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c'est comme si je disais : Est-il possible que vous soyez assez bon pour croire qu'il le fera? Au contraire, quand je dis: Croyez-vous qu'il le Jasse? mon doute porte à la fois, et sur votre sentiment à l'égard du fait, et sur le fait luimême; c'est comme si je disais : Je ne sais s'il le fera, qu'en pensez-vous?

La difficulté est la même et se résout de même quand les deux verbes sont au présent, l'un au présent indicatif, l'autre au présent subjonctif: Croyez-vous que la lune est habitée et soit habitée? Quel parti croyez-vous qu'on doit prendre et qu'on doite prendre? En me servant du premier tour, je ne témoigne qu'un doute, celui qui a rapport à votre sentiment, soit que j'aie moi-même une idée arrêtée sur la chose dont il sagit, soit que je n'aie pas dessein de mettre cette chose même en question. Mais quand j'use du subjonctif. je doute doublement, et touchant votre opinion, et touchant la chose sur laquelle je vous interroge. Lorsque Joad dit à Abner dans Athalie: Quel conseil, cher Abner, croyez-vous qu'on doit

suivre?

RAC.

Joad n'est point incertain, il veut seulement sonder les dispositions d'Abner. Mais il montrerait de l'indécision s'il disait: Quel conseil croyezvous qu'on doive suivre?

Du reste. quand même, après croyez-vous, le verbe à l'indicatif indiquerait déjà quelque doute sur la chose en question, ce ne serait à proprement parler qu'une suspension de jugement, que de l'indifférence entre le oui et le non; au lieu qu'avec le verbe au subjonctif on exprime un doute positif, de l'incrédulité. Un prêtre qui enseigne des enfants, et un philosophe qui dispute sans avoir encore une opinion faite, diront: Croyezvous qu'il y a un Dieu et qu'il prend soin de ce qui nous regarde? Mais un athée dira en secouant la tête: Croyez-vous qu'il y ait un Dieu et qu'il prenne soin de ce qui nous regarde?

SYNONYMIE DES VERBES ACTIFS AVEC CES MÊMES VERBES DEVENUS PRONOMINAUX.

Attaquer quelqu'un, s'attaquer à quelqu'un. Imaginer, s'imaginer. Attendre, s'attendre. Apercevoir, s'apercevoir. Etc.

Le verbe actif indique le fait ou l'acte en luimême, ou relativement à l'objet. Le même verbe, devenu pronominal, implique l'idée d'un rapport particulier au sujet : il représente l'action comme plus personnelle, il exprime un retour vers la sujet, il fait penser à lui, aux sentiments qui l'animent, à ses efforts, aux idées qu'il conçoit.

La raison de cette règle est facile à trouver. Le verbe pronominal renfermant le verbe actif doit d'abord signifier la même chose que lui, et comme il y ajoute le pronom, cette addition doit avoir pour effet de rappeler de quelque manière le sujet ou la personne qui agit. L'action du verbe, quand il est pronominal, au lieu de se porter immédiatement sur l'objet qui ne lui sert alors que de complément indirect, au moins pour l'ordinaire, ne l'atteint qu'après avoir, pour ainsi dire, fait retour vers le sujet et en avoir

reçu quelque modification. Le verbe ordinaire appelle naturellement l'attention sur l'espèce d'action elle-même ou sur l'objet qui est son complément direct; et le verbe pronominal, par sa rétroactivité vers la personne, en fait saillir quelque qualité ou la représente comme ajoutant quelque chose d'elle-même à l'action.

ATTAQUER quelqu'un, S'ATTAQUER à quelqu'un. Prendre quelqu'un pour objet de ses attaques et de ses coups.

S'attaquer, c'est se porter à attaquer, attaquer avec résolution, et c'est d'ordinaire à plus fort que soi qu'on s'attaque.

