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Il est inutile de multiplier les exemples; tous ceux qui ont été cités plus haut, ou au moins la plupart, conviennent également ici; il n'y a qu'à se les rappeler. Nous ajouterons seulement une remarque. Si la poésie, comme le prétend Roubaud, emploie de préférence la construction qui met l'adjectif avant le nom, ce n'est pas que celle-ci soit plus forte, plus énergique, plus expressive que le tour synthétique, car nous avons prouvé le contraire au paragraphe 3, mais c'est que la poésie aime le vague et hait la précision.

chercherait en vain dans traiter mal. Traiter mal,
c'est simplement ne pas traiter avec tous les
égards, avec toutes les attentions qu'on mérite,
user de procédés mauvais.

Cette ingrate de fièvre, injuste, malhonnête,
Qui traite mal les gens qui la logent chez eux. Mor..
Vous traitez mal, Pauline, un si rare mérite,
c'est-à-dire Sévère, en supposant qu'il vient ici
braver un malheureux.
Polyeucte. CORN.

<< Il est bien triste que cet officier, qui sert si bien
depuis 22 ans, soit traité si mal, pendant qu'on
prodigue les rangs à une foule de gens sans nom
et sans service. » FÉN. « Marat, dans son livre,
traite mal ses contemporains (manque pour eux
de ménagements, déprise les vérités qu'ils ont an-
noncées). » VOLT.- Maltraiter, c'est traiter beau-
coup plus rudement, se porter à des injures et à
des violences. « Télémaque sentit dans son cœur
une douleur extrême de voir son père si maltraité
(rudement frappé à l'épaule par Antinoüs). » FÉN.
<< Si on maltraite un homme, si on le tue, cette
action peut être commandée par la justice. » Boss.
« Si ce serviteur est méchant et qu'il commence à
maltraiter ses compagnons, à s'enivrer et à me-
ner une vie dissolue.... » ID.

De toutes ces distinctions résulte, par rapport aux adjectifs auxquels elles s'appliquent, une conséquence importante, c'est que la propriété qu'ils ont de changer de valeur dans le discours suivant leur position, de même que les chiffres dans les nombres supérieurs à dix, constitue pour notre langue une véritable richesse. Les langues, l'allemand et l'anglais, auxquelles manque ce moyen de varier le sens d'une locution qualificative, en variant seulement l'ordre de ses termes, sont obligées d'avoir deux mots pour exprimer ce que nous exprimons par un seul en ayant soin de le mettre à la première ou à la seconde place. Le mot bon de bon père se traduirait en allemand par gut, et le mot bon de père bon par gutig. Seul, dans le sens où nous le prenons quand nous disons un seul homme, correspond à l'allemand einzig, et dans le sens qu'il a dans la locution, un homme seul, il se rendrait exacte-traite mal un domestique qui vient de commettre ment par allein.

Dans un autre sens, maltraiter dit plus encore que traiter mal: on maltraite généralement, habituellement; on traite mal dans une circonstance particulière. On maltraite ses domestiques, et on

une gaucherie. Ce serait parler sans justesse que de dire qu'un enfant depuis le berceau a été traité mal par son père.

Mais les adjectifs ne sont pas les seuls mots qui se chargent ainsi d'accessoires différents selon leur place relativement aux substantifs. Il en est de même de certains adverbes et même de certaines prépositions par rapport à de certains verbes, que tantôt ils précèdent, et que tantôt ils suivent. De là de nouveaux synonymes analogues aux précédents pour l'origine, et tout à fait semblables, comme il est facile de s'en convaincre, quant aux règles de distinction qui leur conviennent: mal-nière contraire aux règles. traiter, traiter mal; mal parler, parler mal; mal interpréter, interpréter mal; mal mener, mener mal; bien ou mal faire, faire bien ou mal; surteiller, veiller sur.

