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Ainfi pour nous charmer, la Tragedie en pleurs
D'Oedipe tout fanglant fit parler les douleurs,
D'Orefte parricide exprima les alarmes,

Et

pour nous

divertir nous arracha des larmes.

les Theatre épris,

Vous donc, qui d'un beau feu pour
10 Venez en vers pompeux y difputer le prix,
Voulez-vous fur la Scene étaler des ouvrages,
Où tout Paris en foule apporte fes fuffrages,

REMARQUES.

Et nous plaift en peinture une chofe hideufe,
Qui feroit à la voir en effence fachenfe.

Comme il fait plus beau voir un finge bien pourtrais 2
Un dragon écaillé proprement contrefait,

Un visage hideux de quelque laid Therfite,
Que le vray naturel qu'un scavant peintre imite :
Il eft auffi plus beau voir d'un pinceau parlant
Depeinte dans les vers la fureur de Roland,
Et l'amour forcené de la pauvre Climene,
Que de voir tout au vray la rage qui les mene.
Tant s'en faut que le beau contrefait ne foit beau
Qe du laid n'eft point laid, un imité tableau:
Car tant de grace avient par cette vray-femblance,
Que furtout agreable est la contrefaisance.

M. Defpréaux difoit pourtant,
ajoute M. Broffette, qu'il ne faut
pas que l'imitation foit entière;
parce qu'une reflemblance trop
parfaite infpireroit autant d'hor-
reur que l'original même. Ain-
fi, l'imitation parfaite d'un Ca.
davre répréfenté en cire, avec
toutes fes couleurs, fans aucune
différence, ne feroit pas fuppor-
table. Les Portraits en cire n'ont
pas réuli, parce qu'ils êtoient
trop reflemblans. Mais que l'on
faffe la même chofe en marbre,

en plate peinture, ces imitations plairont d'autant plus, qu'elles approcheront davantage de la vérité; parce que, quelque reffemblance qu'on y trouve, les Ieux, & l'Efprit ne laiffent pas d'y appercevoir d'abord une différence telle qu'elle doit être néceflairement entre l'Art & la Nature.

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VERS 6. D'Oedipe tout fanglant, &c.] Sophocle, DE SP.

VERS 7. D'Orefle parricide,&c.] Tragédie d'Euripide..

Et qui toujours plus beaux, plus ils font regardez,
Soient au bout de vingt ans encor redemandez ?
15 Que dans tous vos discours la paffion émuë,

Aille chercher le cœur, l'échauffe, & le remuë.
Si d'un beau mouvement l'agréable fureur
Souvent ne nous remplit d'une douce Terreur
Ou n'excite en noftre ame une Pitié charmante,
20 En vain vous étalez une Scene favante;

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Vos froids raifonnemens ne feront qu'attiedir
Un Spectateur toûjours pareffeux d'applaudir,

VERS 13.

REMARQUES.

plus ils font regardex] pour plus ils font vus. Le terme et très-impropre. On ne dit point regarder, mais voir

une Tragédie, une Comédie, &c. IMIT. Vers 14. Soient au bout de vingt ans, &c.] HORACE, Ars Poëtique, Vers 190. Fabula, quæ pofci vult, &spectata reponi.

IMIT. Vers 16. Aille chercher HORACE, Livre II. Epit. I. Vers le cœur, l'échauffe, & le remuë.]

190.

meum qui pectus inaniter angit Irritat, mulcet, falfis terroribus implet.

LA FRESNAIE-VAUQUELIN ca- fon Art Poetique ractérise ainfi la Tragédie dans fiéme.

