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>> bien tort de s'étonner que des courtisans emploient l'intrigue >> et les complots pour s'entre-détruire, lorsque dans le sein des >> familles les personnes les plus unies par le sang ne peuvent » pas se supporter. »

» Ainsi, dans l'envie, tous les degrés se touchent. Les causes en sont parfois frivoles; mais les sentiments sont amers, et les effets souvent terribles. Les sœurs de Psyché ne voudraient pas assurément tuer leur soar; elles ne voudraient même pas la voir mourir; mais elles voudraient qu'elle fût moins belle et moins heureuse. » M. Saint-Marc Girardin, à l'appui de ces réflexions, cite les caractères d'Aglaure et de Cidippe tels qu'ils ont été tracés par Molière; et nous avons cru devoir indiquer ici ces remarques de l'auteur du Cours de littérature dramatique, parce qu'il a signalé le premier de délicates observations morales dans une pièce où jusqu'alors les critiques n'avaient vu que la mise en œuvre, plus ou moins heureuse, d'une fable tant soit peu surannée.

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Mademoiselle

• Mademoi

Acteurs de la troupe de Molière: DU CROISY. 1 - 'Mademoiselle DE BRIE.3 BARON. - MOLIÈRE. Mademoiselle LA THORILLIÈRE. — DU CROISY. LA THOrillière. - Mademoiselle MOLIÈRE. selle BEAUPRÉ. -19 Mademoiselle BEAUVAL. -- "HUBERT. LA GRANGE. CHATEAUNEUF.14 DE BRIE. LA THORILLIERE fils, et BARILLONET.

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PROLOGUE.

La scène représente, sur le devant, un lieu champêtre, et dans l'enfoncement, un rocher percé à jour, au travers duquel on voit la mer en éloignement. Flore paroit au milieu du théâtre, accompagnée de Vertumne, dieu des arbres et des fruits, et de Palimon, dieu des eaux. Chacun de ces dieux conduit une troupe de divinités : l'un mène à sa suite des dryades et des sylvains, et l'autre des dieux des fleuves et des naïades. Flore chante ce récit pour inviter Vénus à descendre en terre :

Ce n'est plus le temps de la guerre ;

Le plus puissant des rois
Interrompt ses exploits,

Pour donner la paix à la terre '.

Descendez, mère des Amours,

Venez nous donner de beaux jours.

Vertumne et Palémon, avec les divinités qui les accompagnent, joignent leurs voix à celle de Flore, et chantent ces paroles :

CHOEUR DES DIVINITÉS de la terre et des eaux, composé de Flore, nymphes, Palemon, Vertumne, sylvains, faunes, dryades et naïades.

Nous goûtons une paix profonde,

Les plus doux jeux sont ici-bas.
On doit ce repos plein d'appas

Au plus grand roi du monde.
Descendez, mère des Amours,
Venez nous donner de beaux jours.

Il se fait ensuite une entrée de ballet, composée de deux dryades, quatre sylvains, deux fleuves, et deux naïades; après laquelle Vertumne et Palémon chantent ce dialogue:

VERTUMNE.

Rendez-vous, beautés cruelles,

Soupirez à votre tour.

PALÉMON.

Voici la reine des belles,
Qui vient inspirer l'amour:

'La paix signée à Aix-la-Chapelle le 2 mai 1668.

VERTUMNE.

Un bel objet, toujours sévère,

Ne se fait jamais bien aimer.

PALÉMON.

C'est la beauté qui commence de plaire;
Mais la douceur achève de charmer.

TOUS DEUX ENSEMBLE.

C'est la beauté qui commence de plaire;
Mais la douceur achève de charmer.

VERTUMNE.

Souffrons tous qu'Amour nous blesse ;
Languissons, puisqu'il le faut.

PALÉMON.

Que sert un cœur sans tendresse?
Est-il un plus grand défaut?

VERTUMNE.

Un bel objet, toujours sévère,
Ne se fait jamais bien aimer.

PALÉMON.

C'est la beauté qui commence de plaire;
Mais la douceur achève de charmer.

TOUS DEUX ENSEMBLE.

C'est la beauté qui commence de plaire;

Mais la douceur achève de charmer.