Enfin, maltraiter désignant le mauvais traitement d'une manière pleine, absolue, accomplie, est moins propre à signifier faire faire mauvaise chère à ses hôtes, que traiter mal qui veut dire seulement traiter d'une manière peu convenable, avec trop peu d'égards.

On doit remarquer d'abord une circonstance commune à tous ceux de ces verbes composés dont les termes constitutifs s'écrivent encore séparément: mal parler, mal interpréter, mal ou bien faire; ils s'emploient uniquement à l'infinitif, et au participe ou seul ou accompagné de l'auxiliaire avoir. Or, l'antipathie de ces locutions pour les temps proprement personnels n'est-elle pas déjà une marque de leur impuissance à exprimer ce qui est relatif? N'est-ce pas là une preuve que ce qu'elles rendent particulièrement bien, c'est le général et l'absolu? Mais traitons séparément et sans esprit de système chacune d'elles; cherchons à les distinguer des expressions synonymiques dont elles ne different, sous le rapport grammatical, que par l'ordre de leurs éléments. MALTRAITER, TRAITER MAL. Traiter d'une manière qui n'est pas convenable.

La seule place de mal dans maltraiter donne à ce dernier mot une plénitude de sens que l'on

MAL PARLER, PARLER MAL. Parler d'une ma

Beauzée pense que l'un signifie parler d'une manière contraire aux règles de la morale, dire du mal, et l'autre parler d'une manière contraire aux règles de la grammaire, y manquer en parlant. Il se peut que cette différence soit la vraie; car l'analogie est pour que mal parler se prenne dans le sens le plus abstrait, pour médire ou dire des paroles offensantes; et la même analogie exige qu'en employant parler mal on conserve au mot mal un sens moins éloigné ou plus voisin du sens propre et primitif, et c'est ce qu'on fait en lui donnant celui de parler sans correction. Cette distinction est aussi confirmée par l'usage. On dit plutôt mal parler de quelqu'un (Boss., FÉN., LABR., MOL., VOLT., J. J., MAL., COND., ROLL.), et parler mal sa langue (VOLT.) ou le français (ID.). Absolument, mal parler, c'est médire : « Heureux est l'homme qui ne se porte point à mal parler, et qui ne s'arrête pas même à écouter le mal.» BOURD. Absolument, parler mal, c'est être mauvais orateur ou mauvais écrivain. « Dans ce conseil de régence le duc d'Orléans parla bien, parce qu'il ne pouvait pas parler mal, même dans les plus mauvaises thèses. » S. S. « Au partir ne vaut pas

mieux qu'au départ, et c'est parler mal sans y rien gagner.» LAH. On dit de même mal penser de quelqu'un (J. J.), et c'est en penser du mal, sorte de faute contre la charité, au lieu que penser mal annonce une infraction à d'autres règles que celles de la morale : « On peut penser mal sans être hérétique, si l'on est soumis et docile.» Boss.

Mais supposons avec Roubaud ces deux locutions, mal parler et parler mal, unies par un rapport de synonymie plus étroit, toutes deux usitées moralement et grammaticalement, toutes deux signifiant et médire et exprimer sa pensée autrement qu'il ne faut. Elles se distingueront alors comme maltraiter et traiter mal, c'est-àdire que l'adverbe mal précédant le verbe étendra l'idée de l'expression entière, la rendra plus complète mal parler annoncera donc une atteinte plus grave aux lois de la charité ou à celles de la grammaire. C'est cette dernière différence qu'il faut mettre entre mal juger (COND.) et juger mal (COND., NIC.), entre mal raisonner (VOLT., P. R.) et raisonner mal (VOLT., COND., LAH.), entre mal écrire et écrire mal (VOLT., LAH.).

MAL INTERPRÉTER, INTERPRÉTER MAL. Donner un sens qui n'est pas le vrai.

