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Son tour fimple & naïf n'a rien de fastueux,
Et n'aime point l'orgueil d'un vers prefomptueux.
Il faut que fa douceur flatte, chatoüille, éveille,
10 Et jamais de grands mots n'épouvante l'oreille.

-59

REMARQUES.

grammaticale

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,, Expreffion fupportable de di-
,, re,.... qu'une Idylle doit écla
ter fans pompe fans fafte,
"" telle qu'une Bergère ne charge
point fa tête de fuperbes rubis
Il eft certain que dans la rigueur
Telle qu'une Bergere, aux plus beaux jours de fefte,
Qui de pompeux rubis né charge point fa tefte.

il y devroit avoir: telle qu'une Bergère, qui ne charge point, &c. En conféquence l'Auteur de cette Criti que propofe de mettre ainli les deux premiers Vers:

Mais il n'a pas pris garde qu'il tomboit dans une faute bien plus confidérable que celle qu'il reprend. Ce qui du commencément du fecond Vers fe rapporte dans l'ordre de la phrafe à fête, & doit fe rapporter à Bergère, Ce qui pêche contre la principale règle, que nôtre Syntaxe prefcrit pour la clarté du Difcours par laquelle le relatif ne doit jamais être feparé de fon fubflantif, par une phrafe incidente dans laquelle il y ait un autre fubftantif. Quant à la Phrafe de M. Defpréaux, quoique la Grammaire la condamne, elle n'en eft pas moins Fran

çoife à la faveur d'une double
Ellipfe, que l'ufage autorife. La
plufpart de nos Poëtes n'en
ufent pas autrement dans toutes
les comparaifons dont les deux
membres commencent
par le
mot Tel. J'en pourrois rappor
ter beaucoup d'exemples; mais
il fuffira de faire voir que M.
Defpréaux n'a pas hafardé le pre-
mier le tour Elliptique, qu'on
lui reproche comme une faute
confidérable. Malherbe par qui
nos Vers ont êté foumis au joug
de la Syntaxe, dit dans fon ODE
au ROI HENRI LE GRAND Sur
l'heureux fuccès du Voiage de Se-
dan.

Tel qu'à vagues épandues
Marche un fleuve impérieux,
De qui les neiges fondues
Rendent le cours furieux, &c.
Tel, plus épouvantable

S'en alloit ce Conquérant,
A fon pouvoir indomtable
Sa colère mefurant.

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M. Brofette dit au fujet des on ne fait ordinairement par-
quatre premiers Vers, que" cette ,; ler que des Bergers & des Ber-
Il est vrai que la
,, comparaifon d'une Bergère eft
,, gères
d'autant plus jufte , que l'1- comparaifon eft jufte quant au
dylle eft un Poeme dans lequel fouds; mais elle eft faufle quant.

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Mais fouvent dans ce ftile un Rimeur aux abois,
Jette là, de dépit, la flûte & le hautbois,

REMARQUE S..

à la manière dont elle eft propofée. C'eft pour cela que

Desmarets & Pradon ont eu raifon de la cenfurer. " Ce n'eft ,, pas une grande merveille, dit

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"M. D*** I veut dire que telle
,, qu'une Bergère ignore l'ufage
de l'or & des diamans, telle
l'Idylle doit ignorer le fafte &
la
des grands Vers,
pompe
mais doit être noble dans fa
fimplicité, & non pas humble
dans fon Stile; c'eft ce que M.
D*** veut dire, & c'eft juf-
tement ce qu'il ne dit pas,,.
Toute cette Critique est très-
bien fondée, & je ne vois pas
ce qu'on y pourroit oppofer de
raifonnable,

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دو

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"1 le dernier p. 89. qu'une Ber. gère le jour de la Fête de fon Village ne charge point fa tête de rubis, & ne mêle pas l'or à l'éclat des Diamans. Où les prendroit-elle ? Plu fieurs années avant lui, Desmarêts avoit dit p. 83. une Bergère n'a ni rubis, ni or, ni diamans. Ainfi la comparai29 fon n'eft pas jufte pour l'Idylle, parce que le Poëte s'y doit abftenir de la pompe par ,, art & par raifon, & non par ,, manque de force > & par pauvreté Quelques lignes après ce que j'ai rapporté de Pradon, cet Auteur ajoute p. 90.

