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livre de M. Adolphe d'Houdetot intitulé Braconnage et contre-braconnage. Là on trouve les descriptions de toutes les sortes de piéges et d'engins, avec le moyen de les combattre et d'assurer la propagation de toutes les espèces de gibiers. Mais nous n'avons pas affaire à un chasseur impitoyable qui ferait pendre un malheureux paysan, comme dans le bon temps, pour quelques pièces de menu gibier; il nous amuse au contraire par le récit des formes les plus curieuses sous lesquelles renaît le braconnage, à mesure qu'on le poursuit.-Les Souvenirs de mes chasses et de mes pêches dans le midi de la France, par le vicomte Louis de Dax, méritent aussi d'être mentionnés comme dignes de prendre place dans la bibliothèque d'un chasseur.

Une des grandes curiosités, assez peu littéraire d'ailleurs, de l'année, a été la propagation en Europe des procédés de M. Rarey pour dompter les chevaux les plus rebelles. Cette curiosité a eu sa manifestation bibliographique dans l'Art de dompter les chevaux, traduit du texte anglais par M. Th. de Guaita3. Cette publication a été un singulier désappointement pour ceux qui la veille payaient 250 francs pour connaître le fameux secret du dompteur et s'engageaient à une discrétion absolue sous peine de 12500 francs d'amende. Tout le monde a pu apprendre les mêmes secrets et en faire part impunément à ses amis et connaissances au moyen d'un livre qui ne coûtait que vingt sous. Ce livre était la traduction d'une brochure publiée en 1856, par M. Rarey lui-même sur l'art de dompter les chevaux sauvages. Cet art, très-sérieux au fond, repose sur la double connaissance de la nature du cheval et de la puissance de la volonté humaine et consiste à faire reconnaître au cheval dans l'homme à la fois un maître et un ami.

1. In-18. Charpentier; in-8. Mme Croissand.

2. In-12. Castel. 3. In-18. Dentu.

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Au chapitre des variétés appartiennent, à des titres divers, les publications suivantes : la Fin du monde et les comètes au point de vue historique et anecdotique, par M. Maurice Champion 1; les Nobiliaires, curiosités nobiliaires et héraldiques, par M. Alphonse Chassant2; Du rôle des coups de bâtons dans les relations sociales et en particulier dans l'histoire littéraire, par M. V. Fournel3; Étude bibliographique sur les fous littéraires, par M. Octave Delepierre, secrétaire de la Société des philobiblons *; puis un certain nombre de publications du bibliophile Jacob: les Curiosités du vieux Paris ; les Curiosités de l'histoire de France; les Secrets de nos pères, en plusieurs séries, contenant l'Art de conserver la beauté; la Cryptographie, etc.

Ces dernières publications pourraient nous conduire à parler d'une foule de réimpressions d'œuvres de notre ancienne littérature, telles que le Cymbalum mundi, de Bonaventure des Périers; les OEuvres complètes de Tabarin; l'Histoire amoureuse des Gaules, de Bussy-Rabutin, qui n'a pas eu moins de trois réimpressions en une année; l'Heptameron des nouvelles, de Marguerite d'Angoulême; les Mémoires de Marguerite de Valois; les Nouvelles françaises du XVIe siècle, les incessantes réimpressions de Rabelais, texte seul ou annoté, avec index, commentaire, glossaire, etc. A part toutes les publications isolées d'œuvres de cette nature, des collections entières leur sont ouvertes; la principale, la Bibliothèque Elzévirienne, de M. P. Jannet, compose à elle seule tout un magasin de curiosités littéraires, reproduites en général avec beaucoup d'intelligence et un grand soin typographique.

1. In-32. A. Delahays.

4. Londres, in-8.

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2. In-12 Aubry. 3. In-32. A. Delahays. In-18. A. Delahays.

