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énoncé, surtout en mathématiques, c'est-à-dire | de l'esprit ou de la nature, et les produits de l'art dans les sciences où il ne doit rien apparaître de ou des arts. « Les productions secondaires de la la manière propre du savant : l'énoncé d'une nature sont les seules auxquelles nous puissions question, d'un théorème. L'énonciation se qua- comparer les produits de notre art. » BUff. life par rapport à l'agent qui énonce : elle est A la vérité, on appelle aussi quelquefois produits agréable, habile, intéressante, ou le contraire. les biens de la terre, mais c'est lorsqu'on les apL'énoncé se considère par rapport au sens de la précie en eux-mêmes, sous le point de vue de proposition énoncée. Il est évident par cet énonce l'économie politique, relativement à leur valeur que... (VOLT.) « Eginhard met Rome et Ravenne vénale et à leur quantité. Le coton est une proparmi les villes métropolitaines de Charlemagne; duction abondante, et le produit d'un arpent sufn'est-il pas certain par cet énoncé que Rome et fit pour habiller trois ou quatre cents personnes. Ravenne n'appartenaient point aux papes? » VOLT. (COND.). L'habitant de la campagne contemple et Condamner quelqu'un sur son énoncé (Boss.) « Il suit avec intérêt les progrès des productions de importe, pour avoir bien l'énoncé de la volonté ses arbres, et il porte au marché les produits de générale, qu'il n'y ait pas de société partielle ses terres. dans l'Etat. J. J.

PRONONCIATION, PRONONCÉ. On dit prononciation et prononcé de la sentence, du jugement, de l'arrêt, pour signifier ce que prononce celui qui porte la sentence, le jugement, l'arrêt, les paroles qui expriment sa décision.

Prononciation se rapporte à l'action et à la manière de prononcer; il présente la chose comme un événement. « On nous fit entrer pour entendre la prononciation de l'arrêt. » S. S. Mais si on considère les paroles du juge relativement à leur sens et à leur portée, c'est du mot prononcé qu'il faut se servir. Pendant la prononciation de la sentence, j'ai fait de vains efforts pour en comprendre le prononcé.

DÉLIBERATION, DÉLIBÉRÉ. A vrai dire, il y a peu de synonymie entre ces deux mots; le second signifie une délibération qui a lieu à huis clos entre les juges d'un tribunal. Nous les plaçons ici uniquement pour montrer que leur différence s'explique par notre règle générale, et par conséquent la confirme. Délibération est un terme concret, représentatif, faisant image; il peint une foule d'incidents, la tergiversation, l'opposition, l'attaque, la défense, la lutte du pour et du contre. Délibéré étant un terme absolu et abstrait, qui signifie la chose indépendamment de toutes ces circonstances, convient merveilleusement pour exprimer une délibération à huis clos.

PRODUCTION, PRODUIT. Chose produite ou ce qui est produit.

L'un reporte l'attention sur la manière dont la chose a été produite, l'autre la retient tout entière sur la chose, telle qu'elle est maintenant, en elle-même, bonne ou mauvaise. Quand on dit que tel ouvrage est une production remarquable de l'intelligence humaine, on a égard au travail qu'il a fallu pour le produire et à la capacité de la cause qui l'a produit. « Considérer dans les productions des esprits les efforts qu'ils font pour parvenir à la vérité. » PASC. Se borne-t-on à considérer la chose comme un simple résultat, on dira mieux produit: le produit d'une multiplication, des produits chimiques, l'exposition des produits de l'industrie française. Les productions sont les effets d'une cause active ou productrice dont elles rappellent l'action; les produits sont les resultats en soi d'une opération, d'un travail, d'un mélange, d'une combinaison, d'une transformation quelconque. Aussi dit-on les productions

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COMPOSITION, COMPOSÉ. Ce qui résulte de l'action de composer.