FLORE répond au dialogue de Vertumne et de Palémon par ce menuet; et les

autres divinités y mèlent leurs danses.

Est-on sage,

Dans le bel âge,

Est-on sage

De n'aimer pas?

Que sans cesse,

L'on se presse

De goûter les plaisirs ici-bas.

La sagesse

De la jeunesse,

C'est de savoir jouir de ses appas.

L'Amour charme

Ceux qu'il désarme;

L'Amour charme,
Cédons-lui tous.

Notre peine

Seroit vaine

De vouloir résister à ses coups;
Quelque chaîne

Qu'un amant prenne,

La liberté n'a rien qui soit si doux.

Vénus descend du ciel dans une grande machine, avec l'Amour son fils, et deux petites Graces nommées Ægiale et Phaène; et les divinités de la terre et des eaux recommencent de joindre toutes leurs voix, et continuent par leurs danses de lui témoigner la joie qu'elles ressentent à son abord.

CHOEUR de toutes les divinités de la terre et des eaux.

Nous goûtons une paix profonde,
Les plus doux jeux sont ici-bas;
On doit ce repos plein d'appas

Au plus grand roi du monde.
Descendez, mère des Amours,
Venez nous donner de beaux jours.
VÉNUS, dans sa machine.

Cessez, cessez pour moi tous vos chants d'allégresse ;
De si rares honneurs ne m'appartiennent pas;
Et l'hommage qu'ici votre bonté m'adresse
Doit être réservé pour de plus doux appas.
C'est une trop vieille méthode
De me venir faire sa cour;
Toutes les choses ont leur tour,
Et Vénus n'est plus à la mode.
Il est d'autres attraits naissants
Où l'on va porter ses encens.

Psyché, Psyché la belle, aujourd'hui tient ma place;
Dėja tout l'univers s'empresse à l'adorer ;

Et c'est trop que, dans ma disgrace,

Je trouve encor quelqu'un qui me daigne honorer.
On ne balance point entre nos deux mérites,
A quitter mon parti tout s'est licencié,
Et du nombreux amas de Graces favorites
Dont je trainois partout les soins et l'amitié,
Il ne m'en est resté que deux des plus petites,
Qui m'accompagnent par pitié.

Souffrez que ces demeures sombres
Prêtent leur solitude aux troubles de mon cœur,

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Et me laissez, parmi leurs ombres,

Cacher ma honte et ma douleur.

Flore et les autres déités se retirent, et Vénus, avec sa suite, sort de sa machine.

GIALE.

Nous ne savons, déesse, comment faire,
Dans ce chagrin qu'on voit vous accabler.
Notre respect veut se taire,

Notre zèle veut parler.

VÉNUS.

Parlez; mais si vos soins aspirent à me plaire,
Laissez tous vos conseils pour une autre saison,
Et ne parlez de ma colère

Que pour dire que j'ai raison.

C'étoit là, c'étoit là la plus sensible offense
Que ma divinité pût jamais recevoir :

Mais j'en aurai la vengeance,

Si les dieux ont du pouvoir.

PHAÈNE.

Vous avez plus que nous de clarté, de sagesse,
Pour juger ce qui peut être digne de vous;
Mais, pour moi, j'aurois cru qu'une grande déesse
Devroit moins se mettre en courroux.

VÉNUS.

Et c'est là la raison de ce courroux extrême.
Plus mon rang a d'éclat, plus l'affront est sanglant,
Et, si je n'étois pas dans ce degré suprème,
Le dépit de mon cœur seroit moins violent.
Moi, la fille du dieu qui lance le tonnerre,
Mère du dieu qui fait aimer;

Moi, les plus doux souhaits du ciel et de la terre,
Et qui ne suis venue au jour que pour charmer;
Moi qui, par tout ce qui respire,

Ai vu de tant de vœux encenser mes autels,
Et qui de la beauté, par des droits immortels,
Ai tenu de tout temps le souverain empire;
Moi, dont les yeux ont mis deux grandes déités
Au point de me céder le prix de la plus belle,
Je me vois ma victoire et mes droits disputés
Par une chétive mortelle!

Le ridicule excès d'un fol entêtement

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