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pour

défendre les intérêts sacrés que la littérature a compromis, ne peut s'y prendre plus mal un roman en forme de traité ne sera lu que par ceux qui n'ont pas besoin qu'on leur mette un traité en roman; l'auteur des Amours purs aurait bien fait de se souvenir des conseils du vieux Lucrèce et de cacher sous le miel les bords de la coupe où elle a versé son salutaire breuvage.

Mais en voilà assez pour ce genre de petits récits qui se prêtent mal à d'aussi grandes entreprises, et qui si gracieux qu'ils soient, ne peuvent compter dans la littérature que comme intermède ou comme préludes. Leur place est plutôt dans les revues que dans le livre, et, comme les Scènes de la vie aux États-Unis, de M. Assollant, ou les Scènes du Bas-Languedoc [Mos de Lavène], publiées par Mme Louis Figuier, sous le nom de Claire Sénart, on aime surtout à les accueillir comme une révélation et une promesse.

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Le roman dans les recueils périodiques. Le Journal pour tous.

En dehors des deux mille volumes environ de romans ou de nouvelles qui ont paru cette année en librairie, nous ne voulons prendre, pour en rendre compte, aucune des œuvres, souvent considérables, du même genre qui ont été publiées par les journaux quotidiens, par les revues littéraires ou par les feuilles populaires illustrées, spécialement consacrées au roman. Combien de volumes, par exemple, ne feront pas les Étrangleurs de Paris, ce sombre et terrible roman en quatre parties, que MM. Constant Guéroult et Paul de Couder publient depuis plus de six mois dans le Courrier de Paris! Celui de Madame Gil-blas, publié par M. Paul Féval, l'année précédente, dans la

Presse, ne forme pas, en librairie, moins de vingt-deux volumes. Pour faire comprendre toute l'activité que l'imagination de nos romanciers en vogue déploie, pendant une seule année, dans tous nos recueils periodiques, nous nous bornerons à donner le sommaire d'un seul d'entre eux, le Journal pour tous. On distinguera facilement, parmi les titres qui vont suivre, les romans d'avec les simples nouvelles, par le nombre des numéros dans lesquels les premiers se continuent; car il ne faut pas l'oublier: la place qui est faite dans chacun des numéros de cette feuille populaire et de celles du même format, équivaut souvent au quart ou à la moitié d'un volume d'un cabinet de lecture, en sorte qu'un roman, qui a plusieurs suites dans ces journaux, atteint bien vite les proportions les plus respectables.

La dernière année complète du Journal pour tous, formant son troisième volume (1857-1858, in-4° à trois colonnes), donne dans son premier numéro (n° 105 de la Collection), la cinquième et dernière partie d'un grand roman de M. Alexandre Dumas, les Compagnons de Jehu, qui s'est épanoui largement dans le volume de l'année précédente. Le même numéro contient aussi la suite de l'Or maudit, qui se continue dans deux numéros encore. Viennent ensuite, comme œuvres nouvelles : la Main coupée, traduit de Wilhelm Hauff, par M. A. Materne (n° 106); les Aventures d'un Misanthrope, par M. X. B. Saintine (n° 106-109), première forme du roman, qui a paru ensuite sous ce titre Seul! et qui est une étude sur les effets de la solitude, dans le cadre de la relation véridique et primitive de Robinson; la Main du mort, par M. Marcellin La Garde (no 108); le Page Fleur de Mai, par M. Ponson du Terrail (n° 109-115); Madeleine Lorin, par M. Charles Barbara (no 110-113); les Compagnons du silence, grand roman dramatique en cinq parties, de M. Paul Féval (no 114-129); la Régina, par M. Charles Barbara (no 114);

l'Ambition de Jean-Louis, par M. William Reymond (n° 115116); Histoire d'un bossu, par M. Victor Fournel (no 116) Les tribulations d'un apothicaire, imité de William OErtel, par M. Edouard Scheffter (no 117); les Fous, par M. Charles Barbara (no 118); l'Expiation, imité de H. Rau, par M. X. Marmier (n° 119-120); le Double aveu par M. Alfr. Michiels (nos 121-123); la Punition, par M. Paul Bocage (no 124); le Jeu de cartes, par M. L. Léouzon Le Duc (no 125); Un Deuil, par M. Ch. Grandvallet (no 126); le Comte Alarcos, par M. Paul Bocage (no 127); Un Monsieur qui ne sait pas lire, par M. Adrien Paul (n° 128); l'Héritage, traduit de J. F. Smith, par M. Ed. Scheffter (no 129-146); la Comtesse du Housset, par M. Pierre Guérin (no 130-131); Italia! Italia! par M. P. Bocage (no 132); Clara, par M. Alf. de Bréhat (n° 1313-34); Étiennette, par Mme Léonie d'Aunet (no 135-137); Poudre à canon, par M. Ed. Salvaire (n° 138); Une Nuit dans une maison de jeu en Californie, par M. X. Marmier (n° 139): Une Faute irréparable, par Mme Ancelot (n° 140-141); Jean-Marie par Lucy-Constant (n° 142-143); Jeunesse d'un sage, imité du chinois, par C. H. de Méritens (n° 142); la Bête du Gévaudan, par M. Elie Berthet (n° 144-153); les Dieux Lares, par M. L. San-Francisco (no 147-148); l'Émissaire, par M. Pierre Guérin (n° 149); la Course aux créanciers, par M. Ch. Grandvallet (no 150); la Clef du chambellan, par M. Alf. Pourchel (no 151); les Louves de Machecoul, épisode de la guerre de Vendée en 1832, grand roman historique de M. Alexandre Dumas, dont les nombreuses suites s'étendent dans les numéros de l'année suivante (no 152-156 et suiv.); Un Été orageux, par MM. Moléri et Amédée Gouet (nos 152-156 et suiv.); la Dame Ysabeau, par M. J. de Marchef-Girard (no 154); Marguerite, par M. P. Guérin (nos 155-156 et suiv.).

