PSYCHÉ. Ah! seigneur, je tremble des crimes Que je vous fais commettre, et je dois me haïr... LE ROI. Ah! qu'ils souffrent du moins mes plaintes légitimes; Ce doit leur être assez que mon cœur t'abandonne Ce PSYCHÉ. Ah! de grace, seigneur, épargnez ma foiblesse; Des larmes de votre tendresse. Seuls ils sont assez forts, et c'est trop pour mon cœur LE ROI. Oui, je dois t'épargner mon deuil inconsolable. M'oblige à te laisser en ce funeste lieu. Ce qui suit jusqu'à la fin de la pièce est de M. Corneille, à la réserve de la première scène du troisième acte, qui est de la même main que ce qui a précédé. La situation de Psyché et de son père est la même que celle d'Iphigénie et d'Agamemnon. Le père de Psyché est plus touchant que le roi de Mycènes, parce qu'il ne mérite en rien son malheur, qu'il ne peut rien pour s'y soustraire, et que rien ne pourra l'en consoler. Mais, d'un autre côté, Iphigénie, laissant échapper ces regrets si naturels dans une jeune fille qui va perdre, avec la vie qu'elle aime, un amant qu'elle chérit encore davantage, cst bien plus attendrissante que Psyché encourageant son père à la constance, et lui remontrant cé qu'il doit à sa qualité de roi et à son respect pour les dieux. (Auger.) SCÈNE II. - PSYCHÉ, AGLAure, cidippe. PSYCHE. Suivez le roi, mes sœurs : vous essuierez ses larmes, Et vous l'accableriez d'alarmes, Si vous vous exposiez encore à mes malheurs. Le serpent que j'attends peut vous être funeste, Et me porter en vous une seconde mort. A son haleine empoisonnée ; AGLAURE. Ne nous enviez pas ce cruel avantage, C'est vous perdre inutilement. CIDIPPE. C'est en votre faveur espérer un miracle, Que peut-on se promettre après un tel oracle? AGLAURF. Un oracle jamais n'est sans obscurité : On l'entend d'autant moins, que mieux on croit l'entendre 2; Laissez-nous voir, ma sœur, par une digne issue, Si le ciel à nos vœux ne se montre plus doux. Quand on ne serait pas averti par une note que Corneille vient de prendre la plume, il semble que ce vers, Et je n'ai pas besoin d'exemple pour mourir, suffirait pour déceler sa main. (Auger.) Ce vers et le précédent se trouvent dans Horace, acte II, scène HI. PSYCHÉ. Ma sœur, écoutez mieux la voix de la nature, Vous m'aimez trop; le devoir en murmure; Un père vous doit être encor plus cher que moi. Ou ne vous avoir pas pour témoins toutes deux AGLAURE. Partager vos malheurs, c'est vous importuner. CIDIPPE. J'ose dire un peu plus, ma sœur, c'est vous déplaire. PSYCHÉ. Non; mais enfin c'est me gêner, Et peut-être du ciel redoubler la colère. AGLAURE. Vous le voulez, et nous partons. Daigne ce même ciel, plus juste et moins sévère, En dépit de l'oracle et malgré vous, espère. PSYCHÉ. Adieu. C'est un espoir, ma sœur, et des souhaits Enfin, seule et toute à moi-même, Je puis envisager cet affreux changement Qui, du haut d'une gloire extrême, Me précipite au monument. Cette gloire étoit sans seconde; L'éclat s'en répandoit jusqu'aux deux bouts du monde. Tout ce qu'il a de rois sembloient faits pour m'aimer; Tous leurs sujets, me prenant pour déesse, III. 31 Commençoient à m'accoutumer Aux encens qu'ils m'offroient sans cesse; Leurs soupirs me suivoient, sans qu'il m'en coûtât rien Reine de tous les cœurs et maîtresse du mien '. Déployez-vous sur moi tant de sévérité, Pour n'avoir à leurs vœux rendu que de l'estime? Qu'il fallut faire un choix pour ne pas vous déplaire, Que ne le faisiez-vous pour moi? Que ne m'inspiriez-vous ce qu'inspire à tant d'autres SCÈNE IV. CLÉOMÈNE, AGÉNOR, PSYCHÉ. Deux amis, deux rivaux, dont l'unique souci PSYCHÉ. Puis-je vous écouter, quand j'ai chassé deux sœurs? AGÉNOR, Un serpent n'est pas invincible : A la main dont lui-même il conduit tous les dards. Voulez-vous qu'il vous serve en faveur d'une ingrate Ces vers sont d'autant plus remarquables, qu'ils s'éloignent beaucoup da geure de Corneille. Nous verrons ce grand poëte exprimer la passion de l'amour avec un charme qui étonne dans un vieillard dont l'ame s'étoit nourrie d'objets sublimes. (Peritot.) Que tous ses traits n'ont pu toucher? Qu'il dompte sa vengeance au moment qu'elle éclate Quand même vous m'auriez servie, CLEOMÈNE. Ce n'est point par l'espoir d'un si charmant salaire Nous ne cherchons qu'à satisfaire Aux devoirs d'un amour qui n'ose présumer Vivez, belle princesse, et vivez pour un autre : Nous en mourrons, mais d'un trépas plus doux Et, si nous ne mourons en vous sauvant le jour, Vivez, princes, vivez, et de ma destinée Ne songez plus à rompre ou partager la loi : Je pense ouïr déja les mortels sifflements De son ministre qui s'approche : Ma frayeur me le peint, me l'offre à tous moments : J'en tombe de foiblesse, et mon cœur abattu Rien ne s'offre à nos yeux encor qui les étonne; Nous avons des cœurs et des bras Que l'espoir n'abandonne pas. Peut-être qu'un rival a dicté cet oracle, |