Composition, comme production, se rapporte à l'agent et à sa manière d'agir; au lieu que composé, comme produit, fixe l'esprit sur la chose en soi, telle qu'elle est. On trouve à redire à la composition d'une chose, quand on s'en prend à celui qui l'a composée et qu'on critique sa manière; mais dans Lafontaine Jupiter dit aux ani. maux:

Si dans son composé quelqu'un trouve à redire, Il peut le déclarer sans peur; Je mettrai remède à la chose. DÉNÉGATION, DÉNI. Ces deux mots signifient, en termes de jurisprudence principalement, désaveu, refus de reconnaître qu'on ait fait ou dit quelque chose.

Mais dénégation est subjectif et déni objectif: l'un représente la chose comme se passant et telle qu'elle se passe, et l'autre comme étant et telle qu'elle est; en sorte que la dénégation est la manifestation dans un cas particulier de la chose appelée déni. Aussi la dénégation reçoit des épithètes qui rappellent un fait, sa manière, ses circonstances, sa durée ou son auteur; au lieu que celles qui sont applicables au déni le caractérisent en lui-même, intrinsèquement, essentiellement, quant à sa nature on dit une dénégation formelle, nette ou équivoque; persister dans ses dénégations; entendre des dénégations; et un déni suspect ou digne de foi. On rapporte en historien des dénégations qui ont été faites; on examine ou on décide théoriquement, en légiste, quelle est la valeur d'un déni qui serait fait dans tels cas, dans telles conditions. Fénelon avait cherché, dans une Instruction pastorale, à adoucir certaines propositions contenues dans son livre des Maximes des saints. Bossuet le reprend ainsi : << C'est là une explication directement contraire au texte; c'est là une de ces sortes de dénégations qui servent à la conviction d'un coupable, où le déni d'un fait évident marque seulement le reproche de la conscience. »

CONTRADICTION, CONTREDIT. Ces deux mots signifient un dissentiment, une opposition que l'on fait à une proposition: tous deux emportent l'idée de contredire quelqu'un, ses pensées, ses opinions, ses paroles, c'est-à-dire de soutenir le contraire de ce qu'il avance.

Mais l'un se rapporte à l'idée du contradicteur, à son opposition manifestée, à la lutte qu'il in

stitue avec éclat; l'autre ne se rapporte qu'à la chose objectée en elle-même, à sa valeur intrinsèque, à son sens, à sa portée. L'une est de fait et concrète, l'autre de droit et abstraite. C'est seulement dans les deux locutions adverbiales sans contradiction et sans contredit que ces mots sont vraiment synonymes. Sans contradiction, c'est-à-dire, sans qu'on contredise; sans contredit, c'est-à-dire sans qu'on puisse contredire. Une proposition passe sans contradiction (PASC., VOLT.), et elle est vraie sans contredit (DESC., BOURD., VOLT.).

INSTITUTION, INSTITUT. Établissement fondé pour plus ou moins de temps.

IMPOSITION, IMPÔT. Contribution, ce qui est imposé aux citoyens, ce qu'ils payent au trésor public.

absolu. « L'imposition, dit Roubaud, est l'impôt Le premier de ces mots est relatif, le second considéré relativement à l'acte d'imposer. C'est un tel impôt particulier, ou une telle portion dụ revenu public établi en tel temps, de telle manière, avec telles conditions.» Et il faut ajouter, sur telles ou telles personnes. On répartit l'impôt, et, l'impôt réparti, chacun paye ses impositions, c'est-à-dire son contingent, sa part de l'impôt général. L'impôt, réunion des imposiL'institution est relative, peu durable, et n'a masse; l'imposition, variable suivant les membres tions, constitue le revenu public et pèse sur la qu'une existence précaire; l'institut est absolu de l'Etat, pèse sur les individus. « La crusade est et fondé à toujours. Il y a entre ces deux mots une imposition sur le clergé, que les papes ont la même différence qu'entre corporation et corps, accordée souvent aux rois d'Espagne pour la signifiant une réunion de personnes qui vivent guerre des Maures. » S. S. « Les censeurs mirent d'après des règles communes. La première société sur Emilius une imposition huit fois plus forte savante de France porte le nom d'Institut, parce que celle qu'il avait payée jusqu'alors. » COND. que c'est une institution créée à perpétuité. On & On fait, dit encore Roubaud, l'histoire éconoappelle aussi institut la règle de vie prescrite mique de l'impôt et le détail historique des impoà un ordre religieux au temps de son établisse-sitions. » Il remarque aussi que quelquefois les ment, et ce mot en marque la fixité, l'inva-impositions désignent particulièrement des charriabilité. « Les religieuses de Port-Royal avaient ges variables, non pas constitutives de l'impôt joint à leur règle (c'est-à-dire à leur institut) l'institution du saint sacrement; elles avaient demandé et obtenu de Rome la confirmation de cette institution.» PASC.

