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l'on improuve les médecins et que l'on s'en sert. » unies l'une avec l'autre; les choses ou les parties On se garderait de les employer, si on les ré- entre lesquelles il y a adhérence, sont simplement prurait. La religion des Juifs consistait seule- jointes ou unies l'une à l'autre. C'est-à-dire qu'il ment en l'amour de Dieu, et Dieu réprouvait y a connexion entre les premières, elles forment toutes les autres choses. » PASC. « Il est prédit un tout; et liaison seulement, jonction entre les que les Juifs réprouveraient Jésus-Christ et qu'ils dernières, elles ne sont qu'attachées l'une à l'auseraient réprouvés de Dieu. » ID. « On est sûr de tre, elles ne se touchent pas par tous les points, plaire au peuple par des sentiments que la morale | mais par un seul. C'est pourquoi toutes choses avoue; on est sûr de le choquer par ceux qu'elle égales d'ailleurs, l'union étant réciproque, comréprouve. » MONTESQ. « Les armées ne regardè- plète, ayant lieu sous tous les rapports, là où il rent ces députés du sénat envoyés par Tibère que y a cohérence, elle est plus forte que là où il y a comme les plus lâches esclaves d'un maître simple adhérence. « La ferme cohérence des pierqu'elles avaient déjà réprouvé. » ID. res.» BUFF. « La faible adhérence des parties intégrantes de l'eau. » ID.

PREFIXES IN ET CON.

Impliqué, compliqué.

IMPLIQUÉ, COMPLIQUÉ. Mêlé.

Impliqué, mêlé dans; compliqué, mêlé avec. Impliqué ne se dit que des personnes qui se trouvent mêlées dans des affaires criminelles ou ficheuses: compliqué ne se dit que des choses mêlées les unes avec les autres, mélangées, entrelacées, confondues. La personne impliquée dans une affaire n'y est pas étrangère, elle y trempe: la chose compliquée n'est pas simple, mais miste, multiple ou embarrassée. On impli- | que quelqu'un dans une conspiration, en l'y enveloppant, en lui en attribuant une part; on complique une affaire en l'entremêlant d'une foule de circonstances vagues ou inutiles qui l'embrouil

lent.

Impliqué est relatif et veut toujours qu'on indique expressément la personne impliquée et ce dans quoi elle est impliquée : impliqué dans. Compliqué est absolu et se dit bien seul : une question compliquée. Pascal a commis une faute contre la justesse du langage, en disant : « Les preuves de Dieu métaphysiques sont si éloignées du raisonnement des hommes et si impliquées qu'elles frappent peu. »

PREFIXES IN, CON et AD. Inhérence, coherence, adhérence. INHÉRENCE, COHÉRENCE, ADHÉRENCE. État de choses qui se tiennent et ne peuvent qu'avec peine étre séparées.

Inhérence exprime quelque chose d'abstrait, le rapport ou l'union d'une qualité à une substance, et non, comme ses synonymes, le rapport ou T'union de plusieurs substances ou des parties d'une substance entre elles D'ailleurs, à la difféfence encore des deux autres mots, celui-ci est beaucoup moins usité que l'adjectif correspondant la pesanteur est inhérente à la matière, la faiblesse à notre nature.

D'autre part, la cohérence exprime d'abord une adhérence entre les parties d'un même tout; et adherence, la jonction d'une chose à une autre. Mais ensuite, les deux mots se disent également, en parlant de choses différentes ou des parties d'une même chose. Ils diffèrent alors comme avec et à en vertu du sens de leurs préfixes, cum et ad. Les choses ou les parties, entre lesquelles il y a cohérence, sont jointes ou

SYN. FRANC.

PREFIXES IN ET DE.

Irraisonnable, déraisonnable. Improuver, désapprouver.

IRRAISONNABLE, DÉRAISONNABLE. Sans rai

son.

