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régions où elle s'enracnia et s'y montra partout originale. Parmi ses œuvres, ressort avec un caractère spécial l'occidentale ou hispanomauritaine, qui comprend l'Espagne, le Marroc et celles qui fu rent un temps les régences berbères, et l'on peut affirmer que notre sol fut le centre principal qui produisit les merveilles du style Naserite ou de Grenade, duquel sortirent les ouvriers et architectes qui construisirent les ouvrages les plus renommés d'Alger et de Tlemecen; mais en ce même temps il se produisait dans la Péninsule espagnole une autre architecture, expression des diverses influences qui d'une part et d'autre se joignent et compénètrent en elle, architecture que nous dénominons Mudejar et qui, comme je vous l'ai dit, est aussi diverse que les époques qu'elle traverse, ainsi que les régions où elle se développe.

Dans l'Aragon, la Castille et l'Andalousie elle a sa physionomie propre, toutefois celle de l'Aragon est plus indépendante et plus libre par suite de son éloignement politique et géographique du centre principal de l'architecture hispano-arabique, elle produit les œuvres de Saragosse et de Teruel qui, en fait de beauté, ne le cèdent en rien aux plus renommées du Moyen-Age. Dans la Castille, se forment deux écoles distinctes, la Tolédane et celle que nous appellerons Castellana proprement dite, dont le centre principal se trouve dans la région de Medina del Campo, Valladolid et Ségovie et qui caractèrise tellement cette société espagnole, que ses monuments forment son histoire et sa chronique les plus authentiques, école qui a vu malhereusement disparâitre lentement ses œuvres, dont le palais de l'Infantado de Guadalajara est le monument le plus important que nous conservions. L'école tolédane se développe indépendante à la chaleur de la tradition arabique qui là, s'y perpétua avec une extraordinaire fermeté jusqu'à la fin du Moyen-Age, avec une telle originalité, que lorsque le Roi Don Pedro amena des artistes de Tolède et de Granade pour décorer l'Alcazar de Séville, on voit clairement ce que les uns et les autrees firent dans cette splendide et orientale demeure du Monarque Castillan.

Dans l'art tolédan vous verrez reparaître, à travers les générations et les siècles, l'art des Pharaons et des anciens peuples de Syrie, conservant la marque de leur origine, ainsi que les mots conservent la leur, à travers les transformations des langues. Le Mudejar andaloux, plus en contact avec l'architecture grenadine, a avec celle-ci de tels points de ressemblance qu'ils se confondent et même ils les surpassent dans certaines œuvres, telles que la Chapelle de Don Enrique (de Villaviciosa) dans, la cathédrale de Cordoue et dans quelques

unes de l'Alcazar sévillan jusqu'au moment où, mort le pouvoir mahométan en Espagne, il prend de plus en plus une nouvelle et caractéristique physionomie et produit des ouvrages tels que les palaisdes Pilates et de las Dueñas de Séville avec un caractéristique mélange arabe, gothique et renaissance. Une fois effacés les derniers vesges du pouvoir et de l'architecture arabesque sous l'absorbante influence de la renaissance, la menuiserie Mudejar, la branche la plus importante de ce style, continua encore pendant plus d'un siècle à couvrir les nefs des temples avec ses assemblages compliqués et artistiques ainsi qu'elle le fit pendant le Moyen-Age, en imprimant de la sorte un caractère aux bâtiments construits suivant les styles des architectures du Nord.

L'Espagne, vers la fin du Moyen-Age, réalise l'acte le plus grand et le plus transcendental qu'enregistre l'histoire humaine, avec la découverte et conquête du Nouveau Monde et, à partir de ce moment, l'Espagne qui depuis les temps les plus éloignés avait vu son sol envahi par les races de l'ancien, se trouve être à son tour l'envahisseur et porte sa langue, sa civilisation et ses arts aux confins de la Terre, ce qui permit de dire à Philippe II, que le soleil ne se couchait pas dans ses états, évén ément qui eut une transcendentale importance pour l'architecture espagnole.

