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ridicule d'imaginer que Thésée fût éternellement | aujourd'hui par tonneaux de liqueur.» MONTESQ. assis sur une escabelle.» VOLT. « Je fis asseoir le misérable sur une vieille escabelle réservée à ces sortes de gens.» LES. On pose les pieds sur l'escabeau, et l'Académie a plus raison qu'elle ne pense de définir par escabeau un marchepied. « La terre est appelée dans l'Écriture l'escabeau des pieds de Dieu. » BOURD. « Les six degrés, par où on montait au trône, et les escabeaux, où posaient les pieds, étaient d'or.» Boss. « Vous avez fait de vos ennemis l'escabeau de vos pieds. » VOLT. CHARRETTE, CHARIOT. Voitures communes employées à transporter diverses choses.

La charrette est presque informe en comparaison du chariot. Aussi est-ce exclusivement à la campagne qu'on s'en sert, et on s'en sert pour voiturer toute sorte de choses. Le chariot se distingue par sa façon il est fait moins simplement et moins grossièrement; il a quatre roues; et de plus, il a une destination qui lui est propre et qu'on indique presque toujours quand on fait usage de ce mot: chariot de bagage, chariots d'ambulance, d'artillerie, de vivres, etc. D'ailleurs, le chariot est plus petit : les enfants s'amusent à traîner des chariots. « Il y avait un homme à Paris qui avait fait pour chef-d'œuvre un petit chariot traîné par des puces. » Sév. « Il y avait force petits chariots à un ou à deux chevaux toujours prêts pour les dames et les vieillards qui voulaient se promener. » S. S.

TROUPE, TROUPEAU. Réunion, assemblage

d'êtres vivants.

Une troupe est une agrégation d'animaux ou d'hommes quelconques : troupe d'oiseaux, de loups, de tigres; une troupe de séditieux, de forcenés, parcourait la ville. Troupeau est plus spécial, plus déterminé ; il ne se dit que des animaux et encore des animaux domestiques utiles à l'homme, qui les nourrit et les élève ensemble. BANDE, BANDEAU. Longue pièce d'étoffe qu'on met autour de quelque partie du corps.

« La bande, dit Laveaux, d'après l'Académie, serre ou est destinée à serrer quelque objet que ce soit; le bandeau ne se met qu'autour de la tête, autour du front. » Il a raison de dire, serre ou est destinée à serrer, car c'est encore une

chose à remarquer que le bandeau a actuellement son usage, tandis que la bande peut simplement avoir le sien.

BARRE, BARREAU. Pièce de bois, de fer, etc., étroite et longue.

On dit un vaisseau de tant de tonneaux pour don-
ner idée de sa force et de sa grandeur, parce que,
dans cette locution comme dans toute autre, ton-
neau a une signification précise; il indique un
poids de deux mille livres, ou l'espace de qua-
rante pieds cubes. Tonne n'a jamais été employé
dans ce sens, à cause de son indétermination.
Ensuite la capacité de la tonne étant illimitée est
par cela même très-grande au prix de celle du
tonneau le tonneau a la tonne pour mère, en
quelque sorte. « L'abbé de Citeaux a les meilleures
vignes de Bourgogne et la plus grosse tonne. » VOLT.
Sachez que dans ce temple on a mis deux tonneaux :
L'un est vaste et profond; la tonne de Citeaux
N'est qu'une pinte auprès....
L'autre tonneau, ma sœur, est celui de l'amour;
Il est petit....

POUSSIÈRE, POUSSIER. Matière réduite en poudre fine.

Poussière se dit de tout ce qui est réduit en le vent enlève de la surface du sol. Le pousparcelles ténues, par exemple, de tout ce que sier est seulement cette poussière qui s'amasse dans un petit endroit, comme, par exemple, au fond d'un sac à charbon; c'est aussi la poussière qui a un usage, une destination spéciale, par opposition à la poussière ordinaire, qui n'en a aucune le poussier de mottes sert à faire du feu.