6. In-16, ibidem, 2 séries; la seconde contenant les Procès célèbres.

Rien n'accuse peut-être mieux la pauvreté littéraire d'une époque que cette fureur de réimprimer toutes les œuvres de l'ancienne littérature et de l'ancienne langue. Une chose remarquable est que celles de ces réimpressions qui ont le plus de succès, semblent être celles qui s'éloignent le plus de la sévérité ou de la pruderie, comme on voudra, qui a remplacé dans notre langage la vieille verve gauloise; car il y a plus loin de des Périers ou de Tabarin à Molière que de Molière à nous.

C'est ici encore qu'il faudrait dire quelques mots d'une littérature toute spéciale qui, à tort peut-être, n'exerce pas les plumes illustres, mais qui ouvre au commerce, après les livres de piété, un des plus vastes débouchés, et qui fournit à des millions d'individus la seule pâture intellectuelle, historique, scientifique, qui arrive jusqu'à eux : nous voulons parler de la littérature des Almanachs. Il y en a pour toutes les classes de lecteurs, pour toutes les positions sociales, pour les oisifs et pour les hommes occupés, pour les grandes personnes et pour les enfants. Il y en a de sérieux et d'amusants. Il y en a d'ancienne fondation et d'origine nouvelle; chaque année en voit éclore, et en grand nombre. La librairie Pagnerre n'en édite pas, à elle seule, moins d'une trentaine; et dans le nombre, quelques-uns ont une allure littéraire ou artistique qui les distingue de leur nombreuse famille; d'autres se relèvent par des illustrations exécutées avec soin.

Beaucoup se présentent aujourd'hui sous un format de luxe beau papier, large marge, élégante couverture et tranche dorée. Mais ce n'est pas à ceux-là qu'est réservée la grande popularité. Elle appartient de longue date aux nombreux Almanachs Liégeois, Petit Liégois, Double Liégeois, Nouveau double Liégeois: Véritable double Liégeois, Triple Liégeois. Mais pour être véritablement liégeois et se vendre à ce titre dans nos campagnes, par

centaines de mille, il faut garder fidèlement le cachet du vieux Mathieu Læensberg. Ne parlez pas d'améliorations typographiques, de papier plus blanc, de brochage plus soigné, de vignettes moins gothiques; Mathieu Læensberg deviendrait suspect à celui qui n'achète que ce seul livre par an. Il lui faut ce volume épais et court, imprimé sur papier grossier, en caractères faisant saillie sous le doigt, orné, ou si l'on veut défiguré, d'images informes, et attaché, pour tout brochage, par une ficelle passée dans toutes les feuilles dont elle mange tout le blanc. Voilà ce qu'enseigne à l'intérêt toujours si clairvoyant du marchand la connaissance des instincts du peuple; voilà ce qui peut fournir au philosophe ou à l'homme politique matière à réflexions sur la lenteur du progrès parmi les masses, et sur la nécessité de compter toujours avec les résistances obstinées de l'ignorance et de la routine.

RECUEILS PÉRIODIQUES.

Mouvement de la presse périodique. Organes anciens, organes nouveaux. Tableau général.

Les recueils périodiques, journaux ou revues, tendent à prendre chaque jour, dans notre littérature, un développement plus considérable. A part le nombre toujours croissant des publications nouvelles, les anciennes agrandissent leur format ou multiplient démesurément leurs pages. La revue se fait livre. C'est ainsi que, par une rivalité qui se manifestait sous toutes les formes, nos deux principaux recueils littéraires de ces dernières années, la Revue des Deux-Mondes et la Revue Contemporaine, ont semblé depuis quelque temps faire assaut même de grosseur, et sont arrivées à donner en deux livraisons un énorme volume par mois. D'autre part, comme nous l'avons montré ', le livre se fait revue; la moitié de nos ouvrages nouveaux sont formés d'articles et de travaux divers extraits des recueils périodiques. Tels sont tous ces volumes que nous avons signalés sous les titres d'Essais, de Mélanges, d'Études, de Fragments, de Causeries, de Variétés, etc., etc.

Quelquefois les fragments du livre ont passé deux fois sous les yeux du public dans des recueils de nature différente, avant de prendre leur forme définitive. Il y a tel journal d'érudition pure, comme le Journal des Savants,

1. Chap. IV. Critique et histoire littéraire.

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