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Et que leur vers exact, ainfi que Mezeray,
80 Ayt fait deja tomber les remparts de Courtray.
Apollon de fon feu leur fut toûjours avare.
On dit à ce propos, qu'un jour ce Dieu bizarre

REMARQUES.

VERS 79. ain que Mezeray. FRANÇOIS Eudes, qui fe fit appeller Mezeray, du nom d'un Hameau, fitué dans la Paroille de Ry, lieu de fa naiffance & Village en Baffe Norman die entre Argentan & Falaife, fut choisi pour Secretaire de l'Académie Françoife, après la mort de Conrart. Il êtoit né en 1610. Il s'adonna dans fa jeunefle à la Poefie, qu'il abandonna par le confeil du célèbre Des Yveteaux fon Protecteur, pour fe livrer à l'étude de l'Hiftoire & de la Politique. Comme il êtoit extrêmement laborieux, il a beaucoup écrit. Outre fes Ouvrages connus, on fait qu'il a fait quantité de Satires Politiques, & l'on ne doute point que celles qui portent le nom de Sandricourt, ne foient de lui. Le Livre le mieux fait, qui foit forti de fa plume, eft fon Hiftoire de l'Origine des François ; & celui qui lui donne le premier rang parmi les Hiftoriens de la Monarchie, eft fon Abregé Chronologique de P'Hifloire de France, dont la première Edition eft de Paris 1668. en trois Volumes in-4°. M. Col. bert ne fut pas content que l'Auteur eut parlé trop librement fur ceftaines matières. Celui-ci fit dans la feconde Edition quelques changemens, lefquels ne fatishrent point le Miniftre, qui

lui retrancha les quatre mille li vres de Penfion qu'il avoit comme Hiftoriographe du Roi. Généralement parlant la grande Hiloire de Mexeray, ne vaut pas grand' chofe ; & fon Abregé Chronologique eft très-imparfait, Il eft rempli de fautes contre la Chronologie. Le Stile eft énergique, mais il eft dur, fouvent barbare, quelquefois même trèsbas. Ce qui fait le prix de ce Livre, c'eft que les Faits y font rangés dans un ordre clair & net; que les caractères y font peints le plus fouvent d'un feul trait, & que les Réflexions,dont il eft enrichi, font vives, faillantes, neuves, hardies, contenant en deux mots les inftructions les plus folides. Mezeray mourut le 10. Juillet 1683.

VERS 82. On dit à ce propos,&c.] A la Remarque du Commentateur fur l'Origine du Sonnet je fubftitue ce que La Frefnaie-Vaulin en dit Art Poet. Liv. I. M. Broffette, qui le cite n'a fait en quelque forte que l'extraire. Il cite encore le Chap. VIII. du Liv. I. du Recueil de l'Origine de la Langue & Poefie Françoife Ryme & Roman &c. ( par le Préfident Fauchet ) à Paris in 4o: 1581. chés Mamert Patisson ; le Traité du Sonnet de Colletet, & les Obfervations de Ménage fur MALHERBE.

des Trobadours Fut la Rime trouvée en chantent leurs amours

Voulant pouffer à bout tous les Rimeurs François,
Inventa du Sonnet les rigoureufes loix;

REMARQUES.

Et quand leurs vers rimex ils mirent en eftime

Ils fonnoient, ils chantoient, ils balloient fous leur Rime,
Du Son fe fift Sonnet, du Chant fe fist Chanson,
Et du Bal la Ballade, en diverse facon:

* Melin de SaintGelais.

Ces Trowverres alloient par toutes les Provinces
Sonner, chanter, danfer leurs Rimes chez les Princes.
Des Grecs & des Romains cet * Art renouvellé * La Poëfie.
Aux Francois les premiers ainfi fut revelé :
A leur exemple prift le bien difant Petrarque
De leurs graves Sonnets l'ancienne remarque:
En recompenfe il fait memoire de Rembaud
De Fouques, de Remon, de Hugues & d' Aarnaud.
Mais il marcha fi bien par cette vieille trace,
Qu'il orna le Sonnet de fa premiere grace:
Tant que l'Italien eft eftimé l'autheur
De ce dont le Francois eft premier inventeur.
Jufqu'à tant que Thiard épris de Pafithée
L'eut chanté d'une mode alors inufitée,
Quand Sceve par dizains en fes vers deliens
voulut avoir l'honneur fur les Italiens,
Quand desja Saingilais, & doux & populaire
Refaifant des premiers le Sonnet tout vulgaire,
En Court en eut l'honneur: quand bien toft du Bellay
Son Olive chantant l'eut du tout r'appelé :
Et que Ronfard bruflant de l'amour de Caffandre
Par deffus le Tofcan fe fceut bien faire entendre:
Et Baif du depuis (Meline en fes ébats
N'ayant gaigné le prix des amoureux combats )
Ces Sonnets repillant, d'un plus hardi courage,
Et changeant fon amour, changeant fon langage
Chanta de fa Francine au parangon de tous,
Faifant notre vulgaire & plus bas & plus doux
Puis Ronfard reprenant du Sonnet la mesure
Fift noftre langue auffi n'eftre plus tant obfcure,
Et deflors à l'envy fut des Francois repris
L'intereft du vieux * fort, que l'Itale avoit pris:
Et du Bellay quittant ceste amoureuse flame,
Premier fit le Sonnet fentir fon Epigrame :
Capable le rendant, comme on void, de pouvoir,
Tout plaifant argument en fes Vers recevoir.