VAPEUR (f.), VAPEUR (m.). L'usage ne paraît pas avoir encore décidé s'il faut dire la vapeur ou le vapeur, en parlant d'un bateau à vapeur.

Il n'y a cependant pas à hésiter, il faut évidemment, pour que le mot devienne précis dans cette acception particulière, qu'il reçoive le genre masculin. Prendre le vapeur s'entend sans peine; prendre la vapeur serait une expression vague, indéterminée, équivoque. D'ailleurs, n'a-t-on pas déjà fait passer le mot foudre du féminin au masculin, quand on s'en est servi pour désigner en particulier un héros et un grand orateur: un foudre de guerre, un foudre d'éloquence.

à la différence des genres masculin et féminin se Il est à remarquer que dans toutes les langues, trouve attachée la même différence de signification. En italien, fiasca (f.) désigne un grand vase de forme peu déterminée, une espèce de damejeanne, et fiasco (m.), un flacon, c'est-à-dire un vase plus petit, qui a une forme bien caractérisée. Pareillement en grec, orpoutía (4) signifie des petits oiseaux de toutes les espèces, et στρουθὸς (6), le passereau ou le moineau; Πυθὼν Barre, tout morceau de fer ou d'autre métal(), la ville de Delphes, et Пvov (6), le serpent allongé. Le barreau est une barre ayant une cer- Python, ou Apollon qui le vainquit; xéôpoc (4), taine forme, et appliquée à un usage spécial: c'est le cèdre, et xéopos (6), le fruit de cet arbre; une barre de fer mise en dehors des fenêtres et uròs (), le joug, et tuyòc (ó), le fléau de la baaux ouvertures des prisons. lance, ou la balance elle-même; xάpak (†), un échalas, et xápat (6), un échalas travaillé ou faconné, un pieu dont on fait des palissades ou

TONNE, TONNEAU. Vaisseaux de bois formés de planches appelées douves, contenues par des cercles, et ordinairement destinés à recevoir des li

queurs.

des retranchements.

QUE PAR L'ARTICLE.

Tonne est le terme générique; il se dit pour SYNONYMIE DES SUBSTANTIFS QUI NE DIFFÈRENT désigner toutes sortes de barriques. Le tonneau est une espèce par rapport à la tonne; c'est une tonne dont l'usage et la capacité sont réglés suivant les pays. « La capacité des vaisseaux, qui se mesurait autrefois par muids de blé, se mesure

De cour, de la cour. Ouvrage d'esprit, ouvrage de l'esprit. Demander raison, demander la raison. Par force, par la force. On, l'on. ▲ vrai

dire ou à dire vrai, à dire le vrai. Entendre | fiée; dans de la cour, cour conservé sasignification raillerie, entendre la raillerie. Avoir intention, primitive dans toute sa restriction, et bien délidessein, envie; avoir l'intention, le dessein, mitée. Un homme de cour est un homme qui, Penvie. Condamner à mort, condamner à la sans avoir été peut-être jamais à la cour, ressemble mort. Etc.-Avoir peine, pitié, horreur, honte; aux courtisans, qui a les mœurs, les habitudes, avoir de la peine, de la pitié, de l'horreur, les idées à peu près telles que les ont la plupart de la honte. Etc. Fournir le sel, de sel et du de ceux qui hantent les cours. Or, comme, sous sel. Avoir nouvelle, avoir des nouvelles. - Faire ces divers rapports, les courtisans ne jouissent affront ou injure, faire un affront ou une in- pas d'une bonne réputation, un homme de cour jure. Etc.- La naïveté, une naïveté. Le champ, est un homme adroit, artificieux, et, en général, de cour se prend en mauvaise part: promesun champ. Le roi sage, un roi sage. ses de cour, eau bénite de cour, amis de cour; aussi faux qu'un homme de cour (J. J.). Racine dit, dans la préface de Britannicus, qu'il a choisi Burrhus, pour opposer un honnête homme aux confidents de Néron, cette peste de cour. Un homme de la cour fait partie de la cour, y a un emploi, est attaché auprès du prince sous un titre quelconque; c'est un courtisan. « Saint Francois de Paule fut appelé à la cour de nos rois, y vécut; en ce sens, ç'a été un homme de la cour. » BOURD. Tous les hommes de cour ne se trouvent

