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cement de dépuration, ou une dépuration relative et partielle. Mais, d'un autre côté, l'épuration demande peut-être plus de temps et de soin, parce qu'elle est plus difficile. Par des soins et un long régime, on parvient à une certaine épura- | tion du sang; la petite vérole opère une prompte et totale dépuration du sang (VOLT.). « On épurera ainsi la fonte, et. pour la dépurer encore davantage, on fera fondre une seconde fois ce lingot dans le feu de l'affinerie. » BUFF.

ÉHONTÉ, DÉHONTÉ. Sans honte, sans pudeur. Dans cet exemple et les suivants les deux particules initiales sont privatives; mais de semble l'être à un plus haut point, ce qui tient sans doute à sa valeur rigoureusement déterminative, à ce qu'il exprime plus particulièrement les actions et les états d'une façon décidée et caractéristique. Et c'est à cause de cette propriété que dépuration se dit seulement en chimie et en médecine, tandis qu'épuration est de tous les styles. E signifie qu'on est sorti d'un état, et de qu'on en est déchu. Or, on rentre plus aisément dans l'endroit d'où l'on est sorti qu'on ne remonte au rang d'où l'on est déchu. On n'est éveillé que pour rentrer un peu plus tard dans le sommeil; les personnes édentées, éreintées ne le sont jamais absolument; par le mot elinguis, les Latins désignaient une sorte de mutisme relatif, qui consiste à ne pas parler dans une circonstance, quoiqu'on en ait naturellement la faculté.

une sorte de vacillation provenant de ce qu'on a de mauvaises hanches, ou une sorte de mouvement ondulatoire qu'affectent de se donner en marchant certains dandys des deux sexes.-Cependant éhanché s'emploie si rarement, que déhanche le remplace même dans cette dernière acception. Prenez bien garde, vous, mademoiselle du Parc, à vous déhancher comme il faut et à faire bien des façons.» MOL. « En achetant une charge de marquis, n'oubliez pas de vous faire donner les airs déhanchés de ces messieurs-là. » REGN.

PREFIXE AD.

Faire croire, faire accroire. Ranger, arranger. Paraître, apparaître. Poster, aposter. Maigrir. amaigrir. Baisser, abaisser. Se donner, s'adonner.

Ad, préposition et particule initiale latines, signifie, à côté, auprès, et plus souvent, à, vers. du côté de; elle marque proximité ou direction, tendance vers un endroit ou une personne, et par suite addition. Accola (ad cola), qui habite auprès; assessor (ad sedere), qui est assis à côté, conseiller; adsilire, sauter vers; adrepere, se traîner vers en rampant; arridere, rire à quelqu'un; adjunctio, action de joindre une chose à une autre; admiscere, mêler en ajoutant accessoirement. Ensuite, comme en ajoutant on augmente ce à quoi l'on ajoute, ad indique quelqueAinsi éhonté et déhonté indiquent une absence fois simplement une augmentation et prend le de honte, le premier accidentelle et dans une ac- sens de beaucoup adaugere, augmenter beaution particulière, le second habituelle et dans le coup; affluere, couler en grande abondance; adcaractère. On est éhonté par un oubli momen-juvare, aider beaucoup; admonere, avertir fortané de soi-même; mais, à force d'être éhonté, tement; attenuare, rendre très-ténu; et en franon finit par devenir déhonté. « Éhonté, dit Nicod, cais, allonger, rendre plus long ou très-long par qui a perdu sa honte; dénonté, qui a perdu toute addition. sa honte. « Une femme tout à fait déhontée. » ACAD.

ÉCHEVELÉ, DÉCHEVELÉ. Une femme échevélée ou déchevelée, c'est-à-dire dont les cheveux sont dénoués ou dérangés et tombent épars.

