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soi-même. L'eau, du métal en fusion (BUFF.), le sable d'un sablier, coulent; on glisse sur la glace, un rabot glisse sur une planche quand il ne mord pas (J. J.), des enfants s'amusent à glis- | ser sur une rampe (LAH.); une boule et tout ce qui y ressemble, pierres, cailloux, pommes, œufs, globes célestes ou autres, roulent.

réponse tout à coup quand vous vous y attendrez le moins. » ID. Dans le moment où Pygmalion et Astarbé allaient commencer leur repas, la vieille fit tout à coup du bruit à une porte. »> FÉN. << Un des regards de Mentor arrêtait tout à coup Télémaque dans sa plus grande impétuosité. » ID. « Si le bien suprême venait à se montrer tout à coup, il ravirait d'abord tout l'amour de la volonté. » ID.

REGN.

Quel sujet tout à coup vous a mis en colère?
L'esprit ne se sent point plus vivement frappé
Que lorsqu'en un sujet d'intrigue enveloppé
D'un secret tout à coup la vérité connue
Change tout, donne à tout une face imprévue. BoшL.

Au figuré, rouler diffère bien des deux premiers mots, qui, au contraire, se ressemblent beaucoup. Rouler, comme en latin versare, désigne une action qui se fait itérativement, qui se répète souvent sur le même objet; de même qu'une boule, après avoir fait un tour, en fait un second, un troisième et ainsi de suite, appuyant souvent sur les mêmes points de sa cir-« Des personnes qui marchaient devant moi s'éconférence. On roule des projets dans sa tête, l'esprit y revient sans cesse, y pense et y repense; un livre roule sur une matière, qu'il tourne et retourne dans tous les sens. On roule dans un pays, quand on y va tantôt d'un côté, tantôt d'un autre, sans se fixer nulle part. « Je roulai longtemps sur les vagues émues, qui tantôt me faisaient voir la profondeur des mers, et tantôt m'élevaient jusqu'aux nues. » LES.

Couler et glisser signifient un mouvement doux et facile. Mais celui qui consiste à couler peut être lent et tranquille : le temps coule, il a une marche paisible et uniforme; une période et un vers coulent bien, quand il ne s'y trouve rien d'embarrassé ni de précipité. « La marche de l'hirondelle est peut-être moins rapide que celle du faucon, mais elle est plus facile et plus libre; l'un se précipite avec effort, l'autre coule dans l'air avec aisance. » BUFF. « Ces matières demanderaient d'être traitées avec plus d'étendue; mais la nature de cet ouvrage ne le permet pas. Je voudrais couler sur une rivière tranquille; je suis entraîné par un torrent. » MONTESQ. L'action de glisser, au contraire, est vive et rapide; elle ne fait pas d'impression et on l'aperçoit à peine, tant elle est vite. Il y a des matières délicates sur lesquelles un orateur doit glisser. « Il y a beaucoup de terres qui s'imbibent d'eau facilement; il y en a d'autres sur lesquelles l'eau ne fait que glisser. » BUFF. « La nature du monde est de glisser, de passer vite. »> Boss.

COUP (TOUT À), TOUT D'UN COUP. En un in

stant.

α

Tout à coup, c'est-à-dire brusquement, à l'improviste, sans qu'on s'y attende, de manière à surprendre. Tout d'un coup, c'est-à-dire tout en une seule fois, et non pas à plusieurs reprises ou par progrès. « Ce qui se fait tout à coup n'est ni prévu ni attendu; ce qui se fait tout d'un coup ne se fait ni par degrés ni à plusieurs fois.» BEAUZ. La mort vient toujours imprévue et pendant qu'à la manière de ces oiseaux niais, nous nous repaissons de ce qu'on présente pour nous amuser, le lacet vient tout à coup, nous sommes pris, et il n'y a plus moyen d'échapper. » Boss. - Labruyère appelle les balles de petits globes qui vous tuent tout d'un coup, s'ils peuvent seulement vous atteindre à la tête. »

« Aux jours de Noë le déluge vint tout à coup, lorsqu'on y pensait le moins. » Boss. N'ayez aucun regret à ce que vous avez écrit: j'y ferai

tant tout à coup brusquement écartées, je vis fondre sur moi un gros chien danois. » J. J. « Quatre valientes vinrent fondre sur moi tout à coup et me jetèrent brusquement dans un carrosse.» LES.

