Ne pourroit sur aucun laisser tomber mon choix. Je répondrois assez de mes vœux les plus doux; Trop que deux cœurs pour moi, trop peu qu'un cœur pour vous, De mes plus doux souhaits j'aurois l'ame gênée A l'effort de votre amitié; Et j'y vois l'un de vous prendre une destinée A me faire trop de pitié. Oui, princes, à tous ceux dont l'amour suit le vôtre, Mais je n'aurois jamais le cœur De pouvoir préférer l'un de vous deux à l'autre. Ma tendresse feroit un trop grand sacrifice; Le tort qu'à l'autre je ferois. Oui, tous deux vous brillez de trop de grandeur d'ame Et vous devez chercher dans l'amoureuse flamme Si votre cœur me considère Assez pour me souffrir de disposer de vous, Qui peuvent bien vous faire un destin assez doux; CLEOMÈNE. Un cœur dont l'amour est extrême Sur nos deux cœurs, madame, à vos divins appas Disposez-en pour le trépas : Mais pour une autre que vous-même, Ayez cette bonté de n'en disposer pas. AGÉNOR. Aux princesses, madame, on feroit trop d'outrage, Il faut d'un premier feu la pureté fidèle Pour aspirer à cet honneur AGLAURE. Il me semble, sans nul courroux, Nous croyez-vous un cœur si facile et si tendre ? CIDIPPE. Je pense que l'on a d'assez hauts sentiments PSYCHÉ. une gloire assez grande, J'ai cru pour vous, mes sœurs Si la possession d'un mérite si haut... SCÈNE IV. PSYCHÉ, AGLAURE, CIDIPPE, CLÉOMÈNE, AGÉNOR, LYCAS. De ce trouble si grand que faut-il que j'attende? LYCAS. Vous ne le saurez que trop tot. PSYCHÉ. Hélas! que pour le roi tu me donnes à craindre! LYCAS. Ne craignez que pour vous; c'est vous que l'on doit plaindre. PSYCHÉ. C'est pour louer le ciel, et me voir hors d'effroi, LYCAS. Souffrez que j'obéisse à qui m'envoie ici, Madame, et qu'on vous laisse apprendre de sa bouche Ce qui peut m'affliger ainsi. PSYCHÉ. Allons savoir sur quoi l'on craint tant ma foiblesse. SCÈNE V. AGLAURE, CIDIPPE, LYCAS. AGLAURE. Si ton ordre n'est pas jusqu'à nous étendu, Dis-nous quel grand malheur nous couvre ta tristesse. LYCAS. Hélas! ce grand malheur, dans la cour répandu, Dans l'oracle qu'au roi les destins ont rendu. » A vouloir de Psyché conclure l'hyménée; » Mais qu'au sommet d'un mont elle soit promptement » En pompe funèbre menée, Et >> que, de tous abandonnée, >> Pour époux elle attende en ces lieux constamment » Un monstre dont on a la vue empoisonnée, » Un serpent qui répand son venin en tous lieux, Je vous quitte, et vous laisse à juger entre vous Ma sœur, que sentez-vous à ce soudain malheur AGLAURF. Mais vous, que sentez-vous, ma sœur? CIDIPPE. A ne vous point mentir, je sens que, dans mon cœur, AGLAURE. Moi, je sens quelque chose au mien Qui ressemble assez à la joie. Allons, le Destin nous envoie Un mal que nous pouvons regarder comme un bien. PREMIER INTERMÈDE. La scène est changée en des rochers affreux, et fait voir en l'éloignement une grotte effroyable. C'est dans ce désert que Psyché doit être exposée, pour obéir à l'oracle. Une troupe de personnes affligées y' viennent déplorer sa disgrace. Une partie de cette troupe désolée témoigne sa pitié par des plaintes touchantes et par des concerts lugubres; et l'autre exprime sa désolation par une danse pleine de toutes les marques du plus violent désespoir. PLAINTES EN ITALIEN Chantées par une femme désolée et deux hommes affligés. FEMME DÉSOLÉE. Deb! piangete al pianto mio, PREMIER HOMME AFFLIGE. Ahi dolore! SECOND HOMME AFFLIGE. Abi martire! PREMIER HOMME AFFLIGE. Cruda morte! SECOND HOMME AFFLIGE. Empia sorte! TOUS TROIS. Che condanni a morir tania beltà! Cieli! stelle! ahi crudeltà! FLMME DÉSOLÉE. Rispondete a mie'. lamenti, Antri cavi, ascose rupi; Deh! ridite, fondi cupi, Del mio duolo i mesti accenti. PREMIER HOMME AFFLIGE. Ahi dolore! SECOND HOMME AFFLIGE. Ahi martire! PREMIER HOMME AFFLIGE. Cruda morte! FEMME DÉSOLÉE, ET SECOND HOMME AFFLIGE. Empia sorte! TOUS TROIS Che condanni a morir tanta beltà! Cieli! stelle! ahi crudeltà! SECOND HOMME AFFLIGE. Com' esser può fra voi, o numi eterni, PREMIER HOMME AFFLIGE. Nume fiero! SECOND HOMME AFFLIGE. Dio severo! LES DEUX HOMMES AFFLIGES. Perchè tanto rigor Contro innocente cor? Ahi! sentenza inudita! Dar morte à la beltà, ch' altrui dà vita! FEMME DÉSOLÉE. Abi! ch' indarno si tarda! Non resiste a li dei mortale affetto, Alto impero ne sforza, Ove comanda il ciei, l' uom cede a forza. PREMIER HOMME AFFLIGE. Ahi dolore! SECOND HOMME AFFLIGE. Abi martire! PREMIER HOMME AFFLIGE. Cruda morte! FEMME DESOLÉE, ET SECOND HOMME AFFLIGE. Empia sorte! |