ROLL. Mais la sédition est concertée; puni pour une rébellion (ROLL.); on est en ré-elle obéit à un mot d'ordre, à des meneurs, elle volte (ACAD.), on vit dans la révolte (BOURD.). « Le peuple juif s'entretenait dans un esprit de révolte qui éclata bientôt après et en causa la ruine. Les pharisiens fomentaient secrètement ces mauvaises dispositions; mais Jésus-Christ ne veut point partir de ce monde, sans préveniret, si elle n'est réprimée, elle engendre la guerre la rébellion dans laquelle toute la nation de- civile. « Les Romains prièrent Numa de ne pas vait périr. Boss. « Voilà l'esprit de révolte les rejeter dans une nouvelle sédition, qui abouque Dieu envoie quand il veut renverser les tirait à une guerre civile, puisqu'il n'y avait trônes. Sans autoriser les rébellions, il les per- que lui seul qui fût au gré des deux partis. » met. ID: « La rébellion des Antiates fut punie ROLL. « Alors il s'éleva une sédition qui partagea par le supplice des principaux auteurs de la la nation en deux corps. » ID. « Rien ne doit révolte.» ROLL. plus alarmer le roi qu'une sédition presque uniLe soulèvement est une rébellion ou une ré-verselle (des jansénistes réfugiés en Hollande), qui volte naissante d'un certain nombre de personnes. « Ces maximes séditieuses ouvrent la porte aux soulèvements, auxquels les peuples sont si naturellement portés. » PASC. « Quand on verra le roi ruiner le royaume, le public recommencera à crier; et il n'est presque pas possible qu'il n'arrive à la longue quelque soulèvement. » FÉN. « Le sénat voyant que son parti et son autorité diminuaient tous les jours, et craignant un soulèvement général (en faveur de Marius), crut devoir entrer (avec Cinna) en négociation. VERT. « Le meurtre commis dans la

se fait à main armée; c'est l'action, non pas d'une troupe amassée tout à coup, mais d'un parti. Elle produit et entretient les divisions (seditio, se itio, action d'aller à part); elle met aux prises les citoyens les uns avec les autres,

semble préparer une guerre civile de religion. » FEN. Voltaire dit en parlant de la journée des Barricades: « Le cardinal de Retz se vante d'avoir été l'auteur de cette sédition mémorable. qui commença la guerre civile. >>

L'émotion est une fermentation, une légère émeute ou une émeute qui se prépare, une espèce d'émeute, comme la corporation est une espèce de corps, un corps en train de se former. Calvin a approuvé ces guerres sanglantes, lui qui se vantait que son parti n'était pas seulement soupçonné d'avoir causé la moindre émotion.» Boss, « L'émotion

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passagère d'un peuple furieux. » D'AG. Cléo- le dedans, c'est l'espace contenu entre les murs, mène s'applique à rassurer les Corinthiens en le sol et le toit. On vante beaucoup l'intérieur leur faisant entendre que ce qui venait d'arriver de Saint-Pierre de Rome. Je n'entrevoyais jaà Argos n'était qu'une légère émotion.» ROLL. mais le dedans d'une église sans un frémisseLa sédition s'allume peu à peu de toutes ment de terreur et d'effroi. » J. J. On connait parts.... Les émotions populaires deviennent l'intérieur d'une chose (FÉN., MONTESQ.), c'estfréquentes. FÉN. à-dire cette chose vers le milieu; le dedans d'une chose est vide (MASS.), on le remplit (Boss.) ou on l'ouvre (LES.). Nous disons, mon inté rieur, c'est-à-dire mon âme avec toutes ses affections et dispositions; et, ce qui se passe au dedans de moi, façon de parler qui sert à marquer le lieu de nos pensées, pour ainsi dire.