D

« Se trouver tout d'un coup (par héritage) dans de grands biens dont l'amas n'a coûté aucune peine. Boss. « Trouver tout d'un coup, en naissant, ce qu'une vie entière de soins et de peine n'aurait pas pu même faire attendre. » MASS. « Les lois criminelles n'ont pas été perfectionnées tout d'un coup. » MONTESQ. « Un trait de lui le peindra tout d'un coup. » S. S. « Il faut tout d'un coup voir la chose d'un seul regard, et non par progrès de raisonnement. » PASC. « Dieu remuera-t-il d'abord les parties de la matière au hasard, pour en former le monde peu à peu, en suivant certaines lois, ou bien le formera-t-il tout d'un coup ?» MAL. « Qu'il m'envoie tout le reste de ce qu'il dit avoir à m'objecter, afin que j'y puisse répondre tout d'un coup, sans avoir la peine d'en faire à deux fois. » DESC. « Il eût fallu changer tout d'un coup l'opinion des hommes, qui ne change qu'avec le temps. » VOLT. « Dans les écrits de Moïse, la poésie naissante paraît tout d'un coup parfaite, parce que Dieu même la lui inspire, et que la nécessité d'arriver à la perfection par degrés n'est qu'une condition attachée aux arts inventés par les hommes. » ROLL.

COUPLE, PAIRE. On désigne ainsi deux choses dc même espèce.

Couple est tantôt féminin, tantôt masculin. Féminin, il se dit de deux choses mises accidentellement ensemble, et qui n'ont entre elles d'autre rapport que celui de cette rencontre : une couple d'oeufs, de pommes, d'écus, de soufflets, c'est-à-dire deux œufs, deux pommes, deux ècus, deux soufflets. Masculin, il exprime quelque chose de plus spécial ou de moins vague, savoir, l'union de deux objets et presque toujours de deux êtres animés qui se conviennent, qui sont faits l'un pour l'autre, ou qui se sont choisis l'un l'autre particulièrement pour propager l'espèce un couple d'amis, de fripons, d'amants; un couple de pigeons, un couple heureux. Il faut vingt livres de blé pour nourrir une couple de moineaux. » BUFF. « Il n'est pas sans exemple que quelques couples de bécasses se soient arrêtés dans nos provinces de plaine et y aient niché. » ID. Voy. I partie, p. 6. 1o Une paire, une couple.

La paire se distingue de la couple en ce qu'elle ne marque pas une liaison fortuite et arbitraire entre les deux premières choses venues de la même espèce, mais la réunion constante et l'accompagnement de deux choses qui, pour l'usage, vont nécessairement ensemble: une paire de bottes, de gants, de boucles d'oreilles, de flambeaux. On dit une couple de bœufs, quand on ne considère que le nombre, et une paire de bœufs quand il s'agit de bœufs destinés à unir leur force et à travailler l'nn avec l'autre un boucher achète une couple de bœufs, un cultivateur une paire de bœufs.

2. Une paire, un couple.

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Deux amis qui sont toujours ensemble, qui vivent sur le pied d'égalité, ou pairs et compagnons l'un avec l'autre, forment ce qu'on appelle familièrement une paire d'amis; un couple d'amis annonce deux amis entre lesquels l'union et l'intimité sont parfaites. Si vous voyez M. le bailli de Froulai et M. le chevalier d'Aïdie, dites à cette paire de loyaux chevaliers combien je suis reconnaissant de leurs bontés. » VOLT. « Et quand on trouverait dans tout l'univers un ou deux couples d'amis véritables, qui peut dire que cette union durera?» Boss.

rapport aussi direct et aussi prochain que s'accoupler.

