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Ainsi, mépriser dit beaucoup plus què dépri- [sonnes relativement à ce qu'on se propose. Comme ser: mépriser, c'est non-seulement ne faire point le mépris, la méfiance exclut l'estime, elle est d'estime, ne pas se soucier, mais c'est estimer absolument improbative; au contraire, on peut mauvais, et par suite avoir en aversion; dépriser, encore faire cas de ce dont on se défie, comme de ce n'est pas même ne point estimer du tout, mais ce qu'on déprise, seulement on ne fait sur lui seulement estimer peu, faire peu de cas, mettre aucun fond. une chose au-dessous de ce qu'elle vaut. On déprise souvent les choses les plus estimables; on ne saurait les mépriser. Le mépris est un sentiment réel, positif, qui a des degrés dans l'âme, et qui se témoigne par la conduite comme par les paroles à l'action de dépriser ne correspond pas ainsi une disposition subjective; ce verbe marque un fait extérieur, libre, et quelquefois en contradiction avec ce qu'on éprouve ou ce qu'on pense. On méprise intérieurement, le mépris est un sentiment de l'âme; on déprise en paroles ou par ses discours, on tâche de dépriser (MARM.). On se déprise soi-même (Boss.) en parlant de soi avec modestie. L'homme d'honneur méprise tout ce qui sent la bassesse ou la lâcheté; l'envie s'efforce de dépriser les belles actions, ce qui ne prouve pas qu'elle les méprise. On s'attache d'ordinaire à dépriser les personnes pour faire accroire qu'on les méprise.

MÉFIANCE, DÉFIANCE. Disposition contraire à la confiance et en vertu de laquelle on craint d'être trompé et on se tient sur ses gardes.

On se méfie plutôt du caractère et de la probité, et la défiance tombe d'ordinaire sur toute autre qualité, l'esprit, les talents, ou même sur les choses. On écrivit à Alexandre de se méfier de son médecin, Philippe, qu'on soupçonnait de vouloir l'empoisonner (COND.); on lui aurait écrit simplement de s'en défier, si on avait eu l'idée seulement de lui inspirer des doutes sur son savoir et ses talents. Comme le mépris, la méfiance est un sentiment positif qui fait prendre en aversion et fuir l'objet; mais quand on se défie ou qu'on déprise, on n'en veut pas, on ne hait pas pour cela, et la preuve en est qu'on se défie de soimême. Se méfier de soi-même formerait un contre-sens.

Dans vos distractions, défiez-vous de vous. REGN. Prudes, vous vous devez défier de vos forces. Laf. En un mot, la méfiance dit plus que la défiance: c'est un sentiment positif qui fait envisager l'objet sous de sombres couleurs; elle est subjective; elle tient au cœur; elle donne l'idée d'un retour sur soi-même, d'un éloignement. Le mot défiance est moins l'expression d'un sentiment que d'un fait, et il se rapporte davantage aux précautions qu'on prend. « Psyché, ayant entendu ce soupir, y répondit, bien qu'avec quelque sorte de défiance. » LAF.

Ensuite, la méfiance est moins déterminée que la défiance, et quant à sa cause et quant à son objet. L'une est dans le caractère, c'est un instinct comme l'antipathie; l'autre vient de la réflexion et de l'expérience comme l'aversion. On naît méfiant; Tibère était naturellement méfiant (COND.). Pour être défiant, il suffit de penser, d'observer et d'avoir vécu. « L'âge et l'expérience rendaient Cicéron plus défiant. » LAH. « L'âge m'a rendu un peu défiant. » VOLT. On est (CORN.), on entre ou on prend (PASc.) en défiance, et non en

