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NOTICE.

SEPT des Réflexions diverses qui suivent ont paru pour la première fois, en 1731, sous le titre de Réflexions nouvelles de M. de la R****, dans un Recueil de pièces d'histoire et de littérature, compilation anonyme que l'on attribue communément à l'abbé Granet et au P. Desmolets 2. Brotier les

1. Ce sont, dans notre texte, les numéros 5, 16, 10, 2, 4, 13 et 3. Elles avaient été imprimées dans l'ordre où sont rangés ces chiffres. 2. Paris, Chaubert, 4 vol. in-12, tome I, p. 32-64. Le premier volume est de 1731, le second de 1732, le troisième de 1738, le quatrième de 1741. · Nous possédons un exemplaire de cet ouvrage où on lit, au verso du feuillet de titre, une note manuscrite d'une écriture ancienne, qui attribue la composition du Recueil à l'abbé Archimbaud. Mais au-dessous la même main a ajouté, plus tard (comme on le reconnaît à l'encre), que « l'abbé Goujet, dans sa Bibliothèque françoise, tome XVII, p. 372, donne ce Recueil, ou au moins le volume IV d'icelui, à feu M. l'abbé Granet. » A la page de titre du tome III se trouve cette autre note, toujours de la même main : << Suivant l'auteur de la France littéraire pour l'année 1757, ce volume est du P. Desmolets, oratorien. » L'Avertissement du tome IV nous apprend également que le troisième volume n'est pas l'œuvre de l'écrivain qui a compilé les trois autres; ceux-ci ont été composés par la personne même « qui a eu l'idée de cette collection (a); » l'auteur du tome III est simplement désigné par les mots de a docte bibliothécaire. C'est sans fondement, ajoute-t-on, qu'un nouvelliste de Paris, dans un journal de Hollande, a associé M. l'abbé

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(a) Moréri (article GRANET) vient à l'appui : « Il est, dit-il, l'éditeur d'un Recueil de pièces d'histoire et de littérature, qui a paru chez Chaubert, en quatre parties.... Il n'a eu aucune part à la publication de la troisième partie.... » Ce qui donne clairement à entendre qu'il a publié les trois autres.

mit dans son édition (1789), sous le titre de Réflexions diverses; mais, pour en rendre, disait-il (p. 257), la lecture plus facile et plus agréable, » il eut l'étrange idée de les dépecer en maximes. Depuis elles ont été reproduites dans la plupart des éditions.

Le marquis de Fortia (1796 et 1802) dit dans son avantpropos que ces sept Réflexions « avoient été imprimées deux fois en entier, lorsque Brotier les inséra dans son édition. » Il se trompe assurément; une seule édition avait précédé celle de Brotier1, qui nous dit lui-même (p. 257) dans ses Observations sur les Réflexions diverses : « Elles n'ont paru qu'une seule fois; encore étoient-elles ensevelies dans un Recueil de pièces d'histoire et de littérature qu'on ne lit pas. On en trouvoit quelques parties, surtout ce qui regarde la Conversation, dans des bibliothèques particulières. » Nous verrons ci-après (p. 290, note 2) que ce n'est pas d'après le texte imprimé de 1731, mais d'après une copie conservée dans quelque bibliothèque, que Brotier a publié l'article de la Conversation, et c'est apparemment cette variante qui a fait supposer à Fortia qu'il y avait eu avant 1789 deux éditions : il n'avait pas pris garde à la phrase de Brotier que nous venons de citer.

L'éditeur de 1731 s'était contenté, ainsi que le Journal des Savants, de désigner l'auteur par une transparente initiale, sans indiquer la source d'où il tirait ces Réflexions, et sans

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Desfontaines à ce Recueil. D - Barbier, Brunet, Quérard s'accordent à attribuer cette compilation à l'abbé Granet et au P. Desmolets. Les citations précédentes montrent bien, ce nous semble, quelle a été la part de l'un et de l'autre : Le « docte bibliothécaire » qui a composé le tome III, c'est le P. Desmolets; « la personne qui a eu l'idée de la collection, » qui a compilé les tomes I, II et IV, et qui par conséquent a publié pour la première fois les Réflexions diverses, c'est l'abbé Granet (né à Brignoles en 1692, mort à Paris en 1741).