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Livre troi

le fujet Tragic eft un fait imité:" De chofe jufte & grave, en fes vers limité: Auquel on y doit voir de l'affreux, du terrible, Un fait non attendu, qui tienne de l'horrible Du pitoyable auffi, le cœur attendrissant D'un Tigre furieux, d'un Lion rugissant: Comme quand Rodomont abufé par cautelle, Meurtrit fe repentant la pudique Ifabelle. Ou comme quand Créon, aux fiens trop inhumain, Voit fa femme & fon fils s'occire de leur main: Comme l'efpace me manque, je ne puis pas faire connoître les exemples que cet Auteur indique; mais le Lecteur y peut aifément fuppléer d'autres exemples, tirés de nos Tragédies modernes.

VERS 21. Vos froids raifonne mens &c.] M. Defpréaux ne fe cachoit pas d'avoir dans ce Vers & les trois fuivans, attaqué di rectement le grand Corneille qui dans la Tragédie d'Othon in troduit fur la Scéne trois Mi

Et qui des vains efforts de voftre Rhetorique
Juftement fatigué, s'endort, ou vous critique.
25 Le fecret eft d'abord de plaire & de toucher.
Inventez des refforts qui puiffent m'attacher.

Que dés les premiers vers l'Action préparée,
Sans peine, du Sujet applaniffe l'entrée.
Je me ris d'un Acteur qui lent à s'exprimer,
30 De ce qu'il veut, d'abord ne sçait pas m'informer
Et qui débrouillant mal une penible intrigue
D'un divertissement me fait une fatigue.

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Impatiens defirs d'une illustre vengeance
Dont la mort de mon Pere a formé la naissance
Enfans impetueux de mon ressentiment,
Quema douleur féduite embrasse aveuglément:
Vous prenez fur mon ame un trop puissant empire, &c.

C'eft ce que nôtre Poëte appelle
Vers 35. un tas de confufes mer-
veilles.

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VERS 32. D'un divertissement me fait une fatigue. ] DESMARESTS P. 86. cenfure le dernier Hemiftiche de ce Vers: me fait une fatigue. Cette façon de parler ne vaut rien, pour dire, ,, me fatigue,,. Cette Critique eft mal rendue. Mais au fonds la Locution eft répréhensible. Le terme de fatigue n'eft pas tout-àfait en oppofition avec celui de

divertiffement. Pour parler avec précifion, il falloit oppofer à ce dernier celui de travail, ou pour mieux faire encore celui de peine, qui très-vague dans fa fignification n'eft déterminé pour tel ou tel fens , que par ce qui l'accompagne. D'ailleurs, quoiqu'on puiffe dire & qu'on dife en effet: faire un travail, faire une peine; il ne s'enfuit pas qu'on dife de même: faire une fatigue, L'ufage n'a point encore adopté cette Locution,

J'aimerois mieux encor qu'il declinaft son nom Et dift, je fuis Orefte, ou bien Agamemnon: 35 Que d'aller par un tas de confuses merveilles, Sans rien dire à l'efprit, étourdir les oreilles. Le fujet n'est jamais affez tost expliqué,

Que le Lieu de la scene y foit fixe & marqué. Un Rimeur, fans peril, delà les Pirenées, 40 Sur la scene en un jour renferme des années.

REMARQUES.

VERS 33. J'aimerois mieux encor, &c.] Il y a de pareils exemples dans Euripide. DES P.

VERS 39. Un Rimeur... delà
les Pirenées. ] LOPE' DE VEGA

Poëte Efpagnol, qui a compofe
un très grand nombre de Co-
médies; répréfente dans une de
fes Pièces l'Hiftoire de Valentin
& Orfon, qui naiffent au pre-
mier Acte, & font fort âgés au
dernier. BROSS.

Pour rendre juftice à Lopé
de Vega, le Commentateur de-

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voit remarquer, que ce Poëte
Efpagnol avoit d'abord com-
pofé des Pièces de Théatre felon
les Règles, mais qu'il fut obli-
gé de changer enfuite de métho-
de pour s'accommoder au goût
des Femmes & des Ignorans.
C'est ce qu'il nous apprend lui-
même dans le Poëme,qu'il adreffe
à l'Académie de Madrid, & dont
le titre eft: Arte nuevo de bazer
Comedias in efte tiempo; c'est-à-
dire, Nouvel Art de faire des
Comédies en ce tems.

