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On lit peu ces Auteurs nez pour nous ennuyer,
Qui toûjours fur un ton femblent pfalmodier.

Heureux, qui dans fes vèrs fçait d'une voix legere,
Paffer du grave au doux, du plaifant au fevere !
Son livre aimé du Ciel & cheri des Lecteurs,
Eft fouvent chez Barbin entouré d'acheteurs.

Quoyque vous écriviez, évitez la bassesse.
80 Le ftile le moins noble a pourtant sa noblesse.
Au mépris du Bon fens, le Burlesque effronté
Trompa les yeux d'abord, plut par la nouveauté.

REMARQUES.

de l'Ecrivain & l'attention du Lecteur; coulant, en fuïant la dureté des Termes & l'obfcurité des Expreffions; pur, en ne péchant jamais contre le Génie de la Langue dans laquelle on écrit. C'est par l'union de toutes ces qualités que Virgile, toujours égal & toujours varié, n'ennuie jamais. C'eft le défaut de cet heureux affemblage, qui fait qu'aucun de nos Poemes Epi. ques ne peut être lu de fuite, &

qu'à l'exception de l'Art Poetique de nôtre Auteur & de l'Essai fur la Critique, tiré de l'Anglois de M. Pope par M. l'Abbé du Refnel, tout ce que nous avons de Poemes d'un peu longue ha leine dans le genre didactique, eft ennuïeux à la mort.

VBRS. 74. Qui toûjours sur un" ton femble pfalmodier. ] Quelques-uns ont cru que ce Vers exprimoit le fens de celui d'Ho RACE, Art. Poët. V. 355. Et Citharadus Ridetur chordd qui femper oberrat eddem.

Mais M. Defpréaux croïoit, avec la plufpart des interprètes, qu'Ho. race a voulu dire, qu'un joueur d'inftrumens qui fe trompe toujours fur la même corde, en la touchant mal, fe fait moquer de lui. Cependant Jean Bond dans fes Notes fur Horace, le P. Rapin dans fes Réflexions fur la Poëtique, le P. Lucas dans fon Poëme Latin de

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l'Action de l'Orateur, & quelques autres entendent ces paroles d'Horace d'un Joueur de Luth qui ne feroit que toucher la même corde. Interprétation ridicule & démentie par la fuite même du texte de l'Auteur

IMIT. Vers 79. Heureux, qui dans fes vers, &c. ] HORACE, Art Poëtique, Vers 343.

Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci
Lectorem delectando, pariterque monendo,
Hic meret ara liber Softis, &c.

CHANG. Vers 81. Au mépris du
Bon Jens, Il y avoit d'abord,

Sous l'apui de Scarron.

Ibid. Au mépris du Bon fens, le

On

85

On ne vit plus en vers que pointes triviales.
Le Parnaffe parla le langage des Hales.

La licence à rimer alors n'eut plus de frein.
Apollon travefti devint un Tabarin.

Cette contagion infecta les Provinces,

Du Clerc & du Bourgeois paffa jufques aux Princes. Le plus mauvais Plaifant eut fes approbateurs, 90 Et jusqu'à Dassouci, tout trouva des Lecteurs.

REMARQUES.

Burlefque, &c.] Le ftile Burlefque fut extremement en vogue depuis le commencement du dernier fiécle jufques vers l'an 1660. qu'il tomba. DESP.

VERS 85. La licence à rimer alors n'eut plus de frein. ] Elle alla fi loin, que l'on s'avifa de mettre la Paffion de JESUS-CHRIST en Vers Burlefques. C'eft un Ouvrage fort différent des anciennes Comédies de la Paffion. On le trouveroit difficilement aujourd'hui, mais je me fouviens qu'il y a trente ans il êtoit encore aflés commun, & faifoit partie de ce qu'on appelle la Bibliothèque bleue. Il me femble même que le nom de l'Auteur eft au frontifpice, & que c'eft le Sieur Jacques Jacques, Chanoine d'Ufez.

VERS 86. Apollon travesti. ] Allufion au Virgile travesti de Scarron. Avant lui, Battista Lalli, Poëte Italien avoit fait une Eneide travellie.

Ibid. devint un Tabarin.] Bouffon très-groffier, Valet de Mondor. Ce Mondor êtoit un Charlatan, ou Vendeur de baume, qui établifloit fon Théatre dans la Place Dauphine, vers le commencement du XVII, fièTome II.

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cle. Il rouloit auf dans les autres Villes du Roïaume, avec Tabarin, le Bouffon de fa Troupe. Les plaifanteries de Tabarin ont êté imprimées plufieurs fois à Paris & à Lion, avec privilége, fous le titre de Recueil des Quefiions & Fantaisies Tabarini ques. Elles ne roulent que fur des matières d'une groffièreté infupportable, & qui ne peuvent plaire qu'à la canaille.