Ah! tu sauras, maraud, à ta confusion, Ce que c'est qu'un valet qui s'attaque à son maître. MoL. (Amphitryon.) S'attaquer à Dieu (BOURD.), au Créateur (Boss.). Il n'y a dans attaquer d'autre idée que celle du fait l'ayant trouvé sur son chemin, il l'attaqua. Dans s'attaquer il y a de plus un rapport à la personne qui s'en prend à quelqu'un, qui l'entreprend, un rapport aux sentiments particuliers qui l'animent et la rendent si osée, le ressentiment, la haine, la vengeance, l'humeur ou bien l'acharnement de sa volonté et l'ardeur de ses poursuites. En deux mots, attaquer n'exprime qu'un simple acte, l'agression, la provocation, un acte d'hostilité, abstraction faite de toute circonstance; s'attaquer y ajoute l'idée d'un retour vers le sujet et représente celui-ci ou comme ne craignant pas d'attaquer, comme attaquant ouvertement, ou comme animé de telle ou telle passion dans son attaque, ou bien encore comme prenant à partie avec discernement, par choix et préférence, celui-ci ou celui-là, à cause d'un tort vrai ou prétendu. Ce qui est essentiel dans attaquer, c'est le fait en lui-même, et dans s'attaquer, c'est la circonstance toute relative à l'agent, d'oser attaquer, d'attaquer avec acharnement et passion, et telle personne plutôt que telle autre.

IMAGINER, S'IMAGINER. Ces deux verbes signifient se représenter quelque chose dans l'esprit, quand ils ont un nom pour complément imils sont suivis d'une proposition incidente, commédiat, et se faire ou avoir une opinion, quand mençant par que. Ainsi, on dit, d'une part, imaginer et s'imaginer des fantômes; de l'autre, imaginer et s'imaginer qu'on viendra à bout d'une entreprise.

Or, dans les deux cas, ces mots diffèrent de même, c'est-à-dire en ce qu'ils marquent le fait ou l'acte, l'un simplement, l'autre avec une circonstance prise du sujet, savoir qu'il croit à la chose imaginée, qu'il y donne son assentiment.

Il importe de suivre cette distinction dans les deux sens où imaginer et s'imaginer paraissent synonymes.

1° Imaginer, s'imaginer. Se représenter, se faire une idée.

Ces verbes, considérés seulement dans le cas où ils ont un nom pour complément immédiat, signifient tous deux se représenter quelque chose dans l'esprit. Imaginer, c'est se représenter quelque chose d'idéal, qu'on feint, qu'on crée, qu'on invente, sans aucun égard à la réalité de la re

thèse, concevez comme possible que je sois votre père, mais persuadez-vous que je le suis réellement. Nos bons auteurs, qui emploient quelquefois imaginer que, quoique Beauzée l'ait nié, le font suivre ordinairement du verbe pouvoir. J. J. dit de ses ennemis : « Sans doute, ils n'imaginent pas qu'on puisse sincèrement croire en Dieu.» Et ailleurs : « Je n'imaginais pas même qu'on pût vouloir nuire à quelqu'un qu'on devait aimer.» « Ils n'imaginaient point qu'il fût possible de traverser les Palus-Méotides. » MONTESQ. « Rome n'imaginait point qu'elle pût être, si elle ne commandait pas. » ID. C'est-à-dire ne concevait pas l'idée d'elle-même comme possible sans le commandement. Imaginer équivaut à concevoir; s'i

qu'une chose peut être; on s'imagine qu'elle est. On peut se tromper dans les deux cas, mais l'erreur est bien plus grande dans le second que dans le premier. J'imagine que je réussirai, c'est-àdire je conçois mon succès comme possible; je m'imagine que je réussirai, c'est-à-dire je me persuade, j'ai la confiance que je réussirai, comme si mon succès était actuel, ou tout au moins assuré. « Quelques anciens ont imaginé que la voie lactée était (c'est-à-dire pouvait bien être) le chemin que tenaient les moindres divinités pour se rendre au conseil du grand Jupiter. » FEN. S'ils se sont trompés, c'est une erreur hypothétique, idéale, théorique, un petit mécompte, et non une déception, puisqu'ils ont affirmé, non que la chose était, mais qu'elle pouvait bien être '.