Desportes d'Apolon ayant l'ame remplie,
Alors que noftre langue eftoit plus accomplie
Reprenant les Sonnets d'art & de jugement
Plus que devant encor écrivit doucement.
Voïés la Remarque fur le Vers 181. de ce Chant.

*Peuteftre, fon.

85 Voulut, qu'en deux Quatrains de mefure pareille, La Rime avec deux fons frappast huit fois l'oreille, Et qu'enfuite, fix vers artiftement rangez

Fuffent en deux Tercets par le fens

partagez. Sur tout de ce Poëme il bannit la licence :

90 Lui-mefme en mefura le nombre & la cadence :
Defendit qu'un vers foible y pust jamais entrer,
Ni qu'un mot desja mis ofaft s'y remontrer.
Du refte il l'enrichit d'une beauté suprême.
Un Sonnet fans defauts vaut feul un long Poëme.
95 Mais en vain mille Autheurs y penfent arriver;
Et cet heureux Phénix eft encore à trouver.
A peine dans Gombaut, Maynard, & Malleville,
admirer deux ou trois entre mille.

En

peut-on

REMARQUES.

VERS 97. & 98. A peine dans Gombaut, Maynard, & Malleville, En peut-on admirer deux ou trois entre mille.] Trois Académiciens

Le Grand Montmorenci n'est Et cet autre: Cette race de Mars,

célèbres. Parmi le grand nombre
de Sonnets, qu'ils ont compofés,
M. Defpréaux nommoit celui-ci
de Gombaut.

plus qu'un peu de cendre, &c.
Belle Matineuse & qui eft le
vingt-feptiéme felon l'ordre de

&c. Mais il donnoit le prix à
celui que Malleville fit pour la l'Edition.
Le filence regnoit fur la terre & fur l'Onde,
L'air de venoit ferein, & l'Olympe vermeil, &c.
La plufpart des Poëtes de ce ces trois Poëtes. Sur Gombaud,
tems-là composèrent des Sonnets votes Chant IV. Vers 48.
fur le même fujet; mais Malle-
ville eut l'avantage fur les au-
tres > au jugement des plus ha-
biles Connoiffeurs. Voïés la
Differtation de Ménage fur les Son
nets pour la Belle Matineufe.
BROSS.

On fent bien qu'il ne faut pas prendre à la rigueur ce que nôtre Auteur dit ici des Sonnets de

François Maynard, Fils d'un Confeiller au Parlement de Touloufe, & Préfident au Préfidial d'Aurillac, vint jeune à la Cour, où la Reine Marguerite le fit son Secretaire. Il fut ami de Despor tes, qui le forma d'abord à la Poëfie. Il s'attacha dans la fuite à Malherbe, & profita beaucoup des leçons d'un si grand

Le

Le reste auffi peu lû que ceux de Pelletier,
100 N'a fait de chez Sercy qu'un faut chez l'Epicier.
Pour enfermer son fens dans la borne prescrite,
La mesure eft toûjours trop longue ou trop petite.
L'Epigramme plus libre, en fon tour plus borné,
N'est fouvent, qu'un bon mot de deux rimes orné.

REMARQUES.

Maître. Dans un voïage qu'il fit
à Rome, il s'acquit l'eftime de
tous les gens d'efprit, & fut très-
confidéré du Pape Urbain VIII:
qui prenoit plaifir à s'entretenir
avec lui. Il fut un des premiers
Académiciens, & le feul auquel
le Cardinal de Richelieu ne vou
lut jamais faire aucun bien. La
fortune de Maynard ne s'accrut
point fous la Régence d'Anne
d'Autriche, & tout ce qu'il rem-
porta de la plus grande partie de
fa vie paflée à la Cour, fut le
Hérile honneur d'un Brevet de
Confeiller d'Etat, qui lui fut
donné quelques années avant fa
mort, arrivée le 28. Decembre
1646. à l'âge de 64. ans. C'êtoit
un homme de beaucoup d'efprit;
mais qui n'êtoit point né pour
la Poëfie, & moins encore pour
l'Epigramme, dont il fit fa prin-
cipale occupation que pour
tout autre Genre. Ses Odes font
aflès belles; mais elles manquent
de feu. Son principal talent
êtoit de bien tourner un Vers.
Auffi le compte-t-on au rang de
nos meilleurs Verfificateurs; &
malgré fon Stile vieilli, il peut
encore fervir de modèle.