les

pas

il

à la cour, et il serait injuste de prendre pour hommes de cour tous les hommes de la cour. Le qualificatif de la cour n'entraîne par lui-même aucune idée défavorable; il marque avec la cour un rapport direct, réel, concret, d'appartenance ou de dépendance, et non un rapport éloigné de ressemblance. « L'esprit d'une femme de la cour est plus remué et plus actif que celui d'une paysanne.» NIC. « Les femmes de la ville sont moins

L'article se met devant les noms communs, pour annoncer qu'ils sont pris dans un sens précis et déterminé, qu'ils désignent un genre, une espèce ou un individu en particulier. Il circonscrit l'idée ou la chose exprimée par le nom qu'il précède; il la signale à l'attention, en la tirant du vague et en la débarrassant de toute ambiguité. Sans l'article, le substantif a une valeur indéterminée; il réveille d'une manière indécise l'idée dont il est le signe : ainsi, dans les phrases, parler en homme, traiter avec honneur, mots, homme et honneur, laissent l'esprit dans le vague et l'incertitude relativement à l'étendue de leur sens. Avec l'article, le même mot a une dévaleur fixe et précise: l'homme est mortel, termination générique; l'homme à prétention, détermination spécifique; l'homme de tantôt est revenu me voir, détermination individuelle. Le genre, l'espèce, l'individu se trouvent indiqués' dans ces trois phrases, de manière à rendre toute confusion impossible. Telle sera donc, pour synonymes dont il s'agit ici, la règle générale de distinction: le substantif avec l'article a un un noble état; il s'entend de l'homme de qualité sens bien arrêté, certain, précis; le même sub-garo. «L'homme de la cour, dit-il, peint seulement stantif, sans l'article, a une valeur vague et mal vivant avec la noblesse et l'éclat que son rang lui déterminée. Le premier, fixant mieux l'esprit sur goût, sans intérêt; si, loin de jamais nuire à perl'idée ou la chose particulière, la lui fait mieux impose: si cet homme de la cour aime le bien par remarquer; l'autre, au contraire, se trouve ordinairement faire partie d'une locution générale, sonne, il se fait estimer de ses maîtres, aimer de dans laquelle sa valeur primitive s'obscurcit et devient peu saillante.

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les

Tout ce qui vient d'être dit sur le rôle de l'article en général s'applique particulièrement bien à l'article défini, dont le nom seul le représente déjà comme un déterminatif. C'est ce qui résulte aussi de son étymologie; il vient de ille, illa, celui-ci, celle-ci, et voilà pourquoi il est propre à indiquer, parmi les choses ou les personnes, celle-ci ou celle-là, telle ou telle en particulier, de manière qu'on ne puisse pas s'y méprendre.

les.

1° Synonymie des noms sans article avec ces mêmes
noms précédés de l'article simple le, la,
Les derniers, outre qu'ils sont plus précis et
plus déterminés, ont tantôt plus et tantôt moins
de généralité que les premiers.

DE COUR, DE LA COUR. Ces deux expressions servent à qualifier par rapport à la cour.

naturelles que celles de la cour.» LABR.

Cette distinction a été parfaitement indiquée par Beaumarchais dans la préface du Mariage de Fi

ses égaux et respecter des autres, alors cette ac-
Mais un
ception reçoit un nouveau lustre.
homme de cour, en bon français, est moins l'é-
noncé d'un état que le résumé d'un caractère
adroit, liant, mais réservé, pressant la main de
tout le monde en glissant chemin à travers; me-
nant finement son intrigue avec l'air de toujours
servir; ne se faisant point d'ennemis, mais don-
nant, près d'un fossé, dans l'occasion, de l'épaule
au meilleur ami, pour assurer sa chute et le rem-
placer sur la crête; laissant à part tout préjugé
qui pourrait ralentir sa marche; souriant à ce qui
lui déplaît, et critiquant ce qu'il approuve, selon
les hommes qui l'écoutent, etc. >>

