Page images
PDF
EPUB

Les beaux cheveux blonds furent ramassés avec soin sous le hideux bonnet.

Au même instant le paillasse entra et dit d'un ton niais et sournois :

Maîtresse Bras-de-Fer, j'sommes à vos ordres. » La grande femme ferma la malle et suivit, avec Marguerite (désormais Blondinette), le paillasse, qui descendit les bagages et les porta dans le chariot. Toute la troupe y grimpa, à l'exception du paillasse qui, revêtu d'une capote de roulier, servit de conducteur. Le bouledogue fut attaché sous le chariot, et l'on se mit

en route.

III

rir çà et là pour cueillir des pâquerettes et des violettes qui tapissaient la terre autour d'elle; mais la mère Bras-de-Fer la rappela durement en disant :

«

Halte-là, petite! nous avons de la besogne, et tandis que Vole-au-Vent se repose, je vais te donner ta première leçon. Ça, il faut que tu gagnes ton déjeuner; nous ne nourrissons pas les paresseux! Allons, vite! Pendant que papa va faire travailler Boule-sans-Os, je vais me charger de toi. »

A ces paroles, la pauvre enfant pâlit et trembla de tout son corps. Elle s'arrêta et attendit immobile que sa terrible institutrice vint la prendre par la main. Alors commença une scène bien cruelle, mais qui fut

La pauvre petite Blondinette, en sentant rouler la beaucoup moins douloureuse pour Marguerite qu'elle pesante voiture, se mit

à pousser de grands cris et voulut s'élancer vers la portière qu'on venait de refermer. Un cahot la rejeta rudement sur la grande femme, qui, d'un revers de main, rétablit l'équilibre et la remit à sa place.

Si tu bouges encore, je te ferai manger par Jocko!» s'écriat-elle d'une voix que le roulement du chariot rendait plus sourde et plus sinistre.

Comme pour ajouter à la terreur de Blondinette, le gros vilain singe, entendant prononcer son nom, jeta un cri si sauvage, que la pauvre enfant

se

blottit dans son coin, où l'émotion, la fatigue et le mouvement de la voiture ne tardèrent pas à la plonger dans un profond sommeil.

Combien de temps la voiture roula-t-elle? Avait-on fait une ou plusieurs haltes, quand Blondinette fut réveillée en sursaut par la grosse voix de Courte

La leçon de gymnastique. (Page 213, col. 2.)

Echine? la pauvre petite n'a jamais pu le dire; tout ce qu'elle se rappelle, c'est qu'il était grand jour et que toutes ses terreurs la reprirent lorsqu'elle entendit Courte-Échine crier à sa femme :

<< Fais descendre ton monde; l'endroit est sûr, et Vole-au-Vent va se reposer un instant en avalant quelques goulées d'herbe sous le bois. »

Alors, toute la caravane mit pied à terre. On était sous une haute futaie de chênes et de hêtres, d'où la vue ne pouvait rien découvrir. Blondinette avait grand'faim et n'osait demander à manger; elle avait trop grand' peur de la mère Bras-de-Fer. Pour oublier son chagrin et endormir un peu sa faim, elle se mit à cou

[ocr errors]

ne l'eût été pour tout autre enfant qui n'aurait pas eu, comme elle, le corps assoupli par des exercices de gymnastique. D'abord, la rude maîtresse prit la petite par les deux bras et la renversa en arrière jusqu'à ce que sa tête touchât presque à terre; puis, après lui avoir attaché ensemble les mains et les pieds, elle lui fit faire plusieurs culbutes successives en la roulant sur elle-même comme une pelote. Je vous épargne, chers lecteurs, les détails des divers exercices auxquels fut soumise la pauvre enfant qui, à chaque fois qu'elle bronchait, recevait un coup de martinet. Qu'il vous suffise de savoir que cette première leçon dura une demi-heure, au bout de laquelle Blondinette, brisée de fatigue et ne pouvant plus résister à la souffrance, s'évanouit.

Mme GAEL. (La fin au prochain n°.)

[graphic]

LE FOSSÉ DE LA POULE.

LÉGENDE DES BORDS DU RHIN.

Non loin du château de Windek, dans le grand-duché de Bade, est une ferme appelée le Fossé de la Poule. Au milieu de riants vignobles et de bois touffus de châtaigniers, on remarque encore les vestiges d'un fossé qui entourait les fortifications du château. C'est le Fossé de la Poule : voici d'où vient ce nom.