Verdad es, que yo he escrito algunas vezes
Siguiendo el arte que conofcen pocos.
Mas luego que falir par otra parte,
Veo los Monftruos de aparencias llenos,
A donde acude el julgo, y las Mugeres a
Que efte trifte exercicio canonizan,
A aquel habito barbaro me buelvo :
Y quando he de efcrivir una Comedia
Encierro los preceptos con feis llaves:
Saco a Terencio,y Plauto, de mi estudie i
Para que no me den voxes, que fuele
Dar gritos la verdad en libros muchos.
Yefcrivo por el arte que inventaron,
Los que el vulgar aplauso pretendieron
Porque come las paga el vulgo, & jufto
Hablarle en Necio, para darle gusto.

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Ce que M. l'Abbé de Charnes a j'ai travaillé quelquefois felon
#raduit ainfi : "J'avouerai que,,
les Règles de l'Art: Mais

Là fouvent le Heros d'un fpectacle groffier,
Enfant au premier acte, eft Barbon au dernier.
Mais nous, que la Raison à ses regles engage,
Nous voulons qu'avec art l'action fe ménage :
45 Qu'en un Lieu, qu'en un Jour, un feul Fait accompli
Tienne jusqu'à la fin le Theatre rempli.

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REMARQUES.

quand j'ai vu des Monftres fpé. cieux triompher fur nôtre Théatre, & que ce trifte traI vail remportoit les aplaudif,, femens des Dames & du vulgaire; je me fuis remis à cette manière barbare de compofer renfermant les préceptes fous la clef, toutes les fois que j'ai entrepris d'écrire; & bannif. fant de mon Cabinet Terence & Plante pour n'être pas im? portuné de leurs raifons : car la vérité ne laifle pas de crier dans plufieurs bons Livres. Je ne fais donc plus mes Comédies, que felon les Règles inventées par ceux qui ont prétendu s'être attiré par là les aplaudiffemens du peuple : & n'eft-il pas jufte de s'accommoder à fon goût & d'écrire comme un ignorant, ,, puifque cela plaît ainfi à ceux ,, qui paient,,. DU MONTEIL. VERS 41. le Heros d'un

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La Tragedie informe & De Pelerins, dit-on, Ces répétitions de termes, marquent ordinairement la ftérilité du Génie, & doivent être évitées avec foin. C'eft un défaut contre lequel il faut avouer, que M. Defpréaux ne s'eft pas aflès précautionné. On rencontre dans fes Ouvrages d'autres mots, qui

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Spectacle groffier. ] Selon Desmarêts p. 86. "On dit bien, le Heros du Poëme ou de la Tragédie,ou de la Pièce; mais on ne dit pas le Heros d'un fpectacle,. PRADON,p. 93. ajoute:"Ce feroit le Prince à qui on le donneroit (un Spectacle) qui feroit le Heros du fpectacle, Je crois la critique bonne; & que fi l'on pouvoit dire, le Heros d'un fpectacle, ce ne feroit certainement, que dans le même fens que l'on dit: le Heros d'une Féte. Par où l'on entend celui pour qui la Fête fe fait.

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groffier pour être aimé & re,, peté fi fouvent,,. Cette Epithète fe trouve ici. & deux autres fois, dans affés peu d'efpace emploïée précisément de même: Vers 61. & 83. groffiere en naissant, une troupe groffiere.

le préfentent fouvent, comme celui d'afreux, que Desmarêts & Pradon lui ont reproché fi juftement, & qui ne fe trouve pas toujours mis à fa place.

VERS 45. Qu'en un Liew, 2 qu'en un Jour, un feul Fait accompli. ] Ce Vers eft très-remarqua

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