La mutinerie est une sédition opiniâtre ou de gens opiniâtres, comme était celle des plébéiens de Rome qui s'obstinaient à demander l'abolition des dettes: Tant de mutinerie, disait Appius, ne procède pas de la misère du peuple; c'est bien plutôt l'effet d'une licence effrénée. » VERT. » Appius n'alla point au siége de Véies, mais il resta à Rome pour faire tête aux tribuns, et pour réprimer les mutineries ordinaires du peuple. ID. Ensuite mutinerie indique, non pas quelque chose de vulgaire comme émeute, mais quelque chose de petit dans les motifs ou dans les personnes. Elle procède, non pas d'un grand mécontentement, mais d'aigreur ou de | dépit, ou bien elle a pour auteurs des gens qu'on considère et qu'on traite comme des enfants. « Les sujets n'ont à opposer à la violence des princes que des remontrances respectueuses, sans mutinerie et sans murmure.... Les remontrances pleines d'aigreur et de murmure sont un commencement de sédition qui ne doit pas être souffert.» Boss. « Les mouvements de la Bretagne rendent cette province peu sûre.... Si le repentir prend à ces mutins, et qu'ils rentrent dans leur devoir, je reprendrai le fil de mon voyage. »

SÉV.

4° Troubles.

Les troubles représentent le triste état d'un pays qui est en proie aux rébellions, aux révoltes, aux émeutes, aux séditions, et même à des mouvements moins violents, à de simples partialités propres à altérer la paix et l'union, à des discussions trop vives qui divisent le public. « L'empire était tranquille avant Luther; depuis lui on ne vit que troubles sanglants, que divisions irrémédiables. Boss. « La révolte devint générale. Ce soulèvement de ses sujets obligea Apriès de se sauver dans la haute Égypte.... Les troubles qui agitaient l'Égypte furent une occasion favorable à Nabuchodonosor pour l'attaquer. » ROLL. « Les riches entreprirent de persuader au peuple que Tibérius ne proposait un nouveau partage que pour susciter de grands troubles dans la république, et pour la mettre en combustion. » ID.

INTÉRIEUR, DEDANS. L'intérieur ou le dedans d'une chose est de cette chose ce qui est sous l'enveloppe, par delà la surface ou la partie environnante et apparente.

Mais l'intérieur, de l'adjectif latin interior, plus en dedans, plus enfoncé, plus voisin du centre, est de la chose, est la chose même intérieure, c'est-à-dire du côté opposé au dehors. dans, au contraire, adverbe de lieu pris substantivement, est une expression abstraite, simplement indicative du lieu. L'intérieur d'un édifice est cet édifice même, vu quand on y est entré, les colonnes, le plafond, les vitraux, les tapisseries et les ornements de toutes sortes;

Une autre différence très-importante pour l'usage, c'est que intérieur venant du latin, et dedans du français, le premier est plus noble, plus propre pour le figuré, et mieux placé dans le langage des arts et des sciences. L'intérieur d'un temple (ACAD.), l'intérieur d'un Etat (D'AL.), l'intérieur de nos âmes (BOURD.), un tableau d'intérieur (ACAD.); le dedans de la bouche, des mains (BUFF.), du bec d'un oiseau ou de son nid (ID.), le dedans d'un fruit (VOLT.), le dedans d'une lettre (Sév.). « Alors l'écolier vit, comme en plein midi, l'intérieur des maisons, de même qu'on voit le dedans d'un pâté dont on vient d'ôter la croûte. » LES.

INUTILEMENT, VAINEMENT, EN VAIN. Sans

succès.

Inutilement est objectif, a rapport à l'effet, et marque qu'il n'a pas lieu. Vainement et en vain sont subjectifs, ont rapport au sujet, à la cause, et expriment son désappointement. Une chose faite inutilement n'est pas suivie de son effet; la chose qu'on fait vainement ou en rais n'aboutit point à l'effet qu'on attend d'elle, déçoit.

Une place imprenable est inutilement assiégée, et les assiégeants s'obstinent vainement à vouloir s'en emparer. Si je ferme les yeux, les rayons de la lumière viendront inutilement; et, d'autre part, si les rayons de la lumière manquent, j'aurai beau ouvrir les yeux, je m'efforcerai rainement de voir. Les ronces et les épines occupent inutilement certaines terres; et c'est vainement ou en vain que nous cultivons les terres couvertes d'épines et de ronces, elles trompent nos espérances.

