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Et par tout des discours, comme une idolatrie, Dans leur faux zele, iront chaffer l'Allegorie. Laiffons-les s'applaudir de leur pieuse erreur : Mais pour nous, banniffons une vaine terreur, 235 Et fabuleux Chreftiens, n'allons point dans nos fonges Du Dieu de vérité, faire un Dieu de menfonges.

REMARQUES.

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"

de fes eflais dun genre de Poëfie,
pour lequel ils n'annoncent que
fon manque de talens, met un
long difcours dans la bouche de
La Guerre, qu'il fait reparoître,
enfuite fous les noms de Pallas
& de Bellone.

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VERS 232.

-chaffer l'Allegorie.] Et pourquoi accufer les ,, Poëtes Chrétiens de chaffer l' Al,, légorie, puifque leurs Poëmes font pleins de celles qui font », raisonnables,,? C'eft ce que demande Desmarêts p. 94. & la queftion me paroît bien fondée. Nôtre Auteur outre un peu dans cet endroit. On peut condamner l'ufage des Fables Païennes, & ne pas rejetter l'Allégorie, non plus que toutes les hardiefes du Langage Poëtique.

VERS 233. Laiffons-les s'applaudir de leur pieufe erreur: ]" L'opinion de ceux qui banniffènt ,, les faux Dieux des Poemes bre

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& par bon jugement; parce ,, qu'il n'y a point de Poefie Hé. roique, fi les Fictions n'en font fondées fur le vraisemblable, qui a fon fonds unique fur la vérité des chofes furnaturelles, ,, que nous croïons,,. Cet Auteur ne fait pas toujours rendre ce qu'il penfe. Ce qu'il dit en finiflant est très-raisonnable. S'il êtoit poflible que nous autres François fudions affectés jufques à certain point du Merveilleux feint, il faudroit néceffairement que ce Merveilleux pour nous paroître vraisemblable, reflemblât aux choses surnaturelles, que nous croïons & qu'il fut imaginé d'après elles. Il continue tout de fuite: "S.

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Gregoire de Nazianze, qui eft ,, un excellent Poëte Grec, a mêlé des Fictions parmi les grands Miftères qu'il a traités; il ne l'a point fait par une ,, pienfe erreur mais par raifon. Et les chofes que nous croïons font fi grandes par la toute,, puiffance du feul Dieu, & par les grandes merveilles qu'il a faites, & qui donnent de fi grandes idées pour en feindre de pareilles, qu'il n'y a rien dans les Fables qui puiffent ap,, procher de leur grandeur & de leur beauté,

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tiens, dit Desmarêts, page 94.
,, n'eft point fondée fur la piété,
ni fur la devotion, mais fur
,, la feule raifon ; de quoi même
tout impie doit demeurer d'ac-
cord; pourvu qu'il lui refte
quelque jugement,,. Il avoit
déia dir, p. 88. "Il ne faut
,, pas dire, qu'un Poëte parmi,,
,, nous fait par une pieufe erreur
,, ce qu'il fait par la feule raifon,

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vers,

La Fable offre à l'efprit mille agremens divers. Là tous les noms heureux femblent nés pour les Ulyffe, Agamemnon, Oreste, Idomenée, 240 Helene, Menelas, Pâris, Hector, Enée. Ole plaifant projet d'un Poëte ignorant, Qui de tant de Heros va choifir Childebrand! D'un feul nom quelquefois le fon dur ou bizarre Rend un Poëme entier, ou burlesque ou barbare. 245 Voulez-vous long-temps plaire, & jamais ne lafser? Faites choix d'un Heros propre à m'interreffer,

En valeur éclatant, en vertus magnifique.

Qu'en lui, jufqu'aux defauts, tout fe monftre heroïque :

REMARQUES.

VERS 242. Qui de tant de Heros va choifir Childebrand!] C'est le Héros d'un Poëme Héroïque intitulé: Les Sarrazins chaffés de France composé par le Sieur de Sainte Garde qualifié dans le Privilége daté du mois d'Octobre 1666. Confeiller & Aumônier du Roi. Ce Poëte fe voïant raillé fur le choix & fur le nom de fon Héros, publia la Défenfe des beaux Efprits, petit Ouvrage rempli d'injures groffières contre M. Despréaux, & dans lequel il s'efforçoit de juftifier fon choix par la conformité qu'il trouvoit entre le nom de Childebrand & celui d'Achille, BROSS.

