Mais je prétends savoir pourtant,
Quel mal si grand d'un jeune enfant, Peut craindre une bergère.
Je vis hier le beau Lucas Assis près de Glycère;
Il lui parlait tout près, tout bas, Et d'un air bien sincère; Il lui vantait un dieu charmant, Ce dieu, c'était précisément L'enfant que craint ma mère.
Pour sortir de cet embarras Et savoir le mystère, Cherchons l'Amour avec Colas
Sans rien dire à ma mère.
Et, supposé qu'il soit méchant, Nous serons deux contre un enfant, Quel mal peut-il nous faire?
Lise a vu, dit-on, cet enfant Que redoutait sa mère, L'a-t-elle trouvé fort méchant? Elle en fait un mystère ; Mais on sait bien qu'avec Colas, Lise, en rougissant, dit tout bas :
Je ne crois plus ma mère.
L'on pouvait partout sûrement Labourer dans son héritage, Si hardiment que nul outrage, Nul chagrin, n'eussent été faits Sous peine d'encourir dommage Hélas! le bon temps que j'avais!
De paix et de tranquillité Lors on était en sauvegarde. Justice avait autorité.
De nul danger on n'avait garde; Près du riche, l'âme gaillarde, Fier, quoique pauvre, je marchais, Sans redouter la hallebarde. Hélas! le bon temps que j'avais !
Il n'était en cette saison De loger par fourrier, nouvelles, Ni chez nous mettre garnison; Mais faire chère des plus belles, Prendre à deux mains grandes bouteilles, Manger bien chaud, boire bien frais, Et chanter sous les vertes treilles. Hélas! le bon temps que j'avais !
Eh! croyez-vous qu'il faisait bon En ces beaux prés, à table ronde, A voir le beau, le gras jambon, La sauce en écuelle profonde, Deviser de Margot la blonde; Et puis danser sous la saulsais, Il n'était autre joie au monde. Hélas! le bon temps que j'avais!
Du temps du feu roi trépassé 1, On ne volait point par la ville; Je n'étais point éclaboussé
1 Charles VII; donc cette chanson était écrite sous le règne du terrible Louis XI.
Par des gens d'humeur incivile. Les sergents, trottant à la file, Ne demandaient point où j'allais; Je marchais, gai, libre et tranquille. Hélas! le bon temps que j'avais !
MARTIAL D'AUVERGNE.
ROSETTE, POUR UN PEU D'ABSENCE
AIR J'ai vu le Parnasse des dames.
Rosette, pour un peu d'absence Votre cœur vous avez changé, Et moi, sachant cette inconstance, Le mien autre part j'ai rangé. Jamais plus beauté si légère Sur moi tant de pouvoir n'aura : Nous verrons, volage bergère,
Qui premier s'en repentira.
Tandis qu'en pleurs je me consume,
Maudissant cet éloignement,
Vous qui n'aimez que par coutume, Caressez un nouvel amant.
Jamais légère girouette
Au vent sitôt ne se vira... Nous verrons, bergère Rosette, Qui premier s'en repentira.
Où sont tant de promesses saintes, Tant de pleurs versés en partant? Est-il vrai que ces tristes plaintes Sortissent d'un cœur inconstant?
Dieux! que vous êtes mensongère! Maudit soit qui plus vous croira! Nous verrons, volage bergère, Qui premier s'en repentira.
Jamais celui qui me remplace Ne vous aimera tant que moi; Et celle que j'aime vous passe, De beauté, d'amour et de foi. Gardez bien votre amitié neuve, La mienne plus ne variera; Et puis nous verrons, à l'épreuve, Qui premier s'en repentira.
Ce poëte vivait sous le règne de Henri III.
Les demoiselles de ce temps
Ont depuis peu beaucoup d'amants; On dit qu'il n'en manque à personne; Béni soit Dieu! l'année est bonne.
Nous avons vu les ans passés Que les amants étaient glacés; Mais maintenant tout en foisonne; Béni soit Dieu! l'année est bonne.
Le temps n'est pas bien loin encor Qu'ils se vendaient au poids de l'or, Et pour le présent on les donne; Béni soit Dieu! l'année est bonne!
Le soleil de nous rapproché Rend le monde plus échauffé; L'Amour règne, le sang bouillonne; Béni soit Dieu ! l'année est bonne.
Poëte très-fort dans les bonnes grâces de Richelieu, puis de Mazarin. Il fut de l'Académie dès sa création, en 1635. Coryphée de l'hôtel de Rambouillet, il fut trop encensé de son vivant; la postérité a fait justice d'une gloire un peu usurpée.
Mais, si l'on se sent enflammer D'un feu dont l'ardeur est extrême, Et qu'on n'ose pas l'exprimer, Qu'on est sot alors que l'on aime!
Si, dans la fleur de son bel âge, Une qui pourrait tout charmer Vous donne son cœur en partage, Qu'on est sot de ne pas aimer !
Mais s'il faut toujours s'alarmer, Craindre, rougir, devenir blême Aussitôt qu'on s'entend nommer, Qu'on est sot alors que l'on aime!
Pour complaire au plus beau visage Qu'Amour puisse jamais former,
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