In nie la raison d'une manière complète, absolue; il marque absence de raison, à la rigueur, si bien que l'être irraisonnable en est totalement dépourvu. « Tous les philosophes ont distingué en l'homme deux parties, l'une raisonnable qu'ils appellent vous, mens; l'autre qu'ils appellent sensitive et irraisonnable. » Boss. « J. C. naît dans une crèche, pour se montrer la pâture même des animaux irraisonnables.» ID. Lafontaine, parlant de notre ressemblance aux bêtes, dit : « Nous sommes l'abrégé de ce qu'il y a de bon et de mauvais dans les créatures irraisonnables. »

Dé exprime déchet, perte partielle, suspension momentanée de raison par suite d'un écart, d'un déréglement de celui qui en est doué et qui en mésuse. « Un homme ne serait pas moins déraisonnable, s'il me voulait obliger de croire quelque événement, par cette seule raison que cela n'est pas impossible. » P. R. « Le pasteur est pour son troupeau; et il n'est personne d'assez déraisonnable pour prétendre que le troupeau soit pour le pasteur.» ROLL. « Rien n'est plus déraisonnable que de vouloir que tous les sentiments aient une expression également marquée. » LAH. Déraison ne signifie pas, à la lettre, manque de raison, mais extravagance, faute contre la raison.

Les animaux toute leur vie, les enfants avant un certain âge, tous les hommes pendant le sommeil, et les imbéciles tout le temps de leur maladie, sont irraisonnables; l'homme est déraisonnable toutes les fois que, dans sa conduite, il agit contrairement à la raison, il use mal de sa raison.

IMPROUVER, DÉSAPPROUVER. Ne pas approuver, trouver mauvais, sans pourtant aller jusqu'à réprouver, c'est-à-dire jusqu'à rejeter avec aversion et à proscrire comme détestable.

Improuver est plus près de réprouver. On improuve une mauvaise action; on désapprouve quelque chose de peu sense. Improuver est agressif, c'est être contre, blâmer; désapprouver n'est que restrictif, c'est retrancher de l'approbation, lui faire perdre quelque chose on désapprouve en jugeant qu'une chose n'est pas bonne, conve nable.

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Mais une autre différence consiste en ce que désapprouver est décisif, ouvert, explicite, a un air de sentence qui manque à improuver. Celui qui désapprouve, juge, prononce, déclare hautement, solennellement qu'une chose n'est pas bonne. Improuver, c'est trouver à redire, mais plutôt intérieurement, indirectement. Celui qui improuve condamne dans son cœur.

<< Cliton est l'arbitre des bons morceaux, et il n'est guère permis d'avoir du goût pour ce qu'il désapprouve. » LABR. « Quand je désapprouve l'usage du vin, je ne condamne pas de même ces boissons qui égayent la raison. » MONTESQ. « La majeure et plus saine partie du gouvernement a désapprouvé assez hautement ce coup fourré. » J. J.- -« Des représentations de quelques membres de la bourgeoisie suffisaient pour marquer qu'elle improuvait la procédure. » ID. « La bourgeoisie a le droit de faire des représentations dans toutes les occasions où elle improuve la conduite des magistrats. » ID. « Le libertinage n'est plus un bon air dès que votre conduite l'improuve.» MASS. (Sur les vertus des grands).

On a besoin d'incitation pour s'aviser de faire, et d'excitation pour avoir la force de faire. INCURSION, EXCURSION. Course d'hommes ou d'animaux de leur pays en un autre.

L'un vient de in currere, courir dans, sur ou vers; l'autre de ex currere, courir hors de. On dit faire une incursion dans le Péloponnèse (COND.), en Sicile (VOLT.), sur Bénévent (COND.), et faire une excursion hors de son pays : « Mes travaux me permettront cette excursion hors de ma douce retraite. » VOLT.

Pour incursion l'idée caractéristique est celle du but, du lieu où l'on se porte; pour excursion c'est celle du point de départ, du lieu que l'on quitte. Un pays est exposé aux incursions ou à l'abri des incursions. La garnison d'une ville doit faire de rares et de courtes excursions, de peur de surprise. Des peuples nomades qui n'ont pas de séjour fixe ne peuvent faire que des incursions.

Toutes les fois qu'on a présent à l'esprit le lieu d'où le mouvement part, on doit se servir du mot excursion. Des peuples, des hommes, des oiseaux (BUFF.) sédentaires, ou qui trouvent chez eux Ce caractère de désapprouver lui vient, ou de tout ce qui est nécessaire à leurs besoins, ne font ce que de est la particule déterminative par ex- pas d'excursions. Au contraire, incursion sera le cellence, ou de ce que le verbe composé latin mot propre, si l'attention se porte nécessairement approbare, en cela différent du simple probare, sur le lieu où le mouvement aboutit. Dans l'antisignifie non seulement approuver, mais aussi té-quité, les peuples barbares, attirés en certains moigner son assentiment par des démonstrations. pays par l'appât du butin, y faisaient des incur

PREFIXES IN ET EX..