présentation. S'imaginer, imaginer à soi, pour soi, c'est se représenter quelque chose à quoi l'on croit, à quoi l'on s'attache, qu'on s'impose, qu'on se persuade. Il y a deux manières d'avoir de l'imagination; elles sont exprimées par ces deux verbes. Imaginer, c'est être créateur, c'est avoir de l'imagination, en ce sens qu'on est capable de se former des représentations idéales, hypothétiques. S'imaginer n'est pas seulement conceptif, il joint la croyance à la représentation; c'est avoir de l'imagination, en ce sens qu'on se laisse aisément entraîner à croire à ses conceptions. Dans imaginer se trouve l'imagination du poëte, de l'inventeur; dans s'imaginer l'imagination du rêveur. Dans imaginer, l'imagination produit; dans s'imaginer, elle impose la croyance à quel-maginer à penser, se persuader. On imagine que chose d'imaginé. Imaginer des fantômes et des périls, c'est simplement en produire l'idée dans son esprit; se les imaginer, c'est de plus croire qu'ils existent et avoir peur de sa création : Hoffmann imagine des fantômes, l'enfant s'imagine des fantômes. Pour faire de son imagination un usage convenable, il faudrait n'imaginer que les choses qui peuvent être, et ne s'imaginer que les choses qui sont. Imaginer est plus original, plus inventif; s'imaginer est plus logique, plus abstrait, et ce verbe emportant une croyance est très-rarement suivi d'un nom, mais presque toujours il est suivi d'un infinitif ou d'une proposition incidente, commençant par que. Les géographes ont imaginé des lignes et des cercles qui coupent le globe en tous sens, mais sans se les imaginer. « Il n'est pas besoin de s'imaginer aucun vide. » P. R. C'est-à-dire qu'il n'existe réelle1. Se figurer a le même sens général que imaginer et s'imaginer, savoir: se faire une idée, et se faire ou ment aucun vide. Dans les sciences hypothéti- avoir une opinion. Mais, au lieu d'être créateur comme ques, comme la géométrie, on dit à chaque imaginer, et décevant comme s'imaginer, il est figuinstant, imaginez telle ou telle chose, une ligne ratif, pittoresque; il ne donne pas l'être à ce qui n'est qui, etc. Quand on se sert de s'imaginer, c'est point, il représente ce qui est, il en met sous les yeux qu'il y a croyance à la réalité de la chose. « Il est de l'esprit les formes, la disposition, tous les traits. absurde de s'imaginer des infinis en divers gen- rêveur que désigne se figurer, c'est ce que Voltaire Ce n'est plus l'imagination de l'inventeur ni celle du res. » FÉN. C'est-à-dire qu'il existe de tels infinis. appelle l'imagination de détail et d'expression, celle Il n'y a rien de si déraisonnable que de s'ima- qui n'est qu'ouvrière, qui travaille sur quelque chose giner une infinité d'êtres sur de simples idées de de donné, celle qui distingue le grand écrivain et qui logique.» MAL. C'est-à-dire encore qu'il existe consiste à concevoir vivement le comment, la manière, une infinité d'êtres. » M. Jourdain : « Je vous dis les circonstances d'un fait on l'extérieur d'un objet, que ces souliers me blessent. »> Le maître tail-ses formes et ses couleurs. Quand on parle d'un géant, leur: « Vous vous imaginez cela. » MOL. « Les Juifs s'imaginaient le Messie tout autre qu'il ne devait

être. » Boss.

α

2o Imaginer, s'imaginer. Se faire ou avoir une opinion.

nous nous figurons aussitôt un homme de baute stature,
robuste, etc. « Les peintres peignent les choses comme
on se les figure. » MAL. Et réciproquement on se
figure les choses comme les peintres les peignent.
Effectivement, se figurer est synonyme de se peindre.
Figure-toi Pyrrhus, les yeux étincelants,
Entrant à la lueur de nos palais brulants....
Peins-toi dans ces horreurs Andromaque éperdue....

RAC.

