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La plaintive Elegie en longs habits de deüil 40 Sçait les cheveux épars gemir fur un cercueil.

REMARQUES.

Egalla tous Bergers, toutefois dire j'ofe

Que des premiers aux vers j'avoy meflé la profe:
Or Pibrac & Binet pafleurs judicieux,
Font la champestre vie efire agreable aux Dieux.

un ton

Pour le caractère des Poëtes,que cet Auteur nomme, & de leurs Ouvrages, je renvoie une fois pour toute à l'agréable & utile Bibliothèque Françoife de M. l'Abbé Goujet.Je manque ici d'efpace. VERS 38. & 39. D'un ton un peu plus haut, mais pourtant fans audace, La plaintive Elegie, &c. ] Je ne fais fi l'on me permettra de n'être pas tout à fait de l'avis de nôtre Auteur. Je ne vois pas pourquoi l'Elégie doit, généralement parlant, prendre un peu plus haut que l'Eglogue. Le cœur feul doit parler dans l'ELégie, & fon langage eft fimple & même très-fimple, quand il fe plaint, excepté pourtant certaines fituations, dans lefquelles il outre néceffairement fon langage, parce qu'alors fa douleur eft outrée. Voilà pour les Elégies triftes. Quant à celles qui doivent répréfenter l'êtat d'un cœur au comble de fes vœux, & ne connoiflant rien d'égal au bonheur dont il jouit ; j'avouë que le ton en doit être plus haut que celui de l'Eg'ogue. Mais je

* à l'exem

ple de Sannazar dans fon Arcadie.

ne puis convenir qu'il doive être fans audace. L'extrême joie n'eft pas moins hiperbolique que l'extrême douleur ; & fouvent il arrive que les Figures les plus audacieufes font l'expreffion naturelle de fes transports. Ce que je viens de dire peut s'appliquer à toutes les Paflions violentes, qui certainement font du reflort de. l'Etégie, lequel s'étend à tout ce qui peut occuper le cœur. Je n'ai confidéré l'Eglogue que comme un entretien de Bergers, que le Poëte fait parler. Mais pour nos Idylles, où communément le Poëte parle lui-même, comme elles admettent & les penfées ingénieufes & les Defcriptions Heuries, elles font & doivent fans contredit être d'un ton un peu plus haut,que celles d'entre les Elégies qui n'ont à peindre que l'affliction ou le calme du cœur. Il faudroit une ample Diflertation pour développer ces différentes idées. Je dois me contenter ici de les indiquer.

Horace décrit ainfi l'Elégie dans fon Art Poëticue, Vers 75.

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Verfibus impariter junctis querimonia primùm ; Poft etiam inclufa eft voti fententia compos. Quis tamen exiguos Elegos emiferit auctor Grammatici certant, & adhuc fub judice lis eft. Quand nôtre Auteur attribuoit à l'Elégie un ton un peu plus haut qu'à l'Eglogue,il ne faifoit pas affés d'attention à l'Epithète exiguas qu'Horace, fon Maître, don

ne aux Vers Elégiaques. Voici de quelle manière La Frefnaic-Vanquelin parle de cette elpèce de Poeme dans le premier Livre de fon Art Poetique. Il y fait

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Elle peint des Amans la joye, & la trifteffe,
Flatte, menace, irrite, appaise une Maistresse:
Mais pour bien exprimer ces caprices heureux,
d'eftre Poëte, il faut eftre amoureux.
Je hais ces vains Auteurs, dont la Muse forcéę
M'entretient de fes feux toûjours froide & glacée ;
Qui s'affligent par art, & fous de fens raffis

C'est peu

S'érigent,
, pour rimer, en Amoureux tranfis.

Leurs transports les plus doux ne font que phrâses vaines, so Ils ne fçavent jamais, que fe charger de chaînes,

REMARQUES.

entrer vers la fin ce qu'Horace en a dit.

Les Vers que les Latins d'inégale jointure
Nommoient une Elegie, aigrete en fa pointure,
Servoient tant feulement aux bons fiecles paffez,
Par dire apres la mort les faits des trepassex,
Depuis à tous fujets: ces plaintes inventées
Par nos Alexandrins font bien representées,
Et par les Vers communs, foit que diversement
En Stances ils foient mis, ou bien joints autrement.