Inciter, exciter. Incursion, excursion. INCITER, EXCITER. Disposer quelqu'un à faire quelque chose en le stimulant, en l'échauffant. Inciter, incitare, citare, ciere in, mouvoir vers. Exciter, excitare, citare, ciere ex, faire sortir de son état, émouvoir, remuer. Inciter a essentiellement rapport au but; aussi dit-on toujours inciter à, et jamais, d'une manière absolue, inciter simplement, comme on dit exciter: il n'a pas besoin qu'on l'excite. De son côté, exciter a essentiellement rapport à la force ou à l'énergie provocante et provoquée; on dit exciter l'ardeur (Boss.), le zèle (ACAD.).

Inciter, c'est donc donner l'idée d'un but et y pousser doucement, en dedans, en secret, faire qu'on y incline; exciter, c'est réveiller, pousser

fortement et avec vivacité.

sions.

Excursion est le seul de ces deux mots qui se prenne dans le sens de digression, parce qu'il est le seul qui marque un rapport au lieu d'où on s'éloigne.

On dira dans un sens analogue, la connaissance de tels monuments, de telles plantes est due aux incursions des savants dans tels pays; et, ce botaniste ne se borne pas à étudier les fleurs du lieu qu'il habite, il fait de fréquentes excursions.

C'est ainsi que irruption signifie l'action de se précipiter dans ou sur; et éruption, celle de sortir de, de s'élancer hors de.

PREFIXES IN ET DIS.

Infamant, diffamant. Informe, difforme.
Inconvenance, disconvenance.

INFAMANT, DIFFAMANT. Qui produit l'infamie ou ternit la réputation.

Le premier a une plénitude de sens qui manque Inciter marque bien aussi l'impulsion, mais au second. In nie la réputation, la bonne renomfaiblement; son idée propre est l'indication du mée d'une manière absolue et positive. Dis marbut. « C'est par le plaisir et la douleur que Dieu que une séparation inachevée, en train de se pousse et incite les animaux aux fins qu'il s'est faire, et peint l'effort avec lequel on l'opère; il proposées. » Boss. « La solennité de cette église, n'est pas plus négatif et rigoureux que de dans et je ne sais quel mouvement de mon cœur m'in-déraisonnable. Ce qui est infamant porte infamie, cite à parler du nom de Jésus. » ID. « Incité par le plaisir que j'avais senti, je cueillis un second et un troisième fruit. » Buff.

Exciter peut bien aussi marquer le but, mais ce n'est pas toujours ni aussi expressément; son idée propre est la force de la stimulation. « Les sens excitent l'âme, ils la réveillent, ils l'avertissent de certains effets. » Boss. « Ce sera un motif pressant qui me réveillera, qui m'excitera, qui m'encouragera à tout entreprendre. » BOURD.

rend infâme, et c'est parce que ce mot marque un effet plus complet qu'il se dit des actes de justice: peine (LABR., ROLL., COND., MARM.), amende (VOLT.), note (Boss.) infamante; supplice (VOLT.), arrêt (LAH.) infamant. Ce qui est diffamant expose à perdre ou fait perdre peu à peu la réputation, fait descendre, ou plutôt tend, cherche à faire descendre du rang qu'on occupe dans l'opinion publique. Il faut distinguer la satire personnelle et diffamante de la satire générale (MARM.).

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On dira donc une condamnation infamante | est mal propre au labour, c'est-à-dire qu'il la (J. J.), et une imputation (FÉN.) ou une inculpa-boure mal, faute de force. Les hommes sont de tin (BEAUM.) seulement dissamante. On dira aussi mème impropres et mal propres certaines cho->

un vice (ROLL., S. S.) ou un défaut (S. S.) infamant, et des bruits faux et diffamants (FÉN.). Même différence entre informe et difforme: l'animal informe n'a pas de forme ou est tout difforme; l'animal difforme pêche seulement sous le rapport de la forme, est contrefait ou mal bâti. « Un petit ours était horriblement laid; on ne reconnaissait en lui aucune figure d'animal; c'était une masse informe et hideuse.... Sa mère l'ayant léché longtemps, il commença à devenir moins difforme.» FÉN.