" Saint

Ces deux verbes, suivis d'une proposition incidente, commençant par que, signifient, non plus se représenter quelque chose, se faire une idée, mais se faire ou avoir une opinion. Leurs diffé- Ce qu'on se figure est un tableau ou en tableau dans rences sont alors analogues à celles qui les distin-frant. >> MASS, « Tout seul qu'il est, on se figure autour de l'esprit. « Figurez-vous le spectacle d'un homme soufguent dans le premier sens. Imaginer marque une lui ses vertus et ses victoires. » FLECH. a Je me figure opinion hypothétique, relative à la possibilité; assez, sans la voir, cette magnificence. » MOL. s'imaginer une opinion sur la réalité. Il imagine Augustin, voyant la cour des empereurs de Rome si qu'il en viendra à bout, c'est-à-dire il conçoit pompeuse et si magnifique, se figurait par proportion comme possible d'en venir à bout; il s'imagine la magnificence et la beauté de la cour céleste. » BOURD. qu'il en viendra à bout, c'est-à-dire il est dans la ferme persuasion qu'il en viendra à bout. Scapin dit à Octave : « Imaginez-vous que je suis votre père qui arrive, et répondez-moi fermement. >> C'est à dire, non pas, imaginez, faites l'hypo

-En fait d'opinion se figurer, ne signifie pas, comme ses deux synonymes, une supposition toute gratuite. Se fiction toute pure, c'est une croyance ou une pensée figurer, par exemple, qu'on est malade, n'est pas une fondée sur quelques indices; mais s'imaginer qu'on est malade est le fait d'un malade imaginaire. «Que

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ATTENDRE, S'ATTENDRE. Avoir l'idée qu'une chose arrivera et y compter.

LABR.-Saisir fait penser à l'objet saisi, et se saisir au sujet saisissant; saisir un objet, c'est le prendre; s'en saisir, c'est s'en rendre maître.

TAIRE, SE TAIRE. Taire une chose, se taire sur une chose; n'en point parler.

Tous deux désignent une prétermission volontaire; mais le second ajoute à l'idée commune celle d'une circonstance particulière au sujet. Il suppose de sa part soin, précaution, discrétion, force de volonté, ou bien des considérations qui lui sont propres. On se tait malgré l'envie qu'on a de parler, on se contraint, on se fait une sorte de violence, et on est assez maître de soi pour ne

L'un se rapporte plus à la chose qui doit arriver et à son arrivée, et l'autre à la personne. On attend plus ou moins longtemps; on s'attend à ce qu'on attend avec confiance. S'attendre exprime la même chose qu'attendre, mais avec cette circonstance, qu'il marque en même temps comment le sujet attend, c'est-à-dire avec persuasion que la chose ne manquera pas d'arriver; de sorte que, si la chose n'arrivait pas, il serait bien trompé. On attend un héritage, une récompense; et on s'attend à un héritage, à une récompense: dans le premier cas, on espère la chose sans trop y comp-point révéler ce qui ne doit point être su; ou bien ter; dans le second, on l'espère et on regarde son on a par devers soi des raisons toutes particuaccomplissement comme assuré, comme infail- lières de croire que cette révélation entraînerait lible. S'il s'agit d'un malheur, la conviction qu'il des inconvénients. Il y a des choses qu'il faut arrivera fait que s'attendre représente la personne toujours taire; il y en a d'autres à l'égard descomme résignée. Ensuite, et toujours conformé- quelles chacun, suivant les circonstances, a droit ment à la régle, on attend plutôt ce qu'on ne de juger s'il lui convient de se taire. « Il serait craint ni n'espère, comme le retour des saisons, honteux de taire des vérités importantes à l'huune réponse à laquelle on est à peu près indiffé- manité. » RAYNAL. J. J. Rousseau aurait mieux rent, tandis qu'on s'attend à ce qui importe beau- fait de taire ses fautes que de les révéler au pucoup ou excite vivement l'intérêt. Enfin, on at- blic. « Il se tait et fait le mystérieux sur ce qu'il tend les choses ordinaires, et on s'attend aux sait de plus important. » LABR. « La vérité est que choses extraordinaires. Le juste attend une ré-les plus discrets s'en taisent et n'osent en rire compense au delà de cette vie; le soldat qui vient de faire une action d'éclat s'attend à une récompense. On attend le retour des saisons; et des persomes, à l'apparition de certaines comètes, s'attendent à la fin du monde. C'est que les motifs de croire sont, d'une part, communs, généraux, et, de l'autre, particuliers au sujet, puisés en lui

même.

APERCEVOIR, S'APERCEVOIR. Découvrir, ar

river à voir.

