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dans la matière. Le Sel commun primitif eft un petit cube, le Sel du Vi triol un parallelepipede rhomboïde celui du Nitre un prifme qui a pour bafe un triangle équilatéral, celui de Alun une pyramide quadrangulaire. De ces premières figures viennent celles qu'ils affectent conftamment dans leurs criftallifations, pourvu qu'on les tienne auffi exempts qu'il fe puiffe de tout mélange & de tout trouble étran ger. Quand il s'agit de l'action des Sels,, M. Guglielmini examine géométriquement & méchaniquement les proprié tés de ces figures par rapport au mouvement & en vient à un détail affez curieux & fort nouveau dans un Traité de Chymie. Il ne rapporte pas d'expériences ni d'obfervations nouvelles: qu'il ait faites; il établit fon système fur celles des plus fameux Auteurs parmi lesquels il cite fouvent les Con frères qu'il avoit dans cette Académie, Meffieurs Homberg, Lémery, Boul duc, Geoffroy. En un mot, ce n'eft pas tant la Chymie qui domine dans ce Traité, que la Géométrie, & ce qui vaut encore mieux, l'efprit' géomé trique

Quand on achevoit l'impreffion de ce Livre, il reçut l'Hiftoire de l'Académie de 1702. Il trouva un fentiment de M. Homberg tout oppofé au fien, que les figures conftantes des Sels acides dans leurs criftallifations ne viennent pas des premières particules qui les compofent, mais des Alcali avec lefquels ils font unis. Il avoue qu'il eut peur que l'autorité d'un fi grand Chymifte ne fût feule fuffifante pour renverser tout fon Syftème, & il fe hâta de le mettre à couvert par une réponse, qui, pour être fort honnête & fort polie, ne perd rien de fa force, & peut-être en a davantage.

Il fit encore deux Ouvrages de Phyfique; l'un intitulé Exercitatio de Idearum vitiis, correctione & ufu, ad ftatuendam &inquirendam morborum naturam, en 1707; & l'autre De principio Sulphureo, en 1710; & ce qui eft fort glorieux pour lui, la date de ce dernier Ouvrage eft celle de fa mort. Sa vie entière a été dévouée aux Sciences. Ceux qui les aiment avec moins d'emportement pourroient lui reprocher fes excès, qui à la vérité ruinèrent en lui un tempérament très-robufte, mais qui cependant ne peuvent

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être blâmés qu'avec refpect. Il avoit cet extérieur que le Cabinet donne ordinairement, quelque chofe d'un peu rude & d'un peu fauvage, du moins pour ceux à qui il n'étoit pas accoutumé. Il méprifoit, dit le Journal des Savans d'Italie, cette politeffe fuperficielle dont le monde fe contente, & s'en étoit fait une autre qui étoit toute dans fon cœur.

JELO GE

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DE MONSIEUR

CARRÉ.

OUIS CARRÉ naquit le 26 Juillet 1663, d'un bon Laboureur de Clofontaine près de Nangis en Brie. Son Père le fit étudier pour être Prêtre, mais il ne s'y fentit point appelé. Il fit cependant par obéiffance trois années de Théologie, au bout defquelles comme il refufoit toujours d'entrer dans les Ordres, fon Père ceffa de lui fournir ce qui lui étoit néceffaire pour fubfifter à Paris. Affez fouvent on fe

fait Eccléfiaftique pour fe fauver de l'indigence; il aima mieux tomber dans l'indigence que de fe faire Eccléfiaftique. On pourra juger par le refte de fa vie,que l'extrême oppofition qu'il avoit pour cet état, n'étoit fondée que fur ce qu'il en connoiffoit trop bien les devoirs. La même caufe qui l'en éloignoit l'en rendoit digne.

Sa mauvaife fortune produifit un grand bien. Il cherchoit un afile, & il en trouva un chez le P. Mallebranche, qui le prit pour écrire fous lui. De la ténébreufe Philofophie Scholafti que il fut tout d'un coup tranfporté à la fource d'une Philofophie lumineufe & brillante; là il vit tout changer de face, & un nouvel Univers lui fut dévoilé. Il apprit fous un grand Maître les Mathématiques, & la plus fublime Métaphyfique, & en même temps il m prit pour lui un tendre attachement qui fait l'Eloge & du Maître & du Difciple. M. Carré fe dépouilla fi bien des Préjugés ordinaires, & fe pénétra à tel point des principes qui lui furent enfeignés, qu'il fembloit ne plus voir par fes yeux, mais par fa raifon feule; elle prit chez lui la place & toute l'au

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torité des fens. Par exemple, il ne croyoit point que les Bêtes fuffent de pures Machines, comme on le peut croire par un effort de raisonnement, & par la liaifon d'un Système qui conduit là il le croyoit comme on croit communément de contraire parce qu'on le voit, ou qu'on penfe le voir.

La perfuafion artificielle de la Philofophie, quoique formée lentement par de longs circuits, égaloit en lui la perfuafion la plus naturelle, & caufée par les impreffions les plus promptes & les plus vives. Ce qu'il croyoit il le voyoit au lieu que les autres croyent ce qu'ils voyent. V HD

na tothom rolleb Cependant il eft encore infiniment plus facile d'être intimément perfuadé des opinions de Théorie les plus con traires aux apparences, que d'être fincèrement & tranquillement au-deffus des paffions. M. Carré, qui ne favoit pas abandonner fes principes à moitié chemin, étoit allé jufques-là, & y avoit été d'autant plus obligé, que le Système qu'il fuivoit avec tant de goût, eft une union perpétuelle de la Philofophie & du Chriftianifme. Sa Métaphy lique lui faifoit méprifer les causes

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