Incontenance et disconvenance, défaut de convenance, se distinguent d'une autre manière. Discontenance, comme disproportionné, emporte une idée de dualité et de relation étrangère au Hot inconvenance, qui se prend toujours absolument et en morale. « Inconvenance n'est pas disconvenance, dit Voltaire; on entend par disconrenante des choses qui ne se conviennent pas l'une avec l'autre; et j'entends par inconvenance des choses qu'il ne convient pas de faire. » Pourquoi l'Académie, qui admet inconvenant, fait-elle difficulté d'admettre inconvenance P

PREFIXES IN ET MAL.

ses. Un paysan grossier, sans instruction, est im
mal propres. Dans le Misanthrope, Oronte veut
propre aux affaires; un artiste, un poëte, y sont
savoir d'Alceste si le sonnet qu'il a fait est bon.
Alceste lui répond :

Monsieur, je suis mał propre à décider la chose.
Veuillez m'en dispenser

« Je me sens mal propre à bien exécuter ce que
vous souhaitez de moi. » MOL.
Je vous seconderai, quoique mal propre à seindre.

DEST.

« L'homme attentif à la vérité, a connu ce qui était propre ou mal propre à ses desseins. » Boss. « On dit qu'un homme est propre ou mal propre à la. course.» ID.

propre à faire bien et à faire mal, il ne cherche Montaigne dit d'une manière absolue que, « imqu'à passer; » et, d'une manière relative, que « les boiteux sont mal propres aux exercices du corps. »

INDISPOSÉ, MAL DISPOSÉ. Dans une mauvaise disposition de corps ou d'esprit.

Pour être indisposé, il faut être malade; il. suffit de ne pas se sentir bien, de flotter entre la santé et la maladie, pour être mal disposé.

D'autre part, on est indisposé contre quelqu'un et mal disposé pour quelqu'un; on est fâché, aigri contre celui-là, on ne fera rien pour lui;

Inhabile, malhabile. Impropre, malpropre. Indisposé, mal disposé. Impoli, mal poli.. INHABILE, MALHABILE. Qui manque d'habi-on n'est pas porté à écouter celui-ci, cependant leté.

L'inhabile en manque totalement; le malhabile n'en a pas beaucoup. En effet in nie, et mal ne fait que présenter sous un mauvais jour, que donner une idée défavorable.

Inhabile est done le mot qui convient pour ex-
primer un défaut absolu. La vieillesse est
Inhabile aux plaisirs dont là jeunesse abuse.
Les pédants sont

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MOL.

Inhabiles à tout, vides de sens commun.
Il y a très-peu d'hommes entièrement inhabiles à
toute occupation.» LAH. Montaigne remarque en
lui-même une inhabileté à toute sorte d'affaire.
En jurisprudence, où on parle toujours à la ri-
gueur, on ne se sert que d'inhabile. « Conrad fut
déclaré inhabile à succéder à l'empire. » COND.
Malhabile, au contraire, désigne un défaut
relatif, l'imperfection plutôt que l'absence de
T'habileté. Un ministre malhabile veut toujours
vous avertir que vous êtes esclaves.» MONTESQ.
Ils ne sont pas assez malhabiles pour s'engager
à soutenir le désintéressement de ce prétendu
amour: » Boss. « Vous êtes bien malhabile d'avoir
dit, d'avoir fait telle chose. » ACAD.

IMPROPRE, MAL PROPRE. Qui n'est pas propre à. bon pour, convenable,

Un terme impropre est déplacé là où il se trouve, il dénature le sens; un terme mai propre choque moins; seulement il ne convient pas, il ne rend pas bien l'idée. Dans un autre sens on est impropre à ce pour quoi on n'est pas né, et mat propre à ce qu'on fait sans beaucoup de succes. Le bœuf est impropre à la guerre; quand il est trop jeune ou trop vieux, blessé, malade, il

est indisposé contre la personne dont on a à se on peut encore faire pour lui quelque chose. On plaindre, et mal disposé involontairement à l'égard de celle dont l'air, la tournure ne revien nent pas ou ne préviennent pas en sa faveur

IMPOLI, MAL POLI. Qui laisse à désirer sous le rapport de la politesse.

L'impoli n'a point de politesse; le mal poli n'en a pas assez, ou n'a qu'une politesse imparfaite. rels, lorsqu'ils ne sont que mal polis ou gros«La plupart des jeunes gens croient être natu siers.» LAROCH.