D'ailleurs de cour n'indique pas plus une cour qu'une autre, une seule cour que plusieurs; de la cour indique spécialement la cour du pays où se trouve celui qui parle. En employant l'expression poisson de mer, on ne songe pas à telle ou telle mer en particulier; mais poisson de la mer se dit, dans une localité, du poisson qui vient de la mer déterminée dont est proche cette localité. OUVRAGE D'ESPRIT, OUVRAGE DE L'ESPRIT. Ouvrage auquel l'esprit a part.

Mais la valeur du mot cour est vague dans l'une,
précise dans l'autre. De cour forme un véritable
Dans la première expression, esprit désigne
dont la
adjectif, un qualificatif abstrait qui présente l'idée
de la cour d'une manière très-générale et modi-quelque chose de vague, de mal connu,

âme; un homme qui se prétend outragé demande raison de ses discours à celui dont il croit avoir à se plaindre.

notion n'est pas fixe, qui a des variétés, des | nuances, que l'on ne détermine pas; dans la seconde, ce même mot a une valeur qu'on peut définir au juste. D'une part, esprit signifie la PAR FORCE, PAR LA FORCE. C'est-à-dire, nonqualité qui rend plus ou moins spirituels, plus ou seulement de force, mais, ce qui est beaucoup moins capables de traits d'esprit, les hommes du plus énergique et beaucoup plus expressif, de monde en qui se réunissent plusieurs qualités vive force; non-seulement contre son gré, invoindéterminées elles-mêmes, telles que la viva-lontairement, invitus, mais absolument contraint. cité, la pénétration, la finesse et le tact; de l'autre, esprit est le nom de cette faculté commune à tous les hommes, la raison, qui produit la pensée, qui nous distingue des animaux et nous fait inventer dans les sciences et dans les arts.

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Par force se prend plutôt au moral, parce qu'il fait moins ressortir l'idée de force; et par la force ne se prend qu'au physique, grâce à l'article qui donne à cette même idée sa valeur stricte et rigoureuse. « Le mariage est une chaîne où Les ouvrages d'esprit sont ceux dont le mérite l'on ne doit jamais soumettre un cœurpar force. » est apprécié par le goût, les comédies, les ro- MOL. On soumet un ennemi par la force, c'est-àmans, par exemple, et qui, sous ce rapport, res- dire par les armes et en employant la violence semblent à la conversation et aux beaux-arts; les proprement dite. - << Par là le Saint-Esprit veut femmes en sont capables comme les hommes : il y nous faire entendre qu'il y a un règne de fer, et a un écrit de Montesquieu intitulé: « Réflexions c'est le règne de la justice rigoureuse qui assusur les causes du plaisir qu'excitent en nous les ou-jettit par force les esprits rebelles, en les convrages d'esprit et les productions des beaux-arts. »traignant de porter le poids d'une impitoyable « Pourquoi voulez-vous que les romans et les co- vengeance. » Boss. « Un prince justement irrité médies, ces ouvrages d'esprit, soient une occu- se jette vers les terres de son ennemi, et se les pation peu honorable?» RAC. « La finesse dans assujettit par la force. » ID. les ouvrages d'esprit, comme dans la conversation, consiste dans l'art de ne pas exprimer directement sa pensée. » VOLT. « Juger avec goût des ouvrages d'esprit.» MONTESQ. « Les romans Mais la première étant privée de l'article, a moins sont de tous les ouvrages d'esprit ceux dont les de précision que la seconde. On dit, homme dit, femmes sont le plus capables. » LAH.- Les ouvra-signifie il y en a qui disent, sans aucune détermiges de l'esprit comprennent toutes les composi-nation de nombre. L'on dit, l'homme dit, signifie tions littéraires, même les plus sérieuses, tout ce positivement les hommes, les hommes en généqui fait la matière des livres, même les traités scientifiques de géométrie, de rhétorique, de morale, par exemple : les hommes y sont plus habiles que les femmes, parce qu'ils ont naturellement plus de génie et de profondeur; c'est dans ce sens qu'il faut prendre le titre du premier chapitre des Caractères de Labruyère, Des ouvrages de l'esprit. « Nos livres ne sont point écrits à la main, mais imprimés à peu près comme les estampes, et cette invention éternise aussi les ouvrages de l'esprit. » VOLT.