FUSION, FONTE. Liquéfaction, destruction de la cohésion.

primitif et permanent, mais qui y sont ajoutées.
pôts, nommés aides, gabelle.... Le comte de Sois-
<< Outre les tailles, il y avait encore d'autres im-
quinze sols sur chaque ballot de toile. » COND.
sons tenta d'obtenir du roi une imposition de
impositions arbitraires. » VOLT.
« On n'a jamais rien tiré des Pays-Bas par des

La fusion est une action, et la fonte un état. « Il faut que le zinc soit chauffé presque au rouge avant qu'il puisse entrer en fusion. Dans cet état tifs examinés jusqu'ici ont la désinence ion, Il est à remarquer que outre que les substande fonte, sa surface se calcine et se convertit en laquelle se distingue par un caractère de noblesse chaux grise. » BUFF. Cela est si vrai, que, dans comme dérivant du latin, ils sont tous latins une acception particulière, fonte signifie la matière dans la composition de leurs radicaux. Au conmême fondue fer de fonte. << Il ne reste alors à traire, la plupart des participes qui leur sont la mine que la quantité de calcaire nécessaire à sa unis par des liens de synonymie, au lieu d'être fusion, ce qui fait la bonne qualité de la fonte. » directement traduits de participes latins, se préBUFF. Que si fonte exprime aussi quelquefois l'ac-sentent sous les formes que prennent d'ordinaire tion, il la représente comme un effet, comme une modification reçue on facilite la fusion des métaux (BUFF.) en les aidant à se fondre; on leur donne une ou plusieurs fontes (BUFF., REGN.).— D'ailleurs, fusion étant formé immédiatement du latin fusio, au lieu que fonte dérive du verbe français fondre, fusion est un terme scientifique de métallurgie, et fonte un mot du langage commun. « C'est un prodige que la fonte et la fabrication du veau d'or en vingt-quatre heures. » VOLT. « Le goût nous donne la sensation par la fonte de certaines parties de matière. » BUFF. La fonte des neiges, la fonte des humeurs.

PERDITION, PERTE. Ces mots n'ont de synonymie que dans le langage de la dévotion, car perdition n'est point usité ailleurs..

pour les premiers une supériorité qui les rend
ces sortes de mots dans notre langue. Il s'ensuit
plus propres
là vient en partie qu'on dit plutôt les productions
figurer dans le style relevé. De
de l'intelligence et les produits de l'industrie; de
là vient surtout que fusion s'emploie seul au
figure pour signifier alliance et mélange, fusion
de deux systèmes, fusion de deux partis, et que
perdition n'est d'usage qu'en matière de religion
et de moralité.

participes passés les mots fonte et perte, tandis
On peut s'étonner de voir traiter ici comme
radicaux nus, progrès, acte, concept. (Voy. ces
que nous avons considéré ailleurs comme des
mots.) Cette irrégularité, vraie en elle-même,
quent importe fort peu. Tous ces mots, comme
n'entraîne aucun inconvénient, et par consé-

Ils signifient l'état d'une personne qui est dans une croyance contraire à celle de l'Eglise, ou qui se livre habituellement au vice. La perdition est relative, elle a des degrés; elle dure: la perte est absolue, c'est une chose faite, accomplie, ir-fectait pas le langage technique. rémédiable par conséquent; elle se considère après et non pendant. Si l'on ne quitte la voie de perdition, on est bien sûr d'arriver à sa perte.