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"

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930

VERS 11. Mais fouvent dans ce file, &c.] Dans ce Vers & les treize, qui le fuivent, nôtre Auteur reprend les défauts les plus communs à ceux, qui de fon tems, faifoient des Eglogues, Mais il eft à propos de rapprocher d'ici ce qu'on a vu dans la Satire IX. Vers 257.

viendrai-je en une Eglogue entouré de troupeaux,
Au milieu de Paris enfler mes chalumeaux,
Et dans mon cabinet affis au pied des heftres,
Faire dire aux Echos des fotifes champefires.

,

Ces Vers fort caufe que l'Abbé
Geneft, de l'Académie Françoife,
a cru pouvoir accufer nôtre Au-
teur d'avoir contribué beaucoup
à décréditer parmi nous le genre
paftoral. "Si M. Defpréaux
,, dit-il, a loué cette Poësie en
M. Racan & M. Segrais, il l'a
auffi attaquée en beaucoup
,, d'autres: La beauté de fes Vers
,, iointe au goût piquant que la
Satire a d'elle-même, ont fait
apprendre fes Vers par cœur
,, à tout le monde, & l'ont
rendu à Paris & dans les Pro-
vinces, le modèle des nou-

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De

peur

Et follement pompeux, dans sa verve indiscrette,
Au milieu d'une Eglogue entonne la trompette.
de l'écouter, Pan fuit dans les rofeaux,
'Et les Nymphes d'effroi fe cachent fous les eaux.
Au contraire, cet Autre abject en fon langage
Fait parler fes Bergers, comme on parle au village.

REMARQUES.

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Le Marquis de Racan & M. de Segrais font certainement les feuls qui, depuis le renouvellement de la Poefie Françoife par Malherbe aient véritablement connu la nature du Poëme Bucolique. Les Bergeries de l'un & les Eglogues de l'autre, font ce que nous avons de meilleur en ce genre; mais il s'en faut bien que ce foit des Ouvrages parfaits. M. Defpréaux leur a donné les juftes louanges, qui leur

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êtoient dues. Au fonds, pourtant, il n'en êtoit pas extrèmement content; il foutenoit même fi l'on doit s'en rappor ter au Boleana Nomb. LXXVII. que l'Eglogue êtoit un genre de Poëfie, où nôtre langue ne , pouvoit réufir qu'à demi ; ,, que prefque tous nos Auteurs y avoient échoué, & n'avoient pas feulement frappé à la porte de l'Eglogue; qu'on êtoit fort heureux quand on pouvoit attraper quelque chofe de ce Stile, comme out fait Racan & Segrais Il eftimoit, par exemple,ce trait du premier.

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دو

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Et les ombres déja du faîte des montagnes
Tombent dans les campagnes.

C'est une imitation de VIRCILE, Eglogue 1. Vers dernier.
Majorefque cadunt altis de montibus umbra.

M. Defpréaux citoit encore com- colique ces deux Vers de SEme un trait véritablement bu GRAIS.

lieux auffi tristes que lui.

Ce Berger accablé de fon mortel ennui Ne fe plaifoit qu'aux Au reste ce n'eft ni la faute de Racan & de Segrais, ni celle des Lecteurs, fi l'Eglogue a mal réufi parmi nous. C'eft la faute du genre en lui-même. Il nous transporte dans le païs des chimères; &, nous autres François, nous ne pouvons être affectés que de l'imitation de ce qui nous eft connu. Pour le Stile Paftoral,

quoique le Bolaana faffe dire à M. Defpréaux, je ne vois pas pourquoi nôtre Langue n'y réffiroit qu'à demi. Il n'en eft point qui foit plus amie du fimple & du naïf: elle eft en même tems capable de noblefle. Qui peut nier que ces trois qualités réu nies ne forment le caractère du Stile Bucolique ?

Ses vers plats & groffiers dépouillez d'agrément,
20 Toûjours baifent la terre, & rampent triftement.
On diroit que Ronfard, sur ses Pipeaux rustiques,
Vient encor fredonner fes Idylles Gothiques,

25

30

Et changer fans respect de l'oreille & du fon,
Lycidas en Pierrot, & Phylis en Thoinon.