« Nous négligeons de rappeler en notre mémoire les vérités du salut, et la foi est en nous inutilement. Boss. « Il pria le Sauveur que son sang répandu pour lui ne le fût pas inutilement. » ID. « Nestor oubliait le danger où il exposait inutilement sa vieillesse. » FÉN. « Le temps est si court et nous en avons besoin pour tant de choses, qu'il ne faut pas l'employer inutilement. » J. J. « Vous avez inutilement enployé le premier instrument; il n'est pas vraisemblable que le second eût plus d'effet. » ID.

Marius et Sulpitius promirent iuutilement la liberté aux esclaves qui prendraient les armes en leur faveur personne ne branla. » VERT.

a Gens rebutés des faux biens vainement poursuivis. » J. J. « Le repos après lequel j'ai vainement soupiré, et que je ne cherche plus parce que je ne l'espère plus. » ID. « Ceux du

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Tantale aux eaux du Styx portait en vain sa bouche,
Et Sisyphe en sueur essayait vainement
D'arrêter son rocher pour le moins un moment.
LAF.

Et le jeune Agrippa, de son sang descendu,
Se vit exclu du rang vainement prétendu. RAC.
En vain vous prétendez, obstinée à mourir,
Intéresser ma gloire à vous laisser périr.

(Achille à Iphigénie). ID.

Mais je me flatte en vain qu'aucun respect les touche.

VOLT.

Pour ce qui concerne la différence à mettre entre vainement et en vain, voyez Ire partie, p. 97 et 98.

INVITER, PORTER, EXCITER. Agir sur quelqu'un pour lui faire faire quelque chose.

Inviter exprime une action douce; porter, une action puissante; et exciter, une action vive.

Ce qui nous invite à quelque chose nous y attire, agit sur nous par insinuation ou par persuasion; ce qui nous porte à quelque chose nous y entraîne, agit sur nous avec autorité, avec ascendant; ce qui nous excite à quelque chose nous met en verve pour cela, réveille et dispose pour cela toutes nos forces, agit sur nous en nous piquant et en nous enflammant.

L'action d'inviter réussit toujours à l'égard des personnes qui se laissent aisément gagner; celle de porter, à l'égard des personnes qui se laissent aisément mener; celle d'exciter à l'égard des personnes qui se laissent aisément passionner.

Le cœur et la raison invitent; l'instinct et le penchant portent; le désir et tout ce qui nous irrite ou nous soulève excitent.

L'action d'inviter peut aller jusqu'à obliger; celle de porter, jusqu'à emporter et contraindre; et celle d'exciter, jusqu'à exalter.

Inviter a pour synonymes convier, induire et engager (voy.). Porter se trouve comparé dans un article particulier avec pousser et mouvoir (voy.). Exciter forme de même une famille à part avec inciter, provoquer, aiguillonner, stimuler, animer et encourager (voy.).

INVITER, CONVIER, INDUIRE, ENGAGER. Agir sur quelqu'un d'une manière douce, par voie d'insinuation ou de conseil, pour lui faire faire quelque chose.

Inviter et convier paraissent dériver, l'un du latin vita, vie, et l'autre du français vie; et c'est apparemment à cause de cela que tous deux se disent particulièrement bien en parlant d'un repas auquel on prie de venir prendre part. Les invités et les conviés sont appelés à une table où ils trouvent leur vie, où ils vivent aux dépens de celui qui donne à dîner.

Mais inviter est le latin invitare; au lieu que convier, ayant pour élément principal le mot français vie, a une physionomie plus française. Outre cela, dans inviter, in, en, dans, à, marque le but; et dans convier, con ou cum, ensem

ble, indique le fait ou l'habitude d'être ou de | vivre ensemble. Par ces deux raisons, inviter exprime une action qui sent davantage la cérémonie; et convier, une invitation familière ou affectueuse. La politesse invite; l'amitié convie. On invite des gens de connaissance; on convie des amis. Vous invitez à un grand repas, à un banquet; vous conviez à un régal, à un petit repas entre quelques personnes intimes. On invite à une séance académique, à une distribution de prix; on convie à une partie de plaisir. Pendant que la justice invite à la condamnation des cou pables, la bonté convie à l'indulgence. L'Evangile nous invite à vivre chrétiennement; la grâce nous y convie. La grande chaleur du jour invite au repos (ROLL.); le beau temps convie à la promenade (ACAD.), à la danse, aux joyeux ébats. Une Académie invite à traiter de telle ou telle manière un sujet de prix qu'elle propose (FÉN.); Dieu convie lui-même le pécheur à lui demander des grâces (MASS.). Dans ce vers célèbre de Corneille :