VERS 90. Et jufqu'à Dafouci, tout trouva des Lecteurs.] Pitoyable Auteur qui a compofé l'ovide en belle bumeur. DE S P.

Charles Copeau, Sieur de DafJoucy fils de Charles Corpean, Avocat au Parlement naquit à Paris en 1604. Il mourut âgé d'environ 75. ans. La Poësie & la Mufique furent les deux Arts, qu'il cultiva; mais il réuffit mieux dans le dernier que dans l'autre. Outre une partie des Metamorphofes d'Ovide (c'est l'Ouvrage que nôtre Auteur cite) il mit encore en Vers burlefques, le Raviffement de Proferpine de Claudien. On trouve l'un & l'autre dans le Recueil de fes Poëfies publié par lui-même en trois volumes. Il eut un grand nombre d'avantures bifarres, que

B

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رو

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Mais de ce ftile enfin la Cour defabusée,
Dedaigna de ce Vers l'extravagance aisée ;

REMARQUES.

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chofes excellentes, & bldmer ce qui furpaffe leur capacité.

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VERS 91. Mais de ce file enfin la Cour defabufée, &c.] Daffoucy dans l'Ouvrage déja cité p. 252. réfute plaifamment cet endroit, en difant que le fin Burlefque eft le dernier effort de l'imagination & la pierre de touche du bel efprit. A quoi il ajoûte: "Si l'on me de,, mande, pourquoi ce Burlef,, que qui a tant de parties excellentes & de difcours agrća,, bles, après avoir fi long-tems , diverti la France, a ceflè de divertir nôtre Cour; C'eft ,, que Scarron a celle de viVIC & que j'ai ceflé d'écrire. Et fi je voulois conti,, nuer mon Ovide en belle bumeur, cette même Cour, qui fe divertit encore aujourd'hui des Vers que je lui préfente, s'en divertiroit comme aupa,, ravant;& mes Libraires qui ont imprimé tant de fois cet Ou

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M. Bayle a pris foin de recueillir dans un Article de fon Ditionnaire, & que lui-même écrivit d'un Stile bouffon, fouvent très plat, quelquefois paffablement ingénieux. C'eft dans la partie de cet Ouvrage, intitulé: Aven tures d'Italie P. 241. qu'il dit au fujet de l'exacte juftice, que nôtre Auteur lui rend dans le Vers, qui donne occafion à cette Remarque: "Ah! cher Lecteur, fi tu fçavois comme ce, tout ,, trouva, me tient au cœur, tu plaindrois ma deftinée. J'en fuis inconfolable & je ne , puis revenit de ma pâmoifon, principalement quand je penfe », qu'au préjudice de mes titres, dans ce Vers qui me tient lieu d'un Arrêt de la Cour de Parlement, je me voi déchu de ,, tous mes honneurs; & que ce Charles Dafoucy, d'Empereur du Burlefque qu'il êtoit, premier de ce nom, n'eft aujourd'hui, i on le veut croire,,,vrage, en feroient encore au,, que le dernier reptile du Par- ,, tant d'Editions,,. nafle & le marmiton des Mufes. Que faire Lecteur, en cette extrémité après l'ex,, communication qu'il a jettée fur ce pauvre Burlefque fi difgracié? Qui daignera le lire, ,, ni feulement le regarder dans le monde fur peine de fa malediction Daffoucy trouve néanmoins fa confolation dans la réflexion fuivante. Voilà, cher Lecteur, ce que l'on gagne à faire de bons vers burlefques..... Mais quoi, il n'eft pas nouveau de voir des efprits jaloux pefter contre les

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Diftingua le naïf du plat & du bouffon
Et laiffa la Province admirer le Typhon

C

REMARQUES.

VERS 94. phon.] TYPHON, ou la Gigantomachie, Poeme burlefque de Scarron, dans lequel il décrit la Guerre des Géans contre les Dieux. Il parut en 1644. M. Def préaux convenoit que les premiers Vers de ce Poëme funt d'une plaifanterie affès fine. BROSS.

admirer le Ty-dicule de plufieurs Poëtes, meme célèbres, qui commencent leurs Poemes par élever leur Héros jufqu'au Ciel. La Cenfure que M. Defpréaux fait en cet endroit de l'Ouvrage de Scarron engagea Desmarêts à dire p. 80. "Notre Docteur des Poëtes fait , bien voir la foiblefe de fon goût, ou la malice de fon envie, quand il dit :

Le début du Typhon eft en effet une Satire ingénieufe du ri

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Diftingua le naif du plat & du bouffon,
Et laiffa la Province admirer le Typhon.