Claude de Malleville, Parifien,
Fils d'un Officier de la Maifon
de Rets, fut deftiné dans fa

Tome II

&

jeunefle à la Finance; mais fon
penchant pour les Belles Lettres
& la Poëfie ne lui permit pas de
fuivre cette route. 11 fut Secre-
taire du Marêchal de Baßom-
pierre, auquel il rendit de grands
fervices durant fa prifon
par les bienfaits duquel, il fe
vit en êtat d'acheter une Charge
de Secretaire du Roi. Il mourut
en 1647. âgé d'environ 5o. ans.
Ilêtoit de l'Académie Françoise.
Ses Poëfies, quoiqu'ignoréés au-
jourd'hui, n'en font pas moins
eftimables. Il a fur tout réuffi
dans le Sonnet. Il a fait auffi des
Elégies, dont quelques-unes mé-
ritent peut-être le premier rang
dans ce Genre fi malheureux
parmi nous. Il y a dans tous les
Ouvrages de l'efprit & de la dé-
licateffe.

Au fujet de Pelletier nommé dans le Vers 99. voïés Difc. an Roi, Vers 54. Sat. II. Vers 76. Sat. III. Vers 127. Sat. VII, Vers 44. 45. Sat. IX. Vers 97. 290.

VERS 100. N'a fait de chez Sercy.] Libraire du Palais. DES P.

VERS 103. & 104. L'Epigramme plus libre, en fon tour plus borné, N'eft fouvent qu'un bon mot de deux rimes orné.] Telle est celle-ci de nôtre Auteur. J'ai vu l'Agefilas : Helas!

D

105 Jadis de nos Auteurs les Pointes ignorées

Furent de l'Italie en nos vers attirées.

REMARQUES.

Douze Vers contiennent dans le naie-Vauquelin,ce qu'il y a de plus
Liv. III, de l'Art Poët. de La Fref- important à dire fur ce fujet.
Imite dans les Grecs l'Epigramme petite
Marque de Martial, trop lafcif, le merite:
Sur tout breve, r'entrante, & fubtile elle foit :
De Poëme le nom trop longue elle recoit:
Elle fent l'Heroic & tient du Satyrique

Toute grave & moquenfe elle enseigne & fi pique.
L'Epigramme n'eftant qu'un propos racourci,
Comme une infcription, courte on l'escrit aussi.

Les Huidtains, les Dixains, de Marot les Eftreines,
T'y pourront bien fervir comme adresses certaines,
Et les vers raportez, qui fous bien peu de mots
Enferment brufquement le fuc d'un grand propos.

Il faut joindre à cela ce qu'il dit
Icing Vers après, au fujet de la

brièveté, que l'on doit donner
aux EPITAPHES.

Quand en vers l'Epitaphe on fait en Epigramme,
Mis contre une colonne en cuyure en quelque lame,
Celuy pour le meilleur on doit tousjours tenir,
Qu'on peut mefme en courant & lire & retenir.
Cette Règle importante eft
d'une abfolue néceffité dans tout
ce qui s'appelle Infcription:& l'E-
pigramme doit s'en rapprocher;
autant qu'il eft poffible. Il n'y
a point de genre de Poëfie où
nous aïons mieux réuffi; mais
nous le bornons trop. L'Epi-
gramme de fa nature eft propre
à traiter toute matière, & fuf-
ceptible de tout Stile puif-
qu'elle n'eft qu'un Bon Mot, &
qu'il y a des Bons Mots en tout
genre dans le grand & le fe-
rieux
auffi-bien que dans le
fimple & le plaifant. Nous ne
voulons aujourd'hui que des Epi-
grammes fatiriques, ingenuës,
follâtres, ou même libres; &
nous fommes prefque réfolus de
ne plus applaudir qu'à celles
qui font en Stile Marotique. E

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ce qu'on ne pourroit plus critiquer, rire conter, plaire, en parlant François? Daceilli n'eftil pas un modèle auffi-bien que Marot. Pourquoi d'ailleurs forcer nos Epigrammes à s'arrondit en Dizains d'une même forte de Vers & dont les rimes foient toujours rangées de même. Outre la monotonie d'un Mécanifme toujours femblable à luimême, on court par là le rifque d'éprouver fouvent, que la mefure eft trop longue ou trop courte. L'Epigramme n'eft qu'un Bon Mot, & le Bon Mot, quel qu'il foit, eft une faillie, qui ne doit jamais être l'effet de la méditation. L'Epigramme pour être bien faite, doit donc emprunter fa forme & fou étenduë, uniquement de ce qu'il faut pour

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