Le premier de ces mots désigne une idée positivement mauvaise, et le second une idée négative; l'un, une fiance (PASc.) mauvaise, défavorable, qui fait considérer sous un mauvais jour, comme capable de mal, et l'autre, un manque de fiance. On croit en mauvaise part à la personne ou à la chose pour qui on éprouve de la méfiance, on en a une mauvaise idée; on ne croit que peu ou point à celle dont on se défie. Se méfier exprime une affection positive, mais désavantageuse, défavorable; se défier contient une simple négation. La méfiance est essentiellement soupçonneuse et inquiète; elle fait tout prendre en mauvaise part; elle touche à la misanthropie. Un contemporain de J. J. Rousseau' lui reproche d'être inquiet et méfiant comme un lâche criminel. << Persuader le roi de l'empoisonnement du dau-méfiance. On dit bien une sage défiance : « J'avais phin, c'était lui faire mener la vie la plus douloureuse, la plus méfiante, la plus remplie des plus fâcheux soupçons, les plus noirs et les plus inutiles. » S. S. Louis XI, Tibère et Denys de Syracuse ont été des princes méfiants (COND.). Mais la défiance n'est que réservée; elle fait qu'on se tient sur ses gardes; elle caractérise la prudence. On doute quelquefois par prudence et par défiance, par sagesse et par pénétration d'esprit.» MAL. « La réserve annonce de la défiance.» VOLT. « Est requise au souverain la défiance et se tenir

couvert. CHARR.

On se méfie quand on soupçonne et qu'on craint quelque chose de mauvais; la défiance ne fait souvent qu'inspirer des doutes sur la suffisance, la capacité, la convenance des choses ou des pertrefois, et on devrait continuer à dire, desestimer dans le sens de mésestimer un peu. « Valerius dit que, sur sa vieillesse, il commença à désestimer les lettres, » MONTAIGN. « Un galant homme en est plaint (d'être trahi par sa femme), non pas désestimé. » ID.

ure juste défiance de moi-même. » LABR. Mais on dit d'aveugles méfiances (J. J.), celles-ci n'étant jamais raisonnées et ne s'appuyant que sur de vagues présomptions. On se méfie d'une personne sous tous les rapports, et quand on craint de sa part quelque chose de mauvais, sans savoir précisément ni quoi ni pourquoi.

Que de tout inconnu le sage se méfie. LAF. On se défie d'une personne dont l'expérience a appris d'une manière plus ou moins directe qu'elle peut tromper ou manquer relativement à un but particulier. « Je me défie un peu de vous (pour ce qui concerne la persévérance dans le bien); ce n'est pas sans fondement. » FEN. C'est apparemment pour opposer ce caractère de la méfiance, d'être vague et non éclairée, au caractère contraire de la défiance, que Fénelon a dit : « Il y a quelque chose en nous qui arrête l'effet de la grâce: nous n'avons qu'à bien chercher : l'endroit dont nous nous méfions le moins est précisément celui dont il faut se défier le plus. »

PREFIXES MÉ ET AB.
Mésuser, abuser.

justice. On dit, des pensées et des paroles déshonnêtes, c'est-à-dire essentiellement et de leur nature contraires à la pureté : c'est un défaut attribué à des choses qu'on considère en ellesmêmes, et sans rapport à la manière de se conduire.

HÉSUSER, ABUSER. Mal user. Mésuser, user en mauvaise part, d'une manière mauvaise, faire un mauvais usage; abuser, user de manière à s'éloigner brusquement, violemCe qui est malhonnête n'est possible que là où ment, du bon usage ou des règles. En mésusant, il y a lieu de se comporter bien ou mal à l'égard on pèche contre la raison, contre la sagesse; on des autres hommes, c'est-à-dire en société : Roagit sans rime ni raison, à tort et à travers. En binson, dans son île, ne pouvait être malhonabusant, on s'écarte de ce qui est établi, onnête ni commettre d'actions malhonnêtes. Mais sort des bornes, on est excessif, déréglé, on viole des droits, on pèche contre la justice, contre la probité, contre la politesse ou les bienséances. Mésuser arrête l'esprit sur le sujet seul; abuser fait songer en même temps aux désordres qu'il commet, aux lois dont il s'écarte. « On mésuse de la chose qu'on emploie mal, on abuse de la chose qu'on emploie à faire du mal. » ROUB. On est blåmable dans le premier cas, et punissable dans le second. Sans le pouvoir de mésuser et d'abuser, corrélatif à celui d'user, on ne concevrait ni la liberté morale, ni la liberté civile'.

