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Le gouvernement portoit pour vingt millions de charges perpétuelles de plus qu'en 1688. Il difpofoit donc chaque année de vingt millions de moins qu'avant la guerre.

En 1689, les revenus nets, qui entroient au tréfor royal, étoient de cent cinq millions. En 1697, ils furent de cent dix. Ils paroiffoient donc augmentés, & cependant ils étoient diminués de dix-fept millions. C'eft que les cent dix millions de 1697 n'équivaloient en poids & en titre qu'à quatre-vingthuit de 1689. :

L'année fuivante ils diminuèrent encore, parce que le roi remplit l'engagement qu'il avoit pris d'ôter

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la capitation à la paix. Ils furent de foixante-treize millions, à peu de chofe près ce qui équivaloit environ à cinquante-fept millions de 1689. Ils montèrent à foixantedix-fept en 1699, & ils retombèrent à foixante-neuf en 1700. Cette dernière diminution fait foupçonner du défordre dans les finances. Mais la première, par laquelle le roi perdoit chaque année dix sept millions, eft l'effet de l'altération des monnoies.

Nous avons dit qu'il y avoit eu une réforme en 1689. Il y en eut une autre qui commença sur la fin de 1693. Le marc d'argent fut porté à trente-deux livres fix fous forte que la valeur des monnoies

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augmenta de près d'un fixième. Ce font ces deux réformes qui diminuèrent les revenus de l'état de dix-fept millions, pour procurer. une reffource paffagère d'environ quatre-vingt-quatorze.

La dernière augmentation des monnoies avoit été précédée d'une diminution, afin que la réforme qui les devoit hauffer apportât plus de bénéfice. De trois livres fix fous, l'écu avoit été réduit à trois livres deux, & par la réforme il fut porté à trois livres douze. Ainfi fur foixante-deux fous, le roi en devoit gagner dix. Mais il ne les pouvoit gagner qu'une fois, pour les perdre enfuite tous les ans, & encore les faux monnoyeurs & les

étrangers lui enlevèrent-ils une partie de ces profits. Suivant les calculs de l'auteur des Recherches, & confidérations fur les finances, les deux réformes valurent aux étrangers environ vingt-fix millions. Non-feulement l'état perdit les millions qui fortoient du royaume, i perdoit encore une bonne partie des millions qui ne fortoient pas. Car cet argent qui ceffe de circuler eft nul pour l'état jusqu'à ce que la circulation foit rétablie. Or, l'argent fe refferre néceffairement, lorfque le public, voyant les espèces hauffer & baiffer tour-à-tour, ne peut plus compter fur une valeur fixe. On ne peut pas fe défaire de la monnoie forte, de peur d'être

remboursé en monnoie foible; &

on ne veut pas recevoir de la monnoie foible, parce qu'on pourroit être obligé de rembourfer en monnoie forte. Chacun garde donc fon argent: on ne prête, on n'emprunte & on n'achète, qu'autant qu'on y eft forcé. Les denrées qui fe peuvent conferver, ne font point mises en vente. Le commerce eft fufpendu, jufqu'à ce qu'on puisse le faire avec fûreté ; & le gouvernement, qui a détruit la confiance publique, perd lui-même tout fon crédit. Ainfi le peuple, qui portoit difficilement le poids des impôts, fouffroit encore par le défaut de commerce; & tous les jours plus miférable, il pouvoit tous les jours

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