Soyons amis, Cinna, c'est moi qui t'en convie, mettez inviter à la place de son synonyme, tout d'un coup vous détruisez le charme du sentiment qui rend si touchantes les avances d'Auguste et qui fit verser des larmes au grand Condé. Dans cet autre vers du même poëte :

Qui pardonne aisément invite à l'offenser, convier, à la place d'inviter, serait d'une impropriété choquante.

Induire, latin inducere, tromper, séduire, a été formé de in ducere, conduire dans, c'est-àdire dans le piége, dans le danger, dans l'erreur ou autre chose semblable, mettre dedans. C'est pourquoi ce mot se prend ordinairement en mauvaise part; induire en tentation, à mal faire, à se relâcher dans une bonne œuvre, à erreur ou à croire faussement quelque chose. «Que vous a fait ce peuple? dit Moïse à Aaron (au sujet de l'adoration du veau d'or); et pourquoi l'avezvous induit à un si grand mal?» Boss. « Si le mouvement seul nous a induits à donner une âme à la matière, la végétation nous y a comme obligés. » MARM.

Engager a cela de propre, qu'il suppose des representations, une exposition des avantages qu'on doit trouver à prendre tel parti. Vous inviter ou vous convier, c'est simplement vous prier ou vous proposer de venir, comme on le fait quand il s'agit d'un repas; mais vous engager, c'est travailler à vous persuader en vous faisant sentir l'utilité ou la convenance des choses. Un vainqueur invite ou convie une ville à se rendre, en le lui faisant dire, simplement; il l'y engage, en lui faisant connaître les raisons qui doivent la décider à prendre cette résolution. « Pour vous engager à mériter cette récompense, je veux vous en découvrir l'excellence et les avantages. » BOURD. « A la fin, le désespoir contraignit le connétable de se jeter entre les bras du duc de Bourgogne, qu'il crut plus aisément pouvoir engager par son intérêt à le protéger contre Louis XI. » Boss. « Ils tâchaient d'engager les gouverneuses à me quitter, leur promettant un regrat de sel, un bureau à tabac et je ne

ébloui, on rêve tout haut, on chancelle; quand on est soûl, on n'en peut plus, on tombe pour cuver son vin et on reste quelque temps enseveli dans sa crapule. Aussi le mot ivre est-il de tous les styles, au lieu que soul ne convient que dans le moins noble.

sais quoi encore. » J. J. & Il était parti de Lacé-¡ qu'à être saturé, plein, jusqu'au rassasiement ou démone des ambassadeurs chargés de rechercher à la réplétion. Dans l'ivresse on est gai, exaltė, l'alliance du roi des Perses, et de l'engager à fournir de l'argent pour l'entretien de la flotte. » ROLL. Un autre caractère distinctif d'engager, relativement à inviter et à convier, c'est qu'il emporte quelquefois une idée d'engagement, de devoir ou d'obligation. Une personne invitée ou conviée peut refuser, n'est encore tenue à rien; mais une personne engagée n'est plus libre. « Dieu invite par ses promesses les pécheurs à la réformation de leur vie; il les y engage par ses bienfaits. BOURD. D

IVRE, SOUL. Qui a trop bu de vin ou de quelque autre liqueur semblable.

Ivre est moins ignoble et moins odieux. L'homme ivre est pris de vin; l'homme soul est gorgé de vin. Le premier a bu jusqu'à avoir le cerveau troublé; le second, tout son soûl, jus

Au figuré, ivre se dit de l'espèce de transport ou de délire qu'une passion produit dans l'âme : ivre de joie ou d'ambition.

Vous, dès que cette reine, ivre d'un fol orgueil,
De la porte du temple aura passé le seuil....

(Joad parlant d'Athalie). Rac. Soûl, dans le langage familier ou populaire qui l'admet, signifie rassasié, ennuyé, las d'une chose.

