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513, 515 partiellement, 524 et 525) qui se trouvent à la fois dans ce manuscrit', et dans des lettres du tome II des Portefeuilles de Vallant (manuscrits de la Bibliothèque impériale), recueil où nous avons déjà pris diverses variantes des pensées définitives, et qui, en outre, nous donne seul quatre maximes posthumes (530-533) o.

Ce sont les pensées extraites des manuscrits que nous avons mises en tête (505-533); nous plaçons à la suite celles du Supplément de 1693 (534-561); puis nous en donnons une dernière (562), qui nous a été conservée par Saint-Évremond.

Dans le répertoire d'Amelot de la Houssaye se rencontrent deux maximes (505 et 511) que nous ne trouvons que là et dans le manuscrit de la Rocheguyor. D'où Amelot les a-t-il tirées? Sans doute de quelque copie, comme il en existait plus d'une au temps où il composait son recueil3; car il n'est pas probable qu'il les ait prises dans le manuscrit même de la Rocheguyon. D'abord son texte, comme on le verra dans les notes, diffère de celui de ce manuscrit ; puis, s'il l'avait eu à sa disposition, il est bien évident que prenant, comme il faisait, de toutes mains, et entassant pêle-mêle, sans même se soucier de bien distinguer les auteurs, tout ce qu'il trouvait de maximes, il n'aurait pas négligé les autres pensées inédites qui y

1. On en trouvera la description dans la Notice bibliographique.

2. Il y a donc en tout dix de nos maximes posthumes qui se trouvent dans le recueil de Vallant. Neuf sont tirées de quatre lettres de la Rochefoucauld à Mme de Sablé; une, d'une lettre du même à J. Esprit. Ces lettres ont été publiées par Gaëtan de la Rochefoucauld (OEuvres complètes, 1825), aux pages 449, 465, 466, 469 et 470, 475. - Blaise, en reproduisant, comme nous l'avons dit, l'édition de Suard, y a ajouté, au bas des pages, une douzaine de notes contenant des maximes tirées des Portefeuilles de Vallant. Six de ces extraits se trouvent dans nos maximes posthumes (no 509, 510, 513, 515, 524 et 525). C'est par erreur que Blaise indique les autres comme étant inédites (voyez les notes de nos maximes 577 et 618). Aimé-Martin, en 1822, a donné, sous le titre de Second supplément, dix des mêmes pensées; il les rattache, comme variantes, toutes moins une (notre numéro 510), à des maximes définitives; mais pour la moitié au moins, la différence est telle qu'il est impossible de les considérer comme de simples variantes.

3. C'est ainsi qu'on trouve dans les manuscrits de Conrart, à la bibliothèque de l'Arsenal, d'anciennes copies de quelques maximes de la Rochefoucauld, Ces copies, de mains inconnues, contiennent quelques variantes; mais comme ces variantes sont le plus souvent fautives, et n'ont d'ailleurs aucune autorité, nous avons cru devoir n'en pas tenir compte.

4. Le recueil posthume d'Amelot de la Houssaye a été publié par Pichet, Il est impossible de distinguer bien exactement quelle a été, dans la composition de ce recueil, la part d'Amelot lui-même et celle de son éditeur. L'Épître dédicatoire et l'Avertissement de l'imprimeur ne nous donnent pas d'éclaircissements à ce sujet.

sont contenues et qui, avant la présente édition, n'avaient été publiées que par M. Édouard de Barthélemy'.

Nous avons adopté un numérotage continu pour les différentes espèces de maximes, définitives, posthumes et supprimées par l'auteur; nous avons évité ainsi des appendices ou suppléments, qui nuisent toujours à la bonne économie d'une édition.