Dans le moyen âge, une guerre sanglante s'était élevée entre plusieurs seigneurs de cette contrée; l'un des deux partis s'était emparé de la personne du doyen de la cathédrale de Strasbourg, qui favorisait le parti contraire, il fut conduit en captivité a Windek.

A cette époque, on voyait au pied de la montagne une chaumière où habitait une femme fort âgée, et connue dans tous les environs sous le nom de la bonne femme de la forêt. Elle connaissait mille choses cachées, particulièrement les vertus secrètes des plantes et des racines; et les bêtes féroces des bois, loin de lui faire du mal, semblaient plutôt obéir à sa voix. Toute sa richesse consistait en quelques poules blanches d'une grosseur extraordinaire, qui allaient chercher leur nourriture dans la forêt.

Un jour que cette vieille femme était assise devant sa cabane, elle vit venir à elle deux jeunes garçons d'une rare beauté. Ils étaient fatigués et tristes, et demandèrent le chemin du château. Elle les accueillit fort amicalement et leur donna du pain et des fruits pour se rafraichir. Le plus jeune, c'était un enfant de treize ans, mangea de bon appétit; mais l'ainé, qui pouvait avoir de seize à dix-huit ans, était tout abattu; il gardait dans ses mains les pommes que la bonne femme lui avait données, et ses yeux étaient noyés de larmes. Afin d'effacer la trace de ses pleurs, il alla à la fontaine voisine et se lava le visage avec l'eau fraiche qui jaillissait de la roche.

La bonne femme de la forêt le regarda avec attention et lui dit :

[merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

[ocr errors]

Hélas! répondit la jeune fille en tirant de son sein une croix de diamants; hélas! je n'ai que cela, mais nous prierons le seigneur de Windek de nous retenir en otage jusqu'à ce que notre oncle se soit racheté. Eh bien! c'est moi qui rachèterai le doyen, reprit la vieille femme, et sa main caressait les boucles soyeuses de la chevelure d'Imma. Écoutez-moi, mes enfants; les ennemis vont bientôt approcher et assiéger le château. La nuit dernière, j'ai épié deux éclaireurs qui s'étaient cachés ici dans l'épaisseur des bois. Ils ont bien observé la situation du château; ils ont surtout remarqué le côté faible des fortifications, là, vers la forêt de sapins où vous voyez cette croix funéraire en pierre. Rendez-vous auprès du seigneur de Windek; dites-lui qu'il doit se hàter de creuser là un fossé trèsprofond, qu'il doit le faire dès aujourd'hui, car je crains que les ennemis n'arrivent cette nuit mème.

[ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]
[ocr errors]

« Faites ce que je dis, poursuivit cette femme. Aussitôt que le soleil sera couché, le chevalier placera cette poule au pied de la croix où les ennemis veulent faire une attaque. Il n'a pas assez de monde dans son château pour creuser un fossé suffisamment large et profond; mais ma poule suffira à tout. »

A ces mots, elle caressa la poule et chanta d'une voix faible et qu'on avait peine à entendre :

«Ecoute ce que je vais dire :
A l'heure où le jour se retire,
A l'heure où les hiboux hùront,
Creuse un fossé large et profond.
Il te faudra gratter la terre
Jusqu'à l'asile du trépas,
Jusqu'à cette lame guerrière
Que la rouille ne ronge pas.
Va, qu'avant l'heure de minuit
Tout ton ouvrage soit fini.»

Imma prit cette poule en tremblant; mais la bonne femme lui parlait avec tant de bonté, d'un ton si amical, qu'elle se rassura bientôt. Son frère ne montra pas la moindre crainte; il se réjouissait même du spectacle merveilleux qu'allait lui donner cette poule.

Ils étaient parvenus presque au milieu de la montagne sur laquelle était bâti le château, lorsqu'ils rencontrèrent un jeune chevalier. Il avait une figure distinguée. Son air sérieux et préoccupé intimida d'abord la jeune fille; mais la douceur de sa voix dissipa bientôt toutes ses craintes.

Il leur demanda qui ils étaient et ce qu'ils venaient chercher dans son château.