On aperçoit ce qui se montre, on s'aperçoit de ce qu'on remarque: on apercoit facilement une chose apparente, on s'aperçoit aisément quand on a de la sagacité. Apercevoir marque le fait en luimême et plutôt relativement à l'objet qu'au sujet ; s'apercevoir suppose, de la part du dernier, effort. recherche, attention ou grande finesse du regard. On aperçoit une maison; on s'aperçoit de ce qu'on a plus ou moins longtemps épié, afin de le voir, ou de ce qu'on surprend à force de pénétration, comme d'une intelligence, d'une ruse, d'une intrigue, ou enfin de ce qu'on a intérêt à découvrir, comme un vol.

SAISIR, SE SAISIR. Prendre tout d'un coup, mettre la main sur.

qu'entre eux. » J. J. « Elle ne peut se taire de votre beauté. » SEV. « Vous chicanez inutilement sur le principe lorsque vous êtes obligé de vous taire sur les conséquences qui suffisent pour anéan tir le précepte de J. C.» PASC. «La princesse des Ursins se taisait sur le traitement qu'elle recevait, et le supportait avec un courage male et réfléchi. »S. S.-On dit dans le même sens, et il faut distinguer de la même manière, cacher une chose,

et se cacher d'une chose. « J'ai travaillé moi-même

à

ce livre, et je ne m'en cache pas. » J. J. « Poltrot ne se cache pas du dessein qu'il avait conçu d'assassiner le duc de Guise à quelque prix que ce fût. » Boss.

RÉSOUDRE, SE RÉSOUDRE À. Prendre un parti, se déterminer à agir de telle ou telle manière.

MOL.

Résoudre, c'est simplement sortir de l'indécision; se résoudre, c'est en sortir avec peine, en se faisant violence: il en coûte de se résoudre, on n'y parvient qu'en luttant contre soi-même. A la fin, par nos raisons gagnée, Elle se résolut à souffrir la saignée. Celui qui est résolu de faire une action n'éprouve plus d'embarras, sait à quoi s'en tenir sur la la faire a trouvé en lui-même une résistance qu'il conduite qui lui convient; celui qui s'est résolu à a dû vaincre. « J'ai eu toutes les peines du monde à vaincre son scrupule et ce n'est que d'aujourd'hui qu'elle s'est résolue à accepter le diamant.» MOL.

Saisir exprime en elle-même et sans aucune circonstance l'action ordinaire d'occuper, de s'emparer. Les enfants ne peuvent d'abord ni marcher ni saisir.» J. J. Se saisir a plus rapport au sujet qu'il représente comme plein d'ardeur et d'avidité, comme se jetant sur la chose ou la personne, comme l'envahissant, comme la garrot- TIR. Eprouver quelque chose d'agréable ou de tant et l'étreignant. «< A peine un grand est-il dé-fâcheux. On se sent de la goutte et des infirmités de barqué que Théophile l'empoigne et s'en saisit. » la vieillesse, comme on les sent. On ressent l'in

si, après cela, il se trouve encore quelques théologiens qui e figurent qu'en décriant ces propositions j'ai en The de les décrier eux-mêmes, je déclare que cette fausse idée ne saurait venir que des mauvais artifices de l'équivoque.» BOIL.

SENTIR, SE SENTIR; RESSENTIR, SE RESSEN

fluence, ou l'on se ressent de l'influence de la température, d'une doctrine, d'une administration bonne ou mauvaise; on ressent la munificence d'un prince, ou l'on s'en ressent.

Se sentir et se ressentir ne présentent pas l'ac

de sa peine.

REVÊTIR un habit, SE REVÊTIR d'un habit. Le mettre ou s'en couvrir.

tion d'une manière aussi directe et aussi pleine | l'ouvrier que cette opération soulage et délivre que les verbes actifs; ils signifient éprouver quelque chose, soi aussi, pour sa part, n'y être pas étranger, ou n'en être pas exempt. Ils expriment donc la même chose, mais à un moindre degré. Celui qui se sent ou qui se ressent, sent ou ressent en partie ou de loin, à une distance plus ou moins grande de l'impression.