1. M. de Barthélemy a tiré du manuscrit de la Rocheguyon 260 maximes. Son dernier chiffre est 259, mais il a deux numéros 99. Il indique comme inédits, non pas seulement nos numéros 505 et 511, publiés dans le recueil d'Amelot de la Houssaye, mais encore un grand nombre d'autres, qui ont paru du vivant de l'auteur. Les 260 maximes de son édition se décomposent ainsi : 192 de la série des pensées publiées par la Rochefoucauld (identiques avec ces pensées, ou simples variantes), 26 de nos posthumes, 39 de nos supprimées, et 3 maximes faisant (dans le manuscrit comme chez lui) double emploi, à savoir les numéros 8, 149 et 233. Son numéro 8 est le commencement de sa maxime 207 (626o de notre édition); son numéro 149 est la dernière phrase de sa maxime 132, et reproduit à peu près notre 126°; enfin sa 233° maxime, qui répète sa 24°, n'est autre chose que notre 597*.

MAXIMES POSTHUMES.

DV

Dieu a mis des talents différents dans l'homme, comme il a planté des arbres différents dans la nature, en sorte que chaque talent, ainsi que chaque arbre, a sa propriété et son effet qui lui sont particuliers 1. De là vient que le poirier le meilleur du monde ne sauroit porter les pommes les plus communes, et que le talent le plus excellent ne sauroit produire les mêmes effets du talent le plus commun; de là aussi vient qu'il est aussi ridicule de vouloir faire des sentences, sans en avoir la graine en soi, que de vouloir qu'un parterre produise des tulipes, quoiqu'on n'y ait point semé d'oignons3.

DVI

On ne sauroit compter toutes les espèces de vanité.

1. « Qui leur sont particuliers. » (Édition de M. de Barthélemy.) — Cette maxime n'est que le développement de la 594°, que la première phrase répète.

2. C'est vers le même temps, sans doute, qu'à propos de quelques beaux esprits de province, l'auteur écrivait de Vertœil (le 5 décembre 1662) à Mme de Sablé : « Je ne sais si vous avez remarqué que l'envie de faire des sentences se gagne comme le rhume: il y a ici des disciples de M. de Balzac qui en ont eu le vent, et qui ne veulent plus faire autre chose. »

3. Cette maxime se trouve dans l'édition d'Amelot de la Houssaye (voyez ci-dessus la Notice, p. 221), avec ces différences : « .... comme il a planté de differents arbres.... chaque talent, de même que chaque arbre, a ses proprietés et ses effets.... ne sauroit porter des pommes.... les mêmes effets des talents les plus communs; de là vient encore.... de vouloir faire des semences (sic) sans avoir la graine en soi.... des tulipes, quand on n'a pas planté les oignons. »

DVII

Tout le monde est plein de pelles qui se moquent du fourgon'.

DVIII

Ceux qui prisent trop leur noblesse ne prisent pas assez ce qui en est l'origine'.

DIX

Dieu a permis, pour punir l'homme du péché originel, qu'il se fit un Dieu de son amour-propre, pour en être tourmenté dans toutes les actions de sa vie".

DX

L'intérêt est l'âme de l'amour-propre, de sorte que comme le corps, privé de son âme, est sans vue, sans ouïe, sans connoissance, sans sentiment et sans mouvement, de même, l'amour-propre séparé, s'il le faut dire ainsi, de son intérêt, ne

1. La re édition du Dictionnaire de l'Académie (1694) définit ainsi ce proverbe, à l'article Fourgon : « Cela se dit d'un homme qui se moque d'un autre qui auroit autant de sujet de se moquer de lui. » Montaigne (Essais, livre III, fin du chapitre v, tome III, p. 361) cite également ce proverbe sous cette forme : « Le fourgon se mocque de la paele. » — Rapprochez de la maxime 567.