Le Poëme des Sarrazins chaffés de France, devoit avoir feize Livres. L'Auteur publia les quatre premiers en 1667. à fon retour d'Espagne, où il avoit fuivi l'Ambafladeur de France. Au refte le nom de Childebrand,

nom peu heureux pour la Poëfie Héroique, eft connue dans nôtre Hiftoire. De Serres du Pleix Mezeray difent, qu'il fut envoié par Charles Martel, fon Frère, au devant des Sarrafins, qui ravageoient la Guienne. ED. P.1740.

Ce feroit pouffer un peu loin la délicateffe, que de rebuter un Poëme, bon d'ailleurs à tous égards, par la feule raifon, qu'il s'y trouveroit quelques Noms propres dont le fon ne feroit pas aflés harmonieux. Tout ce que nôtre Poëte dit ici des Noms heureux de la Fable, qui femblent nés pour les oreilles me paroît prodigieufement frivole, & peu digne d'un Auteur auffi judicieux.

en ver

VERS 247. tus magnifique. ] DESMARESTS, P. 95. reprend cette Expreffion comme mauvaife façon de parler. Elle n'eft en effet que du pur jargon.

Que fes faits furprenans foient dignes d'eftre oüis :
250 Qu'il foit tel que Cefar, Alexandre, ou Loüiis,
Non, tel que Polynice, & fon perfide frere.
On s'ennuye aux exploits d'un Conquerant vulgaire.
N'offrez point un Sujet d'incidens trop chargé.
Le feul courroux d'Achille avec art ménagé,

VERS 249.

REMARQUES.

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dignes Il faut que l'Action du Poëme d'eflre ouis. Cet Hemiftiche, foit heureufe pour laiffer l'effelon Desmarêts, p. 95. 'n'eft prit du Lecteur fatisfait; & ,, que pour rimer à Louis On qu'elle foit louable pour être un dit des Faits d'un Héros, qu'ils exemple public de vertu. C'est font dignes d'être racontés, écrits, la Règle que nôtre Auteur propubliés, célébrés chantés &c. pofe. BROSS. mais on ne dit pas, qu'ils font dignes d'être ouis, entendus, écoutés. VERS 251. Non, tel que Polynice &fon perfide frere. ] POLYNICE & ETEOCLE, Frères ennemis, Auteurs de la guerre de Thebes. Voyez La Thebaide de Stace. DESP.

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Et prodeffe volunt & Mais en faut il conclure, que PAion du Poeme Epique doive neceffairement être heureufe & louable, afin de laiffer d'une part l'efprit du Lecteur fatisfait & d'être de l'autre un exemple public de vertu? Non fans doute, ou bien il faut convenir, que cette Règle eft mal obfervée dans l'Iliade. La Colère d'Achille eft-elle une Action louable ? Dans quelque fiftême de morale que ce puiffe être on décidera que non. Elle eft heureuse pour A., chille & pour les Grecs : j'en conviens. La mort d'Hector vange celle de Patrocle, & prélude à la ruine de Troie ; mais elle ne laifle pas mon efprit fatisfait. Cet Hector eft le feul Héros véri

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Je vois bien qu'en effet nôtre Auteur propofe cette Règle; mais je ne vois pas quelle en eft la néceffité. Je conviendrai fi l'on veut, que tout Poëme doit avoir un but moral, parce que tout Poëme doit inftruire en amufant.

delectare Poëte.

tablement intéreffant qu'il y ait dans toute l'Iliade; & je ne puis pas ne me point affliger de fa mort. Cette courte obfervation fuffit pour montrer le peu de vérité de la Règle, que nôtre Auteur donne ici. Ce qui conftitue le Poëme Epique, c'eft uniquement fa forme. Pourvu que l'Action foit unique qu'importe qu'elle foit heureuse ou malheureuse, loüable ou non loüable? Tout eft fufceptible d'un bur moral; tout conduit également à l'inftruction. On peut propofer des vices à fuir, auffi bien que des vertus à pratiquer.