Quand ad commence un mot, synonyme d'un autre, qui est le radical pur du premier, il apporte entre eux principalement la différence suivante. Le simple exprime l'action simplement, telle qu'elle se passe d'ordinaire, sans rien annoncer de remarquable dans l'agent considéré comme tel. Au contraire, le verbe qui en est

Déchevelé marque un plus grand désordre et plus de violence dans la cause qui l'a produit. Deux femmes, en se battant, se sont toutes déformé par l'adjonction de ad contient de plus une chevelées (ACAD.). Quand Enée se trouva seul dans une caverne avec Didon,

Les nymphes des lieux en hurlèrent, Et leurs têtes déchevelèrent, SCARR. Mainte veuve pourtant fait la déchevelée, Qui n'abandonne pas le soin du demeurant. LAF. -Échevelé annonce une douleur plus calme : « Pétrarque dépeint Rome échevelée et les yeux mouillés de larmes, implorant le secours de Rienzi. »

VOLT.

ÉHANCHÉ, DÉHANCHÉ. Qui a les hanches rompues ou disloquées, qui marche sans être ferme sur ses hanches.

Déhanché se dit à la lettre, au propre, et correspond à un verbe usité, comme déchevelé. | Harcourt tomba de huit ou dix pieds de haut, et se déhancha, dont il a été très-longtemps incommodé.» DE LAF. Déhanché est une épithète qui s'applique même aux chevaux, tant elle est rigoureuse. Éhanché devrait se dire de celui qui est comme déhanché. Ce mot exprime assez bien

idée accessoire qui détermine dans certains cas à le préférer au simple; et cette idée consiste, ainsi que pour la plupart des mots composés à l'aide d'autres préfixes, en ce que le dérivé suppose dans l'agent plus d'activité, ou une activité plus digne d'attention, plus créatrice, qui lui appartient davantage, une intention plus formelle, plus de soin, plus d'intelligence, plus de talent, plus d'adresse, plus de spontanéité. Cette seule indication, quoique suffisante pour certains exemples et toujours la plus importante, ne dispense pas néanmoins de recourir aussi pour d'autres à la valeur particulière de la préposition.

FAIRE CROIRE, FAIRE ACCROIRE. Déterminer la croyance.

Faire accroire annonce dans le sujet plus d'activité, ou une part plus grande prise à l'action; ce qu'il fait accroire, il le crée, il l'invente; aussi ne fait-on accroire que ce qui est faux, tandis que faire croire se dit également bien pour faire ajouter foi à ce qui est véritable. A cet égard,

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Pacadémie, Vaugelas, Beauzée, Roubaud et Condillac Sont unanimes.

« Autrefois, j'ai mené votre père par le nez; je lui fais accroire ce que je veux. » REGN. Mais Malebranche dit, en parlant d'une opinion qu'il regarde comme vraie: « Voilà quelques raisons qui peuvent faire croire que, etc. » « Voilà de grandes et nécessaires vérités que l'autorité de l'Eglise fait croire aux simples et aux ignorants. ID. Et Port-Royal : « Quand on dit à quelqu'un, vous en avez menti, ces paroles font croire que celui qui nous les dit ne se soucie pas de nous faire injure, ce qui les rend injurieuses et offensantes.»

Mais l'important est de faire voir la différence de ces deux locutions, prises l'une et l'autre en mauvaise part, dans le sens de tromper, en imposer. On y parvient à l'aide du même principe de distinction.

Dans faire accroire, le sujet apparaît, non-seulement comme inventeur, ce qui peut aussi arriver à celui qui fait croire, mais encore comme inventeur à dessein, avec intention, et souvent avec art, talent et adresse; or, comme il n'y a que les personnes qui puissent agir de propos délibéré, et avec intention, faire accroire ne doit s'attribuer qu'aux personnes. Mais faire troire s'attribue tout aussi bien aux choses, en tant qu'elles font l'action de nous tromper, de nous faire admettre des choses imaginaires, controuvées. « Ces termes sont propres à faire croire aux stupides et aux libertins que Dieu n'est point seul la vraie cause de toutes choses. » MAL.

