NEUF mois entiers, pour complaire à mon
Le grand Henry, que le Ciel a fait naistre Comme un bel aftre aux humains flamboyant. Pour ce defert j'ai la France laiffée, Y confumant ma pauvre ame blessée, Sans nul confort, finon qu'en le voyant.
FASSE le Ciel, que ce valeureux prince Soit bientoft Roy de quelque autre province, Riche de gens, de citez & d'avoir! Que quelque jour à l'empire il parvienne ! Et que jamais icy je ne revienne, Bien que mon cœur foit brûlant de le voir.
BIEN heureux qui peut paffer fa vie Entre les fiens, franc de haine & d'envie, Parmi les champs, les forefts & les bois, Loin du tumulte & du bruit populaire; Et qui ne vend fa liberté, pour plaire Aux paffions des princes & des rois !
IL n'a fouci d'une chofe incertaine,
Il ne fe paift d'une espérance vaine, Ни
Nulle faveur ne le va decevant, De cent fureurs il n'a l'ame en brasée; Et ne maudit fa jeunesse abufée, Quand il ne trouve à la fin que du vant.
IL ne fremift quand la mer courroucée Enfle fes flots contrairement pouffée Des vens efmeus foufflans horriblement: Et quand la nuit à fon aise il fommeille, Une trompette en furfaut ne l'efveille, Pour l'envoyer du lict au monument.
L'AMBITION fon courage n'attise, D'un fard trompeur fon ame il ne deguise, Il ne fe plaift à violer fa foy,
Des grands feigneurs l'oreille il n'importune Mais, en vivant coutant de fa fortune, Il eft fa cour, fa faveur, & fon roi.
JE vous rens grace, ô Deïtez facrées Des monts, des eaux, des forefts & des prées Qui me privez des penfers foucieux, Et qui rendez ma volonté contente, Chaffant bien loin la miférable attente Et les defirs des cœurs ambitieux.
DEDANS mes champs ma pensée eft enclose Si mon corps dort, mon efprit fe repofe;
Un foin cruel ne le va devorant.
Au plus matin la fraischeur me soulage : S'il fait trop chaud, je me mets à l'ombrage; Et s'il fait froid, je m'échauffe en courant.
Si je ne loge en ces maisons dorées, Au front fuperbe, aux voûtes painturées D'azur, d'efmail, & de mille couleurs, Mon œil fe paift des trefors de la plaine Riche d'œillets, de lis, de marjolaine, Et du beau teint des printanieres fleurs.
DANS les palais enflez de vaine pompe, L'ambition, la faveur qui nous trompe, Et les foucis logent communément: Dedans nos champs fe retirent les Fées Roynes des bois, à treffes decoiffées, Les Jeux, l'Amour, & le Contentement.
AINSI vivant, rien n'eft qui ne m'agrée. J'oy des oifeaux la mufique facrée, Quand au matin ils beniffent les Cieux; Et le doux fon des bruyantes fontaines, Qui vont coulans de ces roches hautaines Pour arroufer nos prez delicieux.
QUE de plaifir de voir deux colombelles Bec contre bec, en tremouffant des ailes,
Mille baifers fe donner tour-à-tour: Puis, tout ravi de leur grace naïve, Dormir aux frais d'une fource d'eau vive, Dont le doux bruit femble parler d'Amour!
QUE de plaifir de voir fous la nui& brune, Quand le Soleil a fait place à la Lune, Au fond des bois les Nymphes s'affembler, Monftrer au vent leur gorge defcouverte, Danfer, fauter, fe donner cotte-verte, Et fous leur pas tout l'herbage trembler!
LE bal fini, je dreffe en haur la veue, Pour voir le teint de la Lune cornuë, Claire, argentée; & me mets à penfer Au fort heureux du pafteur de Latmie: Lors je fouhaite une auffi belle amie; Mais je voudrois en veillant l'embrasser.
AINSI la nuit je contente mon ame. Puis quand Phebus de fes rais nous enflame; J'effaye encor mille autres jeux nouveaux Diversement mes plaifirs j'entrelafse, Ores je pefche, or' je vais à la chaffe, Et or' je dreffe embuscade aux oyfeaux.
JE fay l'amour; mais c'eft de telle forte, Que feulement du plaisir j'en rapporte,
N'engageant point ma chere liberté : Et quelques laqs que ce Dieu puiffe faire Pour m'attraper, quand je m'en veux distraire, J'ay le pouvoir comme la volonté.
DOUCES brebis, mes fidelles compagnes, Hayes, buiffons, forefts, prez & montagnes, Soyez tęfmoins de mon contentement. Et vous (ô Dieux ! ) faites, je vous supplie, Que cependant que durera ma vie,
Je ne connoiffe un autre changement!
« PreviousContinue » |