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Il fe porte au devant, luy parle, le cageolle; Mais ceft aurre à la fin se monta de parole: Monfieur, c'eft trop long-temps.... Tout ce que vous voudrez....

Voicy l'arreft figné.... Non, Monfieur , vous

viendrez....

Quand vous ferez dedans, vous ferez à partie....
Et moy qui cependant n'estois de la partie,
J'efquive doucement, & m'en vais à grand pas,
La queue en loup qui fuit, & les yeux contre bas,
Le cœur fautant de joye, & triste d'aparence.
Depuis aux bons fergens j'ay porté reverence,
Comme à des gens d'honneur, par qui le ciel voulut
Que je receuffe un jour le bien de mon falut.

MAIS craignant d'encourir, vers toy le mefme vice.
Que je blafme en autruy, je suis à ton service;
Et pri' Dieu qu'il nous garde, en ce bas monde icy,
De faim, d'un importun, de froid, & de foucy

A Monfieur Rapin.

SATYR E.

RAPIN, le favorit d'Apollon & des Mufes,

Pendant qu'en leur meftier jour & nui& tu t'amufes
Et que d'un vers nombreux non encore chanté,
Tu te fais un chemin à l'immortalité :

Moy, qui n'ay ny l'efprit, ny l'haleine affez forte
Pour te fuivre de près & te fervir d'escorte,
Je me contenteray, fans me precipiter,
D'admirer ton labeur, ne pouvant l'imiter;
Et pour me fatisfaire au defir qui me refte
De rendre ceft hommage à chacun manifeste.
Par ces vers j'en prens acte, afin que l'advenir
De moy par ta vertu fe puiffe fouvenir;
Et que certe memoire à jamais s'entretienne,
Que ma Muse imparfaite eust en honneur la tiennes
Et que, fi j'eus l'efprit d'ignorance abbattu,
Je l'eus au moins fi bon, que j'aimay ta vertu:
Contraire à ces refveurs, dont la Mufe infolente,
Cenfurant les plus vieux, arrogamment se vante
De reformer les vers, non les tiens feulement,
Mais veulent deterrer les Grecs du monument,
Les Latins, les Hebrieux, & toute l'antiquaille,'
Erleur dire en leur nez qu'ils n'ont rien fait qui vaille.
Tome II

B

Ronfard en fon meftier n'eftoit qu'un apprentif
Il avoit le cerveau fantastique & retif ;

Defportes n'eft pas net; du Bellay trop facile ;
Belleau ne parle pas comme on parle à la ville,
Il a des mots hargneux, bouffis & relevez,
Qui du peuple aujourd'huy ne font pas approuvez

COMMENT! il nous faut doncq', pour faire une œuvre grande,

Qui de la calomnie & du temps fe deffende,
Qui trouve quelque place entre les bons autheurs,
Parler comme à Saint Jean parlent les crocheteurs?

ENCORE je le veux, pourvcu qu'ils puissent faire, Que ce beau fçavoir entre en l'esprit du vulgaire ; Et quand les crocheteurs feront Poëtes fameux, Alors, fans me fafcher, je parleray comme eux.

PENSENT-ils, des plus vieux offençant la memoire,
Par le mespris d'autruy s'acquerir de la gloire ?
Et pour quelque vieux mot, estrange, ou de travers
Prouver qu'ils ont raison de cenfurer leurs vers?
(Alors qu'une œuvre brille & d'art & de fcience
La verve quelquefois s'égaye en la licence.)

IL femble en leurs discours hautains & genereux, Que le cheval volant n'ayt piffé que pour eux;

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Que

Phœbus à leur ton accorde fa vielle;

Que la mouche du Grec leurs levres emmielle; Qu'ils ont feuls icy bas trouvé la pie au nit;

Et que des hauts efprits le leur eft le zenit;
Que feuls des grands fecrets ils ont la cognoissance;
Et difent librement que leur experience

A rafiné les vers, fantastiques d'humeur,

Ainfi que les Gascons ont fait le point d'honneur; Qu'eux tous feuls du bien dire ont trouvé la metode, Et que rien n'est parfaict', s'il n'est fait à leur mode,

CEPENDANT leur fçavoir ne s'estand seulement, Qu'à regratter un mot douteux au jugement, Prendre garde qu'un qui ne heurte une diph

tongue,

Efpier fi des vers la rime est breve ou longue,
Ou bien fi la voyelle à l'autre s'uniffant

Ne rend point à l'oreille un vers trop languiffant;
Et laiffent fur le verd le noble de l'ouvrage.
Nul efguillon divin n'efleve leur courage;
Ils rampent baffement, foibles d'inventions;
Et n'ofent, peu hardis, tenter les fictions,
Froids à l'imaginer : car s'ils font quelque chofe
C'eft profer de la rime, & rimer de la profe,
Que l'art lime & relime, & polit de façon,
Qu'elle rend à l'oreille un agreable fon;

Et voyant qu'un beau feu leur cervelle n'embrase; Ils attifent leurs mots, enjolivent leur phrase.

Affectent leurs difcours qu'ils relevent par art,
Et peignent leurs deffaux de couleur & de fard.
Auffi je les compare à ces femmes jolies,
Qui par les affiquets fe rendent embellies ;
Qui gentes en habits, & fades en façons,
Parmy leur poinct coupé tendent leurs hameçons i
Dont l'œil rit molement avecque affeterie;
Et de qui le parler n'est rien que flatterie ;
De rubans piolez s'agencent proprement,
Et toute leur beauté ne gist qu'en l'ornement;
Leur vifage reluit de cerufe & de peautre,
Propres en leurs coiffure, un poil ne paffe l'autre.

2

Où, ces divins efprits, hautains & relevez,
Qui des eaux d'Helicon ont les fens abreuvez,
De verve & de fureur leur ouvrage eftincelle;
De leurs vers tout divins la grace eft naturelle;
Et font, comme l'on voit, la parfaicte beauté
Qui contente de foy, laiffe la nouveauté
Que l'art trouve au Palais ou dans le blanc d'Espagne,
Rien que le naturel fa grace n'accompagne:
Son front, lavé d'eau claire, efclate d'un beau teint
De roses & de lys la nature l'a peint;

Et laiffant là Mercure, & toutes fes malices,
Les nonchalances font fes plus grands artifices,

OR, Rapin, quant à moy,je n'ay point tant d'efprit Je vay le grand chemin que mon oncle m'aprit,

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