Avec la nouvelle ère il se produit sur notre sol la même évolution que dans le reste de l'Europe avec l'influence de l'architecture de la Reinaissance italienne qui substitua celle des peuples du Nord; or com me la chaîne de l'histoire ne se rompt ni reste sans solution de continuité, les architectes de la Renaissance, malgré leur enthousiasme pour l'art classique, élevèrent des constructions dans lesquelles se trouve incarné l'esprit du Moyen-Age, comme on le voit dans les cathédrales de Málaga et de Grenade, véritables bâtiments gothiques déguisés d'un revêtement Greco-Romain. L'architecture de la Renaissance se distingua dès son début en Espagne par un luxe ornemental qui nécessairement devait la conduire dans de baroques extravagances. Dans cette architecture, les constructeurs, peut-être bien parce qu'ils maniaient non seulement le compas, mais aussi le ciseau et qu'ils étaient, nombre de fois, maîtres dans les trois arts: Architecture, Sculpture et Peinture, ne voyaient plus devant eux qu'un champ ad hoc dans lequel ils pouvaient exercer leur génie et leur habilité, aussi bien comme peintres, que comme sculpteurs, d'où il ressort que, le temps s'écoulant, il n'est pas étonnant de voir s'altérer l'harmonie et se rompre les liens intimes qui existent entre la décoration et la struc

ture.

L'art ne fut pas porté à un tal degré par des architectes tels que

Egeas, Juan de Badajoz, Guillermo Doncel, Diego de Siloe, Gil de Hontañon et plusieurs autres maîtres du XVIe siècle, tous architectes et sculpteurs qui, conduits par leur bon goût et leur expérience technique, se limitèrent à orner les membres architectoniques sans interrompre leurs lignes et sans dissimuler leur emploi dans la construction, en nous laissant d'admirables types de ce style que nous appelons Plateresco». Mais il arriva enfin un jour où l'abus notoire des décorateurs se fit insupportable, l'ornement prit le dessus et prit la place de la structure, la gravité architectonique disparut sous le cumul d'inopportunes galas et, comme cela est toujours arrivé dans des cas analogues, il se produisit une réaction rigide, austère, intolérante et aussi froide, comme avait été pompeuse et exhubérante la manie de la décoration. Les froides compositions de Juan de Herrera, grand génie sans aucun doute, mais d'une sévérité à outrance et qui fit sentir son influence dans tous les ouvrages d'importance construits à son époque, donnent la preuve évidente de cette réaction qui chassa pour toujours le jeune esprit de la Renaissance, avec toutes ses imprudences, mais aussi avec toute sa fécondité et sa grâce.

A cette réaction qui parût alors un profitable retour aux traditions classiques plus pures, suivit une période de sénile stérilité, où le génie étant étouffé, il ne put donner des créations qui, par lui même, comme point brillant, illuminât ce monde mort d'œuvres tristes et sans goût.

Juan de Herrera ne put léguer sa grandeur à ses imitateurs, qui en le suivant n'arrivèrent, qu'à appauvrir davantage leurs formes jusqu'à effacer les dernières traces de l'inspiration spontanée. La réaction, dans un cas poussé à l'extrême comme celui-ci, était nécessaire et ne se fit pas attendre. L'architecture restituée aux mains des maîtres, non seulement architectes, mais aussi sulpteurs, ou des peintres à la façon des anciens, chercha le moyen de recouvrer son indépendance et de secouer le joug tyrannique et stérile des préceptes, ainsi que, pour ne pas priver de stimulation à une si grande entreprise, elle porta ses regards sur cette même Italie, d'où elle avait reçu des fécondes leçons pendant la splendide période de la Renaissance. En Italie, l'art avait également suivi un pareil cours, et pouvait par conséquent nous servir à nouveau de modèle; or, ni en Italie ni en Espagne il n'était plus possible de retourner en arrière et de ressusciter une inspiration passée. Ce n'était plus les Bramante et les Sangallo, mais bien les Bernini et Boromini qui régnaient dans l'art italien, el l'Espagne ne pouvait pas y répondre par des génies comme les Siloe et Villapando, et bien seulement par de timides imitateurs d'un art qu'ils croyaient original et libre, ou bien par d'effrenés rebelles qui

oubliant toute discipline, prirent l'exaltation comme marque d'originalité et de vaillance. Il est évident que parmi eux il y en eut qui possédèrent le génie suffisant pour démontrer, sinon leur goût, au moins leur esprit inventif; or, une fois arboré le drapeau de la rebellion, avec l'approbation du vulgaire sans doute, même la plus triviale fantaisie trouva sa route libre pour délirer à sa guise, oubliant jusqu'aux principes élémentaires de la technique et détruisant les lignes monumentales, d'où il s'ensuit que la décoration archithectonique se réduisit à un ramas monstrueux de feuillages, figures, nuages, plumes, draps et de formes inintelligibles, comme celles que forgèrent Tomé dans le célèbre Transparent de la Cathédrale de Tolède et Pedro de Ribera dans le frontispice de l'Hospice de Madrid.

