Clitandre vous demande Henriette pour femme; CHRYSALE.. Faut-il le demander? J'y consens de bon cœur, ARISTE. Vous savez que de biens il n'a pas l'abondance, CHRYSALE. C'est un intérêt qui n'est pas d'importance; ARISTE. Parlons à votre femme, et voyons à la rendre Favorable... CHRYSALE. Il suffit, je l'accepte pour gendre. ARISTE. Oui; mais, pour appuyer votre consentement, CHRYSALE. Vous moquez-vous? Il n'est pas nécessaire. Je réponds de ma femme, et prends sur moi l'affaire. ARISTE. Mais... CHRYSALE. Laissez faire, dis-je, et n'appréhendez pas. Je la vais disposer aux choses de ce pas. ARISTE. Soit. Je vais là-dessus souder votre Henriette, Et reviendrai savoir... CHRYSALE. C'est une affaire faite; Et je vais à ma femme en parler sans délai. Me voilà bien chanceuse! Hélas! l'en dit bien vrai, 'Les editions modernes portent a tort l'an, qui n'a aucun sens. En est ici pour Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage; CHRYSALE. Qu'est-ce done? Qu'avez-vous, Martine? Si je ne sors d'ici, de me bailler cent coups1. CHRYSALE. Non, vous demeurerez; je suis content de vous. SCÈNE VI. PHILAMINTE, BÉLISE, CHRYSALE, PHILAMINTE, apercevant Martine. Quoi! je vous vois, maraude! Vite, sortez, friponne; allons, quittez ces lieux; on. Dans l'aînée de toutes les grammaires françaises, celle que Palsgrave écrivit en anglais pour la sœur de Henri VIII (1530), on voit constamment l'en figurer à côté de l'on: <Au singulier, dit Palsgrave, le pronom personnel a huit formes: je, tu, il, elle, l'en, l'on ou on, et se. Exemple: l'en, l'on ou on parlera, etc. (Fol. 34 verso.) < Annotations pour savoir quand on doit employer l'en, l'on ou on... L'en, l'on ou on peult estre joyeux. (Fol. 102 verso.) (F. Génin.) A qui pense-t-on que Molière ait confié ce rôle à la fois naïf et grotesque? A une actrice sans doute. Non pour un personnage si neuf, l'auteur improvisa une comédienne nouvelle; ou, pour mieux dire, il donna au public le plaisir de voir représenter Martine par la servante même qui lui avait servi de modèle, et qui portait ce nom. (Mercure de juillet 1723, page 129.) CHRYSALE. Tout doux. PHILAMINTE. Non, c'en est fait. CHRYSALE. Hé! PHILAMINTE. Je veux qu'elle sorte. CHRYSALE. Mais qu'a-t-elle commis pour vouloir de la sorte...? Quoi! vous la soutenez ? PHILAMINTE. CHRYSALE. En aucune façon. PHILAMINTE. Prenez-vous son parti contre moi? CHRYSALE. Mon Dieu! non; Je ne fais seulement que demander son crime. PHILAMINTE. Suis-je pour la chasser sans cause légitime? CHRYSALE. Je ne dis pas cela, mais il faut de nos gens... PHILAMINTE. Non; elle sortira, vous dis-je, de céans. CHRYSALE. Hé bien! oui. Vous dit-on quelque chose là contre? PHILAMINTE. Je ne veux point d'obstacle aux desirs que je montre. CHRYSALE. D'accord. PHILAMINTE. Et vous devez, en raisonnable époux, CHRYSALE. (Se tournant vers Martine.) Aussi fais-je. Oui, ma femme avec raison vous chasse, Coquine, et votre crime est indigne de grace. MARTINE. Qu'est-ce donc que j'ai fait? CHRYSLE, bas. Ma foi, je ne sais pas. PHILAMINTE. Elle est d'humeur encore à n'en faire aucun cas. CHRYSALE. A-t-elle, pour donner matière à votre haine, PHILAMINTE. Voudrois-je la chasser, et vous figurez-vous (A Martine.) CHRYSALE. (A Philaminte.) Qu'est-ce à dire? L'affaire est donc considérable? PHILAMINTE. Sans doute. Me voit-on femme déraisonnable? CHRYSALE. Est-ce qu'elle a laissé, d'un esprit négligent, PHILAMINTE. Cela ne seroit rien. CHRYSALE, à Martine, (A Philaminte.) Quoi! l'avez-vous surprise à n'être pas fidèle? PHILAMINTE. C'est pis que tout cela. CHRYSALE. Pis que tout cela ! PHILAMINTE. Pis! (A Martine.) CHRYSALE. (A Philaminte.) Comment! diantre, friponne! Euh! a-t-elle commis...? PHILAMINTE. Elle a, d'une insolence à nulle autre pareille, Est-ce lå...? CHRYSALE. PHILAMINTE. Quoi! toujours, malgré nos remontrances, Heurter le fondement de toutes les sciences, CHRYSALE. Du plus grand des forfaits je la croyois coupable. PHILAMINTE. Quoi! vous ne trouvez pas ce crime impardonnable? Il est vrai que ce sont des pitiés. Toute construction est par elle détruite; Et des lois du langage on l'a cent fois instruite. MARTINE. Tout ce que vous prêchez est, je crois, bel et bon; PHILAMINTE. L'impudente! appeler un jargon le langage MARTINE. Quand on se fait entendre, on parle toujours bien, PHILAMINTE. Hé bien! ne voilà pas encore de son style? Ne servent pas de rien! BÉLISE. O cervelle indocile! Faut-il qu'avec les soins qu'on prend incessamment. Et c'est, comme on t'a dit, trop d'une négative. Ces vers rappellent les disputes des grammairiens de cette époque, sur l'introduction de certains mots dans la langue, et où l'on entendit Vaugelas s'écrier: Il n'est permis à qui que ce soit de faire des mots nouveaux, pas même aux souverains. De sorte, ajoutait ce bon Vaugelas, que Pomponius Marcellus eut raison de reprendre Tibère d'en avoir fait un, et de dire qu'il pouvait bien donner le droit de bourgeoisie aux hommes, mais non pas aux mots, car leur autorité ne s'etend pas jusque-là. » (Aimé Martin.) |