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D'ailleurs, faire croire se rapporte seulement à la vérité, et faire accroire a plutôt rapport à la réalité : quand vous faites croire faussement une chose ou à une chose, vous la faites envisager sous un faux point de vue; et quand vous faites accroire une chose, vous l'inventez, c'est une chimère. La première expression est toute formelle, l'autre est matérielle. Bossuet a bien observé cette distinction dans les deux exemples suivants. « César changeant en douceur ses premières cruautés, fait croire qu'il y a été entraîné par ses collègues. » Il ne cherche point à abuser sur l'existence même de ses cruautés, mais sur la manière dont il y a été conduit. «Esdras n'aurait pu faire accroire tout à coup à tout un peuple que ce sont là les livres anciens qu'il a toujours révérés. » Ici la tromperie aurait consisté à faire admettre faussement comme réelle une chose controuvée, supposée, et non pas seulement à égarer l'esprit sur la manière de considérer quelque chose de réel. C'est-à-dire toujours, en définitive, que faire accroire implique un sujet plus inventif, plus créateur, et tirant davantage de sen propre fonds.

RANGER, ARRANGER. Mettre en ordre.

M. Guizot a très-bien distingué ces deux verbes sans connaître la règle générale, ce qui n'en prouve pas l'inutilité. Arranger, c'est ranger à côté, et par conséquent ce mot composé partage l'attention entre la chose qu'on range et celles auprès desquelles on la range. Ranger, au contraire, n'est point relatif, mais absolu; il arrête exclusivement l'esprit sur l'objet rangé, il n'exIl y a plus: non-seulement faire accroire s'em- prime qu'une idée individuelle. « C'est en ranploie toujours en mauvaise part, et en supposant geant ses livres que l'on arrange sa bibliothèque.»> une personne pour sujet, deux circonstances qui GUIZ. « On range la chose qui est hors de sa place; peuvent manquer à faire croire, mais encore les on en arrange plusieurs qui étaient en désordre.» deux locutions diffèrent en vertu de la même règle, COND. En deux mots, l'action de ranger produit quand toutes deux se disent de l'action d'une per- l'ordre; l'action d'arranger le produit aussi, sonne qui induit en erreur. Il faut plus d'inven- mais au moyen d'une combinaison, d'une dispotion et plus d'art pour faire accroire que pour sition de plusieurs choses, qui fait qu'elles sont faire croire; on ne fait accroire que par artifice bien en rapport les unes avec les autres. Ainsi, et par un coup monté. Vous faites croire à un im- arranger suppose pluralité ou variété dans les bécile tout ce que vous voulez; il n'y a pas à choses et complication dans l'ordre établi. On se cela grande difficulté. « Le vieux eunuque est un range, c'est-à-dire toute sa personne d'un seul imbécile à qui l'on fait croire tout ce qu'on coup, pour laisser passer une voiture: on s'arveut.» MONTESQ. On peut même faire croire mal-range pour aller en visite, c'est-à-dire qu'on gré soi, par malheur: « Si j'ai eu le malheur de m'expliquer assez obscurément pour faire croire que j'accordais au feu un mouvement essentiel non imprimé, je suis bien loin de penser ainsi. » VOLT. On ne fait accroire que parce qu'on le veut, sciemment, à force d'esprit et de ruse. Un fourbe fait accroire (VOLT.) « Quoi! vous trouvez que ma Prude manque d'art? Elle n'en a que trop en faisant accroire qu'elle doit épouser le chevalier. » VOLT. Dans l'Avare, Frosine dit à Cléante: « J'aurais assez d'adresse pour faire accroire à votre père que ce serait une personne riche de cent mille écus en argent comptant. » Et à la fin du Bourgeois gentilhomme, M. Jourdain, qui croit que Dorante fait seulement semblant de vouloir épouser Dorimène afin de tromper Mme Jourdain, dit tout bas à Dorante: « C'est pour lui faire accroire. ». A quoi Dorante répond : Il faut bien l'amuser par cette feinte. »

donne une disposition convenable à toutes les
parties de sa personne. Dans les revues, les offi-
ciers rangent les soldats sur deux lignes.
Ses gardes affligés
Imitaient son silence autour de lui rangés. RAC.