« Un ami indiscret mésusera du secret que vous lui confiez; un ami perfide en abusera contre vous-même. A proprement parler, on ne mésuse pas de l'autorité, on en abuse; car tout acte d'autorité, s'il n'est tutélaire et juste, est injuste et oppressif. » ROUB. Au contraire, on mésuse plutôt qu'on n'abuse de ses richesses. Tartufe prétend accepter les biens d'Orgon, uniquement afin qu'ils ne tombent pas en de méchantes mains qui pourraient bien en faire un criminel usage. Cléante lui répond :

Et songez qu'il vaut mieux encor qu'il (le légitime héritier) en mésuse,

Que si de l'en frustrer il faut qu'on vous accuse.

PREFIXE MAL.

Cette particule, originairement adverbe et d'ordinaire employée comme telle, sert à marquer dans les mots composés où elle entre la manière d'agir ou dont les choses sont faites, une manière mauvaise, vilaine, défectueuse, imparfaite.

comme la déshonnêteté n'est pas une qualité de manière, de forme, de procédé, elle peut se produire dans toutes les positions, dans la solitude, comme au milieu du monde. Un livre déshonnête est tel parce qu'il réveille de lui-même des idées sales ou obscènes, et non parce qu'il est le produit d'une mauvaise façon d'agir, ou qu'il enseigne de mauvaises façons d'agir.

On dit bien un homme malhonnête, et non pas un homme déshonnête le premier adjectif regardant la manière d'agir se transporte sans peine à l'homme qui la pratique; mais la déshonnêteté est tellement inhérente aux choses mêmes qu'elle ne se dit que des choses mêmes. Suivant les stoiciens, il n'y aurait pas de mots déshonnêtes : dans la logique de Port-Royal se trouve la réfutation de cette doctrine, Ire partie, chap. xiv; le terme déshonnête y est souvent remplacé par ceux de honteux, infâme, impudent, effronté, contraire à l'honnêteté, à la modestie. Il est aussi presque synonyme de sale et d'obscène. Un lieu déshonnête est un lieu de prostitution, lupanar (Boss.); une femme de mauvaise vie mène une vie déshonnête (MOL.); des amours déshonnétes (Boss., FÉN.) sont des débauches. D'autre part, c'est uniquement des procédés qu'on dit qu'ils sont malhonnêtes: il est malhonnête de retenir un dépôt (MONTESQ.), de se haïr pour des syllogismes (VOLT.); un joueur fripon profite de certaines observations malhonnêtes pour ruiner ses adversaires (BUFF.).

Au reste, déshonnête exprimant un défaut essentiel, et non un défaut relatif à la forme comme malhonnête, est plus propre à être employé d'une manière absolue et substantivement : « Se servir de sa raison pour discerner les nuances de l'hondéplai-nête et du déshonnéte. » VOLT.

PREFIXES MAL ET DE. Malhonnête, déshonnête. Malplaisant, sant. Mal placé, déplacé. Etc. MALHONNÊTE, DESHONNÈTE. Contraire à l'honnêteté.

Mais malhonnête signifie une opposition à l'honnêteté des manières, et déshonnête un manque d'honnêteté dans les mœurs. On dit, des actions, des manières, des procédés malhonnêtes, parce que ce sont choses qu'on peut considérer relativement à la façon dont on s'y conduit, et cette qualification les représente comme choquant les bienséances, les usages du monde, les lois de la politesse, et quelquefois de l'honneur et de la

4. Mme du Deffand écrit à Voltaire : « Envoyez-moi tout ce que vous faites, tout ce que vous avez fait que je ne connais pas, et tout ce que vous ferez; soyez sar que je n'en mésuserai pas; ma société est fort circonscrite, et ce n'est qu'à elle que je fais part de vos lettres, et de ce qui me vient de vous. »

MALPLAISANT, DÉPLAISANT. Incapable de causer du plaisir.

