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Ne pourroit sur aucun laisser tomber mon choix.
A l'ardeur de votre poursuite,

Je répondrois assez de mes vœux les plus doux;
Mais c'est, parmi tant de mérite,

Trop que deux cœurs pour moi, trop peu qu'un cœur pour vous, De mes plus doux souhaits j'aurois l'ame gênée

A l'effort de votre amitié;

Et j'y vois l'un de vous prendre une destinée

A me faire trop de pitié.

Oui, princes, à tous ceux dont l'amour suit le vôtre,
Je vous préférerois tous deux avec ardeur;

Mais je n'aurois jamais le cœur

De pouvoir préférer l'un de vous deux à l'autre.
A celui que je choisirois

Ma tendresse feroit un trop grand sacrifice;
Et je m'imputerois à barbare injustice

Le tort qu'à l'autre je ferois.

Oui, tous deux vous brillez de trop de grandeur d'ame
Pour en faire aucun malheureux;

Et vous devez chercher dans l'amoureuse flamme
Le moyen d'être heureux tous deux.

Si votre cœur me considère

Assez pour me souffrir de disposer de vous,
J'ai deux surs capables de plaire,

Qui peuvent bien vous faire un destin assez doux;
Et l'amitié me rend leur personne assez chère
Pour vous souhaiter leurs époux.

CLEOMÈNE.

Un cœur dont l'amour est extrême
Peut-il bien consentir, hélas!
D'être donné par ce qu'il aime?

Sur nos deux cœurs, madame, à vos divins appas
Nous donnons un pouvoir suprême;

Disposez-en pour le trépas :

Mais pour une autre que vous-même,

Ayez cette bonté de n'en disposer pas.

AGÉNOR.

Aux princesses, madame, on feroit trop d'outrage,
Et c'est, pour leurs attraits, un indigne partage,
Que les restes d'une autre ardeur.

Il faut d'un premier feu la pureté fidèle

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Pour aspirer à cet honneur
Où votre bonté nous appelle,
Et chacune mérite un cœur
Qui n'ait soupiré que pour elle.

AGLAURE.

Il me semble, sans nul courroux,
Qu'avant que de vous en défendre,
Princes, vous deviez bien attendre
Qu'on se fût expliqué sur vous.

Nous croyez-vous un cœur si facile et si tendre ?
Et, lorsqu'on parle ici de vous donner à nous,
Savez-vous si l'on veut vous prendre?

CIDIPPE.

Je pense que l'on a d'assez hauts sentiments
Pour refuser un cœur qu'il faut qu'on sollicite,
Et qu'on ne veut devoir qu'à son propre mérite
La conquête de ses amants.

PSYCHÉ.

une gloire assez grande, J'ai cru pour vous, mes sœurs Si la possession d'un mérite si haut...

SCÈNE IV. PSYCHÉ, AGLAURE, CIDIPPE, CLÉOMÈNE,

AGÉNOR, LYCAS.

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De ce trouble si grand que faut-il que j'attende?

LYCAS.

Vous ne le saurez que trop tot.

PSYCHÉ.

Hélas! que pour le roi tu me donnes à craindre!

LYCAS.

Ne craignez que pour vous; c'est vous que l'on doit plaindre.

PSYCHÉ.

C'est pour louer le ciel, et me voir hors d'effroi,
De savoir que je n'aie à craindre que pour moi.
Mais apprends-moi, Lycas, le sujet qui te touche.

LYCAS.

Souffrez que j'obéisse à qui m'envoie ici,

Madame, et qu'on vous laisse apprendre de sa bouche Ce qui peut m'affliger ainsi.

PSYCHÉ.

Allons savoir sur quoi l'on craint tant ma foiblesse.

SCÈNE V.

AGLAURE, CIDIPPE, LYCAS.

AGLAURE.

Si ton ordre n'est pas jusqu'à nous étendu,

Dis-nous quel grand malheur nous couvre ta tristesse.

LYCAS.