,, Cette Pièce de Typhon eft le plus agréable & le plus délicat ,, ouvrage de fon Auteur, l'un 3, des plus beaux efprits de Fran,, ce, à la délicatele duquel celui-ci n'arrivera jamais; & ,, l'on peut dire que fa mort fenle eft caufe que l'on ne fait ,, plus de Burlefque, parce que nul ne peut approcher de fa ,, perfection Il ajoute un peu plus loin, que le Stile burlefque n'eft plat, qu'êtant traité par des efprits plats. Il faut avouer qu'on trouve des chofes fines, délicates, ingénieuses charmantes dans les Vers burlesques de Scar ron, qui véritablement avoit infiniment d'esprit. Mais auffi, quelle foule de platitudes, futtout dans fes Ouvrages d'une cettaine longueur !

M. Naudé dans fon Mafcurat,p. 166. a cru faire honneur à Marot en le faifant pafler pour un Poëte burlefque. Balzac dans fa XXIX. Differtation, & le P. Vavaffeur dans fon Traité de Ludicra dictione, femble avoir fait

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confifter le principal caractère du Stile burlesque dans l'imitation de nos vieux Auteurs, & particulièrement de Marot. Il va même jufqu'à dire que s'il falloit irrémiffiblement que le fiile de Marot, & que le genre Burlesque périffent, il demanderoit grace pour les Avantures de la Souris (de Sarrazin) pour la Requête de Scarron au Cardinal, & pour celle des Dictionnaires à l'Acadé mie, (par Ménage, ) Mais le véritable caractère du Burlesque n'a pas êté fuffisamment connu de ces Ecrivains, fi judicieux d'ail leurs. Placer Marot parmi les Poëtes Burlesques & donner aux trois Pièces réservées par Balzac le nom de Poefies Burlefques c'eft confondre le naif avec le bouffon, & l'agréable avec le ridicule, entre lefquels il y a une distance que l'on ne fauroit miefurer. BROSS.

Au refte, à bien prendre le Stile Burlefque de Scarron, ce n'eft en beaucoup de chofes qu'une imitation de la Profe de Rabelais.

95 Que ce stile jamais ne foüille vostre Ouvrage. Imitons de Marot l'élegant badinage,

Et laiffons le Burlesque aux Plaisans du Pont-neuf.

Mais n'allez point auffi fur les pas de Brebeuf,
Mesme en une Pharfale, entaffer fur les rives,
100 De morts de mourans cent montagnes plaintives.
Prenez mieux voftre ton. Soyez fimple avec art,
Sublime fans orgueil, agreable fans fard.

N'offrez rien au Lecteur que ce qui peut luy plaire.
Ayez pour la cadence une oreille fevere.

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coupant

105 Que toûjours dans vos vers le fens Sufpende l'hémistiche; en marque le repos.

REMARQUES.

VERS 97:
aux Plaifans du
Pont-neuf.] Les vendeurs de Mi-
thridate, & les joueurs de Ma-
rionnettes fe placent depuis long
tems fur le Pont-neuf. DE S.

PREAUX.

les mots,

Voïés les cinq derniers Vets du troifiéme Chant.

VERS 100. De morts & de mourans cent montagnes plaintives. ] Vers de Brebeuf, dans fa Pharfa le, Livre VII.

· De mourans & de morts cent montagnes plaintives,
D'un fang impétueux cent vagues fugitives, &c.
Ces violentes hyperboles ne font
point dans fon Original, tout
outré qu'il eft d'ailleurs; & Eré-
beuf femble pluftoft les avoir em-
pruntées d'Aurelius Victor, dans
la vie de Julien, où cet Auteur
dit: Stabant acervi montium fimi-
les, fluebat cruor fluminum modo,
Ces Expreffions font plus mo-

deftes que celles de Brébeuf. Le
bourfouflement de fon fecond
Vers dégénère en burlefque ; &
le premier eft outré par l'Epithè-
te plaintives donnée à Montagnes;
car il eft d'ailleurs affés ordinai-
te, fur tout en Poëfie, de dire,
comme Corneille a fait dans Ni-
comède, Act. III. Sc. I.
des Rivieres de fang.
gue, intitulée Chrifline,

Des Montagnes de morts,
Vers que Ménage retourna de
cette manière dans fon Eglo- à la Reine de Suède.

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adreffée

Montagnes de morts.
de la Céfure, il l'a extrêmement
marquée dans ce Vers. BROSS.
Desmarêts, p. 82, & Pradon

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