époque plus ancienne de notre langue, où on avait 1. Fonte s'est bien dit aussi au figuré, mais à une d'autres préoccupations qu'à présent et où on n'af

Remettez, pour le mieux, ces deux vers à la fonte. LAF. « Il faut qu'il se fasse comme une fonte universella du cœur, pour purifier l'amour divin,» FÉN.

que rôt et arrêt, ont subi une altération si profonde, qu'ils n'ont plus rien de commun avec le verbe que le sens fondamental, sont plus absolus et plus généraux. Les participes devenus substantifs sont, au contraire, relatifs, distributifs, re

nous l'avons dit à la fin de la règle générale éta- | büe ci-dessus, qu'on les prenne pour des participes passés ou pour des substantifs sans terminaison significative, diffèrent de la même manière des substantifs en ion. CROISSANCE, CRUE. Augmentation de grandeur présentatifs, circonstanciels. Les substantifs-parou de hauteur.

ticipes peuvent sans doute remplacer les substantifs absolus à l'égard des substantifs à terminaison significative; mais, quoiqu'ils aient le même caractère, ils ne l'ont pas au même degré, et, sitôt qu'un substantif-participe est mis en présence d'un substantif absolu, il reprend le sens relatif et rappelle l'action de son verbe.

ROT, ROTI. Mets que l'on sert après les potages et les entrées.

Ces deux participes d'un même verbe tirent leur différence de ce que le premier, s'étant beaucoup plus éloigné de sa source, a perdu toute marque de relation. Rot signifie un service de table composé de viandes rôties, l'ensemble de tout ce qui couvre la table, une partie ou une époque du repas, et non un plat parmi d'autres. Cliton dit les entrées qui ont été servies et combien il y a eu de potages; il place ensuite le rôt et les entremets. » LABR.

Ance marque la durée, la continuation de ce qui a été commencé, et par suite le mot croissance se rapporte à la durée du phénomène, dont on peut mesurer les périodes. La croissance est done une augmentation successive et uniforme; on la suit dans ses progrès. Tout au contraire, la erue indique un effet, un simple résultat; elle montre l'action faite, et non pas se faisant et se faisant progressivement. « Dans ces arbres pétrifies on remarque distinctement les veines de chaque crue annuelle. » BUFF. Ou bien la crue est an accroissement subit, passager, instantané, inattendu, et c'est pourquoi ce mot se dit surtout en parlant des rivières et des fleuves que les orages ou les fontes des neiges font grossir tout d'un coup. On l'emploie bien aussi quand il s'agit des animaux et des arbres, mais c'est dans un sens tout absolu et objectif: on ne dit pas, arrêter la crue, âge de crue, comme on dit, arrêter la croissance, prendre beaucoup de croissance, âge de croissance. « Les baleines ont longtemps roidi la taille des femmes, et gêné la crois-Rôti particularise ce que rôt présente en génésance des enfants.» LAH. « La naissance et la croissance du ténia sont également extraordinaires.» VOLT. Dans la phrase, cet animal a pris toute sa crue, le mot crue exprime absolument et en elle-même l'augmentation de grandeur; dans cette autre, cet animal a pris toute sa croissance, le mot croissance rappelle le temps qu'il a fallu à l'animal pour croître, et les progrès successifs par lesquels il a passé pour devenir tel qu'il est. Pour parler avec une entière justesse, il faudrait toujours dire avoir toute sa crue, et prendre toute sa croissance.