1. Fortia n'a pu vouloir désigner comme édition nouvelle la longue suite de citations qui se trouve dans le numéro de septembre du Journal des Savants de 1731 (p. 505 et suivantes), simplement précédée de ces mots : « Ces Réflexions sont divisées en sept classes. La première est de la Confiance, etc.... Nous citerons un exemple de chaque classe, et nous nous bornerons au premier article

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songer à en établir l'authenticité. Cela n'empêcha pas Brotier et ceux qui vinrent après lui de les donner très-affirmativement et sans aucune hésitation comme étant l'œuvre de la Rochefoucauld. Pour les esprits versés en ces matières et familiarisés avec les idées et le style de l'auteur des Maximes, le doute, en effet, n'était guère possible. Cette attribution cependant n'était après tout, pour qui veut appliquer les règle de la critique rigoureuse, qu'une vraisemblable présomption; aussi un juge autorisé entre tous, M. Sainte-Beuve, s'en est-il tenu à cette présomption, déjà fort affirmative en elle-même1 : « Je ne discute point la question de savoir si ces Réflexions diverses sont certainement de la Rochefoucauld; il me suffit qu'elles lui soient attribuées, qu'elles soient dignes de lui, et qu'elles expriment le meilleur goût et tout l'esprit de son monde. La conjecture était fondée, car aujourd'hui la preuve est faite, et la source authentique est découverte. Les sept Réflexions, telles qu'on les a publiées dès 1731, se trouvent intégralement, sauf quelques changements comme on s'en permettait alors, et quelques erreurs de copie, dans le tome A du recueil de manuscrits conservés par la famille même de la Rochefoucauld au château de la Rocheguyon2, et leur authenticité ne saurait être contestée. Sans compter les preuves morales, pour ainsi dire, qui avaient suffi et pouvaient suffire aux précédents éditeurs et critiques, sans compter plusieurs corrections qui sont de la main même de la Rochefoucauld, on rencontrera dans ces Réflexions nombre de passages que nous avons notés avec soin, et que l'auteur a répétés plus ou moins textuellement dans ses Maximes. Toutefois le manuscrit de la Rocheguyon contient dix-neuf réflexions: pourquoi les

de chacune (a) ; » et suivie de ceux-ci : « On peut par ces Réflexions sensées juger des autres. L'auteur fait voir dans toutes la même justesse et la même solidité. >

1. Voyez la Préface de l'édition de Duplessis, Paris, 1853, p. xII, à la note.

2. Voyez l'Avertissement, en tête du présent volume.

(a) Le Journal des Savants donne en effet les commencements des sept Réflexions, excepté de la quatrième (notre numéro 2), pour laquelle la citation ne commence qu'à notre second alinéa (p. 282).

LA ROCHEFOUCAULD. I

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éditeurs de 1731 n'en ont-ils donné que sept, laissant les douze autres à l'écart? La note suivante, qui se trouve en tête du volume manuscrit1, donne d'assez bonnes raisons de ce choix et de cette exclusion :

« Ce manuscrit contient divers opuscules' non imprimés de l'auteur des Maximes; ils sont écrits de la main de ses secrétaires et corrigés de la sienne en quelques endroits. Ils sont antérieurs au livre des Maximes, car on y trouve quelques pensées qu'il a employées dans ce dernier ouvrage, presque sans aucun changement3, et d'autres qu'il a réservées pour les présenter avec plus de force et plus de précision. Il est même vraisemblable que ce recueil est en grande partie l'ouvrage de sa jeunesse, car parmi plusieurs morceaux où l'on reconnoît l'élégance, la finesse et la profondeur qui caractérisent l'auteur des Mémoires et des Maximes, on en trouve d'autres foibles, de petite manière, et quelquefois de mauvais goût. Il est peut

1. Cette note, non signée, est d'une écriture du siècle dernier ; peut-être est-elle d'un bibliothécaire ou archiviste de la maison de la Rochefoucauld; mais on peut l'attribuer avec autant de vraisemblance à l'éditeur de 1731, qui, nous le répétons, est, selon toute probabilité, l'abbé Granet (voyez ci-dessus, p. 271, note 2). Il est à noter, en tout cas, que les sept morceaux désignés comme dignes de l'impression sont précisément ceux que le compilateur a publiés. 2. L'auteur de la note emploie opuscules au féminin.