IMIT. Vers 253, N'offrex poing un Sujet, &c.] La Frefnaie-Van quelin dit, Art Poet. Liv. I, -de trop d'abondance, Garde toi de la Mufe enfraindre l'ordonnance,

55 Remplit abondamment une Iliade entiere.
Souvent trop d'abondance appauvrit la matiere.
Soyez vif & preffé dans vos narrations.
Soyez riche & pompeux dans vos defcriptions.
C'est là qu'il faut des vers étaler l'élegance.
260 N'y prefentez jamais de baffe circonftance.
N'imitez pas ce Fou, qui décrivant les mers
Et peignant au milieu de leurs flots entr'ouverts
L'Hebreu sauvé du joug de fes injuftes Maistres,
Met pour le voir paffer, les poiffons aux feneftres,
265 Peint le petit Enfant qui va, faute, revient,
Et joyeux à fa Mere offre un caillou qu'il tient.
Sur de trop vains objets c'eft arrefter la veuë.
Donnez à voftre ouvrage une jufte étenduë.

REMARQUES.

VERS 261. N'imitez pas ce Fou,
&c.] S. Amant. DE S P.

Les poiffons ébabis
Moïfe fauvé. DESP. Ce Vers eft de
la cinquième partie de ce Poëme.
Le P. Ant. Millieu, Jéfuite,

VERS 264. Met pour le voir paf fer, les poiffons aux feneftres,] les regardent passer.

dans fon Mofes Viator, imprimé à Lion in-8°. 1636. Liv. V. N. 18. avoit dit avant S. AMANT,

Hinc inde attoniti liquido ftant marmore pifces.

VERS 265. Peint le petit en fant qui va, faute, revient. ]

Voici les Vers de Saint Amant, au même endroit :

La l'enfant éveille courant fous la licence

Que permet à fon åge une libre innocence

?

Va, revient, tourne, faute ; & par maint cri joïeux,
Témoignant le plaifir que reçoivent fes yeux,
D'un étrange caillon qu'à fes pieds il rencontre,
Fait au premier venu la précieuse montre :
Ramaffe une coquille & d'aise transporté,
La préfente à fa mere avec naïveté,

Voits Tome III. les Réflexions Critiques fur Longin. Réflex. VI,

Que le debut foit fimple & n'ait rien d'affecté. 170 N'allez pas dés l'abord, fur Pégaze monté,

Crier à vos Lecteurs, d'une voix de tonnerre,
Je chante le Vainqueur des Vainqueurs de la Terre.
Que produira l'Auteur aprés tous ces grands cris?
La Montagne en travail enfante une souris.

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,, Je chante les combats &

Il n'y a rien de fi piteux, que ,, cet Homme pieux; car Homme n'eft pas égal à la force du Vi,, rum de Virgile, & il devoit traduire le fato profugus, mais il n'en a pas eu la force Ne feroit on pas fâché que la cri,,tique de Desmarêts fût jufte ?

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530

A l'égard du Vers de Scuderi,
Voici ce qu'on trouve à fon fu-
jet dans l'Edition de Paris 1740.
Que la faute eft belle s'écrie
SAINTE GARDE dans fa De'-

دو

nulle enflure, dit Desmarêts, p.
95. & tout de fuite il critique la
traduction que nôtre Auteur fait,
Vers 278. 279. & 280. du début
de l'Eneide."Et comment ofe-
t'il nous préfenter, dit-il,
,, pour un Vers d'un ton
,, fé, doux, fimple, harmo-
,, nieux,

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cet Homme pieux, &c.

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FENSE DES BEAUX ESPRITS, qui તે ne déplait point à STACE, qui ne déplaît point à LUCAIN,qui ne dé plait point à SILIUS ITALICUS, ,, qui ne déplait point à CLAU

"

,, DIEN,,.

On peut juger par ce paffage du goût de Sainte Garde, & de fa fidélité dans la critique. Les débuts de Stace, de Lucain, & de Claudien font très-empoullés. Pour Silius Italicus, il commence d'une manière aflés fimple. Ordior arma quibus cælo fe gloria tollit neadum, patiturque ferox Oenotria jura. Carthago.

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IMIT. Vers 273. Que produira l'Auteur aprés tous ces grands cris?] Que le debut foit fimple

Dans ce Vers, dans ceux qui le
précèdent depuis le Vers 269.
& n'ait rien d'affecté ;

& dans ceux qui fuivent jufques au Vers 286.
Et déja les Céfars dans l'Elysée errans.

M. Defpréaux le modèle fur les
dix premiers Vers de cet endroit

d'Horace, dont il imite quelques traits. Art Poët, Vers 136.

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