Cette Elegie un Lay nos Francois appellerent,
Et l'Epitete encor de trifte luy baillerent:
Beaucoup en ont efcrit tu les imiteras,
Et le prix non gaigné peut estre emporteras,
Breve tu la feras, te reglant en partie
Sur le patron poli de l'Amant de Cinthie,
Les preceptes tousjours generaux obfervant,
Tels que nous les avons cottez par ci devant.

Nos Poëtes Francois, qui beaus Cignes fe fient ·
A leur voler hautain: or la diverfifient
En cent genres de vers, fi trop long eft leur cours
Ils couvrent fa longueur d'un beau nom de difcours.
Qui la trifte Elegie a premier amenée

Cette caufe au Palais encor eft demenée.
Car les Grammairiens entre eux en vont plaidant
Et foubs le Juge encor eft le procez pendant.
Tibulle eft le premier dont la Mufe bien nette
A Romaine imité, Callimaque & Philatte:
Puis Ovide & Properce & Gallus le vieillart,
Dont tu peus emprunter les regles de cet Art.

les Vers de dix Sillabes.

* Ce prix

eft encore

à gagner.

* Proper

ce.

VERS 50. Ils ne fçavent jamais, que fe charger de chaines. ] Cette

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Que benir leur martyre, adorer leur prison,
Et faire quereller les fens & la raifon.

Ce n'eftoit pas jadis, fur ce ton ridicule,
Qu'Amour dictoit les Vers que foûpiroit Tibulle;
Ou que
du tendre Ovide animant les doux fons,
Il donnoit de fon Art les charmantes leçons.

Il faut que le cœur feule parle dans l'Elegie.
L'Ode avec plus d'éclat & non moins d'énergie

REMARQUES.

Critique regarde particulièrement d'Uranie,lequel, quoique medio-
Voiture, qui dit dans le Sonnet cre, fut en fon tems très célèbre.
Je benis mon martyre & content de mourir, &c.

Enfuite il ne manque pas de met
tre en querelle les Sens & la Rai-
Son.

IMIT. Vers 54. Qu'Amour dic

toit les Vers que foûpiroit Tibulle. ] Ici nôtre Auteur rend à la Lettre une Expreffion de Tibulle mè me, L. I. Eleg. VII. Vers 41.

Abfentes alios fufpirat amores.

Le même Poëte dit encore, Liv. IV. Elég. V. Vers 11.

Quod fi fortè alios jam

VERS 8. L'Ode avec plus d'éclat, &c.] Horace dans fon Art

nunc fufpirat amores.

Poetique, Vers 83. en fait ainfi la description:

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Mufa dedit fidibus Divos, puerofque Deorum
Et pugilem victorem, & equum certamine primum,
Etjuvenum curas, & libera vina referre.

LA Frefnaie - Vauquelin après
avoir, Art Poëtique Livre I.
parlé du Sonnet & de la Chan-

fon, entremêle dans fa defcrip-
tion de l'Ode, les Règles ellen-
tielles à ce Genre.

L'Ode d'un grave pied, plus nombreuse & preffée
Aux Dames & Seigneurs par toy foit adreffée :
De mots beaux & choifis tu la faconneras,
Et de milles belles fleurs tu la couronneras:
D'ornemens, de couleurs, de peintures brunies,
En leurs dejectemens egalement unies.

En cent fortes de Vers tu la peus varier:
Mais tousjours aux accords du Luth la marier:
Et
que chacun couplet r'entre de telle forte
Que quelque mot poignant en fa fin il rapporte
Sentant fon Epigramme,& tellement foit joint
Qu'au lecteur il femble eftre accomply de tout point.

Elevant jufqu'au Ciel fon vol ambitieux,

60 Entretient dans fes vers commerce avec les Dieux. Aux Athletes dans Pife, elle ouvre la barriere, Chante un Vainqueur poudreux au bout de la carriere,

REMARQUES.