Cette même dualité de sens du mot esprit, employé avec et sans article, se retrouve dans les expressions, défaut d'esprit et défaut de l'esprit, dont l'une marque un manque de cette qualité indéfinissable qui rend spirituel, et l'autre une imperfection de l'âme, de cette partie différente du corps, qui nous distingue des animaux.

ON, L'ON. Expressions presque équivalentes, employées dans les phrases générales. Toutes deux viennent du latin homo, homme.

ral, tous les hommes disent. On dit que vous avez été chez lui hier donne à entendre que ce n'est pas tout le monde qui le dit, mais quelqu'un qui ne doit pas être nommé. L'on dit se dit à propos d'un bruit généralement répandu. On commence une proposition particulière indéfinie, et l'on une proposition générale définie. Aussi le premier est souvent employé lorsqu'il s'agit d'une ou de plusieurs personnes dont on a l'idée dans l'esprit et qu'on ne veut pas nommer. Une personne en colère dit à une autre: Il faudra bien qu'on m'obéisse, c'est-à-dire, que vous m'obéissiez. Un domestique vient-il annoncer à son maître qu'une ou plusieurs personnes désirent lui parler, il dira: On demande à vous parler. Certains écrivains religieux, tels que ceux de Port-Royal et Malebranche, évitant par esprit de piété l'emploi du mot je ou moi, qui est toujours haïssable, suivant Pascal, se servent du mot on, en parlant d'eux-mêmes. On n'est pas Demander raison est une expression faite et con- des esclaves pour endurer de si durs traitements sacrée, dans laquelle le mot raison exprime vague- (ACAD.), est bien une proposition particulière inment et confondue avec d'autres, l'idée qui, grâce définie, et l'on y serait tout à fait impropre; de à l'article, se trouve définie et déterminée dans même que si, en vous adressant à une femme, au demander la raison. Demander la raison, c'est lieu de lui dire, on n'est pas plus jolie, vous lui demander la cause pourquoi on demande la rai- disiez, l'on n'est pas plus jolie. Le mot on conson d'un phénomène. Demander raison, c'est vou- vient seul dans tous ces cas, parce qu'il s'agit loir qu'on rende compte d'un procédé ou d'un d'indiquer vaguement et en termes indirects une propos, qu'on en dise le pourquoi et le comment, ou plusieurs personnes. Le mot l'on convient seul qu'on les expose de manière qu'ils paraissent rai- quand il s'agit d'exprimer rigoureusement la gésonnables, faute de quoi on encourra une puni-néralité des hommes: nous devons croire que nous tion, ou l'on aura tout au moins à se repentir. Le confesseur demande au pénitent la raison de ses fautes, afin de s'éclairer sur l'état de son

DEMANDER RAISON, DEMANDER LA RAISON. Demander qu'on explique quelque chose.

mourrons, parce que l'on est mort jusqu'ici. Cependant, comme il est rarement besoin de marquer expressément si on pense à un nombre in

défini de personnes ou au genre humain tout en- | à railler, être entendu dans l'art de railler, tier, au mot on, qui signifie proprement quel- le mot raillerie a perdu toute indétermination; qu'un ou des hommes, on fait signifier presque il ne s'agit plus d'une ou de plusieurs railletoujours les hommes, et, dans les phrases mêmes ries quelconques, mais de la raillerie, art parde la plus grande généralité, on se met à la place ticulier d'amusement qui diffère de tout autre: de l'on. C'est un abus ; il faudrait n'employer que on entend la raillerie, comme on entend la poésie Ton quand on veut marquer strictement la géné- ou le métier des armes. « Vous n'avez pas le talent d'entendre la plaisanterie. » DUDEFF. Voltaire ralité des hommes. écrit au roi de Prusse : « Vous savez vous moquer des gens mieux que personne; le neveu de Constantin, qui a ri et fait rire aux dépens des Césars, n'entendait pas la raillerie aussi bien que vous. » La première expression fait songer aux cas particuliers, mais ne les détermine pas; la seconde marque le genre et le détermine.