Mais la principale différence résulte de ce que le composé représente le sujet comme plus agissant. Quand vous arrangez, c'est vous qui créez, et à l'instant même, le rang des choses; quand vous rangez, vous ne faites que mettre les choses à leur place, qu'agir conformément à un rang donné par un arrangement précédent, ou à un ordre nécessairement déterminé par la nature de la chose. Si bien que ranger signifie mettre à sa place; et arranger, créer, assigner aux choses des places convenables. « On arrange une fois, on range tous les jours. » Guiz. On arrange dans une circonstance et pour une destination particulière le salon qu'on range chaque matin. « Je

disais d'arranger ce salon pour l'audience publi- | du sujet attention, finesse, artifice, tous acces que. » BEAUM. — On se range à son devoir, à l'avissoires réservés à aposter.

C'est en termes de guerre le plus souvent qu'on de quelqu'un, c'est-à-dire qu'on se met à une place fixée d'avance, qu'on adhère à quelque a coutume de se servir de poster, d'autant qu'il chose de donné. On arrange un projet dans sa rappelle mieux l'idée radicale de poste, et n'antête, on s'arrange pour faire une chose, c'est-à-nonce pas qu'on ait l'intention de se cacher, de dire que de soi-même on ordonne les parties d'un tout où l'on marque à chaque chose la place qu'elle devra avoir.

En outre, le sujet n'agit pas seulement davantage en arrangeant, mais il agit d'une manière plus remarquable, avec choix, intelligence, discernement, capacité d'embrasser un ensemble et d'en disposer convenablement tous les détails. « Le maître arrange son appartement à sa fantaisie, le domestique le range ensuite d'après les ordres qu'il a reçus. » Guiz. Il ne faut pas grande habileté pour ranger ses papiers; il n'y a qu'à suivre l'ordre des matières ou l'ordre des dates; mais bien arranger ses idées et ses paroles est un travail plus difficile en même temps que plus compliqué. Tout le monde peut ranger un discours, car ce n'est que parler avec suite; et il n'y a que les insensés qui en soient incapables. « On sut que la tête du roi, Philippe V d'Espagne, était ébranlée par cette maladie au point de ne pouvoir ranger un discours. » S. S. Mais pour savoir arranger un discours, il faut être orateur et orateur habile. Les Grecs cherchent la sagesse et les discours arrangés, comme ceux de leur Platon et de leur Socrate. » Boss.

α

Au participe passé, le simple se dit d'un homme qui a de l'ordre dans sa conduite, dans ses affaires, et le composé sert désigner celui qui, dans ses discours et ses manières, pousse jusqu'à l'affectation le soin et l'attention à bien faire.

PARAITRE, APPARAITRE. Tomber sous les sens, devenir visible, se montrer.

Le simple est le terme général, ordinaire, et l'on n'a recours au composé que s'il s'agit d'une apparition, d'un phénomène, c'est-à-dire de la manifestation d'une chose qu'il est très-difficile ou très-rare de voir, et dont la présence par conséquent fait naître la surprise ou excite l'intérêt. << Le soleil, la lune, l'aurore paraît. » ACAD. C'est un fait qui arrive tous les jours. Dieu apparut à Moïse, un ange à Joseph; des spectres apparaissent dans une maison. « Il apparaît de temps en temps sur la face de la terre, des hommes rares, exquis........ » LABR. En conséquence, des deux phrases suivantes, empruntées à l'Académie, la seconde renchérit sur la première. « Les grands génies que ce siècle vit paraître. Ces génies extraordinaires qui apparaissent à de longs intervalles. »

POSTER, APOSTER. Mettre dans un poste, placer quelqu'un dans un endroit d'où il peut faire ce que nous exigeons de lui, pour observer ou exécuter quelque chose.