Toujours mêmes distinctions. Mal interpréter, plus abstrait, plus éloigné de la signification première, voudra plutôt dire prendre en mauvaise part un discours, ou une action, et interpréter mal, par la raison contraire, traduire mal d'une langue dans une autre, ou expliquer mal ce que contient un écrit, une loi. Et chacun des deux tours étant employé dans l'une et dans l'autre acception, la première aura plus de force et signifiera donner un sens qui non-seulement n'est pas le véritable, mais qui s'en écarte étrangement, interpréter tout de travers.

faire, c'est se rendre coupable de mauvaises actions. « Délivrez-moi, Seigneur, de cette fatale liberté que j'ai de mal faire. » MAL. Au contraire, faire bien ou mal, avoir fait bien ou mal se disent plutôt au propre et au physique. « Je n'entends pas qu'Emile ne fera jamais de dégât; il pourrait faire beaucoup de mal sans mal faire, parce que la mauvaise action dépend de l'intention de nuire et qu'il n'aura jamais cette intention. » J. J. Si faire beaucoup de mal n'est pas nécessairement mal faire, c'est précisément et toujours faire mal.

Dans une acception particulière, faire mal, c'est, au propre, faire du mal, causer de la douleur., De même, faire bien se dit à la rigueur, dans le propre, et non dans le sens éloigné et moral de bien faire. « Dans les repas ou les fêtes que l'on donne aux autres et dans les plaisirs qu'on leur procure, il y a faire bien, et faire selon leur goût: le dernier est préférable. » LABR. « Je suis embarrassé sur l'origine du mal; mais je supposerai que le bon Oromase, qui a tout fait, n'a pu faire mieux. » VOLT.

Dans les locutions abstraites où le verbe faire ne conserve presque plus rien du sens primitif, tant il est idéalisé, on ne doit se servir que de bien faire ou de mal faire: je croyais bien faire; il a mal fait de vous avertir.

SURVEILLER, VEILLER SUR. Avoir l'œil sur quelqu'un ou quelque chose, y prendre garde.

Surveiller a plus de généralité; il indique une surveillance plus étendue, qui embrasse plus de choses, attentive aux moindres mouvements, de tous les jours, de tous les instants, qui ne laisse rien échapper, et qui suppose qu'on surveille d'en haut avec charge ou autorité; en un mot, surveiller rappelle toujours un peu l'espionnage de la police, à part tout ce qu'il peut avoir d'odieux. Depuis qu'on me surveille et qu'on éclaire tous On distinguerait de même mal prendre et pren-mes secrets. » J. J. « Tout ce qu'on peut faire dre mal, dans le cas où le mot prendre signifie pour la sûreté publique est de le surveiller si comme interpréter, entendre d'une certaine ma-bien, qu'il n'entreprenne rien qu'on ne le sache, qu'il n'exécute rien d'important qu'on ne le veuille. » ID.

nière.

Un tel avis m'oblige; et, loin de le mal prendre, J'en prétends reconnaître à l'instant la faveur. (Célimène à Arsinoé. Misanthrope). MOL. MALMENER, MENER MAL. Mener autrement qu'il ne faut.

Le premier convient mieux, et peut être seul, dans le sens idéal et moral de, avoir des procédės rudes et sans ménagement, tandis que le second se dit toujours ou presque toujours au propre pour, mal diriger ou mal conduire. Si quelquefois ils expriment tous deux, ou l'idée abstraite et figurée, ou l'idée propre et primitive, alors, de même que maltraiter par rapport à traiter mal, malmener dit plus que mener mal.

BIEN ou MAL FAIRE, BIEN ou MAL FAIT, avoir BIEN ou 'MAL FAIT; FAIRE, FAIT, avoir FAIT BIEN ou MAL. Faire, fait ou avoir fait d'une manière qui convient ou qui ne convient pas.