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* Pindare,

Si d'une fiction d'un long difcours tu causes,
Tu pourras divifer cette longueur en pauses:
Ou par les plis tournez des Odes du Sonneur
Qui Grec fur les neufs Grecs lyriques eut l'honneur.
Mais rien n'eft fi plaifant que la courte Odelette
Pleine de jeu d'amour, douce & mignardelette:
Si tu veux du fcavoir Philofophe y mesler,
Par la Mufeil le faut à ton aide appeler
A toy mefme affervant la douce Polimnie;
Autrement fa faveur, depite elle denie,
Et non l'affujettir aux mots fententieux
Sans qu'elle fente un peu fon air capricieux,
Sur quelque fantaisie élevé ( par la grace
De contes fabuleux deffus la profe baffe.

La Mufe fur le Luth pour fujet fift jouer
Et les Dieux les Rois, & leurs mignons lower
Les jouftes, les combats, la jeunesse s'aymante
A picquer les chevaux fous la bride ecumante ;
Les ballets & le vin, les danfes, les banquets,
Et des jeunes amants les amoureux caquets.

Mais avec fon fredon, or la Lyre cornue
En la France eft autant qu'en la Grece connue :
Et nul vulgaire encor n'a jamais entrepris
De vouloir par fus elle en emporter le pris.
Car depuis que Ronfard ent amené les modes
Du Tour & du Retour & du Repos des Odes
Imitant la pavane ou du Roy le grand bal
Le Francois n'eut depuis en l'Europe d'égal:
D'Elbene le premier cette lyre ancienne
A l'envy des Francois fait ore Italienne.
En ce genre fur tous propofer tu te dois
L'inimitable main du Pindare Gregeois,
Et du Harpeur Latin, & t'esjouir & rire
Et fur la Teienne & la Saphique lyre.

Voïés la Remarque fur le Vers 81. de ce Chant. Il en eft parmi nous de l'Ode comme de l'ELégie. Le prix eft encore à donner & nous n'avons rien de

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fupérieur à Malherbe.

* Horace.
* Anacréon.

VERS 61. Aux Athletes dans Pife, elle ouvre la barriere. ] PISE en Elide, où l'on celebroit les Jeux Olympiques. DESP

ouvrage,

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Mene Achille fanglant aux bords du Simoïs, Ou fait fléchir l'Efcaut fous le joug de Louis. 65 Tantoft comme une abeille ardente à fon Elle s'en va de fleurs dépouiller le rivage : Elle peint les feftins, les danfes, & les ris, Vante un baiser cueilli fur les lévres d'Iris, Qui mollement refifte, & par un doux caprice; 70Quelquefois le refuse, afin qu'on le ravisse. Son ftile impetueux fouvent marche au hazard. Chez elle un beau defordre eft un effet de l'art. Loin ces Rimeurs craintifs, dont l'efprit phlegmatique, Garde dans fes fureurs un ordre didactique : 75 Qui chantant d'un Heros les progrés éclatans, Maigres Hiftoriens, fuivront l'ordre des temps. Ils n'ofent un moment perdre un fujet de veuë. Pour prendre Dole, il faut que l'Ifle foit rendue ;

REMARQUES.

ÍMIT. Vers 69. Qui mollement refifte, & par un doux caprice. ] HORACE,Ode XII. Liv. II. DESP.

Nôtre Auteur imite, dans ce Vers & le fuivant,. les trois pre miers de cette Strophe.

Dum fragrantia detorquet ad ofcula
Cervicem: aut facili favitid negat,
Qua pofcente magis gaudeat eripi ;
Interdum rapere occupet.

Cette Ode d'Horace eft une de
celles que feu M. de La Motte a
traduites, ou plutôt travefties,

& voici comment il s'eft imagi-
né rendre la Strophe, que l'on
vient de lire.

Heureux momens pour toi! quand détournant la tête
Par une adroite feinte elle t'offre un baifer:
Ou bien lorfque le cœur, certain de fa conquête,
Pour le faire ravir, aime à le refuser.

M. de La Motte n'avoit garde
d'entreprendre de traduite le der.
nier Vers,

VERS 78. Pour prendre Dole,&c.] L'Ifle & Courtray furent pris en 1667, & Dole en 1668,

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