Malplaisant, qui plaît mal; déplaisant, qui ne plaît pas, qui est privé de la qualité ou du don de plaire. Le premier dit donc moins que le second. Et comme le second exprime déjà une idée faible, celle du simple déplaisir, le premier tombe en désuétude. Lafontaine s'en sert quelquefois.

Notre vieillard flétri, chagrin et malplaisant. << Au lieu des vapeurs et de la toux, hôtesses si malplaisantes, elle a retenu la gaieté et les gråces. » De même Voltaire, dans le style badin: Un bourbier noir, d'infecte profondeur, Y fait sentir très-malplaisante odeur. De même Scarron: Repris par les jésuites, « je ne voulus plus obéir à de si malplaisants maîtres. » Céléno, l'une des harpies, « la malplai

sante prophétesse. » «La malplaisante Alecton. » règle ou d'ordre. La piété mal réglée devient saEt en parlant de Caron :

Il ne fut jamais créature

De plus malplaisante structure.

Il (Polypheme) s'en venait vers le rivage,
Le très-malplaisant personnage,
Gros, mal bati, sale, velu.

D'où l'Académie a-t-elle appris que malplaisant
se dit plus ordinairement des choses que des
personnes?

α

perstition; et déréglée, fanatisme.

PREFIXES MAL ET DIS.

Malfamé, dissamé. Malgracieux, disgracieux.
Malproportionné, disproportionné.

MALFAMÉ, DIFFAMÉ. Qui ne jouit pas d'une bonne réputation.

L'homme malfamé n'a pas une bonne réputation; l'homme diffamé est perdu de réputation. Diffamé est une qualification plus positive, plus directe, plus rigoureuse, plus décidée, plus tranchante; il y a comme une séparation nette entre la bonne réputation et l'homme diffamé. On évite la société ou l'alliance de l'homme malfamé; on rougirait d'avoir le moindre rapport avec l'homme diffamé.

Ensuite, à malfamé ne correspond point un verbe comme à diffamé, et c'est pourquoi celuilà n'implique point comme celui-ci un fait particulier qui a déshonoré, un éclat qui a perdu tout d'un coup dans l'esprit du public. Celui qui est malfamé est ainsi, a telle manière d'être: on en parle mal; c'est un effet qui a sa cause en lui, dans ses principes ou dans sa conduite. Celui qui est diffamé a été diffamé; son état résulte d'une diffamation juste ou non méritée.

Ensuite, l'effet produit par les choses ou les personnes malplaisantes dépend surtout de leur forme, de la manière dont elles sont faites, si bien que ce mot serait déplacé au figuré et en parlant d'abstractions. Jean-Jacques a dit : « Nos sensations nous sont agréables ou déplaisantes. »> Et Les occupations déplaisantes ont besoin de délassement. » L'Académie : « Il est déplaisant | de toujours perdre au jeu. » Bourdaloue: « Cela me remplit d'idées tristes et déplaisantes. » SaintSimon Des maximes très-déplaisantes à la France. Dans ces phrases et autres semblables malplaisant ne conviendrait pas. Ce qui est déplaisant déplaît; ce mot ne se rapporte qu'au fait abstrait ce qui est malplaisant est mal bâti, mal conformé, ou se présente mal. - Montaigne a parfaitement senti et rendu cette opposition dans le passage suivant. « C'est une déplaisante coutume, et injurieuse aux dames, d'avoir à Et de là le troisième caractère de l'adjectif difprêter leurs lèvres à quiconque a trois valets à famé. C'est qu'on peut être diffamé sans cesser sa suite, pour malplaisant qu'il soit. » — Il parle d'avoir droit et part à l'estime des hommes; ce ailleurs de la a tranquillité et sérénité de l'âme, qui arrive quand on a été la victime d'une disfadéchargée de toute passion, pensée et occupation|mation injuste et calomnieuse. Mais malfamé, tendue ou déplaisante; » et dans un autre endroit il dit : « Si j'ai un cor qui me presse l'orteil, me voilà renfrogné, malplaisant et inaccessible. » MAL PLACE, DÉPLACÉ. Mis dans une place qui ne convient pas, hors de propos.

