retenir; Georges, plus prompt, le saisit par quelques feuillets qui lui restent dans la main.) GEORGES ET Louis, ensemble. Ah! quel malheur! GEORGES. Que va dire notre ami Charles qui nous l'a donné au jour de l'an? LOUIS, désolé. C'est ta faute, aussi ! GEORGES, de même. Non, c'est la tienne. Pourquoi ne pas vouloir te fier à moi? LOUIS. Parce que je voulais m'assurer.... D'ailleurs, si tu m'avais laissé prendre le dictionnaire tout de suite, nous ne nous serions pas querellés. GEORGES. Pourquoi, aussi, me disais-tu que je me trompais? LOUIS. Parce que tu n'es pas infaillible, et parce que, tout écervelé que je suis, je me rappelle très-bien que ce n'était pas Epam.... eh! oui, ma foi! c'est Léonidas! GEORGES. Léonidas! es-tu bien sûr? LOUIS. Certainement! Léonidas, roi de Sparte.... GEORGES. C'est vrai! c'était bien Léonidas qui commandait et mourut aux Thermopyles avec ses trois cents Spartiates. LOUIS. C'est bel et bon, la science, mais elle ne nous rendra pas maintenant les feuillets déchirés de notre dictionnaire! GEORGES, essayant de rajuster les feuillets. Pas moyen! Mon Dieu, que nous sommes stupides de nous quereller toujours! Deux malheurs dans la même journée ! LOUIS. Tiens, Georges, nous devrions bien suivre les bons conseils de père et de notre ami Charles, en essayant de nous corriger, toi, de ce qu'ils appellent ta vanilė, moi, de ce qu'ils nomment mon irascibilité. Ces deux vilains défauts nous ont causé déjà trop de chagrins. GEORGES. Tu as raison, mon frère! Eh bien! jurons sur mon dessin maculé et sur les débris de notre pauvre dictionnaire, de faire tous nos efforts pour cesser à tout jamais nos taquineries. LOUIS. Oui, jurons-le. Car, comme père nous le dit quelquefois, quand on se dispute, le temps se perd et le caractère se gâte. MME GAEL. VARIÉTÉS. LA PREMIÈRE COMMUNION DE FRANÇOIS-RENE DE CHATEAUBRIAND. Le jour de la première communion est regardé avec raison comme le plus beau jour de la vie. Cette cérémonie si touchante et si sainte s'accomplit ordinairement au printemps; en sorte que, comme dit Chateaubriand, « l'âge des tendres communiants et celui de la naissante année confondent leurs jeunesses, leurs harmonies et leurs innocences. » Comment ne conserveraient-ils pas de ce jour un doux et impérissable souvenir! Ces enfants reçoivent Dien en eux, au milieu d'une pompe auguste et touchanie, à la lueur de cierges innombrables, après une musique qui a enchanté leurs sens, au pied d'un autel brillant d'or, en présence de leurs parents palpitant d'attendrissement, de joie. En ce moment où le ciel s'ouvre pour eux, leur âme est à lui tout entière; les voilà unis avec Dieu; Dieu est dans leur chair et dans leur sang. Tant que durera cette impression ineffable, quel est celui d'entre eux qui osera, qui pourra commettre une seule faute, en concevoir seulement la pensée! Mais pour s'identifier ainsi avec l'éternelle pureté, il faut être tout à fait pur; il faut que toutes les souillures que ces jeunes âmes auraient pu contracter aient été à tout jamais par l'absolution. avouées et détestées, lavées par la pénitence, effacées Combien donc doit être sérieuse la préparation à ce sacrement si auguste! Combien sincère la confession ! Combien ardent le repentir! A ce sujet, nous citerons à nos jeunes lecteurs l'exemple de l'illustre écrivain que nous avons nommé plus haut, François-René de Chateaubriand. D Ses parents l'avaient placé en qualité de pensionnaire au coliége de Dol: il y fut instruit par d'excellents maîtres; aussi, jusqu'au dernier jour de sa vie, il conserva de cette maison un doux souvenir. « Notre enfance, dit-il, laisse quelque chose d'elle-même aux lieux embellis par elle, comme une fleur communique un parfum aux objets qu'elle a touchés. Dans la suite, devenu un personnage grand et illustre, il s'attendrissait toutes les fois qu'il pensait à ses premiers camarades, à ses premiers maitres, que dispersèrent les orages de la Révolution, et surtout au principal du collége, l'abbé Porcher, qui était instruit, doux et simple de cœur. Sa mémoire, dit-il dans un de ses ouvrages, me sera toujours vénérable et chère. » Il avait douze ans quand arriva l'époque où il dut faire sa première communion. La comtesse de Chateaubriand, sa mère, vint à Dol pour assister à cette sainte cérémonie, et pour joindre, dans cette heure solennelle, ses prières à celles de son fils. François de Chateaubriand avait édifié tout le collége par la manière dont il se préparait à ce grand jour : sa piété paraissait aussi sincère que profonde; ses regards étaient ardents; il se livrait à des austérités volontaires que son confesseur ne lui prescrivait et ne lui conseillait pas; ces