PREFIXES IN ET IL.
Inlisible, illisible.

INLISIBLE, ILLISIBLE. Qu'on ne peut lire; deux mots inventés au XVIIIe siècle, quoiqu'il y ait un exemple d'inlisible dans Mme de Sévigné.

Inlisible est formé contre l'analogie. Devant,

in devient il: légal, illégal; lettre, illettré; limité, illimité. On doit donc le supprimer ou y attacher une signification propre. Or, un écrit peut n'être pas lisible, soit parce que les caracteres en sont mal formés ou indistincts, soit parce que le sens en est mauvais, insupportable. Pourquoi ne pas représenter ces deux vues de l'esprit par deux termes différents? Et inlisible, irrégulier dans sa forme produit de l'ignorance, ne convient-il pas pour désigner un défaut gros, sier, apparent, qui ne demande pour être vu

Molière, et, par une fausse délicatesse, l'acteur sub 4. Au Théâtre-Français, on se permet de corriger stitue peu propre à mal propre.

qu'une opération toute simple, savoir, le défaut | rette.» VOLT. - La brique (LAF.) et les pieux d'être indéchiffrable; tandis que illisible servi- (FÉN.) se durcissent au feu, c'est l'effet d'un rait à qualifier les écrits qu'on ne saurait lire, instant. Mais « le bois d'un cerf commence par tant on y trouve à reprendre? deux dagues qui croissent, s'allongent et s'endurcissent à mesure que l'animal prend de la nourriture.» BUFF.

« Il y a quelques feuilles de mon discours extrêmement barbouillées et presque inlisibles, difficiles même à relier sans rogner de l'écriture que j'ai quelquefois prolongée étourdiment sur la marge. » J. J. « Sa main ne forme que des caractères inlisibles. » VOLT. « J'ai perdu les yeux avec une malheureuse petite édition de Corneille, en caractère presque inlisible. » ID.

Mais on dira avec Laharpe: un livre ou un drame illisible, c'est-à-dire, comme il l'explique lui-même en un endroit, insupportable à la lecture; un auteur ridicule, illisible, ennuyeux et absurde; les fastes de Lemierre sont une illisible rapsodie.

PRÉFIXE EN.

Durcir, endurcir. Brouiller, embrouiller. Trainer, entraîner. Fermer, enfermer. Lever, enlever. Il y a identité entre cette prépositive et la précédente. Seulement elle ne se prend jamais, comme in, dans le sens négatif, elle est française au lieu d'être latine, et les mots qu'elle commence sont à radical français ou francisé. Lorsque ceux-ci se trouvent unis à leur radical même par une synomie plus ou moins étroite, il faut, pour les en distinguer, avoir égard non-seulement à la valeur propre de leur syllabe initiale, mais et plus encore à la modification de sens éprouvée par tout mot qui de simple devient composé, ou, ce qui est la même chose, à la différence qui existe toujours entre deux mots dont l'un est et par cela seul qu'il est simple, l'autre étant composé. Cette différence ayant été établie ailleurs avec détail n'a pas besoin d'être exposée de nouveau sous une forme générale: il suffira de l'avoir rappelée avant d'en montrer tout à la fois l'application et la vérification dans les exemples qui vont suivre.

DURCIR, ENDURCIR. Rendre dur.

Durcir est le terme simple, ordinaire, rigoureux, et à cause de sa rigueur même il ne se dit qu'au propre. Endurcir annonce quelque chose de remarquable qui détermine à ne pas se contenter de l'expression commune. La grande chaleur durcit la terre, ou le soleil la boue; phénomène très-simple et de tous les jours. Mais le grand air endurcit certaines pierres et on endurcit le fer par la trempe.

α

D'autre part, le simple énonce le genre d'effet produit sans l'exprimer, sans le décrire, sans en marquer les progrès et les phases, ainsi que le fait le composé. « Durcir signifie proprement rendre dur, et endurcir faire devenir dur; car celuici marque plus particulièrement le passage à un état de dureté. Comme il est ordinairement difficile de remarquer le passage dans les choses physiques, il faut d'ordinaire se servir de durcir dans le sens propre durcir le fer, le bois, etc. Ce n'est que dans le cas où ce passage peut s'observer que endurcir est préférable : la plante des pieds s'endurcit à force de marcher.» COND. «S'endurcir les genoux devant la Notre-Dame de Lo

BROUILLER, EMBROUILLER. Mettre pêle-mêle. Brouiller est seul d'usage au propre, il exprime l'idée commune d'une manière toute générale, et sans indiquer si le mélange est ou n'est pas avantageux: on brouille des œufs, des drogues, plusieurs vins ensemble.