« Noble chevalier, lui répondit Imma, notre oncle, le doyen de Strasbourg, est en captivité chez vous. Hélas! c'est lui qui nous tient lieu de père, car nous n'avons plus de parents. Nons venons vous supplier de lui accorder la liberté et de nous retenir en otage jusqu'à ce qu'il ait pu payer sa rançon. »

Le chevalier éprouva une vive émotion. Il considéra les deux enfants l'un après l'autre, et ses regards se fixèrent involontairement sur la poule blanche que portait Imma. Imina rougit et raconta, dans un discours souvent interrompu, les motifs pour lesquels la bonne femme de la forêt lui avait confié cet oiseau.

Mais, en faisant ce récit, elle se troubla, et son frère, venant à son aide, dit :

α

Chère sœur, laisse-moi finir ce récit. »

A ces mots, par lesquels le jeune garçon venait de révéler étourdiment le secret de sa sœur, Imma rougit. << Noble demoiselle, aimable jeune homme, dit le chevalier, c'est la main de Dieu qui vous a conduits en ces lieux. Entrez dans le château, mais non en qualité d'otages; vous pourrez retourner chez vous quand vous le désirerez. Maintenant, suivez-moi; venez procurer à votre oncle par votre visite une agréable surprise. Imma et son frère se rendirent auprès de leur oncle : quant au chevalier, il poursuivit les préparatifs nécessaires pour la défense du château. Il connaissait bien la partie faible des fortifications du côté de la forêt de sapins et y faisait travailler à un fossé depuis quelques jours. Mais le temps était trop court, et c'était fort à propos qu'il venait de recevoir les avis et les secours de la femme de la forêt. D'ailleurs, il avait beaucoup de confiance en elle.

Aussitôt que la première étoile commença à briller au firmament, il renvoya les ouvriers et les remplaça

par la poule, qu'il mit au pied de la croix funéraire à "'endroit même où son grand-père était mort dans un combat singulier, et où il avait été enterré.

Au coup de minuit, s'étant rendu de nouveau dans ce lieu, il y trouva, à son grand étonnement, un large et profond fossé bordé d'un parapet, et, à la clarté des étoiles, il vit briller l'épée de son grand-père, qui avait été placée dans la tombe auprès de son cercueil. La poule qui avait creusé ce fossé avait disparu.

Vers la pointe du jour, les ennem's avancèrent sur trois colonnes. Ils étaient disposés à donner un assaut; mais le Fossé de la Poule déconcerta tous leurs projets, et ils furent repoussés avec une perte considérable.

Il parut au seigneur de Windek que, par ce grand service, la rançon du doyen avait été suffisamment payée; il le laissa repartir avec sa nièce et son neveu. Lorsque la guerre fut terminée, Imma devint l'épouse du seigneur de Windek, et ce fut le doyen luimême qui les unit dans la cathédrale de Strasbourg. Le fossé a conservé le nom de Fossé de la Poule. SCHREIB.

(Traduit de l'allemand.)

VARIÉTÉS.

MADAME CAPELLE.

Mme Capelle est directrice de la crèche de SaintLouis d'Antin, à Paris. Un véritable philanthrope, M. Marbeau, qui a plus que personne contribué à doter notre pays de la belle institution des crèches, a fait connaître, dans un éloquent mémoire, les services aussi modestes que prolongés de cette dame si charitable et si dévouée.

y a

Veuve d'un pharmacien, sans fortune et sans enfants, elle a voulu devenir la mère des pauvres, et elle réussi en y dévouant depuis vingt ans toutes les ressources d'une ardente et ingénieuse sollicitude. La crèche qu'elle a fondée contient soixante enfants; ils s'y renouvellent et s'y entretiennent depuis vingt ans, râce aux quêtes faites par Mme Capelle, et qui ont produit pour cette seule crèche la somme de cent trente mille francs.

Rien n'arrête son zèle, ni les épidémies, ni les troubles politiques, ni sa santé affaiblie plus elle souffre, dit-elle, et plus elle a besoin de secourir. Auxiliaire de toutes les bonnes œuvres de son quartier, elle est l'âme de la crèche qu'elle a créée et des enfants qu'elle y recueille. Son généreux dévouement s'étend jusqu'aux familles dont ils sortent. Chacune de ces familles est visitée elle, et les mères qu'elle entoure de ses par soins, les ménages qu'elle arrache à la misère, confirment le suffrage des juges très-compétents qui ont dit d'elle qu'elle répand le bien comme une source qui ne se tarit point.

JEAN-JACQUES BOUDET. Jean-Jacques Boudet, d'Andrieu (Calvados), est octogénaire; il sert depuis soixante ans la même famille, entièrement ruinée depuis longtemps; et non-seulement il la sert sans gages, mais il a vendu le seul petit champ qui lui restait pour en consacrer le produit à soulager la misère de ses vieux maitres.