α

Mal placé exprime un défaut relatif, et déplacé un défaut absolu: ce qui est déplacé est tout à fait mal placé.

Laharpe examinant la tragédie d'Alzire, critique ainsi ce vers :

Rends du monde aujourd'hui les bornes éclairées.
« Les participes éclairé, connu, etc., sont mal
placés avant le verbe rendre. » Et, à quelques
lignes de là, ayant cité une tirade, il ajoute
« Cela est mauvais de tout point, en philosophie
comme en poésie, et souverainement déplacé dans
la situation d'Alzire. »

On voit aussi par ce double exemple que mal place indique plutôt un défaut de forme, de syntaxe, grammatical, et déplacé un défaut essentiel, qui a rapport aux idées ou au fond. « Tout au plus trouvera-t-on dans le discours de cet orateur quelque construction peu exacte, quelque chose d'irrégulier, de faible et mal placé. » FÉN. Un discours dans lequel il y a quelque chose de déplacé pèche davantage et d'une autre manière, il est inconvenant.

On distinguerait de même mal réglé et déréglé, mal ordonné et désordonné. La chose mal réglée ou mal ordonnée laisse quelque chose à désirer dans la manière dont elle est réglée ou ordonnée : la chose déréglée ou désordonnée n'est point du tout réglée ou ordonnée, n'a point du tout de

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quoique plus faible et plus vague, annonce toujours une réputation effectivement mauvaise.

MALGRACIEUX, DISGRACIEUX. Qui n'est pas gracieux.

En fait de grâces, le malgracieur est mal, laisse beaucoup à désirer, et le disgracieur n'est rien. Celui-ci dit donc plus que celui-là: il énonce directement et positivement ce que le premier ne fait entendre que par un détour, et en atténuant. De plus, ce qu'on considère dans l'objet malgracieux, c'est la manière dont il est, sa forme, son air, et l'adjectif ne convient que par rapport aux objets envisagés sous ce point de vue. La qualité qui fait traiter de disgracieux peut être intrinsèque et abstraite. « Aventure disgracieuse. Cela est bien disgracieux. » ACAD. « Douleur et mal marquent une sorte de sensation disgracieuse qui fait souffrir. » GIR.

Elle avait pris en cet homme un époux
Malgracieux, incommode et jaloux, Laf.

« Votre père, le plus malgracieux des hommes, m'a
chassé dehors malgré moi, et j'ai couru risque
d'être battu. » MOL. (L'Avare, Laflèche à Cléante).
MALPROPORTIONNÉ, DISPROPORTIONNÉ. Qui
pèche par défaut de proportion.

Le premier se dit d'un seul objet dans lequel on considère la manière dont ses parties sont arrangées, et l'autre en suppose au moins deux (aic, deux fois, de dúo, deux) qu'on compare l'un à l'autre et qu'on trouve séparés par de grandes inégalités.

Malproportionné s'applique à une seule chose qu'on considère en soi et dans sa totalité. « Un

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corps, un homme malproportionné. » ACAD. « Si Tomme était un quadrupède, toutes ses parties reccies eussent fait un animal malproportionné et marchant peu commodément. » J. J. Disproportonne s'emploie en parlant de plusieurs choses, ou d'une seule relativement à une autre ou à d'autres; ce qui fait qu'on dit bien disproportionné à, et non malproportionné à. Morale disproportionnée à l'âge des enfants (J. J.); exemple disproportionné à notre état (PASC.); pratique disproportionné à nos mœurs (Boss.); comparaisons disproportionnées à la nature divine (ID.). Conditions disproportionnées (COND.), c'est-à-dire l'une à l'autre ou les unes aux autres; un oiseau porte un bec disproportionné (BUFF.), c'est-à-dire au reste du corps.

cessoire que le sujet est plus profondément affecté et qu'il éprouve du dépit ou du ressentiment.