Un rat, hôte d'un champ, rat de peu de cervelle,
Des lares paternels un jour se trouva soul. LAF.

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JOIE, GAIETÉ. État ou sentiment agréable de gination pour faire succéder une grande gaieté aux larmes qui paraissent les plus amères. »

l'âme.

La joie est dans le cœur ; la gaieté, dans l'hu-GIR. meur et les manières. La joie est passive, intime, concentrée, c'est à peine si elle se peint sur le visage et se témoigne par des larmes; la gaieté, au contraire, est active et extérieure, elle rit, danse, folâtre. Dans la joie, on jouit, on est content, on savoure tranquillement le plaisir de sa situation; dans la gaieté, on se divertit et on divertit, on se livre à des mouvements pleins de vivacité. La joie est un effet : une nouvelle agréable donne de la joie, cause une douce sensation; la gaieté ne se conçoit que comme active: le vin donne de la gaieté, excite le babil.

La joie est absolue, solitaire, retirée; la gaieté est relative, et suppose le commerce de la société. On est joyeux pour soi, gai pour soi et pour les autres. « Coulanges était là à la joie de son cœur. Il n'est point encore baissé : je crains pour lui ce changement, car la gaieté fait une grande partie de son mérite.» SÉv. « La gaieté de Pomenars était si extrême qu'il aurait réjoui la tristesse même.... Sa gaieté augmente en même temps que ses affaires criminelles; s'il lui en vient encore une, il mourra de joie. » ID. Avec beaucoup de joie on est un homme heureux; avec beaucoup de gaieté on est un aimable homme.

On apprend, on entend, on reçoit quelque chose avec joie; on parle, on agit, on célèbre une fête avec gaieté, on se fait remarquer par sa Tellement dépendante des impressions, qu'on dit gaieté sur le théâtre, à table, ou dans une partie au pluriel, les joies, pour les causes qui produide plaisir. On est saisi ou ivre de joie, on nage sent la joie, la joie peut être grande, pénétrante, dans la joie; on réjouit une compagnie par des profonde, poussée jusqu'à l'ivresse; mais elle traits de gaieté (BARTH.). «On élève la fauvette pour est nécessairement courte, passagère, accidenla gaieté de son chant. » BUFF. « La gaieté est la telle. La gaieté, au contraire, tenant, non pas aux mère des saillies.» VAUV.- - « Les Suisses sont fu- événements, mais au caractère, au tempérament, rieux dans la colère et leur joie est une ivresse. comme l'indique même la terminaison du mot, Je n'ai rien vu de si gai que leurs jeux. » J. J. est plus durable, moins variable, on la perd et on « A travers la railleuse gaieté du baron, on la reprend; mais elle est plus superficielle, parce voyait briller dans ses yeux une maligne joie.» ID. qu'elle est tout extérieure. « Le premier degré << Elle fut pendant le souper d'une gaieté, d'une du sentiment agréable de notre existence est la folie inconcevable. Le sultan ne se possédait pas gaieté. La joie est un sentiment plus pénétrant. de joie. » MARM. « C'était Socrate qui faisait la Les hommes qui ont de la gaieté n'étant pas joie de la table par sa gaieté et par ses bons d'ordinaire si ardents que le reste des hommes, mots.» ROLL. Informez-vous comment se passa ils ne sont peut-être pas capables des plus vives hier notre repas, avec quels éclats de réjouis-joies mais les grandes joies durent peu, et sance, avec quels transports d'une gaieté folâtre, à quoi ne contribuait pas peu la joie de ce que, dans le tournoi, notre parti n'avait pas eu du dessous. » ID. « Il arrive quelquefois que la possession d'un bien, dont l'espérance nous avait causé beaucoup de joie, nous procure beaucoup de chagrin; il ne faut souvent qu'un tour d'ima

laissent notre âme épuisée. » VAUV.

Enfin, lorsque le mot joie se prend abusivement dans le sens de gaieté, pour un éclat de bonne humeur, il marque moins de retenue cu une plus grande effusion: joie bruyante (ACAD.), la turbulente joie (J. J.). « Moncrif portait dans ces sociétés la variété, les grâces, la gaieté, et

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