COURT, BREF; CONCIS (LACONIQUE), SUCCINCT (SOMMAIRE, ABRÉGÉ). Tous ces adjectifs attribuent une petite étendue en longueur.

Mais il y a cela de particulier à court et à bref, que chacun d'eux a son domaine spécial où ne peut jamais figurer aucun des mots suivants Court se dit seul des corps et relativement à l'espace: nez court, habit court. Bref, de son côté, se rapporte à la durée et sert à qualifier, non ce qui est, mais ce qui arrive ou se fait un bref délai (ACAD.), un chant (BUFF.), un cri (ID.), un son (ID.) bref; une syllabe brève se prononce en peu de temps; un parler bref est précipité, rapide. Quand on dit, la vie est courte, on la voit en imagination comme une étendue matérielle; mais s'il s'agit de la représenter comme passant ou s'écoulant, le mot bref est préférable. « La vie s'écoule si vite, qu'il ne faut pas laisser passer dans l'accablement des jours si brefs. » Boss.

premiers mots sont étroitement synonymes des autres.

Mais court regarde proprement la dimension; bref, la durée; concis et laconique, la forme; succinct, sommaire et abrégé, le fond.

Tous les mots qui suivent ont uniquement rapport au discours et marquent le contraire de la prolixitė. Mais s'ils ne peuvent jamais se mettre à la place de court et de bref pour qualifier quant à l'espace et quant au temps, court et bref s'emMais une paire et un couple se disent plus ploient très-bien comme eux pour déterminer la souvent en parlant de certains animaux et sur-manière dont on s'exprime. En ce sens, les deux tout de certains volatiles appariés ou accouplés, c'est-à-dire associés ou réunis par des qualités communes : une paire ou un couple de pigeons, de tourterelles, etc. Alors paire suppose que les deux animaux sont égaux (pares), du même âge, de la même grosseur, de la même couvée ou de la même portée : une paire de poulets; quand J. C. fut présenté au temple, le jour de la Purification, on offrit pour lui une paire de tourterelles (Boss.). « Hercule prit deux jeunes garnements et les attacha par les pieds au bout de sa massue, la tête en bas, comme une paire de lapins. VOLT. Un couple (de copula, lien) marque l'union la plus grande, celle des sexes, et par conséquent suppose toujours que l'un des deux animaux est mâle, l'autre femelle. « Souvent la pie-grièche attaque, et toujours avec avantage, surtout lorsque le couple se réunit pour éloigner de leurs petits les oiseaux de rapine. » BUFF.

D

Toutefois, le mot paire désigne aussi parfois une association conjugale, l'association de deux oiseaux de la même espèce et de sexe différent. Même alors il ne doit pas être confondu avec couple. Paire exprime l'habitude de vivre ensemble, la parité de sort et de fortune, et couple l'union des sexes ainsi que tous les soins qui regardent la naissance et l'éducation des petits. Il est peut-être plus rare de voir deux paires d'aigles dans la même portion de montaghe que deux familles de lions dans la même partie de forêt.» BUFF. « Ce couple heureux (d'oiseaux) qui s'est réuni par choix, qui a établi de concert et construit en commun son domicile d'amour, et prodigué les soins les plus tendres à sa famille naissante, craint à chaque instant qu'on ne la lui ravisse.» ID. De même il est certain que s'apparier n'a pas avec la génération un