Au figuré, les deux mots signifient mettre une confusion fâcheuse dans les affaires ou dans les idées. Mais d'abord brouiller s'emploie bien seul et sans complément. « Bucer ne fait que brouil. ler. Boss. « Ce terme de prochain n'avait été inventé que pour brouiller.» PASC.

D

Il (le distrait) cherche, il trouve, il brouille, il regarde sans voir. REGN. Embrouiller, au contraire, doit toujours être suivi du nom de la chose qui reçoit l'action.

Ensuite brouiller est absolu, et embrouiller relatif. L'un exprime le désordre en soi, objectivement, dans les choses; l'autre l'exprime par rapport à notre esprit qui ne peut plus distinguer, démêler les choses. Brouiller, c'est déranger simplement; embrouiller, c'est obscurcir les choses en les dérangeant, ou en les disposant d'une autre manière. On embrouille des questions, on ne les brouille pas. « Embrouiller les questions par des termes d'école. » PASc.

« On brouille des personnes, des papiers; et on ne les embrouille pas. On brouille et on embrouille des affaires, des idées, un discours, ce qu'il s'agit de comprendre et de savoir: on les brouille en y mettant le désordre; on les embrouille en y jetant de l'obscurité. Les affaires sont brouillées par la mésintelligence et la discorde; elles sont embrouillées à cause de la difficulté de les entendre et de les expliquer. Ce qui est brouillé n'est pas en ordre et d'accord; ce qui est embrouillé n'est pas net et clair. La confusion des choses brouillées est dans les rapports qu'elles ont entre elles; la confusion des choses embrouillées est dans la manière dont elles se présentent à notre esprit comme dans un brouillard. » ROUB.

D'un autre côté, brouiller, comme faire croire, marque moins d'action de la part du sujet, ou une action moins volontaire, moins expresse, une action qui peut même venir des choses. « Les termes enveloppés brouillent les idées différentes.» Boss. « Un si grand nombre d'objets ne peut manquer de blesser et de brouiller l'imagination des enfants. » MAL. « Ce faible ménagement brouille en nous toute l'idée de première cause. » Boss. « La raison était faible et corrompue; et à mesure qu'on s'éloignait de l'origine des choses, les hommes brouillaient les idées qu'ils avaient reçues de leurs ancêtres. » ID. Mais embrouiller, comme faire accroire, indique une action faite par une personne, à dessein; il suppose presque toujours de l'invention et de l'artifice, et par suite plus de confusion ou une plus grande complication produite dans l'objet. « Les subtilités des hérétiques ont embrouillé le

sens véritable de cette parole. » Boss. « Est-ce | fermés, tant les Romains faisaient bonne garde ainsi qu'il faut parler dans un catéchisme à un pour fermer tous les passages. » ROLL. enfant, afin de lui embrouiller toutes ses idées? >> ID. Il cherche dans ces passages de quoi embrouiller les esprits, et il n'épargne rien pour vous surprendre.» ID. « Les plaideurs ne manquent pas de former des contestations et des accusations inutiles, et d'embrouiller leur procès d'une infinité d'accessoires qui confondent le principal.» MAL.

TRAINER, ENTRAINER. Mener ou faire venir

de force.

Trainer exprime l'action ordinaire et à la manière ordinaire des chevaux traînent une voiture, c'est-à-dire la tirent après eux. Entraîner désigne une action remarquable par l'effort du sujet et la résistance de l'objet, comme est celle d'un fleuve qui emporte quelque chose, non pas après soi, mais en soi, avec soi, dans son cours. On traîne en prison l'homme que l'on contraint; on y entraine celui qu'on y emporte, pour ainsi dire, malgré tous ses efforts. L'action de trainer demande sans doute souvent une force qui triomphe d'une résistance; elle est lente quelquefois. L'action d'entraîner demande une grande force qui triomphe de toute résistance; elle a un prompt ou un grand effet. Le ruisseau traîne du sable; le torrent entraîne tout ce qu'il rencontre. Des chevaux trainent un char; le char entraîne les chevaux dans une pente rapide. Vous vous trainez pour arriver à une haute fortune, et d'un faite glissant le poids de votre fortune vous entraine. ROUB.