Bien faire, mal faire se disent plutôt au figuré et au moral. Bien faire, c'est ou agir en homme de bien ou être bienfaisant. « Sa Majesté polonaise n'est pas le seul bienfaisant en Lorraine : vous savez bien faire comme bien dire. » VOLT. Mal

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La surveillance de veiller sur n'est pas sans relâche, elle ne suit pas son objet aussi attentivement; c'est pourquoi, quand c'est à une personne qu'elle s'attache, elle emporte quelquefois l'intention de la protéger, de faire qu'il ne lui arrive aucun mal, et non pas toujours, comme surveil ler, celle de la trouver en faute pour avoir à la reprendre ou à la punir. « Il faut veiller sur ces enfants de choix de la patrie, les protéger, les aider, les soutenir, fussent-ils même de mauvais sujets. » J. J. « Les yeux de Dieu sont attachés sur les justes, parce qu'il veille sur eux pour les protéger. » Boss.

Mais non-seulement la surveillance de veiller sur est moins détaillée, moins continuelle, mais elle s'étend à moins de choses ou de personnes différentes; on surveille même les personnes qui veillent sur, et par une inspection supérieure, comme chef, comme conducteur : le général surveille les officiers qui veillent sur les soldats; dans une grande maison, le maître surveille les agents chargés par lui de reiller sur les subalternes les plus bas placés.

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II. SYNONYMES QUI ONT LE MÊME RADICAL ET DONT LES DIFFÉRENCES DÉPENDENT
DE LA VALEUR DES PRÉFIXES.

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La particule re se trouve, en français comme en latin, placée au commencement d'un grand nombre de mots composés. Originairement, elle donne l'idée d'un espace parcouru de nouveau, scit en sens inverse, soit dans le même sens; et de là vient qu'elle est tantôt adversative ou réactive, comme dans répugner, résister, réprouver, repousser, et tantôt itérative, comme dans relire, reprendre, revenir, refaire. Le verbe récrire se prend dans les deux significations; car il veut dire, d'un côté, écrire à qui nous a écrit, lui faire réponse écrite, et de l'autre, écrire une seconde, une troisième lettre.

du reste, paraît appartenir à tous les mots composés qui commencent par une particule. Ainsi nous employons plutôt au figuré entraîner que traîner, attirer que tirer. « On dit plus ordinairement se repaître que se paître de vent ou de chimères. ACAD. Quand on étale un grand luxe, il semble aux spectateurs qu'on repait leurs yeux de ce qui devrait paître leur ventre. >> CHARR. Il en est de même de redoubler par rapport à doubler: « La vue des Tarquins parut avoir doublé les forces des Romains en redoublant leur courage. » ROLL.

LUIRE, RELUIRE. Eclairer, jeter ou répandre de la lumière; au figuré, briller, paraître.

Reluire est adversatif ou réactif, et quelquefois augmentatif. Ce qui luit brille d'une lumière qui lui est propre. « La vérité universelle n'a pas besoin de rayons empruntés pour luire. » FÉN. Ce qui reluit brille d'une lumière d'emprunt, éclaire par réflexion. « Toutes les surfaces extrêmement polies reluisent, et renvoient la lumière.» ACAD. Le soleil luit; une glace reluit, lorsqu'elle renvoie la lumière qu'elle reçoit. Dans luire la lumière est égale et continue, parce qu'elle vient de la chose même; dans reluire elle est accidentelle et variable, parce qu'elle dépend des circonstances.

Par cela seul qu'elle est itérative, cette particule doit être augmentative, c'est-à-dire marquer une augmentation d'efforts, d'énergie de la part du sujet de l'action, et une augmentation de difficulté de la part de ce qu'il fait. Car, outre que la répétition des actes prouve qu'on tient à arriver au but, qu'on y emploie toutes ses forces, ce qu'on ne fait qu'à plusieurs reprises offre nécessairement plus de difficulté à vaincre, et quelque chose de plus extraordinaire que ce qui se fait en une seule fois. Ce caractère d'augmentation sert surtout à déterminer le sens des mots dans lesquels re ne désigne pas une succession d'actions, mais une action continuée, comme dans retenir, rabaisser, remplir. Quelquefois, au lieu d'être précisément augmentative, la particule désigne seulement de la part du sujet une intention, et par conséquent une action expressément volontaire, tandis que cette même action apparaît, dans le mot simple, comme spontanée et naturelle. D'autres fois, au contraire, l'aug-sion marque simplement qu'il espère; et la sementation va jusqu'à l'excès.