Posier vient de ponere (positum, postum, postare), et aposter répond à apponere. L'action de poster est ordinaire; elle ne se fait point dans des circonstances remarquables, n'est point dirigée contre telle ou telle personne, tel ou tel objet bien déterminé, et ne suppose point de la part

ruser, d'y mettre du mystère. « Les Gaulois furent arrêtés quelque temps aux Thermopyles par les troupes qu'on y avait postées pour défendre cet important passage. » ROLL. « Il n'y a ni sentinelles, ni corps de garde postés autour du camp des ennemis selon les règles de la guerre. » ID. « Des gens postés par l'ordre de Gellias, le plus riche des citoyens d'Agrigente, aux portes de la ville invitaient tous les étrangers qui y arrivaient à venir loger chez leur maître. » ID. Un jour le lion se mit en tête de chasser et de se servir pour cela du ministère de l'âne :

Le lion le posta, le couvrit de ramée, Lui commanda de braire, etc. LAF. C'est dans la vie civile, et en parlant d'un stratagème, d'un coup monté, d'un piège tendu à un ennemi particulier que aposter s'emploie exclusivement; il se prend presque toujours en mauvaise part. « Artaxerxès, outré de dépit contre Datame, et voyant qu'il ne pouvait le vaincre par la force et par les armes, ne rougit point d'employer l'artifice et la trahison pour s'en défaire. Il aposta plusieurs meurtriers pour l'assassiner.» ROLL. « Jacques d'Artevelle avait des hommes apostés dans toutes les villes, qui tuaient au premier ordre tous ceux qui s'opposaient à ses desseins. » Boss. « Sitôt que ces sénateurs commençaient à parler, une troupe insolente de petit peuple, apostée par les tribuns, poussait des cris confus. » VERT. « Appius avait aposté un homme qui réclamait devant lui Virginie comme son esclave. » MONTESQ.

Des soldats postés en un endroit devront observer ou combattre, s'il y a lieu, et quel que soit l'ennemi qui se présente. Les gens apostés pour insulter ou pour assassiner quelqu'un, pour charger un innocent par leur témoignage mensonger, ou pour arracher un testament à un moribond, ont en vue un objet bien déterminé, et une action, non pas éventuelle, mais certaine.

D'ailleurs, non-seulement celui qui aposte agit davantage, y met plus du sien, en dirigeant ses vues contre tel ou tel homme qu'il veut surprendre artificieusement, mais encore il va quelquefois jusqu'à aposter un personnage imaginaire, une personne à laquelle il donne un caractère ou un rôle inventé. « Charles IV, duc de Lorraine, étant amoureux de Mme de Cante-Croix, aposta un courrier qui lui apporta la nouvelle de la mort de sa femme. » S. S. « Thalès aposta un certain homme qui feignit d'être étranger, d'arriver tout nouvellement d'Athènes et d'y avoir appris la mort du fils de Solon. » FÉN., ROLL.

MAIGRIR, AMAIGRIR. Devenir maigre.

Nul doute que la particule initiale du second ne vienne du latin ad, comme celle d'avis (ad videre), d'aloi (ad legem), d'amasser (ad massam), d'améliorer (ad melius, oris), d'amoindrir (ad minus, oris), plutôt que de la préposition à, qui marque l'éloignement. Quoi qu'il en soit, maigrir