En second lieu, et conformément à la première distinction, mécontent suppose de la part du sujet chagrin prononcé et disposition active à réclamer la réparation d'un tort réel ou prétendu, et de la part de la personne qui excite ce sentiment, refus ou violation de ce qui est juste, ou de ce qu'on croit juste; au lieu que malcontent n'emporte que la privation de ce qu'on espérait. « L'ambassadeur, M. de Laverdin, rendit tous ces gens-là malcontents de ses manières, de sa mauvaise chère, de son peu d'apparat. » DELAF. Je suis mécontent d'un domestique qui ne fait pas ce qu'il doit, et malcontent de celui qui ne fait pas ce qu'il doit comme je le voudrais il y a de la part du premier mauvaise volonté, négligence ou paresse, et de celle du second simplement inexpéMal-rience ou incapacité. On a droit d'être mécontent; on a quelque sujet d'être malcontent, ou bien même on l'est sans trop savoir pourquoi.« Mademoiselle n'allait point à la cour, parce qu'elle Ces deux particules changent en mauvaise part était fort mécontente du roi sur le sujet de M. de le sens des mots devant lesquels elles se mettent, Lauzun.» DELAF. « Le prince de Montpensier et leur font exprimer quelque chose de fâcheux. était malcontent de tout ce qui était arrivé, sans Mais la modification apportée par mal semble qu'il en pût dire le sujet. » ID.-Ou encore, on est moins essentielle, moins intime, moins décidé-mécontent pour un motif très-grave, parce qu'on ment mauvaise; elle s'arrête, pour ainsi dire, à la forme, à la superficie.

PREFIXES MÁL ET MÉ. Malcontent, mécontent. Malaise, mésaise. seant, messéant. Malvendu, mévendu. Mal interpréter, mésinterpréter.

MALCONTENT, MÉCONTENT. Qui n'est pas satisfait, pour qui ce qui est ne convient pas ou ne se passe pas comme il le voudrait.

a reçu une injure; et malcontent pour une raison légère, pour un manque de complaisance, par exemple. « On exhorta en vain Louis XII à punir quelqu'un dont il avait été mécontent avant que de monter sur le trône.» ROLL. Bayard, voyant que son refus affligeait son hôtesse, et ne voulant pas la laisser malcontente de lui, consentit à

Mécontent dit quelque chose de plus. « On est malcontent, dit Roubaud, quand on ne l'est guire, ou qu'on n'est nullement satisfait; et mé-recevoir son présent. » ID. content, quand, loin d'être satisfait, on est faché et très-fâché. Suivant Condillac, on est mécontent quand on est malcontent au point de se soulever le mécontents ont pris les armes. Une preuve de la supériorité de force du sentiment pénible signifié par mécontent, c'est qu'on fait de ce mot, comme en général de tous ceux qui se distinguent par leur énergie, un usage bien plus fréquent que de son synonyme. D'ailleurs, il s'emploie seul d'une manière absolue et sans complément, seul il a un substantif correspondant pour désigner d'une manière nette et positive le sentiment dont il s'agit. Le malcontent éprouve un sentiment d'humeur dont son âme est à peine eilleurée.

Toutes les fois qu'il y a une injustice de commise, passe - droit, inexécution volontaire d'une obligation, on ne peut être que mécontent. On est malcontent de son état, de sa fortune, du tour que prennent les affaires, quand ils ne sont pas comme on désirerait qu'ils fussent. « Les gens du monde, avec tous leurs biens, tous leurs plaisirs, sont presque toujours malcontents et se plaignent de leur sort. » BOURD.