Tel était l'état dans lequel se trouvait l'Architecture Espagnole au commencement du XVIIe siècle et comme, d'autre part, l'abus de la décoration amena encore une fois la provocation d'une réaction grecoromaine ou soit puriste, et que ceci vint justement coïncider avec l' avénement au trône du petit fils de Louis XIV, on est porté à croire que c'est de la France qu'arriva la restauration de notre Architecture. Il est vrai, que le nouveau monarque étant élevé dans cette fastueuse et brillante cour, apporta à sa nouvelle patrie de plus larges ho rizons que ceux que l'Espagne de Charles II lui offrait, mais ce n' est pas en France mais en Italie, où le nouveau monarque alla á la recherche d'un art qui mît un frein par ses œuvres et ses doctrimes à l' effrénée fantaisie de nos Architectes et c'est aux soins des Artistes italièns qu'il confia la construction du nouveau palais. En Espagne le style burroco ou Churrigueresco est généralement confondu avec le français de Louis XV; et bien que l'un et l'autre aient la même origine, le barroquisme espagnol ne concorde pas avec le français, même pas chronologiquement.

Le point culminant de l'espagnol correspond aux dernières années du XVIIéne siècle et comprend dans son évolution les règnes de Philippe IV, Charles II et Philippe V, tandis que le style de Louis XV, comme d'ailleurs son nom l'indique, correspond au règne de ce monarque et au deuxième tiers du XVIIIéne siècle, temps pendant lequel, non seulement était déjà initié la restauration greco-romaine en Espagne, mais qu'encore on avait élevé, ou on élevait les meilleurs ouvrages de Juvara, Sachettí, Sabatini et Don Ventura Rodríguez, sûrement le génie le plus caractéristique de son temps. Ceci ne veut nullement dire que je rejette l'influence française dans notre architecture; je reconnais même qu'elle nous parvint grandement et avec de très heureux résultats dans les styles roman et gothique; influence d'une plus grande transcendance sous certain point de vue que

celle reçue de l'Italie depuis le XVIêne siècle en ce qui concerne l'art dont il s'agit; de même il est certain qu'en France on cultivait un autre art monumental, qui signalait une réaction et protestation; à cet art, correspondent certains édifices, tels que la colonnade du Louvre, le Panthéon, le Garde Meubles, le Ministère de la Marine, l'église de la Madeleine, etc; et que ce mouvement influença sur notre Architecture, pourtant quoiqu' en Espagne la protestation fut analogue, elle n'était pas aussi violente, ce qui se devait peut-être à la conservation de restes de décoration baroque dans l'architecture monumentale, quoique ces restes ne révélassent point le gracieux que leur communiquaient des artistes aussi prestigieux que Donoso ou Churriguera, lorqu'ils employaient l'ornementation dans leur époque, ce à quoi mit fin Jean de Villanueva avec son style classique rigide et correct. Après ceci, nous arrivons, Mrs. les Congressistes, aux commencements du XIX siècle et de l'époque contemporaine et comme le but de ma péroraison n'était que celui de vous présenter une idée succinte de l'évolution de l'architecture espagnole pendant les périodes les plus caractéristiques et brillantes de son histoire, je termine en vous remerciant de la bienveillante attention que vous avez bien voulu me prêter. (Applaudissements et félicitations enthousiastes). Immédiatement après le Secrétaire Général du Congrès. M. Cabello y Lapiedra, lit le suivant rapport:

Mr. Le Ministre:

Mesdasmes:

Messieurs:

Le Secrétariat Général, va avoir l'honneur de vous rendre compte des travaux qu'il a réalisés pour organiser le VI Congrès International des Architectes, et de ses efforts, pour lui donner le plus grand éclat possible.

Par suite de la détermination prise durant la séance de clôture du Vme Congrès International tenu à Paris en 1900, certains de nos Collègues, furent nommés, membres du Comité Permanent International pour représenter l'Espagne dans les divers Congrès. Ce sont. MM. Velazquez Bosco, Repullés y Vargas et Urioste y Velada.

Ces MM., pour s'en tenir à la décision du Vme Congrès, obtinrent de M. le Ministre de l'Instruction Publique et des Beaux Arts, l'autorisation de former un Comité Central d'organisation et de propagande; autorisation qui leur fût notifiée, par décret Royal du 9 Mars. 1902.

Dans ce Comité Central on fit entrer comme membres d'honneur, MM. les Ministres de la Couronne et les autorités principales de la Nation. De plus, on s'assura le concours des Académies, des Centres

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