A VRAI DIRE ou A DIRE VRAI, A DIRE LE VRAI. Sans mentir, à ne rien celer; espèces de locutions adverbiales dont on se sert pour attirer l'attention et obtenir créance.

AVOIR INTENTION, DESSEIN, ENVIE; AVOIR L'INTENTION, LE DESSEIN, L'ENVIE. Vouloir faire, se proposer de faire quelque chose et y tendre.

indéterminé; A trai dire est général, vague, c'est une sorte de remplissage, une expression peu rigoureuse qu'on emploie fréquemment par manière de parler, sans beaucoup de conséquence, sans bien peser la valeur des termes; mais à dire le trai est plus expressif, plus fort, moins commun; on ne s'en sert qu'à bon escient; il marque l'intention bien arrêtée de ne pas tromper et l'attention Les expressions sans l'article forment des loqu'on fait à ses paroles. A vrai dire se trouve à chaque instant dans nos conversations; un témoin cutions générales dans lesquelles les substandevant le juge dira plutôt à dire le vrai, pour don- tifs s'effacent en quelque sorte, perdent ce qu'ils channer de la force ou de l'autorité à sa déposition.- ont de saillant et ne se font plus remarquer; elles Avec ces caractères, à vrai dire se place naturelle-signifient toutes une disposition incertaine, ment au commencement de la phrase, comme certes en guise de simple formule affirmative; au lieu que à dire le vrai convient au milieu d'une phrase pour marquer une correction ou une modification dans ce qu'on vient de dire, modification importante et qu'on ne hasarde pas sans y avoir bien réfléchi. A dire vrai, l'art n'est jamais plus parfait que lorsqu'il ressemble si fort à la nature, qu'on le prend pour la nature même. » BOIL. Les étrangers viendraient dans notre ville...; quoique, à dire le vrai, sur beaucoup de fortes raisons, je regarde ce concours comme un inconvénient bien plus que comme un avantage. » J. J. - Du reste, cette différence qui provient de l'absence de l'article dans une des deux phrases et de sa présence dans l'autre est plus considérable et plus frappante quand, non content de retrancher l'article dans la première, on place vrai avant dire (à vrai dire), et non dire avant vrai (à dire crai), comme le fait Boileau. Aussi nous disons généralement aujourd'hui à vrai dire plutôt qu'à dire vrai.

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celante et molle, une simple velléité. Ces mêmes
expressions avec l'article présentent les substan-
tifs avec un caractère de détermination qui les si-
gnale et les met en relief: elles signifient une
résolution bien arrêtée, pour l'exécution de la-
quelle, le lieu, le temps, les moyens, sont fixés,
et pour l'exécution de laquelle on est près d'agir,
longtemps
et prêt à agir, dût-on avoir des obstacles à bra-
ver. On a intention, etc., de voyager,
à l'avance, sans qu'on y ait réfléchi, sans qu'on
sache si on changera d'avis, ni quelle direction
on prendra. Lorsqu'on a l'intention, etc., de voya-
de
ger, le voyage est prochain, la résolution ferme,
la direction certaine. On a intention, etc.,
nuire à quelqu'un sitôt que l'occasion s'en présen-
tera; on a l'intention, etc., de lui nuire, quand
on en a formé expressément le projet et qu'on cher-
che à le réaliser.

CONDAMNER A MORT, CONDAMNER A LA
MORT. Condamner à mourir.