Revêtir se rapporte à l'habit, et se revêtir, à la personne. Tant que vous n'avez pas revêtu un habit, il est nouveau ou inaccoutumé pour vous, et on ignore s'il vous va; tant que vous ne vous êtes pas revêtu d'un habit, vous n'y êtes pas accoutumé, et on ignore si vous aurez bon air avec. Un habit est véritablement neuf quand on ne l'a jamais revêtu; un peuple est véritablement sauvage quand chez ce peuple on ne s'est jamais revêtu d'habits. Vous donnez à un pauvre des habits inutiles ou que vous ne mettez plus pour qu'il les revêtisse et afin de ne les pas laisser périr de vétusté; vous donnez des habits à un pauvre pour qu'il s'en revê

RIRE, SE RIRE de quelque chose. Ne pas s'en soucier, s'en moquer.

ACQUITTER, S'ACQUITTER. On acquitte un devoir, un vou, une promesse, et on s'en acquitte. Mais acquitter est tout objectif, et s'acquitter subjectif: l'un fait penser à la chose sur laquelle tombe l'action, et l'autre à la personne d'où part l'action. Si vous acquittez votre promesse ou votre vou, la chose promise ou vouée sera faite, réalisée; si vous vous en acquittez, vous en serez quitte ou libre, vous n'aurez plus à y songer. L'obligation qu'on acquitte est un objet, un acte notarié; l'o-tisse et afin qu'il soit à l'abri des injures de l'air. bligation dont on s'acquitte est quelque chose - Les formes que revêt la pensée sont telles ou d'idéal et de propre aux personnes, à la personne telles; les formes dont se revêt la pensée la renqui agit: l'obligation que vous avez acquittée n'a dent telle ou telle. plus de valeur, l'obligation dont vous vous êtes acquitté ne vous pèse plus. - A peine est-il besoin d'ajouter que c'est toujours de quelque chose de personnel qu'on s'acquitte, et que c'est quelquefois les autres qu'on délivre en acquittant. Le maréchal de Coigny avait toujours traité sévèrement le poëte Bernard, qui lui était attaché. « Mais en mourant il le recommanda vivement à son fils, en le priant de réparer ses torts; devoir que celui-ci se fit un plaisir d'acquitter, et qu'il acquitta pleinement. >> LAH. - Enfin on acquitte quelquefois mais on ne s'acquitte jamais, involontairement. Fontenelle donnait constamment sa voix (pour entrer à l'Académie) à l'abbé Trublet, « par un sentiment de reconnaissance dont le philosophe ne s'apercevait peut-être pas lui-même, et qu'il acquittait comme sans le vouloir. » D'AL.

DÉPOUILLER une chose, S'en DÉPOUILLER. La quitter, s'en défaire. On dit également au figuré, dépouiller son orgueil, sa fierté, la haine, l'artifice, et s'en dépouiller.

Roubaud a très-bien établi la différence de ces deux locutions. « L'action de se dépouiller d'une chose, dit-il porte directement sur le sujet qui se dépouille; l'action de dépouiller la chose porte directement contre l'objet dont on veut être dépouillé. La première de ces images attire principalement votre attention sur la personne vous assistez en quelque sorte à son dépouillement. Par la seconde, votre attention est plutôt fixée sur la chose, vous verrez tomber sa dépouille. Si le prince se dépouille de sa grandeur, vous le voyez tel qu'un homme privé s'il la dépouille, vous la voyez s'évanouir. » Il est difficile de nous dépouiller des choses auxquelles nous tenons beaucoup, de nos goûts, de nos habitudes, de nos préjugés, et de dépouiller celles qui tiennent beaucoup à nous, les sentiments de la nature, l'humanité, la pudeur.

DÉCHARGER, SE DÉCHARGER.. Un portefaix décharge un fardeau et s'en décharge, c'est-àdire qu'il le dépose.

L'esprit se porte, d'un côté, vers le fardeau que l'on voit changer de position, passer de l'épaule de l'ouvrier sur la terre; de l'autre, vers

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On rit de ce qui se montre risible, on se rit de ce qu'on trouve ridicule. Quand de mauvais plaisants font rire le monde en employant des termes qui ne sont pas du bon usage, on ne rit pas de ce qu'ils disent, mais on se rit d'eux (VAUG.). La première expression énonce le fait simplement et le présente comme provoqué par l'objet; la seconde ajoute à l'idée du fait celle de la hardiesse du sujet et de son opinion particulière sur la valeur de l'objet. On distinguerait de même jouer quelqu'un et se jouer de quelqu'un, c'est-à-dire le tromper.

