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peut rien ajoûter à ce que Monfieur Def preaux en dit :

DE ces maîtres fçavans difciple ingénieux,
Regnier, feul parmi nous formé fur leurs modéles
Dans fon vieux ftyle encore a des graces nouvelles.
Heureux, fi fes difcours, craints du chafte lecteur,
Ne fe fentoient des lieux où fréquentoit l'auteur ;
Et fi, du fon hardy de fes rimes cyniques,
Il n'allarmoit fouvent les oreilles pudiques.

Regnier mourut l'an 1613. On prétend que les excès qu'il fit abrégerent sa vie; car il étoit fort débauché. Il ne s'en cachoit pas; on en voit des marques en plufieurs endroits de fes Poëfies, & particuliérement dans cette Epigramme, qu'il fit, à ce que l'on dit pour fon Epitaphe:

J'AY vefcu fans nul penfement,
Me laiffant aller doucement
A la bonne loy naturelle;
Et fi m'eftonne fort pourquoy
La Mort ofa fonger à moy,
Qui ne fongeay jamais en elle.

REGNIER.

A Monfieur l'Abbé de Beaulieu, nommé par Sa Majefté à l'Evefché du Mans.

SATYR E.

CHARLES, de mes pechez j’ay bien fait peni

tence.

Or toy, qui te cognois aux cas de confcience,
Juge fi j'ay raison de penser eftre abfous.

J'oyois un de ces jours la Meffe à deux genoux.
Faifant mainte oraison, l'œil au ciel, les mains

jointes,

Le cœur ouvert aux pleurs, & tout percé de pointes
Qu'un devot repentir eflançoit dedans moy,
Tremblant des peurs d'enfer,& tout bruflant de foy
Quand un jeune frifé, relevé de moustache,
De galoche, de botte, & d'un ample pennache

Me vint prendre,& me dia,penfant dire un bon moti
Pour un Poëte du temps, vous eftes très-dévot.
Moy civil, je me leve, & le bon jour luy donne.
(Qu'heureux eft le folaftre, à la tefte grifonne,
Qui brufquement euft dit avecq' une fambieu :
Ouy, bien pour vous, Monfieur, qui ne croyez en
Dicu.

SOTTE difcretion, je voulus faire accroire
Qu'un Poëte n'eft bifare & fafcheux qu'après boire.
Je baiffe un peu la tefte, & tout modeftement
Je luy fis, à ma mode, un petit compliment.
Luy, comme bien appris, le mefme me fçeut rendre,
Et cefte courtoisie à fi haut prix me vendre,
Que j'aymerois bien mieux,chargé d'age & d'ennuis,
Me voir à Rome pauvre, entre les mains des Juifs.

IL me prit par la main, après mainte grimace,
Changeant fur l'un des pieds à toute heure de place,
Et danfant tout ainsi qu'un barbe encaftelé,
Me dit, en remafchant un propos avalé :
Que vous eftes heureux, vous autres belles ames
Favoris d'Apollon, qui gouvernez les dames,
Et par mille beaux vers les charmez tellement,
Qu'il n'eft point de beautez que pour vous feule-

ament!

Mais vous les méritez: vos vertus non communes

Vous font digne, Monfieur, de ces bonnes fortunes.

GLORIEUX de me voir fi hautement loué,
Je devins auffi fier qu'un chat amadoué;
Et fentant au palais mon difcours fe confondre,
D'un ris de faint Medard il me fallut refpondre.
Je pourfuis. Mais, amy, laiffons le discourir,
Dire cent & cent fois Il en faudroit mourir,
Sa barbe pinçoter, cageoller la fcience,
Relever les cheveux, dire; En ma confcience,
Faire la belle main, mordre un bout de fes gants,
Rire hors de propos, monftrer fes belles dents,
Se carrer fur un pied, faire arfer son espée,
Et s'adoucir les yeux ainsi qu'une poupée :
Cependant qu'en trois mots je te feray fçavoir,
Où premier à mon dam ce fafcheux me put voir.

J'ESTOIS chez une dame, en qui, fi la Satyre
Permettoit en ces vers que je le puffe dire,
Reluit, environné de la divinité,

Un efprit auffi grand, que grande est sa beauté.

CE fanfaron, chez elle eut de moy cognoiffance,
Et ne fut de parler jamais en ma puiffance,
Luy voyant ce jour là fon chapeau de velours,
Rire d'un fafcheux conte, & faire un fot difcours;
Bien qu'il m'euft à l'abord doucement fait entendre
Qu'il eftoit mon valet, à vendre & à defpendre :
Et deftournant les yeux, Belle, à ce que j'entens,
Comment! vous gouvernez les beaux efprits du
temps!
A iij

Et faifant le doucet de parole & de gefte,

Il fe met fur un lift, luy difant: Je proteste
Que je me meurs d'amour,quand je fuis près de vous,
Je vous ayme fi fort, que j'en fuis tout jaloux.
Puis rechangeant de note, il monftre fa rotonde :
Ceft ouvrage eft-il beau? Que vous femble du
monde ?

L'homme que vous fçavez, m'a dit qu'il n'aime rien.
Madame, à voftre advis, ce jourd'huy fuis-je bien?
Suis-je pas bien chauffé? Ma jambe eft clle belle?
Voyez ce taffetas; la mode en eft nouvelle ;
C'eft œuvre de la Chine. A propos, on m'a dit
Que contre les clinquants le Roy fait un edict.
Sur le coude il fe met, trois boutons fe delace:
Madame, baifez-moy. N'ay-je pas bonne grace
Que vous eftes fascheuse! A la fin on verra
Rofette, le premier qui s'en repentira.

D'ASSEZ d'autres propos il me rompit la teste.
Voylà quant & comment je cogneus ceste beste;
Tejurant, mon amy, que je quittai ce lieu,
Sans demander fon nom, & fans luy dire adieu,

JE n'eus depuis ce jour de luy nouvelle aucune
Si ce n'eft ce matin, que de male fortune
Je fus en cette églife, où, comme j'ay conté,
Pour me perfecuter Satan l'avoit porté.
Après tous ces propos qu'on fe dit d'arrivée,
D'un fardeau fi pelant ayant l'ame grevée,

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