est toujours neutre et intransitif, caractère commun à un grand nombre de verbes simples, en opposition aux verbes composés qui en dérivent. Au contraire, amaigrir se prend d'ordinaire dans le sens actif, et au lieu d'énoncer simplement le fait, il le fait remarquer davantage, il le montre s'accomplissant dans un objet. Quand il signifie, comme maigrir, devenir maigre, il garde quelque chose de sa première acception; il fait voir la maigreur attaquant le sujet et le minant peu à peu: il est représentatif. Dire de quelqu'un qu'il maigrit, c'est annoncer un fait sans l'exprimer, sans le dépeindre, sans en marquer les progrès, comme quand on dit d'un homme qu'il amaigrit. On maigrit à vue d'oeil, c'est-à-dire en très-peu de temps, tout d'un coup, par l'effet d'une maladie viclente ou d'une forte passion. « Cette inquiétude fit une telle impression sur le maréchal, qu'il en maigrit à vue d'œil. » S. S. « Il y a des personDes qui ne prennent pas la chose (l'expulsion des jésuites si fort en patience, qui en maigrissent à vue d'œil. VOLT. — On amaigrit peu à peu, tous les jours, par l'effet de la fatigue, d'une nourriture insuffisante ou mauvaise. « Toutes les bécasses s'amaigrissent à mesure que le printemps s'avance. BUFF.

Le bonheur du prochain vous cause de l'ennui, Et vous amaigrissez de l'embonpoint d'autrui. DEST. Mme Dudeffand écrit à un de ses amis qu'elle est maigrie par suite d'une maladie de quelques jours; mais Mme de Sévigné, dans une de ses lettres, exprime la crainte que sa fille ne soit amaigrie à force de subir, pendant des années, en Provence, l'influence du mistral.

BAISSER, ABAISSER. Faire descendre, faire aller de haut en bas.

Que la particule initiale du second mot ait son origine dans la préposition ad, comme il nous semble, ou dans la préposition latine a, ou dans la française à, il n'importe, car la différence des deux verbes provient uniquement de ce que l'un est le radical simple qui entre dans la composition de l'autre.

1o Baisser est quelquefois neutre, jamais abaisser. La rivière, le jour, un vieillard, sa vue, son esprit, une marchandise baisse. Mais alors il n'y a pas de synonymie entre eux.

2° Abaisser s'emploie plutôt au figuré, et il s'y emploie seul en parlant des personnes et quand il devient réciproque; à l'égard des personnes, baisser est inusité, et, dans le sens réciproque, il re se dit qu'au propre. Mais c'est une différence trop facile à apercevoir pour mériter l'attention du synonymiste.

3o Baisser est absolu, et abaisser relatif; distinction sentie et vaguement exprimée par Girard, mais que Condillac a mise dans tout son jour. • Quand on se sert de baisser, dit celui-ci, on considère différentes hauteurs seulement par rapport à une chose; quand on se sert d'abaisser, on considère les différentes hauteurs d'une chose par rapport à d'autres. Baisser une chose, c'est la mettre plus bas qu'elle n'était; l'abaisser, c'est la mettre plus bas qu'une autre, ou du moins la faire descendre jusqu'à une autre qui était plus bas qu'elle. » Au fait, abaisser, c'est baisser vers.

« Les oiseaux qui ont les jambes longues, ont aussi le cou long à proportion, pour pouvoir abaisser leur bec jusqu'à terre et y prendre leurs aliments. » FÉN. Cependant la différence essentielle n'a frappé ni Girard ni Condillac.

4° Baisser est le terme général, celui dont on se sert communément quand on n'a rien de remarquable à exprimer : il désigne une action ordinaire qui se fait sans peine et souvent. On baisse la tête, la voix, les yeux, un voile et une voile, un rideau, un store, une jalousie, comme à l'ordinaire, et pour le motif ordinaire. Abaisser signale un abaissement remarquable, soit parce que la chose n'a pas coutume d'être baissée, au moins de cette façon, soit qu'on ait en la baissant une intention particulière. Chacun de nous baisse à chaque instant la paupière, et l'oculiste abaisse la cataracte à un aveugle. « Elle se mit à rougir en baissant la paupière. Dès qu'une personne est morte, on abaisse ses paupières sur ses yeux. » ACAD.