3. La raison donnée n'est pas péremptoire. L'auteur pouvait aussi bien emprunter à ses Maximes au profit de ses Réflexions, qu'à ses Réflexions au profit de ses Maximes. On le verra, du reste, la plupart des Maximes qui se retrouvent dans les Réflexions, et que nous avons consignées dans les notes sous leurs numéros, appartiennent à la 4 édition (1675) et à la 5o (1678); or la re est, comme l'on sait, de 1665.

4. Ce jugement est assez sévère, mais assez juste en somme. Cependant il n'y a pas lieu d'en conclure que les Réflexions auxquelles il peut s'appliquer soient de la jeunesse de l'auteur. Dans la 14o, il parle de la mort de Turenne tué le 27 juillet 1675; dans la 17o, de la paix de Nimègue conclue en août 1678 (voyez p. 341, note 5), et lui-même mourait dix-huit mois après, le 17 mars 1680, à l'âge de soixante-sept ans. Il faudrait plutôt dire que les moins achevées parmi ces Réflexions sont les dernières que l'auteur ait écrites, et qu'il n'a pas eu le temps de les revoir. La Rochefoucauld, on le sait,

être à propos d'entrer sur cela dans quelque détail, afin que si jamais on avoit envie de donner ce recueil au public, on ne le fit qu'avec les égards qui sont dus à la mémoire et au mérite de l'auteur.

« Voici les morceaux qui m'ont paru le plus capables de répondre à sa réputation1: de la Société; de l'Air et des Manières; de la Conversation; de la Confiance; du Goût; du Faux; de la Différence des esprits; de l'Inconstance; - de la Retraite; des Événements de ce siècle 2.

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• Nota. Ce dernier morceau est l'antépénultième dans le manuscrit; mais l'ordre qu'on suit ici est le plus naturel, et une petite note qui est à la fin du morceau sur la Différence des esprits, donne lieu de conjecturer que c'étoit l'ordre que l'auteur avoit dans l'esprit.

« Par rapport aux chapitres de l' Inconstance et de la Retraite, il y a une observation à faire : c'est qu'ils n'ont pas été revus par l'auteur, qu'ils ont été écrits par un secrétaire sans intelligence; qu'indépendamment des fautes d'orthographe, il y en a qui défigurent le sens et qui quelquefois le rendent inintelligible, que par conséquent il faudroit revoir les deux chapitres avec la plus grande attention".

n'était pas un écrivain de premier jet; il n'arrivait à sa forme définitive qu'à force de retouches pour s'en assurer, il n'y a qu'à comparer sa rre édition des Maximes avec la 5o. Il y a telle pensée où il ne reste presque plus un mot de la rédaction primitive.

1. Il faut faire remarquer encore que l'auteur de cette note suit l'ordre même du manuscrit de la Rocheguyon, tant pour les pièces qu'il choisit que pour celles qu'il élimine, sauf pour celle qui est intitulée des Événements de ce siècle. Comme en avertit le nota qui suit, il rejette à la fin cette Réflexion qui, par son étendue et par son caractère purement historique, diffère en effet des autres, et peut former comme un petit traité à part.

2. Il paraît que l'auteur de cette note s'est ravisé, ou qu'on s'est ravisé après lui, car les trois dernières Réflexions qu'il indique n'ont pas été publiées.

3. Heureusement personne ne s'est chargé de cette révision, et nous pouvons donner ces deux morceaux intacts comme les dix-sept autres; s'ils ne comptent pas parmi les meilleurs du recueil, du moins sont

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