LAF.

MALAISE, MÉSAISE. Ils désignent un état ou une situation légèrement pénible.

Malaise exprime plutôt l'état où l'on se trouve, et mésaise le sentiment qu'on éprouve. Dans le malaise on n'est pas commodément; l'âme est désagréablement affectée dans le mésaise.

Thérèse est ma'contente et gronde. Ce que malaise exprime de fâcheux se rapporte A la rigueur même, malcontent n'exclut pas à l'extérieur, à la position, ou aux entours : le tout à fait le contentement, mais il ne fait que le malaise se fait sentir à une personne qui est mal à représenter comme incomplet, comme n'étant l'aise, mal assise, mal couchée, ou gênée dans ses pas sans trouble, sans inquiétude, sans mélange. rapports avec les autres. « Les premiers mobiles du C'est ce que Pascal exprime très bien dans le pas-monde furent le besoin, l'inquiétude du malaise, *ge suivant : « La propre volonté ne se satisfe-et l'espérance d'un meilleur sort. »> MARM. «< On rait jamais, quand elle aurait tout ce qu'elle sou-sentait la contrainte du duc de Bourgogne avec haite; mais on est satisfait dès l'instant qu'on y Monseigneur, encore plus avec Mlle Choin, et le renonce. Avec elle on ne peut être que malcon-malaise avec tout cet intérieur de Meudon. » S. S. tent; sans elle on ne peut être que content. Il en Le mot mésaise, plus particulièrement subest du mécontentement comme du mépris et de la jectif, indique un état général de déplaisir méfiance; c'est moins une négation, une restric-dans lequel on désire vaguement d'être mieux. tion qu'un sentiment positif dont l'âme est comme « Le plaisir est notre but; car qui écouterait pénétrée. « Un esprit chagrin est mécontent.celui qui, pour sa fin, établirait notre peine et BOURD. Mécontent ajoute à malcontent l'idée ac- mésaise?» MONTAIGNE. « Le désir est une espèce de

D

mésaise que le goût du bien met en nous. » VAUV. | vaise action considérée intrinsèquement comme violant une loi, et en elle-même digne de punition. D'ailleurs, ou plutôt en conséquence, le malfait est, un simple délit, et le méfait un crime.

« Notre mal est la vaine curiosité de notre esprit qui ne peut ni sortir de son ignorance ni la supporter; c'est ce mésaise et cette rêverie de malade que nous appelons une noble recherche de la vérité. » FÉN. MALSÉANT, MESSÉANT. Contraire à la bien- malheureux penchant à mésinterpréter les dis

séance.

Mais l'un signifie une inconvenance de forme, l'autre une inconvenance intrinsèque, essentielle. C'est apparemment à quoi se réduit la distinction suivante de Condillac. « Il me semble que le premier se dit des choses qui ne conviennent pas à l'état, à l'âge ou à la profession d'une personne, et que le second se dit de tout ce qui ne sied pas. » Une barbe d'artiste terminant la figure d'un prêtre ou d'un magistrat serait malséante; il est messéant que la femme commande au mari et que le valet en remontre à son maître. L'air dissipé est malséant, et l'inattention est messéante pour un magistrat. Une posture malséante ne messied qu'eu égard aux usages tout extérieurs et formels de la civilité; une posture messéante messied réellement, blesse l'honnêteté, va jusqu'à l'indé

cence.

<< On doit donner largement aux femmes de quoi maintenir leur état, d'autant que l'indigence est beaucoup plus malséante et malaisée à supporter à elles qu'aux mâles. » MONTAIGN. « Les petits verres sont les miens favoris, et me plaît de les vider, ce que d'autres évitent comme chose malséante.» ID..—« Aux canonnades, il est messéant de s'ébranler pour la menace du coup.» ID. << Le vice de mentir apparaît toujours trèsmesséant à un homme bien né, quelque visage qu'on lui donne. » ID.