Les personnes qui ont soin des lanternes publiques les baissent tous les jours pour les allumer; et un jour le commissaire trouvant une lanterne placée trop haut pour éclairer convena. blement, la fait abaisser. De même, baisser un couvercle, une visière, un voile, un pont-levis, un store, signifie l'action ordinaire et conforme à la destination de ces objets de les faire aller en bas; mais les abaisser, c'est une opération de l'ouvrier qui les a faits et qui les refait de manière à les fixer, à les attacher moins haut. Vous baissez une muraille pour qu'elle soit moins haute, c'est le motif habituel d'une pareille ac tion; vous l'abaissez, afin qu'elle ne vous empêche pas d'avoir la vue sur la campagne.

On baisse la tête, les bras, les yeux, lorsqu'on les dirige en bas; c'est une action commune et faite pour des motifs communs mais dans le langage particulier des arts on abaisse la tête, les bras, les yeux d'une figure, afin de lui faire produire l'effet particulier qu'on a en vue. En géométrie on abaisse une perpendiculaire sur une ligne; ce n'est pas une opération dont le premier venu soit capable.

« On baisse les yeux; on abaisse ses regards. » ACAD. La Fontaine dit, en s'adressant à Dieu et pour exalter sa puissance :

Les cieux s'abaissent sous tes pieds.

« Le sacrement adorable (de la communion) approche; voyez comme la reine abaisse cette tète auguste devant laquelle s'incline l'univers. » Boss.

Quelquefois ce qu'abaisser offre de remarquable, c'est que l'action se fait peu à peu et non tout d'un coup. « L'œil se baisse pour voir ce qui est près de la terre. » VOLT. « Il contemplait la lune qui s'abaissait vers le couchant. » ID. — « Tous les nuages baissent pour nous à l'horizon, à la distance d'une lieue, et ils s'abaissent par degrés. » ID.

Se DONNER, s'ADONNER. Embrasser un certain genre de travail.

Dans le verbe composé la particule initiale est inchoative et marque plus d'activité; de même que dans apercevoir relativement au simple percevoir, et, suivant Doderlein, dans le latin ada

mare, mis en rapport avec son radical amare. Celui qui se donne à un art ou à une science ne s'appartient plus, y est livré tout entier, en est pour ainsi dire l'esclave; celui qui s'y adonne y est seulement attaché, et en fait le but vers lequel il dirige ses pensées et ses actions.

Du reste, se donner paraît rarement employé dans ce sens. Montesquieu a dit au sujet de Christine de Suède : « Une reine abdiqua la couronne pour se donner tout entière à la philosophie. » Et Fénelon, écrivant à Mme de Maintenon: « Ce détail extérieur, quand vous vous y donneriez tout entière, sera toujours au-dessus de vos forces. » Et Rollin parlant de Socrate: « Il s'est donné tout entier à ce qui concerne les

mœurs. »

Le simple exprime la plénitude du dévouement, et le composé la destination, la tendance vers un certain but, l'exercice de l'activité en un certain sens : « Les Turcs ont été de tout temps adonnés au brigandage. » MONTESQ.

Je chante dans ces vers les filles de Minée, Troupe aux arts de Pallas dès l'enfance adonnée. LAF. << Pendant la guerre, la jeunesse ne s'adonne plus aux lettres. » FÉN. Il y a des peuples adonnés au commerce, à l'agriculture, à la guerre (ID.). « Platon inspira à Speusippe un violent désir de l'imiter, et de s'adonner à la philosophie. » ROLL.

PREFIXES AD ET CON.

Adjuration, conjuration. Assentiment, consentement. Affirmer, confirmer. Attrister, contrister. Attrition, contrition. Attention, contention. ADJURATION, CONJURATION. Ils signifient, en termes de liturgie, les paroles dont on se sert pour exorciser.

Mais le mot d'adjuration ne présente que la direction d'une action, c'est-à-dire une sommation de Dieu au démon par le ministère du prêtre. L'idée qui domine dans la conjuration, c'est de se faire d'une manière complète, avec les cérémonies d'usage, selon le rite, et parfois avec pompe. Autrefois, quand un malade paraissait possédé du démon, et avait vainement reçu les soins de la médecine, on avait recours à l'adjuration; alors un prêtre venait conjurer l'esprit malin.