2. Mme de Sablé avait repris dans le fonds commun cette pensée qui lui appartenait sans doute, car, dans le recueil de ses Maximes, on trouve sous le numéro 72 : « Ceux qui sont assez sots pour s'estimer seulement par leur noblesse méprisent en quelque façon ce qui les a rendus nobles, puisque ce n'est que la vertu de leurs ancêtres qui a fait la noblesse de leur sang. » La Rochefoucauld a pu restituer sans regret cette réflexion assez insignifiante. — Meré (maxime 436): : « L'honnête homme ne se souvient jamais de sa noblesse que pour s'en rendre plus digne, c'est-à-dire pour devenir plus sage et plus vertueux. >>>

3. Blaise et Aimé-Martin donnent cette maxime d'après une lettre à Mme de Sablé (Portefeuilles de Vallant, tome II, fo 256); leur texte porte, par erreur: se fit un bien, » pour a se fit un Dieu. »

4. Voyez la note de la maxime 494.

5. a L'intérêt est l'ami de l'amour-propre. » (Édition de M. de Barthélemy.) -La même édition, à la ligne suivante, donne vie pour vue, et logiquement, après cette altération, elle remplace, trois lignes plus loin, voit par vit.

voit, n'entend, ne sent et ne se remue plus. De là vient qu'un même homme, qui court la terre et les mers pour son intérêt, devient soudainement paralytique pour l'intérêt des autres; de là vient ce soudain assoupissement et cette mort que nous causons à tous ceux à qui nous contons nos affaires; de là vient leur prompte résurrection lorsque, dans notre narration, nous y melons quelque chose qui les regarde de sorte que nous voyons, dans nos conversations et dans nos traités, que, dans un même moment, un homme perd connoissance et revient à soi, selon que son propre intérêt1 s'approche de lui, ou qu'il s'en retire 2.

:

DXI

Nous craignons toutes choses comme mortels, et nous desi rons toutes choses comme si nous étions immortels.

1.

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Selon que son propre intérieur. » (Édition de M. de Barthélemy.) 2. Cette maxime, que nous tirons du manuscrit de la Rocheguyon, se trouve aussi dans une lettre à Mme de Sablé (Portefeuilles de Vallant, tome II, f 159). Blaise l'a placée à la suite des maximes définitives, et Aimé-Martin dans son Second supplement. Leur texte n'offre qu'une seule variantele soudain assoupissement, » pour » ce soudain assoupissement. » Le texte de Gaëtan de la Rochefoucauld (OEuvres complètes, p. 466) n'a pas cette variante, mais quelques autres : sans sentiment, sans mouvement.... l'amour-propre séparé......... de l'intérêt.......... ne sent et ne remue plus, Rapprochez des maximes 139, 314, et de la 4o des Réflexions diverses. — Mme de Sablé dit à peu près de même dans sa maxime 29: « Tout le monde est si occupé de ses passions et de ses intérêts, que l'on en veut toujours parler, sans jamais entrer dans la passion et dans l'intérêt de ceux à qui on en parle, encore qu'ils aient le même besoin qu'on les écoute et qu'on les assiste. » — Elle dit encore dans sa maxime 3: « Au lieu d'être attentifs à connoître les autres, nous ne pensons qu'à nous faire connoître nous-mêmes. Il vaudroit mieux écouter pour acquérir de nouvelles lumières, que de parler trop pour montrer celles que l'on a acquises. J. Esprit donne à son tour la mėme pensée, mais d'une façon singulièrement plate (tome II, p. 68): «< Toutes les conversations où l'on ne dit rien qui touche nos passions, ou qui flatte notre vanité, nous sont insupportables, et c'est de là que viennent ces distractions, ces langueurs et cette espèce de pâmoison où nous tombons, aussitôt que nous apercevons que celui qui nous entretient prend le train de parler seulement de lui-même et de ne rien dire pour nous. » — Meré dit avec plus de concision et de netteté (maxime 335) : « Qui veut qu'on suive ses sentiments doit feindre d'entrer dans ceux des autres. »

«

3. « .... et nous les desirons toutes comme si........ » (Édition d'Amelot de la Houssaye.)

LA ROCHEFOUCAULD, I

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