Entre ces deux excés la route eft difficile.
Suivés, pour la trouver, Theocrite & Virgile,
Que leurs tendres écrits, par les Graces dictez,
Ne quittent point vos mains jour & nuit feuilletez.
Seuls dans leurs doctes vers ils pourront vous apprendre
Par quel art fans bassesse un Auteur peut
defcendre,
Chanter Flore, les champs, Pomone, les vergers,
Au combat de la flûte animer deux Bergers,

Des plafirs de l'Amour vanter la douce amorce
Changer Narciffe en fleur, couvrir Daphné d'écorce,
35 Et par quel art encor l'Eglogue quelquefois
Rend dignes d'un Conful la campagne & les bois.

REMARQUES.

VERS 24. Lycidas en Pierrot, Phylis en Thoinon. ] RONSARD dans fes Eglogues appelle HENRI

II. Henriot: CHARLES IX. Carlin: CATHERINE DE MEDICIS, Catin, &c. Il emploie auffi les noms de Margot, Pierrot, Michau & autres femblables. Il avoit en cela fuivi l'exemple de Marot, le premier de nos Poëtes qui ait fait des Eglogues. Il y en a deux parmi fes Ouvrages. Ce que nôtre Auteur reprend ici n'êtoit pas approuvé de La Fref

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rot Marion, au lieu de Tyr,, fis, Tytire, Lycoris ne contentent pas aflez fon opinion,,.

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IMIT. Vers 36. Rend dignes d'un Conful la campagne & les bois. ] VIRGILE, Egl. IV. DESP C'est ce Vers que nôtre Auteur indique.

Si canimus Sylvas, Silva fint Confule digna.

Telle eft de ce Poëme & la force & la grace.

D'un ton un peu plus haut, mais pourtant fans audace,

REMARQUES.

La Frefnaie-Vauquelin en avoit Idille LXV. Liv. II. que THEOfu faire ufage autrefois. Il dit, TRITE

-

mourant, fa Mufette à Corydon laiffa
Corydon Mantouan, qui depuis la hauffa
D'un ton fi baut qu'enfin les forests chevelues
Des Confules Romains dignes furent rendues.

Je vais placer ici par occafion ce
qu'il dit de la Poëfe Paftorale
dans le III. Livre de fon Art
Poetique. J'en uferai de même à
l'égard des autres genres de Poë-
fies, dont M. Defpréaux parle, per-
fuadé que je ferai plaifir à beau-
coup de Lecteurs, en leur appre-
pant quelles idées on avoit en

France de la Poëtique fous le Re gne d'Henri III. par l'ordre du quel La Frefnaie compofa fon Poëme. Ils me fauront d'ailleurs quelque gré de leur avoir fait connoître plus particulièrement un Poëte, qui certainement êtoit un des Ecrivains les plus exacts de fon tems.

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Tu ne dois point laiffer, ô Poëte, en arriere
Croupir feule aux Forefts la Mufe Foreftiere:
Mais tu la dois du croc dependre, & racontrer
Son enche & fon bourdon, & paftre lui montrer
Comme Pan le premier fouffla la Chalemie,
Conjointe des rofeaux de Syringue s'amie,
Qu'Apolon enfuivit, quand fur le bord des eaux
D'Admete en Theffalie il gardoit les troupeaux :
Apres un (a) Berger Grec es Champs de Syracuse,
A legal de ces Dieux enfla la Cornemufe.
Sur le Tibre Romain (b) Tytire du depuis
Les imitant fonna la flute à fept pertuis.
Long tems apres encor reprit cette Mufette
(c) Un Berger fur les bords du peu connu(d) Sebethe:
Et ce flageol eftoit reflé Napolitain.
Quand pasteur,des premiers fur les rives du(e) Clain,
Hardi je l'embouchay, frayant parmi la France,
Le chemin inconnu pour la rude ignorance:
Je ne m'en repens point, pluftoft je fuis joyeux,
Que maint autre depuis ait bien fceu faire mieux.
Mais plufieurs toutefois, nos forests epandues,
Ont fans m'en faire hommage effrontement tondues:
Et mefprifant mon nom ils ont rendu plus beaux
Leurs ombres decouverts de mes fueillus rameaux.
Baif & Tabureau tous en mefmes années
Avions par les forefts ces Mufes pourmenées :
Felleau qui vint apres, noftre langage eftant
Fius abondant & doux, la nature imitant

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(a) Théo crite.

(b) Virgile. (c)Sannazar. (d) Perite rivière près de Naples. (e) Rivière qui pafle à Poitiers. Il parle ici de fes Forelleries, qu'il fit imprimer à Poí

tiers en 1555. êtant alors

fort jeune.

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