De ce que la particule re est iterative, il ne s'ensuit pas seulement qu'elle doive être augmentative dans un grand nombre de cas, mais aussi qu'elle doit marquer souvent une rénovation ou le rétablissement d'un état antérieur. Alors le mot qu'elle commence suppose un changement qu'on répare, et le retour à l'état primitif. Ainsi regagner ne signifie pas proprement gagner une seconde fois, ni gagner avec beaucoup d'efforts, mais gagner ce qu'on avait perdu, revenir à la possession d'une chose.

Enfin, une dernière remarque au sujet des mots qui ont cette initiale, comparés aux mots simples qui ne l'ont pas, c'est que les premiers sont d'un us ge généralement plus étendu, et se disent plus volontiers au sens moral et figuré. Propriété qui,

Au figuré se trouve la même différence. Luire se dit de ce qui paraît dans une chose, et reluire de ce qui paraît dans une chose, mais comme un reflet. Dans cet exemple de Boileau, Et dès qu'un mot plaisant vient luire à mon esprit, Je n'ai point de repos qu'il ne soit en écrit. Luire fait entendre que le mot plaisant sort de l'esprit même de l'auteur qui l'a trouvé. Mais le caractère contraire se montre bien dans cette phrase de Bossuet: « Où a-t-on pris qu'il n'y ait pas en Dieu une justice dont celle qui reluit en nous ne soit qu'une étincelle?» Et dans cette autre de Fénelon : « C'est la vérité par elle-même qui reluit dans cette vérité particulière et communiquée. » On dit également que l'espérance luit et reluit dans le cœur de quelqu'un : la première expres

conde représente en lui l'espérance comme un effet dont elle rappelle la cause.

Ensuite, reluire a parfois plus de force que luire ce qui est reluisant est deux ou trois fois luisant, c'est-à-dire très-luisant.

Enfin reluire peut signifier luire de nouveau après avoir cessé de luire, revenir à un état antérieur de lumière ou de clarté. «Que les fidèles travaillent tous à se réformer, afin que l'Eglise refleurisse, et qu'on voie reluire sur elle la beauté des anciens jours!» FÉN.

JAILLIR, REJAILLIR. Ils se disent de l'action d'un liquide qui sort avec impétuosité et s'élance rapidement.

Dans rejaillir la particule re est réactive, ou augmentative, ou l'un et l'autre en même temps. « Rejaillir, dit Condillac, se dit proprement des

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fluides, qui, ayant jailli contre un corps, réflé- | exprimer l'affection de l'âme, forte ou faible; et, chissent et retombent dans des lieux où ils n'é- au contraire, de ressentir quand on veut faire entaient pas d'abord dirigés. » L'eau jaillit, puis, tendre qu'elle est la suite ou l'effet de telle ou rencontrant un obstacle qui la renvoie, elle re- telle chose. On sent les atteintes de la goutte, jaillit. Dans rejaillir, il y a non-seulement jet, quand on commence à en souffrir; à la suite d'un éruption, mais aussi répulsion de l'obstacle contre excès de table, on ressent les atteintes de la lequel le liquide va frapper. « C'est le même amour goutte. On ressent plutôt qu'on ne sent les effets (de Dieu le Père) qui va droit à son fils et rejaillit de la haine ou de la libéralité de quelqu'un. Lasur nous. » Boss. « Polyphème se saisit de deux bruyère dit que nous ressentons de la colère contre de mes compagnons et les écrase contre une roche ceux qui nous raillent; et dans cette phrase sentir comme de jeunes faons; leur cervelle rejaillit de serait impropre, parce que la colère est ici claitous côtés. » FÉN. rement l'effet de la raillerie. Quelquefois ressentir signifie sentir bien après l'impression, à une époque qui en est éloignée : les femmes de la Chine auxquelles on casse les pieds, pour les rendre pe

Le plus souvent rejaillir signifie, non pas rigoureusement jaillir une seconde fois et en un autre sens, mais jaillir beaucoup de fois et çà et là, en divers sens, de toutes parts, avec force et abon-tits, « ressentent cette douleur pendant toute leur dance, jaillir et jaillir encore.

