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A votre approche, il s'est soudain
Sauvé par la croisée. »

DUCRAY-DUMINIL.

IL EST TEMPS, MA CHÈRE SONNETTE

CLEF DU CAVEAU: 218.

-1796

Il est temps, ma chère sonnette,
Que je t'apprenne ton devoir,
Car ton bruit, petite indiscrète,
Me trompe du matin au soir.
Je crois voler vers ce que j'aime,
J'ouvre au plus triste des sergents.
Ah! devrais-tu sonner de même
Pour deux êtres si différents?

Quand, vers la brune, ma maîtresse
Viendra t'agiter sous ses doigts,
Pour que mon cœur la reconnaisse,
Imite le son de sa voix,

Mais quand un créancier farouche
Vient t'ébranler dès le matin,

Pour nommer la main qui te touche,
Imite le son du tocsin.

Lorsque pour chanter une gamme,
Un vieil oncle sonne chez moi,
Que le bourdon de Notre-Dame
Soit moins monotone que toi.
Mais quand une lettre d'Elvire
M'est apportée en tapinois,
Imite le son de sa lyre,
On ne sonnera pas deux fois.

Si certain poëte m'apporte

Un drame aussi long qu'ennuyeux,

De peur que je n'ouvre ma porte,
Je t'ordonne de sonner creux.
Mais quand un débiteur honnête
Viendra, chargé d'un sac bien plein,
A mon oreille satisfaite

Fais entendre un son argentin.

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Heureux qui, dans sa maisonnette, Dont la neige a blanchi le toit, Nargue les chagrins et le froid, Au refrain d'une chansonnette! Que les soirs d'hiver sont charmants, Lorsqu'une famille assemblée Sait, par divers amusements, Égayer, égayer la veillée.

Assis près de sa bien-aimée, Voyez le paisible Lapon, Lorsque la neige à gros flocon Tombe sur sa hutte enfumée ; Autour du feu, dans ce réduit, La famille entière assemblée Semble trouver six mois de nuit Trop courts, trop courts pour la veillée.

J'aime surtout une soirée

Où l'on parle de revenants,

Alors qu'on entend tous les vents
Siffler autour de la contrée.

A ces récits intéressants

Toute la troupe émerveillée

Tremble, écoute, et voudrait longtemps

Prolonger, prolonger la veillée.

VILLEMONTEZ.

LA MONTRE

CLEF DU CAVEAU: 533.

La montre est de la vie humaine
Le modèle le plus parfait;
Elle a constamment une chaîne,
Et va par un ressort secret :
Elle s'arrête à la limite

Et ne saurait la dépasser;
Quoiqu'elle aille toujours trop vite,
L'homme se plaît à l'avancer.

Ingénieux, dans ma tendresse,
J'ai toujours deux montres sur moi;
Pour être auprès de ma maîtresse,
J'en fais un différent emploi :
L'une avance, je la regarde

Quand vient l'heure du rendez-vous;
Mais je prends celle qui retarde
Quand il faut quitter ses genoux.

Les femmes, pour suivre l'usage,
Portent les montres dans leur sein;
Mais ce précieux assemblage
Les expose à plus d'un larcin.
Ainsi, dans la même demeure,

Par la mode on voit allier

Ce qui fait souvenir de l'heure
Et ce qui la fait oublier.

ÉTIENNE.

Gracieux badinage d'une de nos célébrités du premier empire. C'est qu'à cette grande époque, si peu littéraire, au dire de certaines excentricités du jour si ridiculement impuissantes, les écrivains d'alors, parés de la plus belle renommée, ne dédaignaient pas le culte de la chanson, c'est-à-dire de la grâce, de la finesse piquante, de l'esprit éminemment français. Nous avons déjà dit un mot d'Étienne (page 257).

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