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Le fçavoir à la fin diffipant l'ignorance;
Fit voir de ce projet la devote imprudence.

On chaffa ces Docteurs preschans sans mission.
90 On vit renaiftre Hector, Andromaque, Ilion.
Seulement, les Acteurs laiffant le mafque antique ;
Le violon tint lieu de Choeur & de mufique.

REMARQUES.

tre JEHAN MICHEL. Lequel Myftère fut joué à Angiers moult triumphamment. Et dernierement à Paris. Avec le nombre des perfonnages qui font à la fin dudit Livre. Et font en nombre CXLI. 1541. in4. L'autre Piéce contient le Miftère des Actes des Apôtres. Il fut imprimé à Paris en 1540. in4. & on marqua dans le titre, qu'il êtoit joué à Bourges. L'année d'après il fut réimprimé infolio à Paris où il fe jouoit. Cette Comédie eft divifée en deux parties: la première eft intitulée, Le premier volume des Catholi ques Oeuvres & Actes des Apoftres, rédigex en efcript par faint Luc Evangelifte & Hyftoriographe, de puté par le Saint Efprit, Iceiluy Saint Luc efcripvant à Theophile, Avecques plufieurs Hyftoires en icel tuy inférées des geftes des Céfars.

Le tout ven & corrigé bien & deuement felon la vraye verité, & joué par perfonnages à Paris en l'hotel de Flandres l'an mil cinq cens XLI. Avec Privilege du Roy. On les vend à la grand' Salle du Palais par Arnould & Charles les Angeliers freres tenans leurs boutiques au premier & deuxième pillier; devant la Chapelle de Meffeigneurs les Prefidens. In fol. La II. Patt. a pour titre : Le fecond volume du Magnifique Mystère des Actes des Apoflres continuant la narration de leurs faits & geftes felon l'efTome II,

fon

cripture fainte Avecques plu fieurs byfloires en icelluy inférées des gefes des Céfars. Ven & corrigé bien & deuement felon la vraye vérité & ainfi que le Mystère est joué à Paris cefte prefente année mil cinq cens quarante-ung, Cet Ouvrage fut commencé vers le milieu du XV. fiécle par Arnoul Greban, Chanoine du Mans, & continué par Simon Greban frere, Secretaire de Charles d'Anjou, Comte du Maine. Il fut enfuite revu, corrigé & imprimé par les foins de Pierre Cuevret ou Curet, Chanoine du Mans, qui vivoit au commencement du XVI. fiécle. Voïés la Bibliothèque de La Croix du Maine, pages 24. 391. & 456. Quelques perfonnes avoient entrepris de faire jouer de cette manière en 1542. le Millère de l'Ancien Teftament & le Roi avoit approuvé leur deffein ;. mais le Parlement s'y oppofa, par Acte du 9. Decembre 1941. Ce morceau des Regiftres du Parlement eft très-curieux. Du MONTEIL.

VERS 90. 91. & 92. On vit renaifre Hector, &c.] Ce ne fut que fous Louis XIII. que la Tra. gédie commença à prendre une bonne forme en France. DE S P.

les Acteurs laiffant le Mafque antique, 1 Ce Mafque antique s'appliquait fur le vifage de

F

Bien-toft l'Amour fertile en tendres fentimens
S'empara du Theatre, ainfi que des Romans.
95 De cette Paffion la fenfible peinture
Eft pour aller au cœur la route la plus feure.

REMARQUES.

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Nôtre Auteur s'eft trompé dans fa petite Note fur le Mafque antique, & M. Du Monteil a rai fon de dire: "Il ne s'agit point ici de la Comédie, ni par conféquent de ces Mafques fatiri ", ques, qui répréfentoient le ,, vifage des perfonnes qu'on jouoit. M. Defpréaux ne parle ,, que de la Tragédie ; & il veut

دو

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"

dire fimplement que lorf

,, qu'on mit en France fur le
Theatre des Sujets pris de la
Tragédie des Anciens, on s'é-
loigna de l'ufage reçu parmi
,, eux de donner des Mafques
,, aux Acteurs ,,. Il y a dans la
petite Note de nôtre Auteur une
autre faute. Les Mafques, dont
on fe fervoit dans la Tragédie,
ne reflembloient point aux nô-
tres; ils ne s'appliquoient point
fur le vifage. Ils répréfentoient
des têtes entières plus grandes
que le Naturel
afin de répon-
dre au refte de l'habillement des
Acteurs, qui fervoit à les faire
paroître plus grands & plus gros
que ne le font les Hommes or-
dinaires.