Faites courir, bondir et rejaillir cette onde. DEL. « Jaillir, dit Roubaud, exprime proprement l'action de s'élever avec force, de sortir comme un trait, de former un jet subit; et rejaillir, l'action de se répandre à la suite du jaillissement, de suivre des directions différentes, de former par son abondance des jets divers. »

Jaillir se dit plutôt des liquides pour lesquels le mouvement semble être en quelque sorte naturel, et qui ne sont pas jetés fort loin; au lieu que rejaillir convient mieux en parlant de ceux qui s'échappent violemment de l'endroit où ils étaient retenus, et qui sont lancés à une grande distance. « Le tuyau, par lequel l'eau rejaillit, la contient pour la jeter bien haut au milieu des airs et pour la verser dans le bassin de marbre qu'on lui a préparé. » Boss.

D'autres fois rejaillir exprime un retour du liquide vers sa source, ou vers le lieu d'où il est parti. De l'eau qui tombe rejaillit. « Les fontaines se souvenant toujours de leurs sources, portent leurs eaux, en rejaillissant, jusqu'à leur hauteur, qu'elles vont chercher au milieu de l'air. » Boss.

Au figuré, même différence. Les idées, les expressions jaillissent d'un esprit fécond, d'une bouche éloquente. Rejaillir marque le contrecoup, le retour, l'action de retomber de l'un sur l'autre la gloire des grands hommes rejaillit sur les princes qui savent les employer.

SENTIR, RESSENTIR. Eprouver quelque chose d'agréable ou de désagréable.

vie. » BUFF. « Damon ressent là perte de son ami dans ce moment, tout comme il la sentait au moment de ses funérailles. » MARM.

Se SENTIR, se RESSENTIR. Éprouver quelque reste d'un mal qu'on a eu, les suites d'un malheur, ou l'influence, soit heureuse, soit funeste de quelque chose.

Nous nous sentons de ce qui vient de nousmêmes, de notre bonne ou de notre mauvaise conduite; nous nous ressentons de ce qui vient des autres, des fautes de nos parents, par exemple.

Ensuite, on se ressent longtemps après, ou à une grande distance: Quiconque a négligé son éducation s'en ressent toujours. « Ce n'est pas que mon cœur se ressente encore de ses anciennes blessures. » J. J. Dans la hiérarchie administrative, si l'un des employés principaux obtient de l'avancement, le moindre commis peut quelquefois s'en ressentir. « De cette autre mienne vie qui loge en la connaissance de mes amis, je sais bien que je n'en sens fruit ni jouissance que par la vanité d'une opinion fantastique: et, quand je serai mort, je m'en ressentirai encore beaucoup

moins. » MONTAIGNE.

ÉPANDRE, RÉPANDRE. Laisser tomber, jeter çà et là, en plusieurs endroits.

Répandre enchérit sur épandre; il marque plus d'impétuosité dans l'action, une plus grande dispersion de la chose versée. On épand un liquide en l'étendant, en l'étalant doucement; on le réhaut. Montaigne dit, pour marquer que les prinpand, en le jetant de tous côtés avec force ou de qu'il faut épandre le grain, non pas le répandre. ces doivent être modérés dans leurs libéralités, Épandre est d'un usage très-borné, et se dit principalement en parlant d'un fleuve dont les eaux se déploient paisiblement sur un espace plus ou moins étendu. « Ce fut alors, dit Fléchier, que la charité, comme un fleuve, rompit ses bords sent rien que je ne ressente avec elle. » BOURD. Sentir marque quelque chose d'intime, de affaiblie qui vient s'épandre sur la rive basse en et s'épandit sur tant de terres arides. >> << La lame subjectif; ressentir est relatif à une cause étran-un léger réseau. » BUFF. « Un embrasement qui, gère dont on reçoit l'action. Ainsi, l'âme, dis-poussé par les vents, s'épand au loin dans une tincte du corps, sent ses maux, et ressent ceux forêt. » LABR.