(Extrait du rapport de M. le comte de Montalembert sur les prix de vertu.)

CALAIS.

Calais, entourée de murailles, défendue par une citadelle et plusieurs forts, est située dans un pays peu fertile, parsemé de dunes et jadis très-marécageux. Calais resta pendant deux cent onze ans au pouvoir des Anglais, de 1348 à 1558, époque à laquelle l'amiral de Coligny et le duc de Guise la leur enlevèrent. Aujourd'hui Calais, comme Boulogne, est devenue à demi anglaise par sa population. On compte dans la ville et dans les environs plus de cinq mille sujets de la reine Victoria.

Les édifices de Calais sont peu remarquables. L'église principale, bâtie à l'époque de la domination anglaise, possède un clocher très-élevé, qu'on aperçoit de loin en mer. L'hôtel de ville, situé sur la place du Grand-Marché, est dominé par la tour de l'Horloge, d'une architecture légère et gracieuse. Devant la façade sont placés les bustes en bronze du duc de Guise, libérateur de Calais en 1558, » et du cardinal de Richelieu, fondateur de la citadelle et de l'arsenal, érigé

[ocr errors]

en 1636. »

Le Musée, établi depuis quelques années, est situé près des remparts, dans la rue des Prêtres. La galerie de tableaux (rez-de-chaussée) possède plus de soixante toiles, dont la plus remarquable est la Vierge au bandeau, de Corrége, donnée à la ville par la princesse de Canino. Au premier étage sont placées les collections d'histoire naturelle, d'armes, d'antiquités de toute espèce, d'objets industriels, entre autres le ballon dans lequel Blanchard, célèbre aéronaute, traversa le détroit en 1785. Plusieurs habitants de Calais possèdent aussi de remarquables collections. La bibliothèque occupe le deuxième étage de l'hôtel de ville, et renferme environ huit mille volumes.

L'établissement des bains est ouvert pendant l'été. Il possède une salle de réunion et de danse, un cabinet de lecture, une salle réservée aux dames, des salons de billard et de jeu.

Les remparts, plantés d'arbres, servent de promenades. Des jetées, dont l'une a plus d'un kilomètre de longueur, on distingue, par un temps clair, les côtes d'Angleterre et le château de Douvres, éloignés de trente-quatre kilomètres. Sur la grande jetée s'élève une colonne, bâtie après le retour des Bourbons pour conserver le souvenir de cet événement. Près de la colonne, une autre plaque de bronze rappelle que Louis-Philippe et plusieurs membres de sa famille, surpris par une violente tempête pendant le trajet du Tréport à Boulogne, débarquèrent en cet endroit de la jetée, après avoir couru de très-grands dangers. Sur le port, près de la porte de la ville, on a élevé un monument à Gavet et Mareschal, citoyens de Calais, morts le 18 octobre 1791 en sauvant des matelots. »

Le port de Calais, tout récemment encore réparé et agrandi, fait un grand commerce avec l'Angleterre. Il expédie à Londres, chaque année, plus de soixante millions d'œufs. En 1856, le total des voyageurs entrés fut, dans la même année, de quarante-deux mille; celui des voyageurs sortis, de quarante-trois mille.

Les eaux du détroit sont éclairées par un phare du premier ordre, construit récemment dans l'un des retranchements de l'enceinte de la ville. Sa hauteur audessus de la mer est de cinquante-huit mètres; sa portée est de vingt milles. MAURY.

[subsumed][merged small][ocr errors][ocr errors][graphic]

(15 centimes dans les départements et dans les gares de chemins de fer.)

LA

SEMAINE DES ENFANTS

MAGASIN D'IMAGES ET DE LECTURES AMUSANTES ET INSTRUCTIVES.

PUBLICATION DE CH. LAHURE ET Cie, IMPRIMEURS A PARIS

On s'abonne à Paris au Bureau du Journal, rue de Fleurus, 9; à la librairie de MM. L. Hachette et Cie, boulevard Saint-Germain, 77, et chez tous les Libraires. -Les abonnements se prennent du 1er de chaque mois. Paris, six mois, 6 fr.; un an, 11 fr. Départements, six mois, 8 fr., un an, 15 fr. Les manuscrits déposés ne sont pas rendus.

[graphic][subsumed][merged small][ocr errors]
« PreviousContinue »