MALVENDU, MÉVENDU. Qui n'a pas été bien vendu.

Le premier de ces mots implique un blâme relativement à la manière dont la vente s'est faite. Quand on a vendu par petites portions, au lieu de vendre par parties considérables, à crédit et non comptant, ou bien à des débiteurs peu solides, dans ces différents cas on a mal vendu, ou la marchandise a été mal vendue. Mais à mévendu s'attache l'idée d'une faute moins relative à la forme qu'au fond, au mode de la vente qu'au dommage éprouvé en conséquence d'une vente désavantageuse on mévend ce qu'on vend audessous de son prix réel. On emploie bien aussi mal vendre ou vendre mal dans ce sens; mais alors on parle avec moins de précision, et on a tort de ne pas préférer une expression qui dit la même chose d'une manière toute spéciale et ex

clusive.

Une observation bien simple sert à prouver que mé l'emporte sur mal, dans le sens défavorable où ils se prennent l'un et l'autre. C'est que mal vendre ou vendre mal signifie quelquefois vendre peu: cette marchandise s'est mal vendue sur tel marché, se vend mal dans telle saison. Au lieu que le substantif mévente signifie non-vente, cessation de vente. En allemand, Uebelthat, mot à mot, un malfait, désigne une mauvaise action sous le rapport tout extérieur du mal qu'elle cause à autrui, et Missethat, méfait, une mau

Jean-Jacques écrit à Diderot : « Vous avez un

cours et les actions de vos amis. » Voilà un mot excellent, qui n'est pas usité, au moins à en croire l'Académie, et qui mériterait de l'être, concurremment avec mal interpréter; car ces deux verbes ne signifient pas tout à fait la même chose. Mal interpréter, c'est seulement supposer un sens qui n'est pas le véritable, attribuer une intention qu'on n'a pas eue, une intention mauvaise, mais rien de plus. Mésinterpréter, c'est imputer une intention criminelle, des desseins noirs et funestes, partant d'un fonds de méchanceté, et, comme le dit Jean-Jacques lui-même dans l'endroit cité, des horreurs.

PRÉFIXE IN.

Cette particule est primitivement une préposition latine, traduite en français par en, et qui a deux significations différentes. Elle marque le plus souvent un rapport de contenance, elle exprime qu'une chose est ou va dans une autre; alors elle répond au grec iv, ɛic; d'autres fois elle peut se rendre par à, vers, sur, contre, et rappelle le grec avà. Mais dans les mots composés dont elle forme la syllabe initiale, outre ces deux idées, elle en désigne fréquemment une troisième, celle de négation ou d'absence, auquel cas elle reproduit tout à fait l'a privatif des Grecs. Les autres particules de, dis, mal, employées quelquefois dans le sens négatif, ne sont pas aussi spécialement destinées à mier, ne nient pas d'une manière aussi complète et absolue, ou elles ajoutent chacune à cette idée un accessoire particulier.

PREFIXES IN ET RE.

Improuver, réprouver. IMPROUVER, RÉPROUVER. Faire le contraire d'approuver: trouver mauvais et le dire. Dans le premier de ces mots in est agressif, il signifie contre, il marque opposition: improuver, c'est être contre, blâmer. Dans le second ré est adversatif et répulsif; il marque une opposition violente, par laquelle on rejette, on fait reculer loin de soi, sans pitié, ni rémission: réprouver, c'est s'élever contre, proscrire avec hostilité et mépris.

« On improuve ce qu'on trouve mauvais, préhensible, vicieux; on réprouve ce qu'on juge odieux, détestable, intolérable. On improuve une opinion dangereuse, une action blâmable; Dieu réprouve les méchants, les infidèles. On improuve par des discours, des raisonnements, des impugnations, des attaques; on réprouve par le décri, les condamnations, la proscription. La raison improuve, elle a droit d'éclairer; l'autorité réprouve, elle a droit de proscrire. » ROUB.

« Il y a déjà longtemps, dit Labruyère,

que

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