SII. Substantifs à terminaison insignifiante comparés avec des substantifs primitivement participes passés et synonymes des premiers.

Les substantifs à terminaison insignifiante semblent équivaloir aux participes passés pris substantivement; car, considérés les uns et les autres, séparément, par rapport à des synonymes de même radical et à terminaisons significatives, ils en different de même. Cependant, si on les rapproche afin de déterminer précisément leur valeur respective, comme nous le faisons ici, on les trouve bien distincts les uns des autres. Le participe, absolu quand il se trouve synonyme d'un substantif dont la terminaison modifie le sens, devient, à son tour, relatif et particulier quand on le compare à un substantif dont la terminaison est insignifiante; lui qui, dans le premier cas, représente la chose en elle-même et indépendamment de tout rapport, dans le second a rapport à l'action marquée par le verbe, et à toutes les circonstances de temps, de lieu, de personnes qui accompagnent cette action. Les substantifs à terminaisons sans valeur, ou, ce qui revient au même, les participes passés qui, tels

J'allais sortir enfin quand le rot a paru.
Sur un lièvre flanqué de six poulets étiques,
S'élevaient trois lapins, etc.... BOIL.

ral, parce qu'il rappelle l'action du verbe, parce qu'il indique expressément que l'action de cuire à été faite, accomplie, soufferte; il exprime une pièce qui a été cuite suivant un mode particulier. « On sert le rôt, dit Roubaud, et vous mangez du rôti. Le rôt est servi après les entrées; le rôti est autrement préparé que le bouilli. » Lorsqu'on en est venu au rôt, vous dites: Passez-moi le rôti. On dira bien d'une manière absolue nous aurons à dîner du rôt, et d'une manière relative, un rôti de poulet. On dira, en indiquant simplement le genre, du gros rôt, du menu rôt, le chat a fait un larcin de rôt ou de fromage. (LAF.); et en spécifiant davantage, en ayant égard à un objet réel, qui est ou a été rôti, une pièce (SEV.) ou un plat (LES.) de rôti, le rôti est à la broche. (VOLT.)

ARRÊT, ARRÊTÉ. Résultat des délibérations de quelques compagnies.

Arrété rappelle expressément l'action du verbe arrêter; c'est ce qu'on arrête particulièrement, une décision spéciale, portant sur tel ou tel objet, émanant d'une autorité qu'on désigne : un arrête du préfet, du maire. Il se considère aussi comme un événement, comme ayant lieu dans certaines circonstances. Mais l'arrêt se considère uniquement en lui-même, par rapport à sa teneur. L'arrêt est souvent invariable et éternel: les arrêts de la Providence, les arrêts du destin; l'arrêté correspond à un besoin du moment : le maire fait un arrêté à propos d'une fête nationale. Dans tous les cas, l'arrêt renferme une force, une autorité supérieure à celle de l'arrêté. L'une est à l'autre comme la règle au règlement. « L'arrêt, dit Leroy, est la décision d'un tribunal supérieur, décision que ce tribunal ne peut ni annuler ni corriger, lors même qu'il reconnaîtrait qu'il a mal décidė;

et l'arrêté n'est qu'un acte d'administration publique ou privée qui peut être annulé, corrigé ou amendé, d'après quelques considérations nou- | velles, par ceux même qui en sont les auteurs. On rend des arrêts, on prend des arrêtés; les premiers se cassent, les seconds se rapportent quand il y a lieu. >>

FOSSE, FOSSÉ. Trou fait dans la terre, excavation.

le sublime, ia sublimité; l'utile, l'utilité; le solide, la solidité; les extrêmes, les extrémités; le chaud, la chaleur; le sec, la sécheresse, etc. Avant de signaler les différences à établir entre ces synonymes, nous remarquerons que toutes les langues en renferment de semblables. Ainsi, en grec, à l'adjectif ἀληθής,ές, vrai, correspondent ἡ ἀλή Osta, la vérité, et, tò antès, le vrai. En latin, on trouve pareillement verum et veritas, honestum et honestas, pulchrum et pulchritudo. De même en allemand, das Wahre, die Wahrheit, etc. Cette question rentre donc dans la grammaire gé

elle doit même intéresser le philosophe curieux de connaître la marche de l'esprit humain dans la formation des idées générales.

