Page images
PDF
EPUB

Seul tu peux reveler par quel art tout-puissant
Tu rendis tout-à-coup le Chantre obeïssant.
Tu fçais par quel confeil raffemblant le Chapitre,
Luy-mefme, de fa main, reporta le Pupitre,
155 Et comment le Prélat de ses respects content
Le fit du banc fatal enlever à l'instant.

Parle donc c'est à Toy d'éclaircir ces merveilles.

:

Il me fuffit pour moy d'avoir sceû, par mes veilles,
Jufqu'au fixieme Chant pouffer ma fiction,

160 Et fait d'un vain Pupitre un second Ilion.

165

Finiffons. Auffi-bien, quelque ardeur qui m'infpire,
Quand je fonge au Heros qui me reste à décrire,
Qu'il faut parler de Toy, mon Esprit éperdu
Demeure fans parole, interdit, confondu.

Arifte, c'est ainfi qu'en ce Senat illustre,
Où Themis, par tes foins, reprend fon premier luftre,

REMARQUES.

VERS 156. Le fit du banc fatal enlever à l'inftant. ] M. le Premier Préfident fit comprendre au Tréforier que ce Pupitre n'aïant êté anciennement érigé vis-à-vis la place du Chantre, que pour la commodité de fes Prédéceffeurs, il n'êtoit pas jufte que l'on obligeât M. Barrin à le fouffrir, s'il lui êtoit incommode, Néanmoins, pour accorder quelque chofe à la fatisfaction du Tréfo

rier, il fit confentir le Chantre à remettre le Pupitre devant for fiége, où il demeureroit un jour; & le Tréforier, à le faire enlever le lendemain ce qui fut executé de part & d'autre._ BROSS.

IMIT. Vers 160. Et fait d'un vain Pupitre un fecond Ilion. ] Cette penfée eft prife du Taffone, qui la tourne autrement dans la dédicace de la Secchia rapita, Chant I. Stance 2.

Poëtique que celui du Poëte
François.

Vedrai, s'al cantar mio porgi l'orecchia,
Elena transformarfi in una Secchia.
C'eft-à-dire," Tu verras, fi tu
prêtes l'oreille à mes Chants,
Helène fe transformer en un
feau Le tour du Poëte Ita-
Lien eft beaucoup plus vif & plus

"

[ocr errors]

VERS 166.

reprend fon premier luftre, ] Cet Hémistiche eft encore d'une grande dureté.

Quand la premiere fois un Athlete nouveau

Vient combattre en champ clos aux jouftes du Barreau;
Souvent, fans y penser, ton augufte presence

170 Troublant par trop d'éclat fa timide éloquence,
Le nouveau Ciceron tremblant, décoloré,

Cherche envain fon difcours fur fa langue égaré : Envain, pour gagner temps, dans fes tranfes affreuses Traifne d'un dernier mot les fyllabes honteufes ; 175 Il hefite, il begaye, & le trifte Orateur

Demeure enfin muet aux

yeux

du Spectateur.

REMARQUES.

VERS 169. Souvent, fans y penfer, ton augufte prefence ] L'Infini tif avec la Prépofition fans eft la même chofe que le Gerondif avec une Négation. Ainfi fans y penfer, c'eft-à-dire, En n'y penfant pas. Le Gérondif doit fe rapporter au Nominatif ou de la Phrafe entière, ou de la Phrafe incidente dans laquelle il fe trouve. En n'y penfant pas ne fauroit fe rapporter au Nouveau Cicéron, Nominatif de la Phrafe entière, Il faut donc qu'il fe rapporte au Nominatif de la Phrafe incidente, c'eft-à-dire à Ton augufte préfence. Qu'on me dife préfentement ce que c'eft que cette efpèce de Phrafe-ci? Souvent ton augufle préfence, troublant, fans y penfer, par trop d'éclat fa timide éloruence. Je ne vois pas qu'on puifle attribuer la penfée à la préfence. L'Auteur a voulu dire, fans que tu le veuilles, fans que tu y

penfes. Nos Poëtes font pleins de fautes femblables.

VERS 171. Le nouveau Ciceron tremblant, décoloré,] Ce dernier Terme eft bien dur dans un Vers, & d'ailleurs il n'est guè re en ufage dans la Langue.

VERS 173. & 174. Envain, pour gagner temps, dans fes tranfes affreufes, Traifne d'un dernier mos les fyllabes honteules. ] L'arrangement de la Phrafe fembloit demander que le Verbe traifne ne parut pas ici fans le Pronom il.

VERS 176. Demeure enfin muet aux yeux du Spectateur. ] L'Ora teur demeurant muet, les Auditeurs ne font plus que Spectateurs. Notre Poëte a eu en vue B... D. à qui ce malheur arriva, & qui depuis ne plaida plus.

IMIT. Ibid. Demeure enfin muet.] TERENCE dans le Phormion, A& II. Sc. I.

·Poftquam ad Judices Ventum eft, non potuit cogitata proloqui: Ità eum tum timidum ibi obstupefecit pudar,

ODES,

EPIGRAMMES,

POËSIES DIVERSES,

E T

FRAGMEN S.

DISCOURS

SUR

L'OD E.

L'ODE fuivante a efté composée à l'occafion de (2) ces eftranges Dialogues qui ont paru depuis quelque tems, où tous les plus grands Ecrivains de l'Antiquité ( 3 ) font traités d'Efprits mediocres, de gens à eftre mis en parallele avec les Chapelains & avec les Cotins, & où (4) voulant faire honneur à nostre

[ocr errors]

REMARQUES.

(1) Difcours fur l'Ode. ] Ce Titre n'annonce rien moins que la nature de ce qu'on va lire, Ce n'eft point un abregé des principales Règles de la Poëfie Liri que; c'eit uniquement une Préface, un Avant-propos où l'Auteur explique à quelle occafion il a compofé l'ODE fur la prise de Namur & quel but il s'eft propofé. Chemin faifant, il prétend défendre Pindare contre M. Perrault, qu'il traite d'une manière, qui me paroît peu conyenable. Cet Académicien répondit par une Lettre judicieuse & polie, quoique fèche en quel ques endroits, à laquelle M. Def préaux répliqua dans fes Réflexions Critiques fur Longin, & prin

cipalement dans la première.

Ce Difcours fur l'Ode fera fuivi de la Lettre de M. Perrault. Voïésy Nomb. XVII. à quel motif il attribue les mauvais traitemens, qu'il reçoit ici.

(2) ces eftranges Dialogues ] Parallèle des Anciens & des Mo dernes en forme de Dialogues. DESP.

M. Perrault en avoit publié trois Volumes, quand M. Defpréaux compofa fon Ode en 1693. Le quatriéme ne parut qu'en 1696. Bross.

(3) font traités d'Esprits mediocres, &c.] Voïés la Lettre de M. Perrault, N. II.

(4) voulant faire bonneur &c.] Voïés ibid. N. III.

« PreviousContinue »