Court regarde la dimension, bref la durée. Ce qui est court n'occupe pas beaucoup de place; ce qui est bref ne dure pas longtemps. Un discours écrit, couché sur le papier ou dans un livre; est court; un discours qu'on prononce est bref. Un auteur est court, quand ce qu'il dit est contenu dans quelques pages ou dans quelques lignes. «Erasme a dit d'Origène qu'il était court quand il le fallait.» Boss. « Il doit y avoir cinq traités dans mon ouvrage; mais les trois derniers seront très-courts, et il n'y aura plus qu'un volume comme celui que vous avez. » ID. « Les mandements de Massillon sont la plupart aussi courts qu'une lettre. » LAB. Mais vous avertissez une personne qui vous parle d'être brève, c'est-à-dire d'avoir bientôt fini. « Parlez, mais surtout soyez bref. » MOL., REGN. « Ne m'ennuyez pas par un long discours. Je serai bref. » DEST. Un orateur ne doit se permettre que de brèves digressions (Boss.).

D

Concis, avec son synonyme laconique, regarde la forme; succinct regarde le fond, ainsi que sommaire et abrégé. Ce qu'on appelle concis est considéré quant au style, littérairement; ce qu'on qualifie de succinct est déclaré tel eu égard à la chose et à ses circonstances, qu'on ne développe point. Le concis manque d'ornement, le succinct de détails. Quand vous jugez qu'une narration est concise, vous vous placez au point de vue de l'art; et vous vous placez au point de vue des faits, quand vous jugez qu'elle est succincte. Une narration concise est vive; une narration succincte, substantielle. On dit un style ou un tour

sont des idées sommaires ; et, suivant Aristote,, ce sont des idées abrégées.

CRAINDRE, APPREHENDER, REDOUTER " AVOIR PEUR. On craint, on appréhende, on redoute un danger, et on en a peur.

(MARM.) concis, une langue concise (ROLL.), des | de réduction. Suivant Platon, les idées générales phrases et des périodes concises (ACAD.), les formes concises du style de Labruyère (MARM.); mais on dit en pensant aux choses qui font la matière du discours, et non à la manière de les présenter, un mémoire (REGN.), un compte (S. S.), un récit (LES.), un avis (Boss.), un extrait (LAH.) succinct; une histoire (VOLT.), une exposition (BOURD.), une indication (BUFF), une analyse (LAH.) succincte. « Je traiterai de ces expéditions de la manière la plus succincte qu'il me sera possible, sans pourtant rien omettre de ce qui me paraîtra digne d'attention.» ROLL.

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D'ailleurs, laconique fait connaître la manière de dire plutôt que celle d'écrire, et parfois il est relatif au caractère dont il indique un défaut. << Catinat était peu agréable dans le commandement, parce qu'il était sec, sévère, laconique. » S. S. « L'orgueil et même la dignité affecte une expression froide et laconique '. » MARM.

Succinct, sommaire, abrégé.

Craindre est le terme générique. Il a cependant plus d'analogie avec appréhender. Tous deux expriment une simple vue de l'esprit; ils supposent un danger à venir, et se rapportent à la prudence. On craint, on appréhende un évé nement, ou qu'un événement n'arrive. Redouter ne s'emploie pas de cette manière, et si avoir peur se dit quelquefois en ce sens, c'est par exagération, comme le remarque très-bien l'Académie.

Mais on craint un danger probable, et on uppréhende un danger possible. C'est par sagacité et parce qu'on voit bien ce qui peut arriver qu'on craint et qu'on s'alarme; c'est par précaution et parce qu'on pressent ce qui pourrait bien arriver qu'on appréhende et qu'on s'inquiète. On a des raisons de se croire menacé du danger qu'on craint : c'est ainsi qu'un plaideur qui sent la faiblesse de sa cause craint de la perdre. On appréhende, quoique tout à fait incertain si de danger se réalisera jamais.

Loin d'agir en amant qui, plus que la mort même,
Appréhende toujours d'offenser ce qu'il aime,
Il....
MOL.

