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SBRIGANI, bas, à monsieur de Pourceaugnac.
Il y a cent choses comme cela qui passent de la tête.
ÉRASTE.

Embrassez-moi donc, je vous prie, et resserrons les nœuds de notre ancienne amitié.

SBRIGANI, à monsieur de Pourceaugnac.

Voilà un homme qui vous aime fort.

ÉRASTE.

Dites-moi un peu des nouvelles de toute la parenté. Comment se porte monsieur votre... là... qui est si honnête homme?

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Certes, j'en suis ravi. Et celui qui est de si bonne humeur? Là... monsieur votre...

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Ma foi, j'en ai beaucoup de joie. Et monsieur votre oncle?

Le...

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Je n'ai point d'oncle.

ÉRASTE.

Vous aviez pourtant en ce temps-là.......

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Non rien qu'une tante. :

ÉRASTE.

C'est ce que je voulois dire, madame votre tante. Comment se porte-t-elle?

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Elle est morte depuis six mois.

ÉRASTE.

Hélas! la pauvre femme! elle étoit si bonne personne!

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Nous avons aussi mon neveu le chanoine qui a pensé mourir de la petite vérole.

ÉRASTE.

Quel dommage ç'auroit été !

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Le connoissez-vous aussi?

ÉRASTE.

Vraiment; si je le connois! Un grand garçon bien fait.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Pas des plus grands.

ÉRASTE.

Non; mais de taille bien prise.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Hé! oui.

ÉRASTE.

Qui est votre neveu?

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Qui.

ÉRASTE.

Fils de votre frère ou de votre sœur?

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Justement.

ÉRASTE.

Chanoine de l'église de... Comment l'appelez-vous ?

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

De Saint-Étienne.

ÉRASTE.

Le voilà je ne connois autre.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC, à Sbrigani.

Il dit toute la parenté.

SBRIGANI.

Il vous connoît plus que vous ne croyez.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

A ce que je vois, vous avez demeuré longtemps dans notre ville?

Deux ans entiers.

ÉRASTE.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Vous étiez donc là quand mon cousin l'élu fit tenir son enfant à monsieur notre gouverneur?

ÉRASTE.

Vraiment oui; j'y fus convié des premiers.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Cela fut galant.

ÉRASTE.

Très galant. Oui.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

C'étoit un repas bien troussé.

ÉRASTE.

Sans doute.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Vous vîtes donc aussi la querelle que j'eus avec ce gentilhomme périgordin?

ÉRASTE.

Oui.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Parbleu! il trouva à qui parler.

Ah! ah!

ÉRASTE.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Il me donna un soufflet; mais je lui dis bien son fait.

ÉRASTE.

Assurément. Au reste, je ne prétends pas que vous preniez d'autre logis que le mien.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Je n'ai garde de...

ÉRASTE.

Vous moquez-vous? je ne souffrirai point du tout que mon meilleur ami soit autre part que dans ma maison.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Ce seroit vous...

ÉRASTE.

Non. Vous avez beau faire! vous logerez chez moi1.

SBRIGANI, à monsieur de Pourceaugnac.

Puisqu'il le veut obstinément, je vous conseille d'accepter l'offre.

Ꭺ ᏙᎪᎡ.

Non, le diable m'emporte, vous logercz chez moi!

Où sont vos hardes?

ÉRASTE.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Je les ai laissées, avec mon valet, où je suis descendu.

ÉRASTE.

Envoyons-les querir par quelqu'un.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Non. Je lui ai défendu de bouger, à moins que j'y fusse moi-même, de peur de quelque fourberie.

SBRIGANI.

C'est prudemment avisé.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Ce pays-ci est un peu sujet à caution.

ÉRASTE.

On voit les gens d'esprit en tout.

SBRIGANI.

Je vais accompagner monsieur, et le ramènerai où vous voudrez.

ÉRASTE.

Oui. Je serai bien aise de donner quelques ordres, et vous n'avez qu'à revenir à cette maison-là.

SBRIGANI.

Nous sommes à vous tout à l'heure.

ÉRASTE, à monsieur de Pourceaugnac.

Je vous attends avec impatience.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC, à Shriganı.

Voilà une connoissance où je ne m'attendois point.

SBRIGANI.

Il a la mine d'être honnête homme.

ÉRASTE, seul.

Ma foi, monsieur de Pourceaugnac, nous vous en donnerons de toutes les façons les choses sont préparées, et je n'ai qu'à frapper. Holà1!

SCÈNE VII. ÉRASTE, UN APOTHICAIRE.

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ÉRASTE.

Je crois, monsieur, que vous êtes le médecin à qui l'on est venu parler de ma part?

Molière doit l'idée de cette scène à une nouvelle de Scarron, publiée dixsept ans avant Pourceaugnac. Cette nouvelle est intitulée: Ne pas croire ce qu'on voit, histoire espagnole. 1652.

L'APOTHICAIRE

Non, monsieur; ce n'est pas moi qui suis le médecin, à moi n'appartient pas cet honneur; et je ne suis qu'apothicaire, apothicaire indigne, pour vous servir.

ÉRASTE.

Et monsieur le médecin est-il à la maison ?

L'APOTHICAIRE.

Oui. Il est là embarrassé à expédier quelques malades; et je vais lui dire que vous êtes ici.

ÉRASTE.

Non ne bougez; j'attendrai qu'il ait fait. C'est pour lui mettre entre les mains certain parent que nous avons, dont on lui a parlé, et qui se trouve attaqué de quelque folie, que nous serions bien aises qu'il pût guérir avant que de le marier.

L'APOTHICAIRE.

Je sais ce que c'est, je sais ce que c'est; et j'étois avec lui quand on lui a parlé de cette affaire. Ma foi, ma foi, vous ne pouviez pas vous adresser à un médecin plus habile. C'est un homme qui sait la médecine à fond, comme je sais ma croix de par Dieu, et qui, quand on devroit crever, ne démordroit pas d'un iota des règles des anciens. Oui, il suit toujours le grand chemin, le grand chemin, et ne va point chercher midi à quatorze heures; et, pour tout l'or du monde, il ne voudroit pas avoir guéri une personne avec d'autres remèdes que ceux que la Faculté permet.

ÉRASTE.

Il fait fort bien. Un malade ne doit point vouloir guérir que la Faculté n'y consente.

L'APOTHICAIRE.

Ce n'est pas parce que nous sommes grands amis que j'en parle; mais il y a plaisir d'être son malade; et j'aimerois mieux mourir de ses remèdes que de guérir de ceux d'un autre1. Car, quoi qu'il puisse arriver, on est assuré que les choses sont toujours dans l'ordre; et, quand on meurt sous sa conduite, vos héritiers n'ont rien à vous reprocher.

ÉRASTE.

C'est une grande consolation pour un défunt.

1 Moliere a déjà employé ce trait dans l'Amour médecin, acte II, scène VI.

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