SYNONYMIE DES VERBES ACTIFS ET DE LEUR DÉFI

NITION COMPOSÉE DU VERBE rendre ET D'UN AD-
JECTIF QUI LEUR CORRESPOND POUR LE SENS ET
POUR L'ÉTYMOLOGIE.

Engraisser, rendre gras. Chauffer, rendre chaud.
Aiguiser, rendre aigu. Populariser, rendre
populaire. Endurcir, rendre dur. Éclaircir,
rendre clair. Embellir, rendre beau. Etc.

Deux différences principales empêchent de confondre ces expressions synonymiques. D'abord, le verbe montre à l'œuvre; sa définition montre l'œuvre. En engraissant on rend gras, de même qu'en chauffant on rend chaud, de même qu'en aiguisant on rend aigu. C'est la même chose envisagée, là, du côté du sujet et de son action, ici, du côté de l'objet et du résultat qu'il subit, c'est-à-dire qu'on insiste, d'une part, sur l'action en la présentant dans son accomplissement, et, de l'autre, sur la qualité en la dégageant du verbe auquel elle est mêlée, en la mettant en saillie, en la faisant voir séparée, en la signalant en dernier lieu à l'attention, de telle sorte que nous croyons voir l'action se passer sous nos yeux. Une fermière dira: J'engraisse de la volaille; c'est là ce dont elle s'occupe, et: Cette volaille que j'avais achetée maigre, je l'ai rendue grasse; c'est là l'espèce de modification qu'elle a fait subir à l'objet. Lorsqu'on entend dire qu'une chose a été popularisée, on demande naturelle

ment par qui, quand et pourquoi; et, s'il s'agit | pâle suppose qu'on n'était point pâle et qu'on le d'une chose rendue populaire, on songe unique- devient tout à fait. Une forme d'habit vieillit, si ment à la qualité qu'elle a acquise. Il y a, dans on est déjà vieux, et rend vieux si on ne l'est la première expression, un caractère de subjec- pas. Dire à une personne que ses vêtements l'emtivité, et, dans la seconde, une nuance incon-bellissent, c'est lui faire un compliment, car cela testable d'objectivité. La guerre endurcit le corps | signifie qu'ils ajoutent à sa beauté : la modestie et l'âme, est une manière de s'exprimer qui pré-embellit la beauté même. Dites à une personne sente la guerre comme produisant son effet; tan- que sa parure la rend belle, elle s'en offensera dis que la guerre rend durs le corps et l'âme, justement; car vous lui faites entendre qu'elle fixe l'esprit tout entier sur la qualité contractée n'est point belle sans cela. au milieu des armes. Ce qui domine dans le verbe, c'est l'opération de l'agent, et dans la phrase explicative, c'est l'acquisition de la qualite par l'objet. Les commentateurs éclaircissent les textes; on les voit en action: leurs commentaires les rendent clairs; ici, ce qui frappe, c'est seulement la modification subie par les textes. Le verbe a tant de rapport à l'agent, qu'il dénote quelquefois, de sa part, un autre motif que celui de donner à l'objet la qualité qu'il lui donne effectirement. On embellit souvent une chose, non pour la rendre belle en elle-même, mais pour se faire honneur; on engraisse des esclaves, afin de les retenir plus facilement sous le joug.