Condamner à la mort est une expression faite et consacrée pour désigner une manière ordinaire ENTENDRE RAILLERIE, ENTENDRE LA RAIL- ou habituelle de condamner à mourir, c'est-àLERIE. Ces deux expressions désignent la ina-dire celle dont les tribunaux font usage en génière d'être, la disposition de quelqu'un par rap-néral contre certaines espèces de grands crimi-nels: les assassins, les infanticides et les incenport à la raillerie. Dans la première, le mot raillerie marque quel-diaires sont condamnés à mort. Condamner à que chose d'indéterminé : entendre raillerie, c'est la mort se dit quand il est question d'un fait, entendre sans s'offenser une ou des railleries aux-d'une application de la loi ou de la coutume quelles on est en butte, quel qu'en soit le sujet, à un cas particulier : les juges, après avoir dans quelques circonstances qu'elles aient lieu. Hé mon Dieu! tout cela n'a rien dont il s'offense. Il entend raillerie autant qu'homme de France; Et de bien d'autres traits il s'est senti piquer, Sans que jamais sa gloire ait fait que s'en moquer. MOL.

longtemps délibéré sur la peine à infliger à cet accusé, l'ont enfin condamné à la mort. Ou bien même condamner à la mort n'emporte l'idée d'aucune formalité légale et signifie une action unique, singulière, sans aucune analogie avec celle des tribunaux: un général, qui Le duc de Veragua entendait raillerie, jusque- vient de prendre une ville d'assaut, condamne à là que ses amis l'appelaient familièrement don la mort les hommes en état de porter les armes; Puerco.... Tout cela se passait en plaisanterie une conspiration venant à manquer, on condamne qu'il recevait le mieux du monde. » S. S. Dans à la mort tous les conjurés. « J'avais élevé un entendre la raillerie, dont le sens est, s'entendre | jeune loup qui jusqu'à l'âge d'un an n'avait fait

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chose.

aucun mal; mais dès la seconde année il commit de l'autre, mettre à portée de faire quelque tant d'excès qu'il fallut le condamner à la mort, » BUFF. Dieu nous a tous condamnés à la mort.· A mort indique quelque chose d'accoutumé, de réglé, et laisse l'idée de mort dans l'ombre, pour ainsi dire; à la mort annonce un fait dans des circonstances toutes speciales et met en relief l'idée de la mort. De même, des instruments de mort sont tels par leur nature, par leur destination: telles sont l'épée et les armes à feu; mais l'instrument de la mort se dira d'un objet particulier, d'un bâton, par exemple, qui aura servi à donner la mort dans un cas particulier. De même aussi haïr à mort se dit plutôt en général que hair à la mort, et est dans une circonstance donnée une expression moins énergique. - Enfin, pour ce qui concerne condamner à mort et condamner à la mort, on peut être condamné à mort sans que la mort s'ensuive, soit parce qu'on ne se trouve pas dans le pays, soit parce qu'on s'évade, soit parce qu'on obtient une commutation de peine; mais quiconque est condamné à la mort ne peut manquer de mourir,