Quoique nôtre Auteur puiffe dire au fujet du retranchement

des Chaurs & de la Mufique, nous ne conviendrons pas facilement que ce foit une perte fi grande. Si nous avions confervé le Chaur, nous n'aurions pas le plus grand nombre de nos meilleures Tra gédies, dont la Scene, par la na. ture de leurs Sujets, ne doit point être en lieu public. Nous voïons d'ailleurs par nos Opera, combien la néceffité du Chœur produit d'extravagances; bien qu'on ne l'y faffe paroître, que par intervalle; en quoi nous nous fommes fagement écartés de l'ufage des Anciens, chés lefquels il ne quittoit point le Théatre.

A l'égard de la forme de nôtre Tragédie, elle n'a véritablement êté fixée, que fous le Regne de Louis XIII. Nôtre Auteur dans fa Note, ne fait aucune attention aux Poetes Tragi. ques, qui avoient précédé, parce qu'ils avoient travaillé fur le plan des Anciens, & que leurs Pièces font avec des Chours. On doit pourtant avoüer qu'ils ont ouvert la voie à ceux qui les ont fuivis, & c'est pour leur rendre la juftice, qui leur eft due à cet égard, auffi bien que pour fuppléer à ce que M. Def préaux n'a point dit, & continuer à donner quelque idée de l'Hiftoire de nôtre ancienne Poëfie, que je vais mettre ici quelques morceaux de l'Art Poëtique de La Frefnaie-Vauquelin au fujet de la Tragédie, Il dit Livre II.

Peignez donc, j'y confens, les Heros amoureux.
Mais ne m'en formez pas des Bergers doucereux.

REMARQUES.

La brave Tragedie au Theatre attendue
Pour efire mieux du peuple en la Scene entendue,
Ne doit point avoir plus de cinq Actes parfaits:
Ange ni Dieu n'y foit: s'il n'eft befoin de faits
Qui foiens un peu douteux: ou d'une mort celee,
Qui d'une Ombre ou d'un Dieu lors fera revelee:
Et ne parle un quatriefme en l'Etage avec trois :
Trois parlant feulement fuffifent à la fois.

Ces Vers font une Paraphrafe de ces quatre d'HOR. Art Poet, 189
Neve minor, neu fit quinto productior a&tu
Fabula, que pofci vult & fpectata reponi:
Nec Deus interfit, nifi dignus vindice nodus
Inciderit ; nec quarta loqui perfona laboret.

HORACE ne veut pas que la
Tragédie ait ni plus ni moins de
cinq Actes. La Frefnaie-Vauque.
lin, fe contentant de demander,
qu'elle n'en ait pas d'avantage,
femble reconnoître par là, qu'el-
le peut en avoir moins. Rien
de fi peu fondé, que la préten-
due Règle des cinq Actes, à la-
quelle nous devons tant de Scé-
nes poftiches, qui gâtent beau-
coup de nos Tragédies. A ne fui-
vre que les Règles du bon fens,
une Pièce de Theatre ne doit
avoir que le nombre d'Actes né
ceflaires au développement de
l'Action entière ; & je ne vois
pas pourquoi nous ne ferions
pas pour la Tragédie, ce que
nous avons fait pour la Comédie;

& pourquoi nous ne ferions pas
pour l'une & pour l'autre enco-
re plus que nous ne faifons
Pourquoi ne pas s'impoter la
loi de faire toujours précifé-
ment le nombre d'Actes, que
demande la nature de l'Action
réduite dans fes juftes bornes.
Trop de matière pour un Acte.
& pas affés pour trois,
doit produire que deux. Trop
pour trois & pas alles pour
cinq, doit fe renfermer en qua-
tre. Je n'ai vu
dans tout ce

n'en

que j'ai lu fur la néceffité des cinq Actes de la Tragédie, que du verbiage & des paralogifmes.

Revenons à La Frefnaie-Vanquelin. Voici ce qu'il dit, page fuivante:

-nos vieux François ufoient de leur Rebec De la Flute de bonis & du Bedon avec,

Quand ils reprefentoient leurs Moralitez belles,

Qui fimples corps voloient fans plumes & fans ailles ;
De Chaur ils n'avoient point : & par Altes leurs jeux
N'efloient point feparez: mais or plus courageux
Ils feroient elever le Theatre de France,

S'ils avoient longue paix, fur l'antique arrogance.

Il avoit bien fenti de quoi le Génie François êtoit capable

Qu'Achille aime autrement que Tyrfis & Philene. 100 N'allez pas d'un Cyrus nous faire un Artamene : Et que l'Amour fouvent de remors combattu

Paroiffe une foibleffe & non une vertu.

Des Heros de Roman fuyez les petitesses : Toutefois aux grands cœurs donnez quelques foibleffes.