Ressentir, c'est sentir par réflexion, par contrecoup. On sent ses propres maux, on ressent ceux des autres. «Ressentir les maux du prochain. » Boss. « Voyait-il un membre affligé, il ressentait toute sa douleur. >> ID. « Dans toutes les épreuves de l'Eglise et dans toutes ses douleurs, elle ne

du corps. « L'âme, dit Pascal, ressent les pas

sions du corps.» <«< Le premier homme, dit Male

la

ABAISSER, RABAISSER. Ils expriment l'action branche, ressentait du plaisir dans ce qui perfec-hauteur, la valeur, le prix, la dignité, le mé

tionnait son corps, comme il en sentait dans ce rite, la réputation.

qui perfectionnait son âme. » On doit se servir de

Abaisser marque une dépression modérée. L'ac

sentir toutes les fois que l'on veut simplement tion de rabaisser est plus forte; car rabaisser,

C'est abaisser encore davantage, de plus en plus, | mettre dans un vaisseau jusqu'à ce qu'il soit avec effort ou redoublement d'action. On abaisse plein. le mérite par un mot, un propos, en passant; on racharne à le rabaisser. Rabaisser emporte plus de force non-seulement dans l'action, mais aussi dans l'intention, dans la volonté; il suppose ordinairement de l'animosité.

Remplir a deux nuances distinctives. D'abord, il désigne une réparation, le complément d'un vide partiel, une réitération de l'action de verser; de sorte qu'il signifie ajouter ce qui manque pour que la chose soit tout à fait pleine. On em

De plus, rabaisser donne l'idée d'un état anté-plit tout d'un coup et ordinairement un petit rieur au-dessus duquel on s'est élevé et auquel ramène celui qui rabaisse; c'est pourquoi l'on dit plutôt rabaisser qu'abaisser les prétentions de quelqu'un, le caquet, le ton d'une personne, l'orgueil, l'arrogance, la présomption et tous les vices qui font qu'on se met à une hauteur démesurée ou illegitime. On se rabaisse pour rentrer dans un état au-dessus duquel on avait voulu s'élever.

Quelquefois rabaisser est réactif; il exprime que des personnes abaissées par d'autres font ensuite et réciproquement subir à celles-ci le même sort: Les religieux, qui avaient été abaissés par les jésuites, les rabaissèrent à leur tour. »> VOLT.

ABATTRE, RABATTRE. Ces deux mots se disent en parlant de l'orgueil, de la fierté, de l'arrogance qu'on fait tomber ou qu'on rabaisse. Abattre exprime cette idée sans aucun acces

soire.

espace, un objet ou un vase de médiocre capacité,
sa main (Boss.), ses poches (DUCL.), un verre ou
une bouteille (ACAD.), une cuiller (LABR.), une
cruche (LAF.). Il prend la grande cuiller, la
plonge dans le plat, l'emplit, la porte à sa bou-
che. » LABR. Psyché, heureusement parvenue à la
fontaine de Jouvence, « emplit sa cruche. » LAF.
Quand l'âne, chargé d'éponges, s'est jeté à l'eau,
L'éponge devint si pesante,

Et de tant d'eau s'emplit d'abord,
Que l'àne succombant ne put gagner le bord. LAF.
Mais un étang se remplit d'eau par des crues suc-
cessives.