On a souvent et facilement occasion, rarement et difficilement l'occasion de faire quelque chose. Un médecin de village a presque tous les jours occasion d'observer les phénomènes de la fièvre, et a peine trois ou quatre fois dans sa vie l'occasion d'observer ceux de l'aliénation mentale. D'autre part, on trouve occasion quand l'occasion a lieu par hasard, se présente d'elle-même, et on trouve l'occasion quand on cherche l'occasion, qu'on la désire. On trouve occasion de faire ce qu'on a intention de faire, et l'occasion de faire ce qu'on a l'intention de faire. Un écolier trouvant occasion de vendre ses livres, est tenté par l'appàt du gain. Je suis obligé de retarder la vente de ces livres, jusqu'à ce que je trouve l'occasion de le faire avantageusement. Il en est de même de donner ou fournir occasion à l'égard de donner ou fournir l'occasion. Dans le premier cas, l'occasion n'est pas, et, dans le second, elle est déterminée du côté de celui qui la donne ou la fournit comme du côté de celui à qui elle est AVOIR DROIT, AVOIR LE DROIT. Avoir la per- donnée ou fournie, c'est-à-dire que, dans le premission, la faculté de faire quelque chose, pou- mier cas, celui qui la donne le fait involontairevoir la faire comme chose juste, y être autorisé. ment, par hasard, sans le savoir, et que celui à Il s'agit dans la première expression d'un droit qui elle est donnée ne la voulait pas, ne la désivague, mal défini, commun, d'une application rait ni ne la cherchait, n'y pensait même pas; éventuelle et incertaine, dont on ne peut pas se tandis que la seconde expression emporte des acprévaloir en toute rigueur, et, dans la seconde,' cessoires tout contraires. Votre étourderie m'a d'un droit précis et rigoureux. Une preuve que ce donné occasion de remarquer votre défaut princidouble sens résulte bien de l'absence de l'article pal. Vous recevrez plus souvent de mes lettres, dans l'une, et de sa présence dans l'autre, c'est si les vôtres, devenant plus fréquentes, me donqu'on dit avec à, préposition qui marque géné-nent plus souvent l'occasion de vous écrire. ralité et indétermination, avoir droit à réclamer A TRAVERS, AU TRAVERS. Au milieu, quelque chose, et avec de, préposition qui ex- le milieu. prime des rapports précis et particuliers, avoir le droit de réclamer quelque chose. On a droit à des égards, à la reconnaissance de quelqu'un; on a le droit de commander, de voter, de vendre une propriété. L'enfant qui se conduit bien a droit à demander des récompenses; à la fin du jour, le journalier a le droit de demander son salaire. On distinguerait d'une manière semblable, avoir tort et avoir le tort, prendre soin et prendre le soin.

AVOIR COUTUME, AVOIR LA COUTUME de faire quelque chose. La faire fréquemment, d'ordinaire. Avoir la coutume se dit en parlant d'une manière d'agir, non pas générale et commune, mais singulière, et remarquable par cela même, sur laquelle on veut arrêter particulièrement l'attention. De sorte qu'ici l'article le, la, joue le même rôle que son primitif latin, ille, illa, celui-ci, celle-ci; il est démonstratif, il sert à faire remarquer telle ou telle chose en particulier : ille Homerus, le fameux Homère. On a coutume de mentir, de se lever matin, de faire des promenades à cheval. « Les Anglais, dit Voltaire, ont la coutume de finir presque tous leurs actes par une comparaison.» « Il y a des pays où les femmes ont la coutume de se percer le nez pour y pendre des joyaux.» (Hist. des Voyages.)

AVOIR, TROUVER, DONNER, FOURNIR OCCASION; AVOIR, TROUVER, DONNER, FOURNIR L'OCCASION, C'est, d'une part, être ou venir,

par

A travers est une locution générale, dans laquelle le mot travers a perdu de sa valeur et n'attire plus l'attention. Dans au travers on insiste, pour ainsi dire, sur le travers dont on parle, on le tire de l'indétermination, on le fait remarquer. Si bien qu'à travers s'emploie quand on veut simplement marquer l'action d'aller au delà en passant par un milieu, et au travers quand on veut appeler l'attention sur ce milieu lui-même. A travers votre porte vous aper→ cevrez quelqu'un venir vers vous; mais vous aurez bien de la peine à distinguer une personne au travers des ténèbres de la nuit. Ce qui frappe en général l'esprit dans le milieu traversé, c'est la résistance qu'il oppose ou le danger qu'on court en le traversant. De là vient que presque toujours ce à travers quoi on passe laisse un passage, une ouverture, un jour; tandis qu'il faut se faire un passage, une ouverture, un jour dans ce au travers de quoi on passe. On passe à travers les champs, on passe son épée au travers du corps. Le fil passe à travers l'aiguille qui est percée; l'aiguille passe au travers de l'étoffe ou de la peau qu'elle perce. Certains grains passent à travers un crible (Boss.); un soldat perce au travers d'un bataillon (ACAD.). Les objets s'aperçoivent à travers un verre (Boss., J. J.), à travers des vitres (FÉN. S. S.); mais des impuretés empêchent la lumière de pénétrer au travers d'un verre fort épais (Desc.). - « L'eau des rivières

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