En résumé, dans le cours d'une année, les 2500 colonnes du Journal pour tous, dont le cinquième environ est ré

servé à des variétés historiques, scientifiques ou littéraires, ne contiennent pas moins de douze grands romans, neuf nouvelles équivalentes à de petits romans et vingt nouvelles de dimensions ordinaires. Dans ce nombre, quatre nouvelles, dont une imitée du chinois et trois traduites de l'allemand, ainsi qu'un des plus longs romans, l'Héritage, traduit de l'anglais, représentent le contingent de la littérature étrangère.

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Le roman étranger et les traductions.

Ce contingent est souvent plus considérable dans les recueils populaires illustrés dont les romans anglais ou américains ont fait en partie, à l'origine, la fortune. La même faveur les a accueillis quelquefois dans les journaux quotidiens, et, en dehors de la presse périodique, on a vu les plus populaires des romans étrangers, comme la Case de l'oncle Tom, être l'objet de trois et quatre traductions françaises à la fois. Une grande collection est ouverte d'une manière permanente aux chefs-d'œuvre de cet ordre, sous le titre de Bibliothèque des meilleurs romans étrangers: elle se compose aujourd'hui d'une centaine de volumes, représentant les œuvres les plus diverses d'auteurs de toutes les nations, depuis Ainsworth, dans l'ordre alphabétique, jusqu'à Zschokke. Les auteurs contemporains y dominent, entre autres Mrs Beecher Stowe, sir Lytton Bulwer, miss Cummins, miss Currer Bell, M. Ch. Dickens, M. Disraeli, M. Freytag, Lady Fullerton, M. Van Lennep, Mrs Ann Stephens, MM. Thackeray, Tourgueneff, Mrs Trollope, etc. Les écrivains de la littérature anglaise

1. In-12. Lahure et Cie.

et, dans celle-ci, sir L. Bulwer et MM. Dickens et Thackeray sont le plus largement représentés.

Chaque année la collection s'enrichit d'un certain nombre de traductions nouvelles, et, par ces importations incessantes, elle peut exercer une influence assez considérable, dans le domaine du roman français, sur le goût des lecteurs et, par suite, sur la direction même de nos productions nationales. Nous nous bornerons à rappeler les titres des principales traductions datées de l'année qui vient de finir. Cette branche de la littérature étrangère mérite mieux qu'une simple énumération, et nous comptons bien consacrer successivement aux principaux romanciers des divers pays une étude générale d'après l'ensemble de leurs œuvres, importées une à une parmi nous. Mais, pour cette année, les tendances et les prétentions ambitieuses du roman français nous ont entraîné à des discussions si longues qu'il nous tarde de quitter un genre de composition dont l'utilité réelle est loin d'égaler le développement exagéré.

L'œuvre de M. Charles Dickens, dont la traduction s'exécute, avec l'autorisation spéciale de l'auteur, sous la direction d'un ancien professeur et administrateur de l'Université, le savant M. P. Lorain, sera bientôt complète dans la Bibliothèque des meilleurs romans étrangers, dont elle forme aujourd'hui vingt volumes. Les derniers parus sont: Barnabé Rudge (2 vol.), David Copperfield (2 vol.), l'une des plus originales compositions de l'auteur; Olivier Twist (1 vol.), la Petite Dorrit (3 vol.), l'une des œuvres les plus gracieuses et les plus morales du roman moderne et dans laquelle M. Dickens se retrouve tout entier; Vie et aventures de Martin Chuzzlewitt (2 vol.), traduction de M. Alfred des Essarts, l'un des premiers ouvrages de l'auteur et qui permet, comme terme de comparaison, de juger des progrès de son talent. Plusieurs de ces romans avaient déjà été traduits en dehors de cette collection, et quelques

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