Le second caractère de remplir tient au premier. Emplir se prend ordinairement à la rigueur, de manière que le vase n'est empli que quand il n'y reste point de vide; et, au figuré, il exprime de même une plénitude absolue. Montaigne dit, en parlant de l'immuable éternité de Dieu « Par un seul maintenant il emplit le toujours. » Dieu ne pourrait entièrement emplir aucun espace par un certain nombre de petites boules; car les boules qui se touchent laissant un espace triangulaire, il faut pour l'emplir autre chose que des boules (MAL.). Au contraire, remplir marquant succession, action partielle, se prend souvent dans un sens relâché pour désigner seu

Ses malheurs n'avaient point abattu sa fierté. RAC. Rabattre, c'est abattre avec force. « L'arrogance des princes, dit Bossuet, est fortement rabattue par le spectacle de la suite des empires. »-« Ce sont les pieds du paon qui abattent son orgueil. » MONTAIGN. La fortune, qui prend plaisir à rabattre notre présomption, n'ayant pu faire les malhabiles sages, elle les fait heureux, à l'envilement l'abondance ou la multitude. De là vient de la vertu.» ID.

D'ailleurs, presque toujours rabattre suppose que le sujet de l'action s'anime et fait de grands efforts, tandis que celui contre qui il agit résiste avec plus ou moins d'opiniâtreté.

Qu'il soit brave guerrier, qu'il soit grand capitaine,
Je saurai bien rabattre une humeur si hautaine. CORN.
On ne dit pas plus abattre qu'abaisser le caquet;
il faut dire le rabattre ou le rabaisser.

qu'il est d'un usage beaucoup plus étendu au. propre, et surtout au figuré. Emplir se dit proprement des vases, des vaisseaux, des choses destinées à contenir de certaines matières; remplir se dit indifféremment de toute place occupée par la multitude ou par la quantité. Vous emplissez une cruche d'eau, un verre de vin, un sac de blé, vos poches de fruits, une bourse d'argent; vous remplissez une rue de gravois, une basse-cour de fumier, un pays de mendiants, un

AVILIR, RAVILIR. Abaisser de manière à rendre vil, méprisable, à couvrir de honte, d'op-bois de voleurs, et, de quelque matière que ce probre, d'infamie.

C'est avec raison que Laharpe reproche à Voltaire d'avoir mis emplir au lieu de remplir dans ce vers de Mérope :

soit, des trous, des interstices, des fondrières, des Ravilir est augmentatif, c'est avilir à plu- vides qu'il faut boucher. Dans le sens figuré, sieurs reprises, avec redoublement d'action: le on se sert toujours de remplir: remplir une métier d'espion ravilit. « Une puissance ennemie, charge, un emploi; une tête remplie de pensées, dit Bossuet au sujet du culte païen, avait entre- d'affaires. « L'imagination grossit les plus petits pris de ravilir le nom sacré de Dieu.» « Jean-objets jusqu'à en remplir notre âme.» PASC. Baptiste n'est rien de ce qu'on pense : il n'est point Elie, il n'est point prophète; et bien loin d'être le Messie, il n'est pas digne, dit-il, de lui délier ses souliers: car il se sert même de cette expression basse, afin de se ravilir tout à fait. » ID. Ravilir marque souvent aussi le rétablissement d'un état antérieur l'éclat et la renommée avaient ennobli les beaux-arts; la pauvreté les ravilit. « Tout est à nous par Jésus-Christ, dit encore Bossuet; il n'y a rien au-dessus de nous, pourvu seulement que nous ne nous ravilissions pas nous-mêmes. »

EMPLIR, REMPLIR. Rendre un vase plein,

L'horreur et la vengeance empliront tous les cœurs.

ASSURER, RASSURER. Au propre, ces deux mots signifient affermir, rendre stable; et, au figuré, tranquilliser, donner de l'assurance.

Au propre, on assure contre un danger possible ou éventuel, et on rassure ce qui est près de tomber, ce qui menace ruine. « Si loin que vous étendiez votre prévoyance, jamais vous n'égalerez les bizarreries de la fortune: vous aurez tout assuré aux environs, l'édifice fondra tout à coup

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