Roubaud a déjà traité cette question incidem

Fosse offre nécessairement les mêmes nuances caractéristiques que rôt et arrêt, qui les doivent à ce que nous leur avons accordé, ce que nous ne pouvons refuser à fosse, d'avoir une termi-nérale; sa solution importe à toutes les langues, naison insignifiante. Le mot fosse sera donc plus général, plus absolu, et le mot fossé plus particulier, plus relatif. L'un exprimera la chose en elle-même, et sans rapport à l'agent: il y a dans la rivière une fosse dangereuse. L'autre se rap-ment, à l'article Chaud et chaleur. Voici ce qu'il portera à l'action, au travail de l'homme qui a creusé le fossé, à son mode d'action, et à son intention. En effet, le fossé n'est jamais, comme quelquefois la fosse, l'œuvre de la nature ou du hasard; il a une régularité qui lui est propre, et une fin particulière, celle de protéger un édifice, un fort, ou un champ.

SYNONYMIE DES SUBSTANTIFS ORDINAIRES ABS-
TRAITS AVEC DES ADJECTIFS PRIS SUBSTANTI-
VEMENT.

en dit : « Le vrai, le faux, le beau, le bon, ne sont pas précisément la vérité, la fausseté, la beauté, la bonté : ils représentent ces qualités comme subsistantes dans des êtres idéaux ou abstraits, ou bien dans quelque sujet vague ou indéterminé. Le vrai est un objet caractérisé ou distingué par la vérité, ou bien une chose conforme à la vérité, ce qu'il y a de conforme à la vérité dans une chose.

« Cette différence distingue généralement les adjectifs érigés en substantifs des noms qui expri

Le beau, la beauté. Le vrai, la vérité. Le bon, lement la qualité caractéristique ou distinctive. juste, l'honnête; la bonté, la justice, l'hon-l'utile: l'utile et l'agréable ont en partage et en L'agrément et l'utilité constituent l'agréable et néteté. L'infini, l'infinité. Le sublime, la sublimité. L'utile, l'agréable; l'utilité, l'agrément. Le solide, la solidité. Etc.

propre l'utilité et l'agrément.

« L'ancienne philosophie a dit le chaud, le froid, le sec, l'humide, pour distinguer les éléments ou les principes des choses. Le chaud est alors l'élément dont la chaleur est la qualité propre. »

La distinction est à peu près juste, mais elle demande à être généralisée, développée et appliquée.

1° Grammaticalement considérés, le beau, le vrai, le juste, etc., ne sont pas des substantifs abstraits, mais des substantifs génériques; car ils