austérités inquiétaient ses maitres, dont la piété sage et éclairée cherchait, mais vainement, à tempérer cette excessive ferveur. C'est qu'un combat, terrible et ignoré de tous, se livrait dans cette âme à la fois timide et ardente. Il avait pour confesseur le supérieur du séminaire des Eudistes. Les Eudistes sont une congrégation religieuse fondée au milieu du dix-septième siècle, par un oratorien nommé Eudes, et qui a pour objet l'éducation des ecclésiastiques et des missionnaires. Ce supérieur était un homme de cinquante ans, d'une grande bonté de cœur, mais d'un aspect rigide. L'enfant avait peur de lui. Il n'avait pas osé tout lui dire de là le trouble mortel dont il était agité. Toutes les fois qu'il se présentait au tribunal de la pénitence, le supérieur l'interrogeait avec une anxiété toujours croissante; car il ne pouvait concilier le trouble de plus en plus visible de l'enfant avec le peu d'importance des fautes dont il lui faisait l'aveu. Plus le jeudi saint approchait (c'était le jour fixé pour la première communion), plus l'enfant semblait agité, et plus aussi les questions de l'homme de Dieu devenaient pressantes. Il cherchait à détruire en lui tout sentiment de timidité, de mauvaise honte : « N'omettez-vous rien? Ne cachez-vous rien? » Telles étaient les questions du religieux. Et à ces questions l'enfant répondait toujours d'une voix étouffée: « Non, mon père. Le supérieur le renvoyait alors en doutant, en soupirant, en le regardant jusqu'au fond de l'âme; et lui s'en retournait, pâle et défiguré comme un criminel. C'est le mercredi saint que les catéchumènes devaient recevoir l'absolution. François de Chateaubriand passa la nuit du mardi au mercredi en prières, et sans doute il demanda avec ferveur à Dieu la force qui lui avait manqué jusque-là. On avait mis à sa disposition un livre intitulé: Des confessions mal faites; il en lut quelques passages avec ter reur. Le mercredi, à trois heures après midi, les jeunes collégiens se rendirent au séminaire des Eudistes: leurs parents les accompagnaient. Écoutons l'illustre écrivain nous raconter quelles furent alors ses émotions. « En arrivant à l'église, je me prosternai devant le sanctuaire et j'y restai anéanti. Lorsque je me levai pour me rendre à la sacristie, où m'attendait le supérieur, mes genoux tremblaient sous moi. Je me jetai aux pieds du prêtre; ce ne fut que de la voix la plus altérée que je parvins à prononcer mon Confiteor. «Eh bien! n'avez-vous rien oublié ? » me dit l'homme de Jésus-Christ. « Je demeurai muet. Ses questions recommencèrent, et le fatal non, mon père, sortit cette fois encore de ma bouche. Il se recueillit, il demanda des conseils à Celui qui conféra aux apôtres le pouvoir de lier et de délier les âmes. Alors, faisant un effort, il se prépara à me donner l'absolution. La foudre que le ciel eût lancée sur moi m'aurait causé moins d'épouvante; je m'écriai: Ce premier aveu fait, rien ne lui coûta plus. Il dévoila son âme tout entière; le supérieur eût désiré retarder sa communion; mais l'enfant allait quitter le collége pour entrer dans la marine; et sa ferveur était telle, ses larmes si abondantes, que le bon religieux lui dit : « Le temps manque à votre pénitence; mais votre aveu courageux, quoique tardif, a lavé vos fautes. Je puis vous absoudre, et je le dois. » Levant la main, il prononça, sur la tête de l'enfant prosterné et sanglotant de componction et de bonheur, les paroles sacrées. Et il sembla à l'enfant que la rosée du ciel descendait sur son front: il participait de la félicité des anges. En sortant de la sacristie, il alla embrasser sa mère, qui, en prières au pied de l'autel, l'attendait. Dès ce moment, il ne parut plus le même à ses maîtres et à ses camarades. « Je conçus encore le courage des martyrs; j'aurais pu dans ce moment confesser le Christ sur le chevalet ou au milieu des lions. >> Quant à Mme de Chateaubriand, son bonheur ne peut se décrire. Si en cet instant on lui eût révélé toute la gloire qui attendait son fils comme écrivain, comme orateur, comme homme d'État, la joie qu'elle en eût éprouvée n'eût été rien en comparaison de celle dont son âme était inondée, comme mère et comme chrétienne, en le voyant admis au plus auguste sacrement de cette religion dont il devait être un jour un des plus éloquents défenseurs. L. D'ALTEMONT. MORALE DE L'ENFANCE. SUITE. Enfants, quelque irrité que vous paraisse un père, Alexan- dre III, 82. - Antoine Lemaître, 287. - - L'Archevêque 335. Lettre d'un jeune - ONTES, HISTORIETTES, DRAMES: Alanik, 226, 1 - L'Oiseau qui parle, 194, 202. - Le Petit bossu, 241, 249, 258, 265, 276, ARIÉTÉS L'Aigle, le balbusard, la harpie, 190. 1 - |