D'autre part, et toujours conformément à la valeur des deux préfixes, l'adjuration n'exprime qu'un commencement d'action, et la conjuration désigne une action qui s'achève, qui par elle-même est complète. Souvent, en effet, l'adjuration consiste en un commandement fait au démon, de la part de Dieu, de faire ou de déclarer quelque chose; et il en est de même hors du style religieux: on adjure une personne en la sommant au nom d'une chose sacrée, comme la patrie, d'agir ou de parler de telle ou telle manière; conjurer le démon, c'est simplement le chasser, et non le forcer de faire luimême telle ou telle chose. Cette nuance se conserve au figure on conjure l'orage ou la colère céleste en les détournant, et il ne reste plus rien à faire

ASSENTIMENT, CONSENTEMENT. Acquiescement, action par laquelle on conforme son sentiment à d'autres ou à un autre.

L'un est pour l'esprit, l'autre pour la volonté; l'un concerne la vérité, l'autre la bonté des choses. Cela doit être en effet. Le mot assentiment ne marque qu'une direction, une tendance ou une adjonction; vous donnez votre assentiment à une. chose faite, établie, existant déjà indépendam ment de votre voix que vous ajoutez. Le mot consentement marque concours et annonce qu'en mêlant votre sentiment à d'autres, vous complétez quelque chose d'inachevé, qui attendait l'accession de votre volonté pour se faire ou s'établir. Vous êtes frappé de la vérité d'une proposition; vous y donnez votre assentiment, mais par là vous ne la complétez point. Vous donnez votre consentement au mariage de votre fils, et il se forme de votre sentiment et de celui des autres comme un tout auquel il ne manque rien.

D'ailleurs, en soi l'assentiment est un acquiescement plus partiel que le consentement; il ne va pas au delà de la théorie, de la conception; ou bien, dans tous les cas, il n'est pas aussi déclaré. « Il faut, non pas l'assentiment tacite, mais le consentement formel de la nation pour légitimer les impôts. » MARM.

Si consentement se dit bien aussi quelquefois par rapport à une opinion, c'est quand il s'agit, non d'une opinion faite à laquelle on se joint, mais d'une opinion établie ou constituée par le fait même qu'exprime consentement. « L'existence de Dieu est attestée par le consentement de tous les peuples. » BARTH.

AFFIRMER, CONFIRMER. Présenter à quelqu'un une chose ou une proposition comme vraie. Ces deux mots ont pour radical commun firmare, assurer, établir quelque chose par la parole. Dans le premier, ad n'est point additif ni signe de pluralité, mais augmentatif, en ce sens qu'il marque la fermeté de l'assertion, car à cet égard il ne le cède point à confirmer : on emploie d'ordinaire le serment pour affirmer. Mais confirmer renchérit pourtant sur son synonyme, en ce qu'il exprime une réunion, un concours d'assertions, une sorte de renfort opposée au doute et dont on appuie ce qu'on veut persuader.

a

Quand une chose est affirmée, on n'a pour la croire que l'autorité de la parole de celui qui l'affirme, qui l'énonce avec assurance. « Dans la magie, il y a des faits embarrassants, affirmés par des hommes graves qui les ont vus. » LABR. « Lorsqu'il faut que nous comparaissions, dit le quaker, devant les magistrats pour les affaires des autres, nous affirmons la vérité par oui ou par non, et les juges nous en croient sur notre simple parole. » VOLT. « Il me paraît que M. P. prétend et affirme sans aucun fondement qu'en général tous les Américains étaient destitués de force.» BUFF. Mais quand une chose est confirmée, sa crédibilité se trouve pour ainsi dire accomplie, portée au comble par de nouvelles raisons ou par un ensemble de témoignages. « Vous dites d'un grand, qu'il est prévenant, officieux, et vous le confirmes par un long détail de tout ce qu'il a fait en une affaire où il a su que vous preniez

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