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principes que ceux d'Ariftote. La plaifanterie y defcend un peu bas & eft toute dans les termes de la Pratique. Mais il falloit qu'elle fut ainsi

REMARQUES.

fard, qu'elle tenoit de la Dition, Il n'y a point de beautés vraies, folides, eflentielles, néceffaires, produites par la Nature même, tirées du fonds des différentes Situations de l'Ame, qui foient uniquement renfermées dans une Langue.

C'est donc par le fonds même des chofes, qu'on doit examiner Pindare. Ainfi fi l'on veut fe mettre en êtat de prononcer affirmativement fur le merveilleux des endroits, où ce Poëte, pour montrer un efprit entièrement bors de foi, rompt quelquefois de deffein formé la fuite de fon difcours, il faut faire une Analife raifonnée de celles de fes Odes, dans lefquelles fe trouvent ces digreffions, ces écarts, que des Critiques fenfés paroiflent au goût François avoir eu tant de raifons de lui reprocher. Il faut établir nettement quelle eft la fituation de l'Ame, qu'il s'eft propofé d'imiter dans chacune de ces Odes. Si par la Paffion, qui la met en mouvement, l'Ame eft néceflairement emportée loin de l'objet, qui fembloit d'abord devoir feul fixer fon attention, les écarts de Pindare font une imitation exacte de la Nature; & je fuis prêt à les maintenir merveilleux, pourvu que je ne m'apperçoive point que c'eft de deffein formé qu'il rompt la fuite de fon difcours, Ses Odes doivent être des Portraits d'un Efprit entièrement hors de foi. Dans cet êtat, pour me renfermer dans le Langage des Opi

nions communes ; l'Esprit ne forme point de deffein, il ne médite, il ne prévoit, il n'amène rien. Il eft entraîné, malgré lui, par le Délire, qui le tranfporte. Que le Poëte paroiffe donc entraîné de même, & qu'il entraîne fes Lecteurs. Qu'il faffe pafler chés moi le même Délire, dont il me paroît maîtrifé. Que fon Ode en un mot, foit la copie trait pour trait des opérations de la Nature. Qu'il ne me laifle jamais entrevoir l'art, qu'il emploie pour me faire illufion. Si je l'entrevois, cet art: je ne fuis plus en Délire je réflechis de fang froid; l'illufion ne fe fait point, & l'Ode, malgré tout le feu de fes détails, eft froide dans fon impreffion totale.

C'est par l'impreffion, que le total d'un Ouvrage d'efprit fait fur fes Lecteurs, que l'on doit juger de fon véritable prix. Si l'impreffion eft précisément celle que la nature de l'Ouvrage doit opérer, l'Ouvrage eft bon, excellent; & quelques fautes dans le détail n'en rendront pas le total moins eftimable aux feux de la Raifon & du Sentiment. NON ego paucis offender maculis. Mais qu'un Ouvrage ne faflè que courir de merveille en merveille, qu'il foit, comme ceux d'un Poëte aujour d'hui très célèbre, rempli de toutes les beautés imaginables: s'il ne fait pas fur moi l'impreffion, qu'il doit faire, en avoliant que cet Ouvrage eft beau, qu'il fait honneur à l'Ima

pour faire fon effet, qui fut tres-heureux, & obligea, pour ainfi dire, l'Univerfité à fupprimer la Requeste qu'Elle alloit prefenter.

·(31) Ridiculum acri

Fortius ac meliùs magnas plerumque fecat res

REMARQUES.

gination de fon Auteur; je ne balancerai pas à décider qu'il eft mauvais, & que celui qui l'a fait, ne connoît pas la Nature. J'en loüerai, tant qu'on voudra, les détails; & j'ajouterai: fed non erat his locus.

Un bel Ouvrage, un bon Ouvrage, font deux chofes très

différentes. Le fecond de ces titres eft préférable au premier. L'excellence confifte à les mériter tous deux.