Indépendamment des noms propres, qui sont toujours en petit nombre, les langues ne renferment que deux sortes de substantifs : les uns génériques, c'est-à-dire signifiant des genres ou des réunions de qualités, comme animal, rivière, arbre, maison; les autres abstraits, c'est-à-dire | signifiant une seule qualité trouvée dans divers individus comparés, puis généralisée, tels que beauté, solidité, chaleur, justice. Les derniers, les substantifs abstraits, ont le plus grand rap-sont tous du masculin, tandis que les noms absport avec les adjectifs qui leur correspondent. traits sont tous du féminin. Ils représentent donc, Outre qu'ils paraissent en dériver quant à la en effet, non des réalités ou des fragments de réaforme, par exemple, beauté de beau, solidité de lités observables, mais des conceptions, des êtres solide, ils expriment la même qualité; seulement idéaux, indépendants des réalités, et en qui se elle est considérée dans l'adjectif comme attribu trouvent réalisées les qualités exprimées par les ou prédicat, c'est-à-dire en relation nécessaire substantifs abstraits. Ils ne sont pas, comme ceuxavec un objet, et dans le substantif, elle est plus ci, quelque chose de simplement caractésistique abstraite, plus générale, plus indépendante, elle ou qualificatif, mais quelque chose de substantiel est présentée comme se suffisant à elle-même. et d'essentiel; ce sont des types, pour parler le Mais le langage ne se borne pas à former ainsi langage de Platon. Leur caractère distinctif unides substantifs en donnant aux adjectifs une ter- que, c'est qu'ils sont absolus, c'est-à-dire qu'ils minaison substantive. Quelquefois il en forme expriment la qualité, abstraction faite des êtres d'autres, comme le beau, le solide, le juste, auxquels elle appartient. Au contraire, les noms l'honnête, qui sont l'adjectif lui-même devant le-abstraits la désignent, quand elle n'est point enquel on met l'article. De là, la source de nom- core arrivée au nec plus ultra de l'abstraction, ou breux substantifs synonymes, ayant, les uns la bien, quand elle est reparticularisée et qu'on la terminaison même des adjectifs, les autres la ter- | fait descendre de la hauteur de l'absolu pour l'apminaison ordinaire des substantifs. Nous pren-pliquer de nouveau aux objets. En d'autres termes, drons pour exemple, dans la langue française, le les noms abstraits s'emploient en perlant d'une beau, la beauté; le vrai, la vérité; le juste, la chose ou d'une personne en particulie; ils exprijustice; l'honnête, l'honnêteté; l'infini, l'infinité; | ment une qualité appréciable, portée à un certain

degré, ou, dans tous les cas, cette qualité par rapport à certaines circonstances particulières. Les noms-adjectifs se disent dans le sens le plus raste, le plus général, sans égard ni aux choses, ni aux personnes, ni aux circonstances, quelles qu'elles soient. C'est là la différence essentielle. Les suivantes n'en sont que les développements ou les conséquences.

2o Les substantifs abstraits s'emploient rarement sans un complément indirect commençant par de; c'est tout le contraire pour les substantifs-adjectifs. La beauté d'une femme, la vérité d'un récit, la justice et l'honnêteté d'un procédé, la solidité d'un édifice, les extrémités d'un bâ

ton, etc.

3 C'est à cause de leur caractère d'absolu et d'indétermination que les substantifs-adjectifs, à la différence des autres, s'emploient bien sans l'article dans les expressions telles que celles-ci: Il fait, ou j'ai chaud ou froid.

4° Les substantifs-adjectifs ne s'emploient pas avec les adjectifs qui marquent plus ou moins. On reconnaît à un objet une grande beauté, à un magistrat une grande justice, mais non un grand beau, un grand juste.

5o Les substantifs-adjectifs ne se prennent pas non plus comme les autres dans le sens partitif. On dit qu'un homme a quelque bonté, quelque honnétete dans le caractère, et non pas quelque bon, quelque honnête.

6* Dans les langues, le grec, le latin et l'allemand, qui, outre des substantifs masculins et féminins, en possèdent qui ne sont ni l'un ni l'autre, et que, pour cela, on appelle neutres (neutrum, ni l'un ni l'autre), les substantifs-adjectifs rentrent toujours dans cette dernière classe; ce qui contribue encore à leur faire perdre tout caractère de relation.

pour que l'imagination ait pu songer à s'en emparer, afin de les revêtir de formes.

Entrons dans les détails. Deux systèmes ont régné en philosophie depuis Platon et Aristote sur les idées que représentent les substantifsadjectifs, savoir: celui qui les considère comme des types dont les substantifs abstraits marqueraient les manifestations, et celui qui ne voit, dans les substantifs-adjectifs, que la qualité abstraite au suprême degré. Tout en constatant dans les synonymes que nous allons examiner les distinctions établies plus haut, nous remarquerons que certains substantifs-adjectifs paraissent plus favorables au système platonicien et d'autres au système d'Aristote.