Hélas! ce grand malheur, dans la cour répandu,
Voyez-le vous-même, princesse,

Dans l'oracle qu'au roi les destins ont rendu.
Voici ses propres mots, que la douleur, madame,
A gravés au fond de mon ame :
«Que l'on ne pense nullement

» A vouloir de Psyché conclure l'hyménée;

» Mais qu'au sommet d'un mont elle soit promptement » En pompe funèbre menée,

Et

>> que, de tous abandonnée,

>> Pour époux elle attende en ces lieux constamment

» Un monstre dont on a la vue empoisonnée,

» Un serpent qui répand son venin en tous lieux,
>> Et trouble dans sa rage et la terre et les cieux. »
Après un arrêt si sévère,

Je vous quitte, et vous laisse à juger entre vous
Si, par de plus cruels et plus sensibles coups,
Tous les dieux nous pouvoient expliquer leur colère.

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Ma sœur, que sentez-vous à ce soudain malheur
Où nous voyons Psyché par les destins plongée?

AGLAURF.

Mais vous, que sentez-vous, ma sœur?

CIDIPPE.

A ne vous point mentir, je sens que, dans mon cœur,
Je n'en suis pas trop affligée.

AGLAURE.

Moi, je sens quelque chose au mien

Qui ressemble assez à la joie.

Allons, le Destin nous envoie

Un mal que nous pouvons regarder comme un bien.

PREMIER INTERMÈDE.

La scène est changée en des rochers affreux, et fait voir en l'éloignement une grotte effroyable.

C'est dans ce désert que Psyché doit être exposée, pour obéir à l'oracle. Une troupe de personnes affligées y' viennent déplorer sa disgrace. Une partie de cette troupe désolée témoigne sa pitié par des plaintes touchantes et par des concerts lugubres; et l'autre exprime sa désolation par une danse pleine de toutes les marques du plus violent désespoir.

PLAINTES EN ITALIEN

Chantées par une femme désolée et deux hommes affligés.

FEMME DÉSOLÉE.

Deb! piangete al pianto mio,
Sassi duri, antiche selve;
Lagrimate, fonti, e belve,
D'un bel volto il fato rio.

PREMIER HOMME AFFLIGE.

Ahi dolore!

SECOND HOMME AFFLIGE.

Abi martire!

PREMIER HOMME AFFLIGE.

Cruda morte!

SECOND HOMME AFFLIGE.

Empia sorte!

TOUS TROIS.

Che condanni a morir tania beltà!

Cieli! stelle! ahi crudeltà!

FLMME DÉSOLÉE.

Rispondete a mie'. lamenti,

Antri cavi, ascose rupi;

Deh! ridite, fondi cupi,

Del mio duolo i mesti accenti.

PREMIER HOMME AFFLIGE.

Ahi dolore!

SECOND HOMME AFFLIGE.

Ahi martire!

PREMIER HOMME AFFLIGE.

Cruda morte!

FEMME DÉSOLÉE, ET SECOND HOMME AFFLIGE.

Empia sorte!

TOUS TROIS

Che condanni a morir tanta beltà!

Cieli! stelle! ahi crudeltà!

SECOND HOMME AFFLIGE.

Com' esser può fra voi, o numi eterni,
Chi voglia estinta una beltà innocente?
Ahi! che tanto rigor, cielo inclemente,
Vince di crudeltà gli stessi inferni.

PREMIER HOMME AFFLIGE.

Nume fiero!

SECOND HOMME AFFLIGE.

Dio severo!

LES DEUX HOMMES AFFLIGES.

Perchè tanto rigor

Contro innocente cor?

Ahi! sentenza inudita!

Dar morte à la beltà, ch' altrui dà vita!

FEMME DÉSOLÉE.

Abi! ch' indarno si tarda!

Non resiste a li dei mortale affetto,

Alto impero ne sforza,

Ove comanda il ciei, l' uom cede a forza.

PREMIER HOMME AFFLIGE.

Ahi dolore!

SECOND HOMME AFFLIGE.

Abi martire!

PREMIER HOMME AFFLIGE.

Cruda morte!

FEMME DESOLÉE, ET SECOND HOMME AFFLIGE.

Empia sorte!

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