A

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jamais au théâtre que quand Alcibiade ou Critias l'y trainait malgré lui (ID.); Arsinoé, reine d'Égypte, après avoir vu massacrer dans ses bras ses deux fils sur l'ordre de Ptolémée Céraunus, fut entrainée hors de la ville et reléguée dans la Samothrace (ID.).—Le Tigre traîne de grosses pierres, et les soldats d'Alexandre ayant voulu le traverser ne pouvaient se soutenir qu'à grand'peine à cause de l'impétuosité du courant qui les entraînait (ID.).

FERMER, ENFERMER. Entourer d'une barrière. On ferme et on enferme un parc, un jardin, par exemple, de haies, de murailles ou de fossés.

Mais on les ferme, afin que l'accès n'en soit pas permis au public, afin qu'on n'y passe point; on les enferme, afin qu'ils soient fermés dedans, en sûreté, et à l'abri des voleurs et des animaux dévastateurs. Dans le premier cas, c'est comme si on bouchait une ouverture au moyen d'une porte; et, dans le second, comme si on serrait les objets en question dans un meuble que l'on ferme pour les mieux conserver. On ferme proprement un passage, on enferme des ennemis. « Les Carthaginois n'espéraient pas qu'on pût faire entrer de nouveaux vivres dans la ville où ils étaient en

Il vaut mieux dire enfermer que fermer une ville de murailles, à moins que ces murailles ne la couvrent qu'en partie et d'un seul côté. « Le roi de Prusse, habile en plus d'un genre, enferma de tous côtés la ville de Dresde. » VOLT. « Une grande muraille ferme la Chine au nord. » ACAD.

<< Les

Enfermer est encore préférable quand il s'agit d'une manière extraordinaire de fermer. ennemis se sont laissé enfermer entre deux rivières. » ACAD.

LEVER, ENLEVER. Ils expriment tous deux l'action de faire qu'une chose soit portée en haut.

Enlever se distingue de lever tout comme entraîner de traîner, c'est-à-dire par une idée accessoire de force ou de violence, ou bien quelquefois en ce qu'il signifie ne pas faire aller, mais faire venir en haut, emporter en haut avec soi: il y a des oiseaux de proie qui sont de force à enlever des moutons.

Lever et enlever veulent dire aussi ôter une chose qui est sur une autre; mais ce qu'on lève ne tient pas comme ce qu'on enlève: le chirurgien lève un appareil; on lève le couvercle d'une marmite; un rude froissement enlève la peau d'une partie du corps; enlever l'écorce d'un arbre.

PREFIXES EN ET É.

Enlever, élever.

ENLEVER, ÉLEVER. Lever, hausser avec effort et de manière à faire quitter la place.

Le second a rapport au point de départ et à la distance où on en est. Ce n'est pas proprement porter en haut, mais porter plus haut. On élève, mais on n'enlève pas plus ou moins.

PREFIXES EN ET AD. Ennoblir, anoblir.

ENNOBLIR, ANOBLIR. Donner la noblesse ou de la noblesse.

Ce qui est ennobli est devenu noble en luimême, a acquis une noblesse tout intérieure, intrinsèque, essentielle, a gagné en valeur; celui qui est anobli a été ajouté ou agrégé à la classe des nobles, a reçu une distinction tout extérieure qui n'augmente pas la considération due à sa personne elle-même. « Ennoblir exprime un changement d'état moral; anoblir un changement d'état social. Une belle action ennoblit; il y a des charges qui andblissent. » Guiz.

« Ces sentiments vous ennoblissent à mes yeux.» ACAD. « Nous enrichissons les autres animaux des biens naturels, et les leur renonçons, pour nous honorer et ennoblir des biens acquis. » MONTAIGN.

N'est-il pas juste que le Verbe de Dieu ayant pris la qualité de serviteur, que l'ayant ennoblie, l'ayant comme divinisée dans sa personne, elle soit honorée parmi nous?» BOURD. « La chair a été ennoblie (en J. C.), et non la divinité dégradée. » Boss. « L'Egypte n'oubliait rien pour polir l'esprit, ennoblir le cœur et fortifier le corps. » ID.

α

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