Tout ce que nous avons un peu appréhendé a été que la brigue ouverte de certaines gens ne tirât l'affaire à des excessives longueurs. » Boss. « Siméon ne disant rien en particulier à Marie lui laisse appréhender toutes choses. » ID. « Si un grand trouve l'occasion de faire plaisir à un homme de bien, il doit appréhender qu'elle ne lui échappe. LABR. La plupart des femmes (en Suède, après la réformation,) appréhendaient que, faute de l'usage du sel et des exorcismes ordinaires, leurs enfants ne fussent pas bien baptisés. » VERT.

D

Succinct signifie un genre dont sommaire et On redoute ce qui est supérieur ou ce qui proabrégé désignent des espèces. Ce qui est succinct vient d'une cause supérieure, terrible, qui fait n'est pas circonstancié ou détaillé; ce qui est trembler, à laquelle on ne peut avantageusesommaire pourrait ou pourra l'être; ce qui est ment résister. Redouter le crédit, la puissance, abrégé l'a été. Sommaire laisse entrevoir des dé-les forces de quelqu'un, une brigue, le courroux veloppements possibles. « La Direction de Fene- d'un maître, la justice de Dieu, le jugement des lon est un examen sommaire de tous les devoirs connaisseurs. « En naissant dans la pompe et du prince. LAH. « L'histoire d'une nation ne dans l'éclat, Jésus-Christ n'aurait été que respeut jamais être écrite que fort tard; on com-pecté, que révéré, que redouté, et il voulait être mence par quelques registres très-sommaires. » VOLT. Mais abrégé rappelle des développements donnés ailleurs. «Que ne puis-je rapporter ici, dans un recueil abrégé, tout ce que les Pères ont dit de l'invocation de Marie!» BOURD. « C'est une récapitulation et répétition abrégée de ce qui a été représenté au long dans les visions précédentes.» Boss. Combien l'ancienne philosophie grecque devait être abrégée dans l'Encyclopédie!» LAH. · Ce qui est sommaire est une espèce d'esquisse; ce qui est abrégé est une sorte

4. Précis se distingue absolument comme concis des autres mots de cette famille. Ils different néanmoius l'un de l'autre. Voy., Ire partie, p. 154.

aimé. » BOURD. « Après avoir convaincu les cri-
minels d'Etat, au moment qu'ils attendaient une
sentence de mort et qu'ils redoutaient son juste
courroux, Théodose leur rendait la vie. » ID.
Sors vite de ces lieux, redoute mon courroux.

REGN.

Caïus Gracchus redoutait la tribune, qui avait été si funeste à son frère. » ROLL. « Comme Pompée redoutait la fortune et la valeur de ce grand capitaine (César), il tâcha de le tirer du gouvernement des Gaules. » VERT. « Je redoutais moins le caractère de Mme la maréchale que son esprit; c'était par là qu'elle m'en imposait. »J. J. «La nature a-t-elle fait les enfants pour être obéis et craints? leur a-t-elle donné un air im

D

posant, un œil sévère, une voix rude et menaçante pour se faire redouter ? » ID. « O Solon, dit Thales, voilà ce qui m'a fait craindre le mariage; j'en redoutais le joug et je connais maintenant que le cœur le plus ferme ne peut soutenir les afflictions qui naissent de l'amour et du soin des enfants. FÉN. On peut craindre autre chose que ce qui est supérieur, tout ce qu'on verrait arriver avec peine, l'oubli d'un ami, par exemple. Avoir peur exprime une émotion violente et subite causée par l'idée qu'il y a du danger, un danger présent et pressant qui menace notre conservation. C'est une marque de faiblesse. Avoir peur de tout. « Saint Pierre, voyant les flots de la mer agités, craignit : « Homme de peu de foi, lui dit Jésus-Christ, pourquoi avezvous eu peur? BOURD. « Les esprits forts disent par dérision qu'un tel a peur de l'enfer. » ID. Les enfants ont rarement peur du tonnerre, à moins que les éclats ne soient affreux. » J. J. << Tous les enfants ont peur des masques. » ID. Les enfants chantent la nuit quand ils ont peur.» ID. « Si j'entrevois de nuit une figure sous un drap blanc, j'aurai peur.» ID. Comme on vint rapporter au duc d'York, au moment de livrer bataille à la reine Marguerite, que son fils Edouard marchait pour se joindre à lui, et que, s'il attendait cette jonction, la victoire serait infaillible, il répondit fièrement qu'il ne serait pas dit que le duc d'York eût peur d'une femme.» Boss.

