Mais pour nous, moins hardis à croire à nos raisons, Tant que l'homme le peut;qui formons nos ouvrages Et fuivant leur advis croire à leur paffion? POUR moy,les huguenots pourroient faire miracles MAIS, Rapin, à leur gouft fi les vieux font profanes, Allons comme eux aux champs, & mangeons des chardons. DES PORTES. JAMAIS Poëte n'a été fi bien payé de fes vers que PHILIPPE DES PORTES, natif de Chartres, Abbé de Tiron, de S. Jofaphat des Vaux, de Cernay, de Bon Port, & chanoine de la Sainte Chapelle de Paris. Il eut du Roi Henri III, qu'il accompagna en Pologne, huit cens écus d'or & trente mille livres, pour mettre ses ouvrages au jour; l'Amiral de Joyeuse, beaufrere de ce Prince, lui donna une Abbaye de dix mille écus de rente pour un Sonnet. C'est ce qui fait dire à Balfac, que le loifir de dix mille écus que s'eft fait des Portes par ses vers, eft un écueil contre lequel les espérances de dix mille Poëtes fe font brifées: Mais auffi on peut dire, avec le Cardinal du Perron & Monfieur de Sainte Marthe, qu'il avoit un génie excellent pour la Poëfie, le jugement ad mirable, & la critique fort fine. Il fut beau coup eftimé à la cour de Henri III; ce Prince le fit fon Lecteur, & l'appelloit souvent dans fon Confeil Etroit où se traitoient les plus importantes affaires de fon royaume. La langue Françoife a obligation à des Portes d'une partie de fa beauté. Il a purgé la Poëfie de ce mélange ridicule du Grec & du Latin. La tendreffe & la facilité de fes vers le firent comparer à Tibulle. Il avoit emprunté des Italiens le ftyle fleuri & enjoué, les belles figures, les traits brillans, & les vives defcriptions qui fe voient dans fes ouvrages. Ses envieux le lui fçurent bien reprocher, & firent un livre contre lui, intitulé la Conformité des Mufes Italiennes & Françoifes: mais des Portes prit cela en galant homme, & dit feulement que, s'il avoit fçu que l'auteur de ce livre eût eu deffein d'écrire contre lui, il lui auroit fourni des mémoires; qu'il avoit beaucoup plus pris chez les Italiens, que l'auteur de ce livre ne difoit. Il a célébré dans fa premiere jeunesse trois de fes maî treffes, Diane, Hypolite, & Cleonice: il avoit même, à ce qu'on dit, une si grande tendreffe pour elles, qu'envoyant les ouvrages de Petrarque à celle qu'il aimoit le mieux pour lors, il lui mandoit que sa beauté furpaffoit celle de Laure; & que, fi Laure avoit quelque avantage fur elle, c'est que Petrarque écrivoit mieux que lui; mais qu'il le furpaffoit en amour; Car fa Laure mourut, il demeura vívant; Et dans un autre endroit, étant obligé d'accompagner le nouveau Roi de Pologne, il dit qu'il ne devoit pas quitter fa maîtreffe pour le fuivre : Mais qu'euft-on dit de moy? J'euffe laiffé mon maistre, Serviteur infidéle, ingrat & mal-heureux ? Ah ! j'ai trop de raison pour un homme amoureux Avec tant de fageffe amour ne fçauroit estre. I vêcut toûjours à la cour pendant le regne de Henri III. Mais après la mort de ce Prince, il fe retira en Normandie, où il contribua beaucoup à ramener cette province à l'obéiffance de Henri le Grand. Sa modeftie fut affez grande pour refuser l'Archevêché de Bordeaux. Il mourut l'an 1606, âgé de foixante-un ans.Sa Bibliotheque étoit devenue celle du public, par l'honnêteté avec laquelle il recevoit tout le monde, & la liberté qu'il donnoit à ceux qui vouloient y aller |