La seconde différence se déduit de la première. Le verbe montre à l'œuvre, indique l'action se faisant et tendant à produire le résultat, à faire naitre la qualité; il comporte tous les degrés, depuis le plus faible commencement, jusqu'à l'entier achèvement de l'opération. La phrase explicative, au contraire, ayant pour office d'exprimer la qualité survenue dans l'objet, le fait d'une manière absolue, rigoureuse, complète, précise. La signification du verbe est plus vague, plus large, plus flottante. On grossit, on éclaircit, etc., peu à peu, insensiblement, en partie, jusqu'à un certain point, pour un instant, même quand on essaye simplement ou qu'on commence à rendre gros ou clair. Rendre gros ou clair ne comporte pas ces déterminations ou plutôt ces indéterminations; il marque positivement l'effet comme produit. Pour rendre de la toile blanche, il faut la blanchir longtemps et à plusieurs reprises; pour rendre gras, il faut bien engraisser; pour rendre léger, alléger beaucoup, et ainsi des autres. Populariser, c'est se mettre à rendre populaire, essayer, commencer ou être en train. Au verbe s'attache plutôt l'idée de la sorte de but qu'on se propose et qu'on poursuit, et à la phrase explicative l'idée de ce but comme effectivement et entièrement atteint. Celui qui emplit un tonneau, aiguise ou polit un instrument, ne rend pas nécessairement et toujours, l'un plein, l'autre aigu ou poli. Il y travaille. Rendre grand, c'est donner une qualité, la grandeur; grandir indique le même effet, mais d'une manière vague ou peu précise. « Le mariage, dit Nicole, règle la concupiscence, mais il ne la rend pas réglée: elle retient toujours quelque chose du déréglement qui lui est propre. »

Non-seulement le verbe peut vouloir dire donner une qualité peu à peu, à peu près, en partie, jusqu'à un certain point, mais quelquefois il siguifie la faire augmenter dans ce qui l'a déjà; tant il est vrai qu'il désigne l'effet relativement. Pálir peut signifier ajouter à la pâleur; rendre

SYN. FRANÇ.

'Le verbe ne signifie donc pas toujours simplement rendre un objet tel ou tel, comme le disent les dictionnaires, mais parfois aussi commencer, ou travailler, ou tendre à produire cet effet, sans indiquer précisément où l'on est arrivé, et si l'on ne fait qu'ajouter à ce qu'était l'objet, à la qualité qu'il avait déjà. La phrase explicative est une forme nette, analytique, abstraite, qui exclut les à peu près, dont l'usage ne commence qu'à une époque assez avancée de la civilisation pour qu'on y sente vivement le besoin de la précision et de la clarté. D'ailleurs, elle ne se prête pas et ne doit pas se prêter, comme le verbe, aux significations étendues et figurées. On ne dit pas au figuré rendre gros, comme on dit grossir, pour exagérer; non plus que, se rendre gras, comme on dit s'engraisser des misères publiques; non plus que, la prospérité rend ivre, comme on dit qu'elle enivre, et ainsi des autres.

SYNONYMIE DES Verbes neutres et de leur dé-
FINITION COMPOSÉE DU VERBE devenir ET D'UN
ADJECTIF QUI LEUR CORRESPOND.

Vieillir, devenir vieux. Pâlir, devenir pâle. Noir-
cir, devenir noir. Mûrir, devenir mûr. Etc.

Il y a entre les synonymes de cette classe et ceux de la précédente une ressemblance visible; aussi admettent-ils à peu près les mêmes principes de distinction, quoique le verbe de la phrase explicative ne soit pas le même.

Le verbe neutre a pour caractère principal de désigner le fait du changement, et sa définition en désigne plutôt l'espèce ou la nature. D'une année à une autre on trouve qu'un ami a vieilli; d'ordinaire un accusé pálit en entendant prononcer sa condamnation; il arrive à ceux qui séjournent quelque temps en Afrique de noircir. De jeune on devient vieux; de coloré, pale; de blanc, noir. Vous direz d'un vin qu'il acquiert de la qualité en vieillissant, et alors vous montrerez le changement qui s'opère graduellement en lui, vous représenterez le vin comme se bonifiant à mesure qu'il subit l'influence du temps. Si vous dites qu'il acquiert de la qualité, quand il devient ou qu'on le laisse devenir vieux, en ce cas vous n'aurez égard qu'à la sorte de changement produit par l'âge dans cette liqueur. Mûrir peint le travail de la maturation et le temps où elle a lieu les cerises mûrissent au mois de juin; devenir mûr montre la maturité comme la qualité qui survient dans l'objet : il faut attendre que les cerises deviennent ou soient devenues mûres pour les cueillir. Le verbe neutre constitue une expression synthétique et composée, dans laquelle l'adjectif est si bien fondu, si bien déguisé, que

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