Le BEAU, la BEAUTÉ.

Le beau est absolu, la beauté relative. Le beau c'est le beau en soi, le beau véritable, le beau type, c'est un idéal que les artistes s'efforcent de réaliser, et, loin que le beau soit beau par sa conformité à la beauté, comme dit Roubaud, il semble plutôt que la beauté est dans les objets une modification qu'on doit considérer comme une manifestation ou une application du beau. Du reste, le beau, c'est quelque chose de vague ou plutôt d'étendu qui s'applique à tout ce qui est beau sans exception; ce n'est point une idée acquise, mais plutôt une conception par laquelle doit être, et non telle qu'elle est. La beauté est relative elle se dit de ce qui a la grâce, la forme, les proportions requises par la mode, les mœurs, les usages, pour qu'un objet soit beau. Il y en a de bien des sortes : « Comme on dit beauté poétique, on devrait dire aussi beauté géométrique, beauté médicinale. » PASc.

nous nous représentons une qualité, telle qu'elle

Le VRAI, la VÉRITÉ. Ces deux mots sont plus synonymes que tous les autres, et ce qui fait qu'on hésite davantage dans l'emploi de l'un ou 7 Comme les substantifs-adjectifs n'ont rap-de l'autre, c'est que tous deux sont très-abstraits, port à aucune réalité, ils expriment quelque chose très-éloignés des réalités. Cependant il n'y a point d'invariable, de permanent, d'éternel, de non à s'y tromper. contingent. La beauté, la justice, la vérité, peuvent varier, et varient en effet d'un pays à l'autre; mais le beau, le juste, le vrai de

meurent.

8 Les substantifs-adjectifs appartiennent essentiellement aux sciences spéculatives, et les autres aur sciences empiriques, ou même aux beauxarts. Aristote et la philosophie scolastique prétendaient expliquer toutes les choses naturelles avec le chaud, le froid, le sec et l'humide; la physique moderne étudie la chaleur et l'humidité. L'esthetique traite du beau; la critique étudie la beauté dans les œuvres de l'imagination. La morale s'occupe du bon, la logique du vrai; les moralistes observateurs, tels que Labruyère et Larochefoucauld, recherchent la bonté des actions, et les sciences recherchent chacune un certain genre de vérité. Longin a fait un traité du sublime, qui De roule en particulier et exclusivement ni sur la sublimité du style, ni sur la sublimité des pensées, ni sur aucune autre sublimité que ce soit. On a personnifié la beauté, la vérité, la justice, et partout on en a fait des êtres du sexe féminin. Le beau, le vrai, le juste sont trop loin des réalités

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La vérité est le vrai relatif, le vrai qui se démontre et s'acquiert par tel ou tel moyen. Le vrai est un type de vérité, un idéal, une conception à laquelle sont conformes toutes les vérités. Quand Boileau dit, rien n'est beau que le vrai, il exprime d'une manière absolue, nette, précise, tranchante, tout ce qui a été, est, ou sera vrai, tout ce qui est susceptible de posséder la qualité marquée par cet adjectif; il ne reste plus rien à désirer, on n'attend plus que l'auteur détermine de quelle vérité il entend parler. Pascal appelle l'homme « juge de toutes choses, imbécile ver de terre, dépositaire du vrai. » — « Dieu et le vrai, dit-il encore, sont inséparables; et, si l'un est ou n'est pas, s'il est certain ou incertain, l'autre est nécessairement de même. » Mais quand il parle du vrai relatif, c'est-à-dire de celui qui s'acquiert, et par tels ou tels moyens, il se sert du mot vérité. « Nous connaissons la vérité, disent les dogmatistes, non-seulement par raisonnement, mais aussi par sentiment et par une intelligence vive et lumineuse. »

Le BON, la BONTÉ; le JUSTE, la JUSTICE; 'HONNÊTE, l'HONNÊTETÉ.

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