les Turcs affembloient toutes leurs forces en Hongrie, & ne craignoient point de diverfion; lorfque le baron de Gurtz, que Léopold envoya à Varfovie & à Mofcou, diffipa tous les foupçons, & détermina le czar à reprendre les armes.

Pierre fe propofa la conquête d'Afoph. Cette ville, fituée fur la tive gauche du Don, autrefois nommé Tanáïs, devoit lui fervir de rempart contre les Turcs; & comme elle le rendoit maître des Palus-méotides, il pouvoit encore porter l'effroi jufques dans Conftantinople. Mais il falloit des vaiffeaux, & les Ruffes favoient à peine conftruire des barques. Le czar ne défefpéra pas d'avoir une flotte ;

il fit travailler des étrangers à Woronefch, ville fituée fur la Woronefch, rivière profonde, qui fe jette dans le Don, & qui eft entourée de grandes forêts.

Impatient de commencer la guerre, il n'attendit pas que fes vailfeaux fuffent conftruits, il ouvrit la campagne au commencement de 1695, & mit le fiège devant Afoph; ou plutôt il y fervit. fous les ordres du général Schérémétof, car il n'étoit encore que colonel d'un régiment. Mentzikof fe voyoit déjà dans la plus grande faveur. Compagnon des plaifirs & des débauches de fon maître, il eut affez de crédit pour faire répudier la czarine qui lui reprochoit fa

conduite. Cette princesse, qui avoit donné un fils au czar, fut enfermée.

dans un couvent.

Les fecours qu'Afoph recevoir par l'embouchure du Don; ne permirent pas de fe rendre maître de cette place. Après la prise de quelques forts, le czar mit fes troupes en quartier d'hiver. Il fe rendit enfuite à Woronefch, pour hâter la conftruction de fes vaiffeaux ; & il lui arriva des ingénieurs qu'ik avoit demandés à l'empereur, à l'électeur de Brandebourg & aux Etats-Généraux.

L'année fivante, fa flotte mit à la voile fous les ordres de le Fort, grand-amiral. Quoiqu'elle ne fût compofée que de deux petits

vaiffeaux de guerre & de quelques bateaux longs, elle ferma l'embouchure du Don aux ennemis, & Afoph, ne recevant plus de fecours, fut forcée de capituler. Pierre fit fortifier cette place fur les deffins des ingénieurs étrangers qu'il avoit avec lui. Au mois de janvier de cette même année, mourut le czar Ivan. Quoique ce prince fût foible, il fut toujours réfifter à toutes les intrigues, qu'on mit en œuvre pour l'opposer à son frère.

Pierre voulant exciter l'émulation des foldats, & les attacher de plus en plus à la difcipline, fit tout préparer pour une entrée triomphante. L'armée s'étant raffemblée à un mille de Mofcou, les généraux

à la tête des corps qu'ils avoient commandés, entrèrent au fon des inftrumens & des voix qui chantoient leurs louanges. Mais le czar, qui n'étoit pas général encore, refta confondu dans la foule : il n'en fu: que plus remarqué.

En 1697, la prise de Précop, précédée de deux victoires, donna lieu à de nouvelles réjouiffances. Cependant Sophie, du fond de fon couvent, tramoit une nouvelle confpiration. Elle animoit les boyars & les ftrélitz contre la réforme, en se prévalant de leurs préjugés. Les Ruffes voyoient avec indignation, que Pierre eût ordonné à plufieurs perfonnes de fa cour de yoyager dans les pays étrangers,