REMARQUES.

dans ce genre. Deux caufes ont
retardé parmi nous les progrès
de la Tragédie. La longueur des
Guerres civiles, & le peu de ré-
compenfe qu'eurent les tentati-
ves de Jodelle, de Garnier & de
leurs contemporains. Cette der-
nière caufe eft clairement an-
noncée par La Frefnaie-Vauque-
lin dans quelques-uns de fes Vers,

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que j'ai rapportés plus haut,dans la Remarque fur le Vers 67. Il eft à croire que fans la protection & les libéralités du Cardinal de Richelieu, nôtre Théatre feroit vraisemblablement encore trèsimparfait. Vers la fin du même II. Livre, La Frefnaie-Vauquelin parle ainfi de nos premiers Poë tes Tragiques.

JODELLE moy prefent, fill voir Ja Cleopatre,
En France des premiers au Tragique theatre,
Encor que de BAIF, un fi brave argument
Entre nous euft efté choisi premierement.
PERUSE ayant depuis cette Mufe guidee
Sur les rives du Clain, fifi incenfer Medee?
Mais la mort envieuse avançant fon trefpas i
Fift que fes vers tronquez parfaire il ne fceut pas :
Quand SAINTEMARTHE emeu de pitié naturelle
De ces doux orphelins entreprit la tutelle,
Sçavant les r ragença leur patrimoine accreut
Et grand' peine grand foin pour fes pupilles ent
Puis TOUTAIN nous fit voir de la couche royale
Du Prince Agamemnon la traifon defloyale : &c.

,

Et maintenant GARNIER, fçavant & copieux,
Tragique a furmonté les nouveaux & les vieux:
Montrant par fon parler affez doucement grave,
Que noftre langue paffe aujourd'huy la plus brave.

VERS 100. N'allez pas d'un Cy-
rus nous faire un Artamene.] AR-
TAMENE ou le Grand Cyrus,
Roman de Mademoiselle de Scu-
deri, Artamene eft un nom fup-
polé, que le Roman donne à Cy.

rus dans les voïages, qu'on lui fait entreprendre. Mais le caractère de ce Prince n'eft pas mieux confervé que fon nom. Voïés Tome IV. le Dialogue des Héros de Roman.

105 Achille déplairoit moins bouillant & moins prompt,
J'aime à lui voir verfer des pleurs pour un affront.
A ces petits defauts marquez dans fa peinture,
L'efprit avec plaifir reconnoist la nature.
Qu'il foit fur ce modele en vos écrits tracé.
110 Qu'Agamemnon foit fier, fuperbe, interessé.
Que pour les Dieux Enée ayt un respect austere.
Confervez à chacun fon propre caractere.

REMARQUES.

IMIT. Vers 106. J'aime à lui pour les Dieux Enée, &c. Confer voir, &c.] Iliade, Liv. I.

IMIT. Vers 110. III. & 112.
Qu'Agamemnon foit, &c. Que

vez à chacun fon propre carattere. ] Il faut rapprocher d'ici le Vers 105.

Achille déplairoit moins bouillant & moins prompt.

& ce qui fe trouve plus bas Vers 124.

D'un nouveau Perfonnage inventez-vous l'idée ?
Qu'en tout avec foi-mefme il fe montre d'accord
Et qu'il foit jufqu'au bout tel qu'on l'a vu d'abord.

Ces différens traits font imités de l'Art Poët, d'Horace, V. 119.
Aut famam fequere, aut fibi convenientia finge,
Scriptor. Honoratum fi forte reponis Achillem:
Impiger, iracundus, inexorabilis, acer,
Jura neget fibi nata, nihil non arroget armis.
Sit Medea ferox, invictaque; flebilis Ino;
Perfidus Ixion; Io vaga; triflis Oreftes.
Si quid inexpertum fcene committis, & audes
Perfonam formare novam ; fervetur ad imum
Qualis ab incepto procefferit, & fibi conftet.

C'est ce que La Frefnaie-Vanque fon Art Poet, & très-bien, pour
lin rend ainfi dans le I. Livre de fon temps, à certains égards:
Toy, qui fçavant efcris d'une plume estimee
Au plus pres fuy cela que tient la renommee :
Ou bien des chofes fein convenantes fi bien,
Que de non vray-femblable en elles n'y ait rien.
Si tu defcris d' Achille, honoré par Homere
Les faits & la valeur, l'ardeur & la colere
Fay le brufque & hautain, actif & convoiteux,
Ardent, impitoyable, invaincu, depiteux,
Ne confeffant jamais que les loix engravees,
Pour luy Loient en du cuypre es tables elevees;

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