(31) Ridiculum &c.] Horace, Liv. I. Sat. X. Vers 14. L'Arrest Burlefque dont nôtre Auteur parle dans cet endroit, fe trouvera dans le Tom. IV,de cette Edition.

LETTRE

De M. PERRAULT à M. DESPRE AUX, en réponse au DISCOURS SUR L'Ode.

MONSIEUR;

I. Puifque c'est à l'occafion de mes Dialogues fur la comparaifon des Anciens & des Modernes, que l'Ode que vous venez de donner au Public, a efté compofée, & que fans la colere où il vous ont mis, le Roy n'auroit point eu de loüanges ; je ne puis, quelque mal que vous en difiez, me repen

REMARQUES.

(1) Cette Lettre fut imprimée dans le tems, fans date & fans nom de Ville ni d'Imprimeur, fous ce tiue: LETTRE d Monfieur D***. touchant la PRE'FACE de fon ODE fur la prise de Namur. Avec une autre LETTRE, où l'on compare l'ODE de M.D***. avec celle que M. CHAPELAIN fit autrefois pour le Cardinal DE RICHELIEU. C'est une Brochure in4°. de trente-huit pages. La feconde Lettre commence à la page 27. & porte pour titre : LETTRE à M. P***, où l'ODE de M. D*** eft comparée avec l'ODE que M. CHAPELAIN fit autrefois Pour le Cardinal DE RICHELIEU.

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M. l'Abbé Granet fit réimprimer ces deux Lettres en 1741. à Paris chés Chaubert, dans le Tome IV. du RECUEIL de Pièces d'Hiftoire & de Littérature, Avant que j'eufle vu ce Recueil, que je ne connois que depuis quelques jours, j'avois pris la réfolution de donner ici la Lettre de M. Perrault fur les mêmes raifons, par lefquelles M. l'Abbé Granes s'êtoit déterminé. "Je ne fais, , dit-il dans l'Avertissement, qui précède fon IV. Tome, fi les Partifans outrés de l'Antiquité me pardonneront d'avoir donné une nouvelle vie ,, à la LETTRE de PERRAULT

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tir de les avoir faits. Je ne m'eftonne pas que ces Dialogues qui bleffent les impreffions que vous avez prifes au College & que vous garderez toute vostre vie, vous ayent femblé estranges; mais je m'eftonne que vous soyez fi peu exact a rapporter ce qu'ils contiennent. Sans l'extréme

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REMARQUES.

à DESPRE AUX touchant la PREFACE de fon ODE fur la prife de Namur ; mais outre ,, que cette Pièce eft extrèmement rare & qu'elle a êté inconnue à tous les Commentateurs du Poëte Satirique, j'ai ,, cru qu'il feroit avantageux'de voir comment Perrault, vive,, ment attaqué dans cette Préface fi fouvent réimprimée, a ,, repouffé les traits lancés con,, tre lui. Ce n'eft que par la ,, comparaifon réflechie des raifons de l'un & de l'autre, qu'on peut fe former une jufte idée de leurs combats littérai,, res & perfonnels. Voilà ce ,, qui m'a principalement déterminé à imprimer cet Ecrit ou blié, & qui pourtant eft affés curieux. Dans le Parallèle de l'ODE de Chapelain au Cardinal de Richelieu avec celle de Defpréaux fur la prise de Namur, je ne vois que l'envie de rabbaiffer la moderne produc tion lirique, 11 me femble ,, qu'on ne doit comparer que les Pièces, dont le fujet eft le même; ou du moins qui peu,, vent donner lieu à des rap,, ports réels. C'est donc un def. fein bifarre & inutile, de rap,, procher deux Odes dont les penfées font éloignées les unes des autres, & même entière

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,, ment différentes. On trouve dans ce Parallèle des remar,, ques fur quelques Expreffions ,, de l'Ode de Defpréaux