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la crainte de Dieu, des dois, de l'opinion, de
nos parents, d'un supérieur, d'un ennemi, té-
moigne seulement que nous éprouvons pour eux,
du respect, de la soumission, de l'estime, sans
trouble, sans aucun mouvement passionné.
1° Crainte, appréhension.

La crainte a pour objet un mal ou un danger probable, et l'appréhension un mal ou un danger possible. Craindre, qui paraît avoir quelque rapport étymologique avec le latin cavere, prendre garde, prendre des précautions, fait entendre qu'on a des raisons plus ou moins fortes de croire à la réalité d'un danger. Appréhender, suivant son acception scolastique, signifie simplement concevoir sans croire à sa conception, sans y ajouter le jugement; si bien que l'appréhension est un pressentiment, une idée, un avertissement vague qu'on se donne à soi-même, plutôt qu'une prévision ayant un fondement dont on puisse rendre compte. Un voyageur appré hende toujours le mauvais temps; il ne le craint que quand le ciel est chargé de nuages ou que le tonnerre commence à gronder. La crainte est la vue, et l'appréhension le soupçon d'un danger. Si la crainte est un effet de la prudence, l'appréhension dénote une prudence attentive et scrupuleuse. Après le départ d'Ulysse, Pénélope fut dans une appréhension continuelle que quelqu'un ne vînt la surprendre par des apparences trompeuses. (FEN.) « Job portait au fond de son cœur une continuelle appréhension de déplaire à Dieu.» Boss. «< Propositions qui nous semblent vraies, mais dont la vérité ne nous est pas si évidente, que nous n'ayons quelque appréhension qu'elles ne soient fausses. >> P. R. << Après avoir loué le courage que ces soldats avaient fait paraître pendant toute la guerre, Sylla leur laissa entrevoir quelque légère appréhension qu'ils ne se débandassent sitôt qu'ils se verraient dans leur patrie. » VERT.

dans l'âme par l'idée d'un danger.

Inquiétude, de inquietus, non tranquille, est le plus faible des trois : il marque seulement que l'âme a perdu son calme, sa sérénité, qu'elle est troublée. C'est une simple absence de repos causée par l'appréhension. Dans cet état on est en peine sans savoir précisément pourquoi.

«

Crainte est le terme générique. La crainte est l'opposé de l'espérance. « La crainte est l'attribut naturel de l'homme. » VOLT. « Il y a onze passions, parmi lesquelles se trouve la crainte: 2o Inquiétude, alarme, peur. Ces mots expric'est une passion par laquelle l'âme s'éloignement à un faible degré l'émotion pénible produite d'un mal difficile à éviter. » Boss. « La vie de la cour n'est qu'une révolution fatigante de craintes, de précautions, d'espérances. » MASS. Cependant ce mot se distingue, ainsi qu'appréhension, de tous ses autres synonymes, en ce que d'ordinaire il n'exprime de l'idée commune que la partie intellectuelle, une vue de l'esprit, et non pas en même temps, comme tous les autres, un état passionné, un trouble de l'âme. « L'état de prospérité où se trouvait Marius ne calmait point les inquiétudes que lui donnait la crainte du retour de Sylla. » ROLL. « La crainte, qui produit la tristesse, n'est point une émotion de l'âme, mais un simple jugement. » MAL. On peut en dire autant de l'appréhension. La crainte et l'appréhension sont des effets de la prudence et n'ont rien que de louable; elles naissent de la prévoyance d'un danger à venir et assez éloigné pour ne pas émouvoir: elles sont plus ou moins fondées. Les autres mots signifient des sentiments qui sont les effets de la faiblesse, et ont plus ou moins de violence. D'ailleurs, le mot crainte, en particulier, se charge d'accessoires qui ne supposent dans l'âme aucune agitation:

D

Pompée n'était pas sans inquiétude. » VERT. « Cet État naissant (Rome) commençait déjà à donner de l'ombrage et à causer de l'inquiétude à Carthage.» ROLL. « Toutes ces précautions ne guérissaient pas les inquiétudes dont était tourmenté Louis XI.... Quoique son fils fût encore enfant, il appréhendait qu'on ne lui mît la rébellion dans l'esprit. » Boss. « Dites à celles qui se troublent, que mon repos doit calmer leur inquiétude. » ID. « Ce malade n'est nullement convaincu qu'il doit mourir; il a seulement quelque doute, quelque inquiétude sur son état, mais il craint toujours beaucoup moins qu'il n'espère. BUFF.

D

Alarme signifie, au propre, l'agitation causée parmi des gens de guerre à la nouvelle que l'ennemi approche, et cette agitation est ainsi dé

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nommée, parce qu'elle fait courir à l'arme ou aux armes (all'arme, it.), à la défense. Ce mot s'emploie ensuite et d'ordinaire au pluriel pour désigner une grande inquiétude sur la santé ou le sort de quelqu'un, ou sur les dangers dont est menacée une chose, inquiétude excitée, non par ce qu'on pressent, mais par ce qu'on apprend. En sorte que l'alarme implique plus de sollicitude que l'inquiétude, un objet bien déterminé, et une nouvelle ou un renseignement qui la fait naître. C'est un sentiment qui accompagne la crainte plutôt que l'appréhension. « Si nous aimions Dieu, aurions-nous ces craintes lâches qui nous troublent, qui nous abattent, ces vaines alarmes que nous ressentons sitôt que le Seigneur frappe à notre porte, et qu'il nous apprend par la maladie que la mort s'approche?» FÉN. Les petits de l'alouette sont en alarme quand ils ont entendu les paroles du maître du champ à son fils (LAF.). Dans Iphigénie, Iphigénie dit à Agamemnon, en parlant d'Achille :

Il sait votre dessein; jugez de ses alarmes. RAG. Après avoir donné à la place durant six jours des alarmes continuelles, les ennemis en vinrent à un assaut général.» Boss. « Il y a toujours une oie qui fait sentinelle, et qui, au moindre danger, donne à la troupe le signal d'alarme.» BUFF. Cette triste nouvelle (de la défaite de Trasimène), quand on l'eut apprise à Rome, y jeta une grande alarme. » ROLL. « La renommée, qui se plaît à exagérer surtout les malheurs, causa une alarme incroyable. Le bruit se répandit parmi les soldats que l'armée romaine avait été taillée en pièces. » ID. « Ces agitations éternelles, ces troubles, ces inquiétudes, ces alarmes qui venaient me saisir au sein d'un bonheur apparent. » BOURD. La science du salut est importune; elle ne ferait que nous inquiéter et nous alarmer. » ID.

Tant le faible vulgaire, avec légèreté,
ID.
Fait succéder la peur à la témérité.
Athalie se reproche d'avoir été effrayée d'un
songe :

Moi-même quelque temps honteuse de ma peur, Je l'ai pris pour l'effet d'une sombre vapeur. RAC. elle Et, à la fin, abandonnée de ses troupes, s'écrie:

Quoi! la peur a glacé mes indignes soldats!
Lâche Abner, dans quel piége as-tu conduit mes pas !
ID.

3o Épouvante, effroi, frayeur, terreur. Grande peur.

Épouvante, d'ex pavere, a même radical que peur. Aussi ces deux mots ont-ils un caractère commun qui est de marquer une tendance à éviter le danger par la fuite, au lieu que ceux d'effroi, de frayeur et de terreur ne vont qu'à représenter l'état où l'âme se trouve jetée. « Diogène prit l'épouvante et se sauva à Athènes. » FÉN. « Les Turcs prirent la fuite, saisis d'épouvante.» VOLT.

D'où vient, princes, d'où vient que vous fuyez ainsi?
Prenez-vous l'épouvante en nous voyant paraître?

α

MOL.

<< Ils prirent la fuite avec la dernière épouvante. LAH. « L'épouvante se répandit partout, et cette aile fut mise en fuite avec grand carnage. Boss.

Ensuite, l'épouvante a cela de tout à fait particulier qu'elle apporte le désordre dans l'esprit, qu'elle le bouleverse, qu'elle l'effarouche: elle nous fait fuir tout éperdus, ne sachant pas où nous allons.

Les Maures se confondent; L'épouvante les prend à demi descendus.

CORN.

« Les éléphants rompaient les rangs, écrasaient des bataillons entiers, et jetaient partout l'épour vante et le désordre. » ROLL. « La confiance des rois est bien vaine, s'ils s'imaginent être forts par cette multitude d'hommes qu'ils assemblent. Un contre-temps, une ombre, un rien met l'épouvante et le désordre dans ces grands corps. »> FEN. « Les Moscovites jetèrent les armes dès qu'ils virent les Suédois: l'épouvante fut si subite et le désordre si grand que les vainqueurs trouvèrent sur le champ de bataille sept mille fusils tout chargés. » VOLT.

Peur, en latin pavor, de pavere, de même étymologie que pallere, pâlir, est une crainte qui fait pâlir, crainte toute subjective, qui dépend surtout du tempérament, et non pas comme l'inquiétude et l'alarme, de la réflexion, de la conception d'un danger à venir : c'est un mouve ment instinctif et indélibéré dont on ne peut se défendre, un faible de la machine pour le soin de sa conservation. On n'en guérit point. La peur est commune chez les esprits faibles, les femmes Effroi, du latin frigus, grec piyos, froid, et les enfants. On a peur d'un fantôme, des té- frisson, indique une peur qui fait frissonner, nèbres, de son ombre. Ce mot emporte souvent qui glace, qui fait dresser les cheveux, une l'idée de lâcheté. « L'incrédule est un lâche qui crainte mêlée d'horreur. Différent de l'épouvante. cache sa peur sous une fausse ostentation de en ce qu'il ne comprend pas l'idée de fuite, l'ef bravoure.» MASS. « Ils avaient pris honteusement froi s'en distingue encore par l'effet qu'il produit la fuite, et s'étaient retirés dans l'enceinte des en nous. Si l'épouvante trouble l'esprit, l'effroi retranchements, asile ordinaire de la peur et de frappe l'âme de stupeur; elle demeure immobile, la lâcheté. » ROLL. Le vingt-cinquième chapitre elle ne peut plus rien, elle est comme pétrifiée des Caractères de Théophraste est intitulé, dans par un saisissement qui enchaîne toutes ses puisla traduction de Labruyère : De la Peur ou du sances intérieures. C'est ainsi qu'on se figure défaut de courage. « Peut-on réduire en question l'effroi dont fut saisi Balthazar quand tout à si le courage vaut mieux que la peur ?... On sait coup il aperçut cette main qui sur la muraille que la peur est un témoignage de faiblesse.» écrivait son arrêt (BOURD.) « Enfin Astarbė expira VAUV. « Cela ouvre notre esprit aux soupçons et laissant remplis d'horreur et d'effroi tous ceux aux fantômes de la peur. » ID. « Hector sourit qui la virent. » FÉN. « Cette nouvelle remplit la de la peur de son fils Astyanax, tandis qu'Andro-ville d'effroi et de consternation. » ROLL. maque répand des larmes. » VOLT.

Tout le peuple étonné regardait, comme moi,

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