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A la page 186. où commence la LETTRE à M. P*** M. l'Abbé Granet dit en Note, au fujet de ces premiers mots du titre: A M. Perrault, qui eft ,, peut être Auteur de cette Letoù le Parallèle de l'Ode de Namur avec l'Ode de Chapelain au Cardinal de Richelieu, me paroît défectueux Ce Parallèle eft en effet très-défectueux. C'eft la raison pour laquelle je ne donne point ici la Lettre qui le contient. Ce que je vais en rapporter mettra fuffi famment les Lecteurs en êtat de juger du mérite de tout l'Ouvrage, qui commence ainli. "MONSIEUR, je viens de trou,, ver, en remuant de vieux papiers, l'Ode que M. Chapelainfit autrefois pour le Cardinal de Richelieu. La mauvaife opinion , que les Satires de M. D*** m'avoient donnée de ,, cet Auteur, a fait d'abord ,, que je n'ai pas daigné la re

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indignation avec laquelle vous en parlez, je croi rois que vous ne les avez jamais lûs, & je fouhaiterois le pouvoir croire pour n'eftre pas obligé de vous reprocher une espece de mauvaise foy bien plus eftrange que tous mes Dialogues;puifqu'il eft vray, comme je vais vous en convaincre, que l'on n'y trou

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REMARQUES.

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ment des bonnes gens de ce ,, tems-là. On ne peut pas être plus furpris que je l'ai êté, ,, en lifant cet Ouvrage. Je croïois y trouver tant de dureté & tant de féchereffe, que je ne pourrois pas en lire une ,, Strophe; cependant je l'ai lue toute entière avec un extrème plaifir; & j'ai êté d'au"" tant plus touché de fa dou

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ceur & de fon harmonie, que ,, j'avois la gorge encore toute

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écorchée d'avoir lu l'Ode Pindarique. O Ciel! me fuis-je écrié, eft-il poflible que l'ode ,, a Cardinal de Richelieu foit de M. Chapelain, & que l'Ode ,, Pindarique foit de M. D***

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L'Auteur du Parallèle des Anciens & des Modernes avoit dit, ,, que M. Chapelain méritoit que la Satire l'épargnât, quand il n'auroit fait que fon Ode au Cardinal de Richelieu, & l'on faifoit difficulté de l'en croire; " mais Dieu eft jufte & il a per,, mis que M. D***. ait fait une Ode. Jufques-là on pouvoit le croire capable de compofer autre chofe que des Satires; mais il vient de nous ,, montrer que fon talent ne s'étend pas plus loin. Jufques-là ,, on ne pouvoit le comparer avec M. Chapelain; car quel », rapport d'une Satire avec une

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Ode? Mais, Dieu merci, nous ,, avons de quoi les mettre aux ,, mains l'un contre l'autre ; & je vais Monfieur, vous en donner le plaisir. Comme Pode de M. Chapelain a trence Strophes, & que celle de M. „, D***. n'en a que dix-fept, il ne feroit pas jufte de faire combattre toutes ces Strophes, & j'ai cru qu'il n'en falloit prendre que quelquesunes de chaque côté. J'oppofe la première Strophe de l'ode de M. Chapelain à la première de l'Ode de M. D***. La dixiéme à la dixiéme. La quinziéme à la quinzième, & la dernière à la dernière,,.

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N'eft-ce pas avec railon que M. l'Abbé Granet a traité cette efpèce de Parallèle d'inutile & de bifarre? Qu'en peut-il réfulter? Que des Strophes comparées, les unes valent mieux que les autres. Qu'est-ce que cela conclut pour le total des deux Odes ? M. l'Abbé Granet, plus fait pour penfer avec efprit qu'avec jufteffe femble croire, qu'on ne doit comparer que les Pièces, dont le fujet eft le même, on dis moins qui peuvent donner lieu à des rapports réels. C'est là-deffus qu'il blâme l'Auteur du Parallèle en queftion d'avoir rapproché deux ODES dont les pensées sont éloignées

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